BIENVENUE

Les flammes dévoraient la cour du château.

Les échos d’une cloche retentissaient toujours, à moitié étouffés par le tumulte de la bataille. Les gardes du roi resserraient le cercle autour des Asaps. Il fallait tenir bon et les retenir encore un bref moment.

Elsabeth lança un regard par-dessus son épaule.

Dans le grand escalier de marbre, Anthony se taillait un chemin à coups d’épée dans la foule des soldats, sans jamais lâcher la main de Moraggen. Dieux! il était rapide. Un seul geste suffisait à éliminer un ennemi. À ce rythme, le couple aurait bientôt rejoint ses compagnons.

«Attention!» entendit la divinus, juste à temps. Elle ne s’était pas aperçue qu’un Elfe s’apprêtait à lui porter un coup mortel. Vikh se précipita à son secours. Le soldat ennemi s’effondra par terre. Elsabeth ne prit pas le temps de remercier son ami, rejoignant plutôt Kheldrik et Eneko, qui, sous les ordres de Sire Velfrid, combattaient à cheval les gardes royaux. Les autres guerriers de la délégation préféraient évoluer à pied, selon la méthode enseignée à Kâ’Sham. Ihmon de Krapul avait confié aux jumeaux Zaut la protection du Duc Arbustus et à Vikh celle du guérisseur Shipeh Saapital. Ce dernier n’était même pas armé et tremblait de tous ses membres, tout en tenant sa monture par la bride. C’est lui qui devait surveiller les chevaux, afin que tous puissent s’enfuir dès l’instant où Moraggen les rejoindrait.

Arbustus Lledsamuz participait à la lutte du mieux qu’il le pouvait. Il avait jadis été un dangereux combattant, avant que l’âge et l’embonpoint ne réduisent ses capacités. Jörg et Joerg restaient à une courte distance du seigneur, prêts à intervenir. Adossés l’un à l’autre, les frères assenaient de violents coups à leurs ennemis.

Un peu plus loin, les autres mercenaires de Kâ’Sham avaient adopté la même technique. Tandis qu’Ihmon prouvait que, contrairement à ce qui était le cas pour le duc, l’âge n’avait en rien diminué son talent, Lasid donnait aux Elfes ce qui semblait être une démonstration des ravages que pouvait causer un kwarzy muggeois.

Elsabeth obéissait aux commandements de Velfrid. Elle connaissait bien les méthodes des Chevaliers d’Aanor et frappait de tous côtés avec la même efficacité que ses compagnons.

Soudain, elle remarqua que Vikh se précipitait vers Shipeh et leurs montures. Bientôt, il fut suivi par les hommes de Kâ’Sham.

Moraggen et Anthony étaient parvenus à descendre l’escalier et à trouver des chevaux. Le couple se tenait prêt à partir. La princesse projeta une boule de feu sur un groupe de soldats elfes, ce qui libéra un passage pour la délégation.

Elsabeth éperonna sa monture et s’élança vers les portes.

Moraggen se précipita aux côtés de sa meilleure amie. Shipeh Saapital était déjà près d’elle et semblait nerveux. Encore plus nerveux qu’à l’habitude, remarqua la princesse.

Quelqu’un la dépassa: il courait au chevet d’Elsabeth. Vikh, bien sûr. Elle accéléra le pas.

— Que se passe-t-il? demanda Moraggen au guérisseur. Que s’est-il produit?

Shipeh releva la tête, replaçant ses épaisses lunettes sur son nez pointu.

— Je ne comprends pas, Votre Altesse. Mademoiselle Elsabeth s’est effondrée subitement! Les porteurs de son palanquin l’ont entendue murmurer dans une langue étrange et ils ont fait arrêter la colonne. Heureusement qu’ils se sont inquiétés, voyez comme elle est pâle! Elle nécessite des soins immédiats.

Moraggen et Vikh échangèrent un regard désespéré. Le forgeron poussa un profond soupir.

— Imbécile! s’écria-t-il. Elle a simplement une vision. Il suffit de la regarder pour le savoir.

Les proches d’Elsabeth s’étaient retrouvés dans une situation semblable des dizaines de fois. Les transes de la magicienne semblaient douloureuses, mais qui la connaissait bien savait que tel n’était pas le cas. De tous ses dons, c’est celui de divination qui demandait le moins d’effort à la divinus. Ce terme, choisi pour désigner un envoyé des dieux, s’avérait remarquablement approprié.

Kheldrik arriva un instant plus tard, accompagné des autres gardes de la délégation. Les cinq hommes étaient visiblement tendus.

— Comment va-t-elle? s’enquit Kheldrik.

— Elle n’a rien du tout! affirma Vikh. Les Elfes se sont inquiétés sans raison. Elle est juste en train d’avoir une vision.

Le jeune chevalier soupira à son tour.

Les Asaps voyageaient depuis une semaine sur une route de pierres dans l’épaisse forêt s’étendant entre la côte et la capitale de Novgorar.

Moraggen s’apprêtait à franchir les portes d’Eldel et n’avait pourtant pas encore pleinement mesuré l’extraordinaire écart entre les cultures elfe et asape.

Chez elle, les choses étaient faites simplement. Lorsque les Gnomes avaient attaqué le pays et que le Roi Obérius était mort, non pas sur un champ de bataille, mais lâchement empoisonné dans son propre palais, le Conseil avait décidé de réclamer l’aide des Elfes. La Reine Tiarana était elle-même originaire de Novgorar et assurait que les siens se précipiteraient au secours de leurs alliés. La délégation qui avait quitté Kamazuk par bateau comportait d’importants personnages. Pourtant, afin de protéger ces dignitaires, l’Asapmy n’avait envoyé que deux guerriers d’expérience et une poignée de ses meilleurs hommes. Les Asaps croyaient, naïvement peut-être, que des gens honorables et efficaces valaient plus qu’une garde imposante.

Les Elfes ne partageaient pas ce sentiment de confiance et aimaient exhiber leurs richesses, ce qui expliquait pourquoi ils avaient fait un défilé d’un simple déplacement.

Bien que la route entre Ündedal et Eldel ne fût ni longue, ni dangereuse, une bonne centaine d’Elfes avait été mobilisée pour escorter les dignitaires asaps. Vingt hommes ouvraient la voie. Une moitié d’entre eux portait des bannières violettes marquées d’un poisson blanc, celles du Roi Lodvighen, tandis que les autres affichaient le soleil doré sur champ azur de l’Asapmy. Ensuite venaient Arbustus, Moraggen, Elsabeth et les autres Asaps, tous séparés par de petites troupes de soldats. De nombreux autres Elfes marchaient à l’arrière-garde.

Comme si cet étonnant étalage de gardes royaux ne suffisait pas à exprimer l’importance de l’arrivée des Asaps, le Roi Lodvighen avait prévu un moyen de transport bien singulier pour ses hôtes les plus notables. Ainsi, depuis le port d’Ündedal, la princesse et la divinus avaient été portées sur des litières d’ébène décorées d’or et de voiles de soie blancs.

Lorsque les Elfes leur avaient présenté ces lits à porteurs, le premier réflexe des jeunes femmes avait été de refuser l’offre. Elles étaient parfaitement capables d’aller à pied et ne voulaient encombrer personne. Cependant, le regard que leur avait lancé Novell leur avait fait comprendre qu’un refus serait mal reçu.

Novell Tanhaed avait été envoyée par Tiarana afin de familiariser les membres de la délégation à la culture de Novgorar. Elle avait le teint pâle et des cheveux sombres, traits communs à ceux de sa race. Ses yeux cyan, sérieux, inspiraient du mépris à la princesse. La servante passait le plus clair de son temps à critiquer Moraggen, comme se plaisait aussi à le faire sa mère la reine, mais elle était effectivement très utile pour comprendre les mœurs particulières des Elfes. Mieux valait écouter ses conseils.

Moraggen avait donc grimpé parmi les coussins de velours posés sur la litière, bientôt imitée par une Elsabeth déconcertée et contrariée. La divinus n’était pas habituée à de tels traitements. Même si son don lui avait assuré une place de choix à la cour (elle était, après tout, la seule personne capable de communiquer directement avec les dieux), Elsabeth était d’origine modeste. Elle détestait le protocole et, sans doute pour se venger, elle portait des pantalons avec une épée à la ceinture comme un homme, sans gêne, faisant taire d’une réplique cinglante quiconque critiquait cette extravagance.

Pendant toute la semaine qu’avait duré le voyage, Elsabeth avait conservé un air boudeur. Vikh et Kheldrik s’étaient fait un malin plaisir à marcher près d’elle, la raillant de temps à autre sans tenir compte des regards glacés que leur lançaient les quatre porteurs.

Les Elfes étaient stoïques, rien ne semblait en mesure de les faire réagir. Moraggen n’avait décelé chez eux l’ombre d’une expression qu’en une seule circonstance, soit le matin où ils avaient quitté la ville portuaire. Si les femmes étaient transportées en litière, le Duc de Kamazuk, Arbustus Llesamuz, se déplaçait en chaise à porteurs. La princesse avait dû se retenir de rire lorsqu’elle avait remarqué la lueur de panique dans les yeux des Elfes à l’approche d’Arbustus. Le duc n’avait rien de menaçant, il avait la mine joviale et les joues bien roses, mais il était d’une remarquable corpulence. La chaise prévue pour transporter le seigneur serait-elle assez large pour qu’il puisse s’y asseoir? En fin de compte, il avait fallu doubler le nombre de porteurs pour soulever la chaise, mais Arbustus pouvait y rester en place sans trop de peine.

— Qu’as-tu vu?

Moraggen remarqua qu’Elsabeth était enfin sortie de sa transe. Vikh lui avait à peine laissé le temps d’ouvrir les yeux avant de l’interroger.

— Rien d’important, répondit la divinus, qui profita du fait que sa litière soit posée sur le sol pour s’en extirper. Un combat. Mais ce devait être une projection, cette vision ne peut pas se réaliser.

— Pourquoi? demanda Lasid, intéressé.

Le mercenaire était un humain de Muggeo et, même s’il vivait depuis des années parmi les Asaps, il s’étonnait encore chaque fois que quelqu’un faisait de la magie en sa présence. Les pouvoirs d’Elsabeth le terrifiaient et l’amusaient à la fois.

— J’ai vu quelqu’un que nous savons mort.

— Qui?

Elsabeth lança un regard à Moraggen.

— Je vous ai vus combattre, cependant, affirma la magicienne, en s’adressant aux guerriers de Kâ’Sham et à Eneko. Impressionnant!

Jörg et Joerg se bousculèrent un peu, puis exhibèrent fièrement leurs muscles devant la compagnie. Tous deux étaient solidement bâtis et affichaient le même air bon enfant, les mêmes cheveux vert lime, les mêmes yeux vifs.

Les jumeaux incitèrent leurs compagnons à répéter leurs pitreries et Lasid y céda de bon cœur, en montrant à une Elsabeth amusée le lion doré tatoué sur son crâne. Sire Eneko, en revanche, conserva son sérieux. Après tout, il était un Chevalier d’Aanor, qui plus est en mission officielle.

Moraggen, comme le chevalier, ne se satisfit pas de cette dérobade de la divinus: Elsabeth n’avait pas répondu à la question. La princesse avait perdu en peu de temps deux personnes qui lui tenaient profondément à cœur. Si son amie cherchait à taire sa vision, ce pouvait-il que l’un d’eux soit toujours vivant?

— Elsabeth, reprit-elle…

— Moraggen Tantiarana!

La jeune femme leva les yeux au ciel en s’entendant appeler par son nom elfe. En Novgorar, les patronymes étaient attribués en ajoutant un préfixe au nom d’un des parents. Ordinairement, c’était le nom du père qui était transmis, mais dans les rares cas de métissage, c’était le nom du parent elfe, peu importe son sexe, qui comptait. La princesse portait donc le nom de sa mère, pour son plus grand déplaisir.

Novell Tanhaed venait de rejoindre le petit groupe d’Asaps, poursuivie par Grimoniou. Le bébé griffon adopté par Elsabeth avait pris l’habitude de suivre la servante partout où elle allait, voletant autour de sa tête et lui piaillant dans les oreilles. Moraggen salua l’animal avant de répondre à sa suivante.

— Que voulez-vous, Novell?

— Moraggen Tantiarana, les gardes m’ont signalé que, puisque Mademoiselle Elsabeth se porte bien, nous serions prêts à reprendre la route. Les portes d’Eldel se trouvent à moins d’une lieue.

— Très bien.

Les guerriers quittèrent leurs compagnons pour se préparer au départ. Alors qu’elle allait s’éloigner, Novell sembla se rappeler un détail.

— J’ai oublié de vous avertir que votre immonde petit animal de compagnie ne pourra se promener librement dans la grande cité d’Eldel. Il vous faudra le renvoyer ou le mettre en cage.

— Pardon? Grimoniou est libre, il est hors de question de l’enfermer! trancha Elsabeth.

— La présence d’un griffon, même en un modèle réduit, ne saurait être tolérée entre nos murs. Les bêtes sauvages restent dehors.

— Enfin une bonne nouvelle! s’écria Vikh, avant d’esquiver de justesse un coup de bec du griffon.

— Vikh, comment peux-tu dire des choses pareilles? Nous l’avons nous-mêmes libéré du labyrinthe où il était prisonnier!

Le regard que lui lança Elsabeth donna au jeune homme l’envie de disparaître sous terre. Il lui décocha son plus beau sourire et baissa piteusement ses grands yeux couleur d’émeraude. Le truc fonctionnait avec la plupart des filles de Kamazuk. Elles succombaient et oubliaient leurs reproches. Mais la divinus resta de glace. Vikh se creusa la cervelle afin de trouver un mot qui saurait lui faire pardonner son commentaire désobligeant.

— Peut-être, reprit-il, hésitant, qu’on pourrait trouver un compromis? Si tu le tenais en laisse comme les bourgeoises le font avec leurs petits chiens? Il serait libre, mais quand même surveillé.

— Cela me semble raisonnable, approuva Novell.

Grimoniou avait de la difficulté à comprendre en quoi le fait qu’il soit tenu en laisse rassurerait les Elfes, mais il accepta la solution. Moraggen se défit d’un de ses bracelets et le passa au cou du griffon, tandis qu’Elsabeth détachait l’un des rubans qui tenaient écartés les voiles de la litière, avant de le lui nouer au collier. Devant le résultat final, Vikh réprima un éclat de rire.

On entendit soudain le son d’un cor et Moraggen quitta ses amis pour retrouver son palanquin. La caravane se remit en route.

Quelques instants plus tard, les portes d’Eldel s’ouvraient.

Les habitants s’étaient rassemblés le long des rues. La foule était silencieuse, sage, on aurait dit qu’elle venait jeter un regard sur la délégation plus par nécessité que par curiosité. Moraggen avait tenté de saluer le peuple elfe, mais personne ne lui rendait ses sourires. Elle resta donc immobile, comme Novell le lui avait conseillé. Laisser paraître ses émotions, lui avait-t-on dit, était mal vu. Elle se força à adopter un air indifférent. Penser à la famille qu’elle s’apprêtait à rencontrer fit disparaître pour de bon son sentiment d’excitation. Elle ferait aussi la connaissance d’Alemeï Trenassen, son fiancé. En effet, il avait été convenu que le jeune prince elfe épouserait l’héritière asape. Cette alliance forçait Novgorar à participer à la guerre contre les Gnomes, mais la délégation espérait convaincre le roi d’envoyer un grand nombre d’hommes, plutôt que les quelques centaines promises lors des fiançailles.

Moraggen promena un regard aux alentours. La capitale ressemblait à toutes les villes elfes que la délégation avait traversées. Certes, il y avait plus de maisons, plus de commerces, mais le même sentiment de froideur se dégageait de la cité. Eldel était propre. Propre et grise.

Devant la princesse, tout au bout de la rue principale, se dressait le palais.

La demeure du Roi Lodvighen comptait sept étages. Moraggen put rapidement en déterminer le nombre: chacun avait un toit à deux niveaux, le premier plat et le second à pignon, orné d’une lucarne. Le bâtiment avait été construit de telle sorte que chaque étage fût plus petit que le précédent, sans pour autant que cela confère à l’ensemble la forme d’une pyramide. La façade était richement ornementée, tout comme le portique à colonnes en bois précieux. Pour accéder à la porte principale, dont les battants étaient pour l’instant laissés grand ouverts, on empruntait un escalier sur lequel était déroulé un tapis d’un blanc immaculé.

Un cor sonna de nouveau et les gardes qui marchaient en tête formèrent une haie d’honneur.

Au sommet de l’escalier parurent les souverains. Le Roi Lodvighen, et de même sa femme, la Reine Tranell, étaient grands, avaient le teint pâle et la mine sinistre. Pourtant, mari et femme semblaient tout à fait opposés. Lui avait les cheveux blonds et le regard clair, elle, de longues mèches plates et noires, bien ordonnées, et des yeux froids, qui rappelèrent aussitôt à Moraggen ceux de sa mère. Les monarques étaient tous deux vêtus d’étoffes de soie fine et étaient couronnés d’un anneau d’or massif.

Les porteurs déposèrent la chaise d’Arbustus, qui était le premier à rencontrer le roi et avait l’honneur de présenter les membres de la délégation. Le gros Asap descendit d’un pas qu’il voulait gracieux, son manteau écarlate au col d’hermine et ses cheveux bleu ciel contrastant étrangement avec la fadeur d’Eldel. Il gravit quelques marches, puis s’inclina profondément.

— C’est pour moi un plaisir de rencontrer Vos Majestés, déclara-t-il en elfique, sans faire aucun effort pour alléger son accent.

— Et c’est pour moi un plaisir de te recevoir, Duc Arbustus, répondit le roi en un fluide asap, Novgorar vous attendait avec impatience.

— Laissez-moi vous présenter Sire Velfrid Kavalcan et le commandant Ihmon de Krapul. Nous discuterons ensemble des intérêts politiques et militaires de nos pays.

Les deux Asaps s’avancèrent. Velfrid était un chevalier renommé pour ses nombreuses victoires. Il était grand, avait les cheveux bleu marine coupés courts et le regard pénétrant. Ihmon dirigeait quant à lui les légions de Kâ’Sham, qui formaient une guilde de mercenaires redoutée à travers tout Magz. Un regard suffisait pour comprendre qu’il était un redoutable guerrier.

Le Roi Lodvighen le salua d’un signe de tête.

— N’abordons pas ces graves sujets ce soir. Dis-moi plutôt qui est la jeune beauté qui approche.

— Il s’agit d’une très puissante magicienne: Mademoiselle Elsabeth Tumlyn. Le griffon qu’elle tient en laisse est la preuve de l’étendue de ses pouvoirs.

— Il est en effet peu commun de voir une telle créature se laisser domestiquer, admit la Reine Tranell.

La divinus fit la révérence, mais Grimoniou garda la tête bien haute. Sa maîtresse lui avait recommandé de garder le silence; il n’avait cependant pas besoin de courber l’échine devant des gens qui le considéraient comme un animal stupide.

— Pour finir, Vos Majestés, j’ai le bonheur de vous présenter votre petite-fille, Son Altesse Royale la Princesse Moraggen Myrella de Kildhar.

Cette dernière avança en silence et s’agenouilla devant le roi, tel que Novell le lui avait recommandé. Elle soutint son regard un long instant, puis Lodvighen lui tendit la main afin de l’aider à se relever. Le geste signifiait qu’il la reconnaissait comme un membre de sa famille. L’Asape retint un soupir de soulagement. La Reine Tranell l’observa un moment, presque émue, puis elle dit simplement:

— Bienvenue chez toi, Moraggen Tantiarana.