Les pères
Mère indigne se met les mères à dos…
(2 commentaires)
Je ne sais pas pour vous, mais moi, personnellement, je suis super sexiste.
Non, mais c’est vrai. Par exemple, je trouve que les femmes sont beaucoup plus belles que les hommes. Vous n’êtes pas d’accord? Pourtant, je parie que vous n’avez jamais entendu quelqu’un s’exclamer: «Oh, comme cet homme est belle!» Alors voilà: les femmes sont plus belles que les hommes.
C’est comme les dames aux cheveux longs et blonds avec des mèches cendrées: mon expérience m’a démontré qu’elles sont de vrais dangers publics au volant de leur V.U.S. Elles conduisent d’ailleurs beaucoup plus mal que les monsieurs aux cheveux longs et blonds avec des mèches cendrées. Pour tout dire, je n’ai jamais vu un monsieur aux cheveux longs et blonds avec des mèches cendrées mal conduire un V.U.S.
C.Q.F.D.
(Une excellente raison d’être sexiste: c’est tellement facile. Il faut simplement analyser les choses sous le bon angle.)
Bref, je suis sexiste.
Et quand elle a des enfants, une personne sexiste comme moi acquiert plusieurs excellents motifs de sexisterie envers les hommes.
Parlons franchement: quelle bande d’irresponsables qui ne pensent qu’à s’amuser! Et c’est très facile de s’en convaincre. Il n’y a qu’à comparer la manière dont les femmes et les hommes agissent lorsqu’il s’agit d’organiser une sortie avec Bébé.
Maman, fiable et responsable, pense tout d’abord à la possibilité que son rejeton ait faim ou soif. Déjà, de graves problèmes se posent. Admettons que Bébé boive encore du lait tiède au biberon. Comment s’assurer qu’une fois au parc le lait sera à la bonne température? Maman songe à conserver le lait dans un thermos. Mais elle sait que, le temps passant, d’horribles bactéries se formeront et contamineront le lait tiède que Bébé, innocent, boira jusqu’à la lie pour finir sa brève existence aux prises avec des coliques atroces. Non, décidément, pas de thermos. Offrir du lait froid à Bébé? Mais Bébé ne boit jamais de lait froid! L’ombre des coliques revient hanter Maman, qui décide alors d’empaqueter plutôt de la nourriture.
Mais quelle nourriture? Des raisins? Faut les couper en quatre avant, c’est bien connu. Le temps qu’on le fasse avant de partir, il sera l’heure de la sieste de Bébé. Quant à les couper en quatre au parc, Maman n’y songe même pas. Jouer du couteau pendant que Bébé se promène en liberté à la merci des bêtes sauvages (écureuils, criquets, mouches) serait totalement contraire à ses prudentes habitudes. Devant l’impasse, Maman décide de simplement se couper les cheveux en quatre.
Autre problème: Bébé peut décider de faire la sieste au parc. Horreur! S’il s’endort dans la voiture avant d’arriver, on devra le déposer dans sa poussette en arrivant, l’éveillant du même coup et le privant d’un sommeil réparateur dont il a absolument besoin pour devenir un adulte sain et pas trop névrosé. Mais s’il s’endort au parc, dans la poussette, il faudra à un moment ou à un autre le remettre dans son siège d’auto… Cercle vicieux! «Mais, me direz-vous, peut-être aura-t-on de la chance? Peut-être Bébé ne dormira-t-il pas au parc?» Vous appelez cela de la chance!? S’il saute une sieste, le cycle de Bébé sera bouleversé pour les dix-huit prochains mois, et qui va payer pour ça, hmmm? Encore une fois, le destin ricane à la face de Maman.
Et tout ça, mes amis, c’est sans compter un autre élément crucial: le confort de Bébé. Fait-il chaud, fait-il froid? Fera-t-il chaud ou froid dans les prochaines heures? Maman ausculte le ciel, d’un bleu d’azur, et les arbres, dont les feuilles remuent à peine. Peut-être qu’assurer le bien-être de son rejeton ne sera-t-il pas si compliqué aujourd’hui. Quoique… Il semble bien que dans l’horizon lointain, à environ 347,5 kilomètres du parc, de gros nuages se profilent. Mauvais, très mauvais! Un orage meurtrier surprendra les promeneurs inconscients, c’est couru d’avance!
Alors la mère, fiable et responsable, décide que tout cela est de bien mauvais augure et reste confinée à la maison avec son petit. Elle profite de son après-midi pour se creuser un bunker bétonné dans lequel elle et son poussin seront à l’abri de toutes les intempéries. Grâce à une connexion Internet quadruple vitesse, ils pourront commander et se faire amener les provisions qu’un livreur approuvé par la GRC déposera délicatement entre les deux épaisses portes du sas d’évacuation.
Ils se feront une belle petite vie. Grâce à la maman fiable et responsable, ils seront en sécurité.
Alors que, vous savez de quoi je parle, Mesdames, si c’est le père qui prépare une sortie, ce sera le bordel in-té-gral!
D’abord, le lait chaud ou froid, Papa s’en soucie comme un poisson d’une pomme. (Ça vient de Proust, cette expression, quelque part dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs. Vous ne me croyez pas? Lisez-le.) Papa, lui, il met du lait dans un bib’ en se foutant carrément de la température et des bactéries. Un fou dangereux.
Il amène aussi des raisins, oh que oui, mais il les coupe seulement en deux. Pire encore, il les coupe en deux avec ses propres dents! Fait vécu. Je sanglote encore rien que d’y penser.
Songe-t-il à la possibilité que Bébé fasse une sieste? «Une sieste?, vous répondra-t-il. C’est quoi, une sieste? Ah oui, c’est quand Bébé ferme ses ‘ti-queneuilles pis qu’on l’entend pu pendant un ‘ti-boutte? Quoi le rapport avec une sortie au parc?» Vous aurez compris que, pour Papa, «le cycle de Bébé» est une bizarre expression en langue étrangère dont la signification peut bien rester inconnue, on a d’autres chats à fouetter, comme par exemple quitter cette maison de fous et aller prendre l’air.
Et Papa part, Bébé sous le bras, en sifflotant de jolis airs appris lors de son initiation universitaire. Bébé porte un pantalon trop court et un chandail trop chaud, les deux dans des couleurs qui se disent merde l’une à l’autre. Et non, Papa n’est pas daltonien.
En rafale, Maman note également que le chapeau du petit ne couvre qu’une seule de ses oreilles, qu’il porte deux souliers gauches et qu’il a le bec tout sale. Malgré tout, il rigole, l’inconscient.
Maman distribue les au-revoirs en priant pour que la mort les épargne, malgré les noires probabilités.
Mais quand Papa et Poussin sont de retour trois heures plus tard, ils sont tous les deux en pleine forme. Bébé a bu tout son lait froid et, miracle!, ne s’est pas étouffé avec les raisins. Il a perdu son chapeau mais n’a même pas la décence d’avoir un tout petit peu l’air enrhumé. Il n’a pas dormi, mais il rigole encore.
Maman, furieuse, arrache Bébé des bras du père et court jusqu’à la table à langer. C’est bien ce qu’elle croyait: l’être irresponsable avec lequel elle a eu la folie de procréer n’a pas changé la couche du petit une seule fois pendant la promenade!
Maudits, maudits hommes.
Commentaires (2):
Michèle dit:
Excellent… Faire une course avec un bébé, c’est une expédition. Il faut qu’il soit beau, car les mamies se penchent sur la poussette, il faut avoir tous les rechanges nécessaires, en cas de débordements, sans oublier suce, couverture (dans les centres commerciaux, on se les gèle) et jouets. On transporte la grosse poussette, au cas où bébé voudrait dormir aussi, celle qui est lourde et dure à plier. Papa, lui, prend son paquet sous le bras, les cheveux en bataille, pieds nus, la moustache de jus de raisin, le chandail plus que douteux, et va chercher, en moins de 20 minutes, les vis ou les clous qui lui manquent au Canadian Tire.
mamounia dit:
Oh là là, d’après ta description, je suis un papa tout craché! Zut, va falloir le dire aux enfants et à l’autre papa maintenant… Quoique, autant qu’ils continuent à croire qu’ils ont une vraie maman, surtout qu’ils ne sont plus aux couches et aux biberons maintenant et qu’ils sortent tout seuls (d’ailleurs, chose surprenante, cela prend plus longtemps à mes filles à se à se préparer à sortir que lorsque c’est moi qui les préparais à sortir…).