CHAPITRE II

LE TRAVAIL DE LA SÉLECTION

« Est-ce que vous-même vous croyiez à votre théorie », demandera plus tard Dover Wilson à Greg dans la lettre-préface de son ouvrage, « je n’ai jamais pu le découvrir. Mais c’était de toute beauté ; et d’un toupet formidable. Manifestement, ce qui vous avait mis à feu, c’était un point remarquable touchant la pantomime du spectacle, que les critiques antérieurs semblent avoir presque complètement ignoré1 ».

Se placer au même point que l’autre pour y voir ce qu’il y voit, c’est d’abord choisir de regarder les mêmes extraits de la pièce que lui. Or il est de fait que l’on s’est peu intéressé à ce passage de la pantomime, souvent oublié dans les mises en scène, au bénéfice de la pièce de théâtre qui lui succède. Et que, s’y étant peu intéressé, on ne s’est pas trouvé en situation de poser la question simple et machiavélique que pose Greg dans son article.

Or, s’il y a un domaine, dans le champ de la critique, où la place de la syllepse est écrasante, ou, si l’on préfère, où le texte diffère du texte, c’est bien celui de cette sélection des unités textuelles appelées à venir à l’appui d’une démonstration théorique. Théoriser à propos d’un texte, c’est y relever un certain nombre d’éléments qui ne coïncideront jamais exactement avec ceux qu’aura choisis une autre approche critique. Ce n’est donc pas avoir affaire avec la totalité du texte, mais avec une partie de celui-ci, déjà hautement personnalisée par les découpes dont elle est le produit.

La sélection est l’opération majeure par laquelle s’effectue la séparation entre le texte général et le texte singulier. Derrière une apparence de neutralité objective – d’autant moins contestable qu’il lui arrive de s’appuyer sur des citations qui sont, pour ainsi dire, leur propre preuve –, elle donne comme objet à chaque approche critique l’un des innombrables sous-textes virtuels que toute œuvre recèle et dont la réunion hypothétique pourrait constituer le texte général, dans un monde réconcilié où dominerait le point de vue de Dieu.

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Le premier problème tient à la sélection des passages. Le plus souvent, deux critiques différents ne mettent pas l’accent sur les mêmes passages d’une œuvre, et ce en fonction des nécessités de leur démonstration. De ce fait, celui qui entreprend de confronter les lectures d’Hamlet se trouve rapidement submergé par le nombre de textes critiques en jeu, mais aussi, faute que les mêmes extraits soient en cause, par la difficulté à trouver des points communs entre ces textes, qui permettraient de les faire entrer en dialogue.

On en jugera par un parcours rapide des types de lectures les plus fréquemment rencontrés. Il faut ainsi signaler toutes celles qui portent sur les personnages, en privilégiant les passages où ils apparaissent, et en premier lieu sur Hamlet. La célèbre hésitation du héros – qualifiée par Jones, qui recense une centaine de lectures préfreudiennes, de « sphinx de la littérature moderne2 » – a été évidemment une source de commentaires infinis. Mais d’autres comportements d’Hamlet ont suscité des lectures multiples. On a par exemple apporté des réponses différentes à la question de savoir s’il avait changé après son voyage vers l’Angleterre, à sa conduite dans la scène du théâtre et dans celle du cimetière, à son attitude envers Ophélie et dans la scène du carnage final. Sans oublier ce par quoi commence toute l’histoire, c’est-à-dire les apparitions d’Hamlet père à son fils, qui ont donné lieu aux hypothèses les plus variées.

À ces lectures portant sur Hamlet lui-même, il convient d’ajouter les analyses portant sur d’autres personnages. En relativisant l’importance du héros traditionnel, elles convoquent d’autres passages de la pièce, même si des recoupements peuvent s’effectuer ici ou là. Elles conduisent aussi à centrer autrement l’intérêt et à modifier sensiblement les perspectives de lecture, y compris dans l’appréhension générale de l’œuvre3.

Ce type de lecture, qui tente de comprendre un personnage, prend le plus souvent en compte une grande partie ou la totalité de l’œuvre, ou en tout cas la lit transversalement en réunissant tous les passages où le personnage étudié intervient. D’autres lectures, en revanche, se centrent sur une ou plusieurs scènes. C’est le cas de l’un des textes de Rank, consacré à la scène du théâtre4, de celui de Greg, centré sur la scène d’ouverture et la pantomime5, ou de celui de Symons, à propos de la scène du cimetière6. Cette approche peut se combiner avec celle portant sur les personnages : le texte de Lacan examine en détail quelques scènes majeures, tout en menant en même temps l’analyse de plusieurs personnages.

La pièce, comprise cette fois en tant que telle, a donné lieu à de multiples propositions, qui s’attachent à sa signification générale, selon des approches plus ou moins allégoriques. Celles-ci, qui ont débuté bien avant la psychanalyse7, ont plutôt tendance à prendre l’œuvre dans son ensemble puisqu’elles y recherchent un message global, mais sont parfois conduites, aux fins de leur démonstration, à mettre en valeur tel ou tel passage ponctuel8.

À ces analyses concernant les personnages et la pièce – envisagée de manière fragmentaire ou générale –, il faut ajouter, avec là encore des possibilités de combinaison, celles qui se sont intéressées à la création de l’œuvre, dans ses liens avec Shakespeare, et à sa réception. Ce type de lecture est d’autant plus difficile à étudier que le critique combine parfois les approches, comme Freud, qui travaille à la fois sur Hamlet et sur Shakespeare, utilisant en même temps, parfois dans le même paragraphe, une approche « immanentiste » et une approche biographique.

La diversité des sélections opérées dans les cas que nous venons d’évoquer fait qu’il est le plus souvent difficile de permettre à ces lectures d’entrer en dialogue, faute d’une relative unicité de ce dont elles parlent. C’est bien dès lors à un sous-texte que chacune a affaire, plutôt qu’au texte général de l’œuvre, lequel existe, certes, comme objet matériel ou comme notion abstraite, mais sans qu’il soit aisé de préciser comment, dans une intégralité même relative, il pourrait être abordé directement.

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Les aléas de la sélection sont d’autant plus grands qu’à l’intérieur des mêmes passages, ou à propos du même personnage, ce ne sont pas toujours les mêmes citations qui sont données, différence conduisant à se demander, là encore, si les critiques parlent bien du même texte.

Par exemple, Freud, Winnicott et Lacan citent tous les trois, à un moment ou à un autre de leur analyse, la célèbre tirade d’Hamlet débutant par « Être ou ne pas être », mais leur attention n’est pas retenue exactement par les mêmes phrases9. Les conclusions qu’ils en tirent ne sont d’ailleurs pas nécessairement incompatibles. Il est cependant douteux que l’on puisse alors dire qu’ils parlent tout à fait du même texte. Or cette différence dans les citations, qui ne serait anodine pour aucune démarche critique, prend une importance peut-être plus grande en psychanalyse, où la lettre a une place particulière et où chaque mot peut se révéler décisif.

Ce problème de la citation se pose aussi et surtout de manière négative. De nombreuses lectures ne donnent que peu ou pas du tout de références précises à la pièce. Il en va ainsi de Freud, chez qui on chercherait vainement des références détaillées et chez qui les démonstrations ne se fondent la plupart du temps sur aucune citation – pas la moindre, ainsi, dans le texte de L’Interprétation des rêves, le plus long qu’il ait consacré à Hamlet –, ni même sur aucun passage explicite de la pièce.

Ce qui est alors en cause n’est pas le texte à proprement parler, mais l’image qui en est fournie, une représentation imprécise que le lecteur peut partager avec le critique d’après ses souvenirs de lecture, mais en laquelle il peut aussi ne pas se reconnaître. Elle réfère à une idée vague et plus ou moins conventionnelle du personnage et de l’intrigue qu’un certain nombre de citations, si elles étaient données, viendraient effectivement étayer, mais que d’autres extraits pourraient sans difficulté battre en brèche.

Ainsi, que l’œuvre soit ou non citée explicitement, l’activité critique est de toute manière orientée autour d’une partie du texte, celle qui a été soumise à un travail préalable de sélection10. Ce travail est plus réduit dans le cas d’Hamlet que pour d’autres œuvres, en raison de la dimension relativement limitée de la pièce. Mais il est toujours secrètement présent, il est même le processus de la rencontre critique et il interdit de confondre le texte général et chacun des textes particuliers sur lequel se fonde toute lecture, dans un mouvement d’approximation calculée qui en fait à la fois la force et la faiblesse.

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L’attention au travail de la sélection ne fait que prolonger en le précisant ce que nous avons tenté de montrer avec notre théorie de la syllepse. Théorie visant à mettre l’accent sur la différence entre le texte et le texte, ou si l’on veut entre le texte général de l’œuvre, difficilement appréhendable, et le texte singulier avec lequel chacun traite secrètement, en posant comme hypothèse – fragile mais nécessaire – qu’il s’agit du même texte que celui d’un autre commentateur.

Poser la question sous cet angle, c’est mettre au premier plan de la pensée la question du référent, étrangement absente de nombreuses réflexions sur la critique littéraire. Cette question consiste à se demander avec la plus grande précision possible ce dont nous parlons quand nous parlons d’un texte et à étudier en détail les modalités de cette opération de parole.

La question du référent est en effet liée à une réflexion linguistique sur l’activité critique, conçue comme un acte de langage, au sens où la pragmatique entend ce terme. Elle implique ce préalable de situer la parole critique à l’intérieur d’un cadre général, celui d’une communication entre un sujet et un ou d’autres sujets, plutôt que dans la relation dyadique entre ce sujet et le texte.

Cette constitution du cadre de la communication fait surgir l’objet de la communication comme un problème ou, si l’on veut, fait de la communication un problème. Les théoriciens du langage qui ont mis l’accent sur cette question du référent, comme Russell, Strawson ou Linsky11, ont tous été conduits à interroger le type d’objet que produit le discours littéraire, sans accepter que cet objet – l’ensemble du monde que le texte suscite, mais qui ne s’y limite pas – puisse aller de soi. De quoi parlons-nous quand nous parlons d’Hamlet ou d’Hamlet devient une question primordiale dès lors que l’acte de parole est mis en exergue, et que les phénomènes auxquels on prête attention ne sont plus exclusivement pensés comme des phénomènes du texte, mais sont rattachés étroitement à la situation de langage qui leur permet d’advenir.

C’est en effet la prise en compte de la parole qui nous incite à établir la distinction majeure de notre livre entre l’objet et le référent, habituellement confondus l’un avec l’autre. Entre deux personnes qui discutent de la pièce de Shakespeare l’objet est bien identique, pour peu qu’ils se soient munis d’une édition semblable. Mais, identique, le référent de leur discours – c’est-à-dire le monde virtuel peuplé de créatures imaginaires dont ils s’entretiennent – ne l’est pas pour autant. Entre le texte comme objet et le texte comme référent est venue s’interposer la fine feuille du langage critique, lui-même tissé d’imaginaire, qui sépare le texte de lui-même.

Ce type de réflexion sur le langage fait apparaître un problème majeur, central dans toute pensée du dialogue de sourds, qui concerne l’immobilisation du référent et revient à se demander à quelles conditions il est possible d’empêcher l’objet du discours de glisser dans un mouvement infini. Ce problème est l’autre versant de celui de la syllepse et pourrait se laisser résumer ainsi : il est difficile, en tout cas dans le domaine de la littérature, de cerner avec précision ce dont on parle au juste.

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Ce type de réflexion permet un glissement sensible des questions portant sur le texte littéraire, en déplaçant l’accent de la question du sens (du texte) à la question du référent (du discours). De nombreuses approches du texte littéraire – dont la critique psychanalytique est la plus représentative – reviennent en effet à se demander quel est le sens du texte. Or on voit que cette seule question – ou ses variantes – implique de poser comme une sorte de postulat, d’autant moins exploré qu’il y a bien matériellement une seule œuvre, qu’il s’agirait pour tous ceux qui s’en approchent d’un seul et même texte. En cela ce type de question illustre à la perfection la forme absolue de la syllepse invisible.

À la question sur le sens, qui n’a de validité que si le texte est unique, la prise en compte du référent, ou si l’on veut de l’extrême mobilité de l’objet du discours, substitue une autre question, revenant à se demander quel est le référent du discours critique. Référent nécessairement différent selon chaque intervention, qui invente un nouveau texte. L’approche fondée sur la référence se demande comment se constitue l’objet dont on parle et met donc en scène l’ensemble des processus par lesquels, dans l’infinie diversité des réceptions individuelles, du sens advient.

Changement de perspective, dans la mesure où la question du référent tend à faire disparaître celle du sens, ou au moins à la relativiser. En tentant de défaire l’opération de la syllepse et en scindant le texte de lui-même, l’approche fondée sur le référent brise cette part dialogique qui est au cœur de toute lecture. Aussi solitaire soit-elle, celle-ci, dans son appel à une lecture suivante, postule en général la communauté d’un objet de parole partagé. Dans l’approche fondée sur le dialogue de sourds, en revanche, le texte dont je parle ayant cessé d’être identique au tien, le sens que je cherche est devenu celui de ma propre démarche.

Ce changement de perspective a partie liée avec un décentrement du texte vers le lecteur, devenu, au détriment du texte, la mesure et l’unité. C’est au pôle de la lecture, après et loin de l’écriture de l’œuvre, que le texte s’invente, dans une naissance singulière, qui, faute d’espoir de retrouver un jour le paradis perdu du texte général, s’offre comme un nouveau champ pour la recherche critique.

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Mettre l’accent, comme nous le faisons ici, sur la sélection des unités textuelles implique de privilégier une conception relativiste du texte sur une conception herméneutique.

Une conception herméneutique tend à réduire l’importance du travail de sélection puisque celui-ci est subordonné au texte, qui organise ou privilégie à l’avance certains de ses territoires. Ce travail est second par rapport aux noyaux de sens que l’œuvre recèle déjà et que l’approche critique doit savoir identifier. Un tel présupposé tend à unifier le texte et à mettre de côté toute véritable réflexion sur le référent.

Une conception relativiste, fondée sur l’importance accordée au référent, ne sera pas pour autant nécessairement étrangère à toute signification. Mais celle-ci apparaîtra comme d’autant plus démultipliée que le texte n’est pas une fois pour toutes posé comme univoque, et que l’idée même de sens s’en trouve alors profondément transformée.

Ces deux conceptions ne sont pas fermées l’une à l’autre et peuvent se recouper, mais elles conduisent aussi à des interrogations différentes. La question de savoir comment l’écrivain s’est inscrit dans son œuvre, par exemple, implique plus ou moins de stabiliser celle-ci : elle est à ce titre plutôt herméneutique. Celle de savoir comment le critique s’y inscrit conteste, dans son principe même, l’idée de stabilisation : elle a toute chance d’être plus relativiste.

Ces conceptions pourraient trouver, avec des nuances, à s’incarner dans les figures opposées de Walter Wilson Greg et de John Dover Wilson. Le premier, plus relativiste, admet l’existence de lieux de non-sens ou de sens multiples, comme celui qu’ouvre la scène de la pantomime. Failles que le second, plus herméneutique et donc attaché à l’idée d’un sens du texte, va passer une partie de sa vie à essayer désespérément de combler. La voie entre ces deux conceptions est étroite. Elle est pourtant celle du salut, et il nous faudra à tout prix en trouver l’entrée si nous voulons, en nous glissant entre les siècles et les textes, nous frayer un chemin jusqu’à Elseneur.

Il nous faudra surtout trouver une réponse convaincante à la question que pose Greg à propos de la pantomime, question qui paraît anodine, tant qu’on n’en a pas mesuré toutes les conséquences. Le moment est venu de la formuler. La pantomime, nous l’avons rappelé, précède la pièce de théâtre que fait jouer Hamlet par des comédiens itinérants, pièce choisie parce qu’elle évoquerait le meurtre de son père et lui permettrait donc d’observer les réactions de Claudius : le piège fonctionne d’ailleurs parfaitement, puisque celui-ci quitte brutalement la salle. Mais la pantomime raconte la même histoire que la pièce, et elle ne suscite aucune émotion particulière chez Claudius, qui demeure impassible à sa place. Si c’est bien le meurtre dont il s’est rendu coupable qui est représenté, comment expliquer qu’il ne réagisse pas12 ?


1 Pour comprendre Hamlet, op. cit., p. 35.

2 Ernest Jones, Hamlet et Œdipe, Gallimard, 1949, p. 21.

3 C’est ainsi que Richard Flatter a tenté de montrer qu’Hamlet père était le personnage principal de la pièce (Hamlet’s Father, New Haven, Yale University Press, 1949), que Kurt Eissler s’est intéressé à Gertrude, qu’il a dépeinte comme une femme fidèle, avant tout soucieuse du bonheur de son enfant (Discourse on Hamlet and Hamlet, New York, IU Press, 1978) et que G. Wilson Knight a développé l’idée que, face à un Hamlet symbolisant la mort et la négativité, Claudius représentait la santé et les forces de vie (The Wheel of Fire, Londres, Oxford University Press, 1930, réimpression New-York, Meridian Books, 1957).

4 Otto Rank, « Das “Schauspiel” in Hamlet », in Imago, Hugo Heller et Cie, 1916, no 4, réimpression Liechtenstein, Nendeln, 1969.

5 Op. cit.

6 Norman Symons, « The Graveyard Scene in Hamlet », in The International Journal of Psychoanalysis, 1928, no 9, réimpression Londres, W. Dawson & sons LTD, 1968.

7 Jones cite quelques-unes des analyses générales les plus stimulantes (op. cit., pp. 23-24), comme celle de Gerth, qui voit dans la pièce « une défense embarrassée du protestantisme », celle de Gerkrath, qui en fait « une expression de la révolte qui couvait à Wittenberg contre le catholicisme romain et le féodalisme » ou celle de Meisels, pour qui « Hamlet est le type même du juif ».

8 Lacan a vu dans Hamlet la « tragédie du désir » (« Hamlet », in Ornicar ?, Lyse, nos 24, 25 et 26-27, 1981-1983), Daniel Sibony un « effet d’écritures » (Avec Shakespeare. Éclats et passions en douze pièces, Grasset, 1988), Coppélia Kahn une pièce sur l’adultère (Man’s Estate. Masculine Identity in Shakespeare, Berkeley and Los Angeles, University of California Press, 1981), Theodore Lidz une réflexion sur l’importance de la continuité des relations familiales pour l’équilibre d’un sujet (Hamlet’s Enemy. Madness and Myth in Hamlet, Londres, Vision Press, 1975), Caroline Spurgeon la métaphore d’un corps souffrant qui exprimerait la maladie du Danemark (Shakespeare’s Imagery and what it tells us, Cambridge, University Press, 1935), etc.

9 Dans la fameuse tirade, Freud commente la formule « C’est ainsi que la conscience fait de nous tous des lâches » (lettre à Fliess du 15-10-1997 in La Naissance de la psychanalyse, PUF, 1979, p. 198). Winnicott porte son attention sur « or not to be » (Jeu et réalité, Gallimard, 1975, pp. 116-117). Lacan prend en compte la totalité de la formule, mais ne cite que « to be or not » (Ornicar ?, op. cit., no 24, p. 16).

10 Jean Allouch remarque ainsi, à propos de la lecture de Lacan, pourtant l’une des plus longues consacrées à un texte littéraire : « Le critère consisterait-il ici, de même que pour la réussite d’un rébus ou d’un puzzle, en ce que chacun des détails trouve sa place dans l’interprétation d’ensemble ? De ce point de vue, nous allons au-devant d’un obstacle puisque Lacan ne parcourt pas systématiquement l’ensemble des scènes, ce que fait Dover Wilson et que lui-même fera, peu après, pour sa lecture du Banquet. [...] Ici, rien de tel ; nous avons affaire à des indications certes ponctuelles et précises mais qui ne sont pas complètes (il y a des scènes entières dont Lacan ne dit mot, des personnages dont il ne parle pas, Fortinbras par exemple). Au mieux, comme font les couturières au début de leur ouvrage, Lacan aura faufilé le tissu à grands coups d’aiguille, donnant ainsi déjà sa forme au vêtement, mais pas plus » (Érotique du deuil au temps de la mort sèche, EPEL, 1997, p. 189).

11 Sur l’ensemble de ces débats, voir Leonard Linsky, Le Problème de la référence, Seuil, 1974.

12 « Hamlet’s Hallucination », in The Modern Language Review, Cambridge University Press, octobre 1917, volume XII, no 4, pp. 397-398.