Chapitre 11

Balaia est magnifique aux yeux des humains. Il ne pousse que très peu d’arbres sur cette île couverte d’herbe grossière souillée par une poignée d’affreuses cités. On n’y trouve que peu de couleurs et encore moins de vie sauvage, tandis qu’il y fait froid la plupart du temps. Alors ne me demandez pas pourquoi leur esprit est insondable.

Auum, Arch des TaiGethen

 

Les épaules des elfes – celles des TaiGethen plus que celles des autres – s’affaissaient un peu plus à chaque pas fait en direction du cœur de Balaia. Sur l’immense voûte céleste brillait un champ d’étoiles que ne masquaient ni nuages ni canopée. Aucun abri n’était visible, et rien n’indiquait que cela allait changer. À bord d’un navire, un elfe pouvait se réfugier dans la cale, tandis que sur cette île, il n’y avait nulle part où se tapir.

Ils avaient trouvé les traces laissées par les Ouestiens en route pour Julatsa peu après avoir quitté la crique. Ce sillage de terre retournée fendant la prairie et marqué d’ornières, de traces de pas et d’empreintes de sabots était jonché de débris. Il datait d’environ une dizaine de jours. Stein avait fait grise mine quand les éclaireurs lui avaient donné une estimation de l’importance du détachement qui l’avait provoqué.

Ils étaient pour l’heure installés dans la ferme, ou du moins ce qu’il en restait. Les Ouestiens avaient tué tous ceux qu’ils avaient trouvés, incendié les bâtiments et emmené les animaux d’élevage. Les elfes avaient dégagé trois cadavres et les avaient placés sous le vent, sous de petits buissons rustiques, afin que la nature reprenne possession des corps. Le sol avait été brûlé jusqu’à la terre et, si les flammes n’avaient pas abattu tous les murs de pierre, il n’y avait plus de toit sur aucun des bâtiments. Et donc plus de couverture masquant le ciel.

Auum avait désigné un périmètre et posté des gardes en des endroits stratégiques, avant d’inciter tous les autres à se reposer autant que possible. On avait ensuite allumé des feux et préparé un repas. Beaucoup dormaient, ce qui n’était pas le cas d’Auum, assis auprès de quelques proches, parmi lesquels Stein, dont la présence était bienvenue et la bonne humeur solide malgré l’adversité.

— Il fait toujours aussi froid ici, avouez-le, lui dit Merrat.

— Non, absolument pas, assura Stein, les yeux levés vers les étoiles. Mais nous sommes en automne, le vent est parfois glacial. Vous devriez venir ici en été et voir à quoi ressemble cette île : il y a de la couleur, des champs de céréales balayés par une brise tiède, des feuilles vertes sur les arbres, des…

— Vous avez des arbres ? l’interrompit vivement Marack, les yeux écarquillés de stupeur.

— Oui, répondit prudemment l’humain.

— Vous les rangez la nuit, peut-être ? plaisanta Grafyrre.

— Non, sourit Stein. Ils sont un peu trop imposants pour cela.

— Ils sont si rares que vous devez pouvoir les dénombrer assez vite.

— Bien sûr, s’esclaffa le mage. Je le fais d’ailleurs chaque jour.

— Et quand vous les avez comptés tous les huit, comment occupez-vous le reste de votre journée ? intervint Ulysan.

— Je me saisis de ma hache et j’en abats un, pour avoir moins de boulot le lendemain.

Les elfes se mirent à rire bruyamment, et Auum alla jusqu’à applaudir. Assis au milieu de ses Senseriis tel un dignitaire en terre hostile, Takaar tourna suffisamment longtemps la tête vers eux pour leur lancer un regard méprisant.

— Excellent, apprécia Auum, essuyant une larme au coin de l’œil. Puisque vous savez tout sur les arbres, combien y en a-t-il entre ici et Julatsa ?

Stein leva les sourcils.

— Il n’y a pas grand-chose entre ici et Julatsa, en dehors d’une infinité de ces superbes collines, puis une longue plaine. Même vous, vous ne pourrez pas la franchir sans être remarqués par l’ennemi.

— Nous nous débrouillerons, assura Auum.

— Mais que veulent-ils ? demanda Faleen.

— Qui donc ? Les Ouestiens ou les seigneurs Wytch ?

— Peu importe. Pourquoi ces gens campent-ils sous les murs de Julatsa ?

— Il y a une réponse courte et une autre, un peu plus longue, à cette question, répondit Stein.

— Et elles ne correspondent pas ?

Auum considéra ses elfes, tous suspendus aux lèvres de Stein. C’était une première dans l’histoire elfique. Cela étant, Auum dut se rappeler que Stein faisait figure d’exception parmi les humains.

— Eh bien, non, en fait. Vous permettez… ?

Auum sourit.

— Il me semble que vous avez l’attention générale.

— Mais ne nous endormez pas, dit Ulysan. Pas de cours d’histoire.

— Je ferai de mon mieux. La réponse courte est la suivante : ils sont là parce que les seigneurs Wytch leur en ont donné l’ordre. C’est aussi simple que ça. Cela dit, les Ouestiens convoitent eux-mêmes les terres de l’Est, mes terres, depuis des siècles, pour ne pas dire des millénaires. De l’autre côté des montagnes, la terre est en grande partie aride et le sol rocailleux. La vie est rude, par là-bas.

» Ils veulent donc s’emparer de nos terres, ce que je peux comprendre, mais ils détestent par-dessus tout notre magie. Comme ils n’en ont aucune, ils la considèrent comme un obstacle les empêchant de conquérir l’Est. Les Ouestiens rêvent depuis longtemps de voir la magie humaine anéantie, or c’est précisément ce que leur ont promis les seigneurs Wytch, l’ironie étant évidemment qu’ils ne font ainsi que se débarrasser d’une magie pour être dominés par une autre.

— J’ai du mal à comprendre, dit Marack. Nous avons déjà combattu ces Ouestiens, qui forment un peuple courageux et organisé. Ce ne sont pas des sauvages. Pourquoi se laisseraient-ils dominer par les seigneurs Wytch ?

— Au risque de vous donner un cours d’histoire, je dirai que les seigneurs de ces tribus n’auraient en effet pas opté pour un tel choix, car ils croient en la force des armes et du nombre. Cela étant, les tribus entretiennent de difficiles relations avec leurs chamans. Elles sont déchirées par des luttes intestines qui constituent leur point faible depuis aussi loin qu’on s’en souvienne. Il arrive de temps à autre qu’un seigneur suffisamment puissant sorte de la mêlée et mène une alliance significative, néanmoins, la plupart du temps, les chamans discutent et pratiquent leur répugnante religion spirituelle entre eux et cherchent à étendre leur influence en dehors de leur propre tribu. Ils ont donc constitué des proies faciles pour les seigneurs Wytch, qui n’ont eu aucun mal à les soudoyer. Après cela, contraindre les Ouestiens à se battre a été relativement facile, même si tous ne se sont pas inclinés.

Un silence ponctua les paroles de Stein. Auum jeta un regard en direction de Takaar et devina que celui-ci avait tout suivi. L’elfe fou était curieusement rayonnant, comme s’il venait d’avoir quelque révélation. Auum se sentit soudain légèrement gêné et constata qu’au moins Marack et Ulysan éprouvaient la même chose.

— Je me demande si nous ne nous battons pas du mauvais côté, dit-il, sans cesser de sourire. Après tout, le fait que vous autres humains perdiez votre aptitude à lancer des sorts nous aiderait considérablement, ne croyez-vous pas ?

Stein rit mais remua, mal à l’aise.

— Vous voulez vous allier aux seigneurs Wytch, à présent ?

— Non, je veux voir tous les os d’Ystormun dans la gueule d’une panthère différente. Quant aux guerriers ouestiens… eh bien, il semblerait que nous ayons plus de choses en commun avec eux qu’avec vous. Qu’en pensez-vous ?

Stein fronça les sourcils, sa gêne oubliée et son assurance recouvrée.

— Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

— Nous avons les uns et les autres souffert de la magie humaine. Par ailleurs, il se trouve que chez eux comme chez nous certains pratiquent la magie en dépit du bon sens. Si nous convenons à contrecœur qu’elle est parfois bénéfique, nous aimerions qu’elle ne reste qu’une rumeur.

— Entendre ces mots m’attriste mais je sais pourquoi vous réagissez ainsi, dit Stein.

— Vous n’en avez pas la moindre idée ! s’emporta Auum.

— Pardonnez-moi. Votre première expérience de la magie vous a montré les terrifiants dégâts qu’elle peut causer. Mais elle ne se résume pas à cela. Vos Il-Aryns font preuve de capacités de guérison et de qualités bénéfiques et défensives que je meurs d’envie de comprendre, sans parler de les manier. Quant à la magie de Julatsa, elle est fondée sur la paix, même si nous savons nous battre quand il le faut.

» Je suis navré de voir que votre vision de ce problème est faussée. Peut-être parviendrai-je à vous convaincre durant votre séjour ici.

— Bonne chance…, dit Ulysan.

— Comme d’habitude, Auum ne voit que ce qu’il veut voir et ignore ce qui le met mal à l’aise, intervint Takaar, qui s’approcha du feu.

— Toujours aussi doué pour les entrées spectaculaires, Takaar, répliqua Auum, qui sentit ses muscles se contracter et sa sérénité s’envoler. N’êtes-vous pas épuisé, après avoir tant parlé avec vous-même ?

Auum sentit Ulysan lui agripper le bras. Il se dégagea aussitôt.

— Ne faites pas ça, insista Ulysan. Vous savez très bien qu’il essaie de vous provoquer.

— Il ne devrait même pas être là, siffla Auum. Il rend tout le monde nerveux.

— Pourquoi n’acceptes-tu pas ce que tu es ? dit Takaar, le visage et la gestuelle implorants.

— Je n’ai jamais eu de problème de ce côté, répondit Auum, les bras croisés sur ses genoux.

— Tu ne peux pas échapper aux énergies de l’Il-Aryn. Aucun de nous ne le peut. Ce sont elles qui font de nous ce que nous sommes.

— Regagnez votre feu de camp, auprès de vos Senseriis. Une longue journée de marche nous attend demain.

— As-tu oublié ce dont nous avons parlé dans la forêt, près de Katura, il y a tant de siècles ?

Auum baissa la tête. Il n’avait rien oublié. Il avait alors été anéanti de chagrin. Elyss avait été tuée sous ses yeux, après quoi il s’était vengé, sans vraiment comprendre comment. Puis Takaar lui avait tout raconté.

— Quel rapport ?

Auum était embarrassé, se trouvant être à présent le centre de l’attention générale.

— Je te l’ai déjà dit à l’époque : les énergies courent en chaque elfe, même s’ils sont rares à en avoir conscience et encore moins nombreux à être capables de les exploiter.

— Et alors ? dit Auum, en haussant les épaules.

Takaar éclata de rire.

— Tu refuses encore d’ouvrir les yeux ? Ystormun a cherché la réponse en pratiquant toutes ses expériences sur Garan, pourtant il n’a pas réussi à saisir le point le plus simple. Ne sois pas aussi ignorant que lui.

— Attention où vous mettez les pieds…, marmonna Ulysan.

— Tu es un fidèle lieutenant, Ulysan, aussi son déni est également le tien.

— Je suis fatigué, Takaar. Dites ce que vous avez à dire et allez-vous-en.

Takaar se mit à sourire, avec l’air supérieur qu’il prenait quand il avait le sentiment de communiquer des éléments d’importance capitale aux pauvres ignorants.

— Tu abhorres la magie mais tu es fait de magie.

Auum cligna lentement des yeux.

— Vous ne vous arrangez pas…

— Chaque elfe porte l’Il-Aryn en lui et est par nature magique. C’est ce à quoi nous devons notre longue espérance de vie. Chez moi, ces énergies se manifestent de façon à faire de moi un maître Il-Aryn. Quant à toi, comme pour tous les TaiGethen, elles te confèrent ta vivacité d’esprit et d’action.

Auum se leva d’un bond et fondit sur Takaar.

— Comment osez-vous dénigrer les dons de mon Dieu ? de notre Dieu ? Tout ce que nous sommes comme toutes les aptitudes dont nous bénéficions, tout cela nous a été accordé par Yniss. Ce n’est pas de la magie mais de la foi et de la force physique. C’est de la croyance et le résultat du travail de plusieurs siècles. Nous ne faisons qu’un avec la terre parce que c’est notre berceau. Aucune magie ne coule dans mes veines ni ne guide mes mains.

Auum poussa violemment l’elfe fou, qui ne bougea pas d’un pouce.

— Tu ne peux nier ce que tu es.

— Je suis bien d’accord ! le railla Auum. Je suis né d’Yniss et telle est ma gloire, tel je suis. Reprenez votre hérésie et disparaissez de ma vue !

Il poussa de nouveau Takaar et entendit les Senseriis se lever et se déployer, aussitôt imités par les TaiGethen.

— Rassieds-toi, Gilderon, reprit-il en secouant la tête. Je ne vais pas lui faire de mal, ses mots s’en chargent. Contente-toi de le maintenir loin de moi.

— Tu comprendras, un jour, dit Takaar, qui ne semblait pas se rendre compte de la colère d’Auum. Mais je ne m’attends pas à recevoir des remerciements de ta part ce jour-là.

Auum observa un moment Takaar, dont le regard fou était incapable de se poser quelque part, tandis qu’un nouveau combat se déroulait dans son esprit.

— Parfait, comme ça vous ne serez pas déçu, conclut Auum, avant de tourner le dos à l’elfe fou.

Il fit signe aux TaiGethen de se rasseoir mais ne put se résoudre à en faire autant. Après avoir repoussé la proposition d’Ulysan, qui souhaitait lui tenir compagnie, Auum s’éloigna dans la nuit pour trouver un peu de solitude.

 

Auum traîna son humeur maussade jusqu’au matin, son premier aperçu des couleurs de Balaia sous la lueur du jour n’ayant rien changé à cela. Telle une force oppressante, les monts Noirépine se dressaient, menaçants, sur la droite de son champ de vision. L’herbe qui couvrait les collines, que Stein avait décrite comme magnifique, n’était en réalité qu’une grossière plante vert pâle montant à hauteur de genou, aussi peu indiquée pour la marche que pour s’y cacher.

Il y avait bien quelques arbres ici ou là, toutefois leur rareté avait quelque chose de choquant. Simplement pourvus de troncs très fins et de minuscules feuilles, ils semblaient prêts à s’abattre à la moindre poussée. Le trait le plus marquant du décor était la traînée qu’avaient laissée les Ouestiens en se rendant à Julatsa. En milieu de matinée, les elfes aperçurent la cité à l’horizon, bien que largement masquée par un écran de poussière et de fumée.

Sans Communion, ils ne disposaient d’aucune information en provenance de l’intérieur de la ville, cependant les rapports des éclaireurs d’Auum en brossaient un tableau peu réjouissant. Environ cinq mille Ouestiens soutenus par des chamans avaient encerclé Julatsa. Le visage grisâtre tant il se faisait du souci, Stein n’eut guère d’appétit lors de la pause, en milieu de journée. Auum comprenait pleinement ce que l’humain éprouvait.

— Vaart a remarqué des fissures dans le mur d’enceinte, de chaque côté de la porte sud, or c’est là que s’exerce la plus grande part de la pression de l’agresseur, dit Ulysan. Les défenseurs ont causé quelques dommages dans les rangs des Ouestiens mais les flammes noires portent loin.

— Combien de temps le mur peut-il tenir ? demanda Auum.

Stein secoua la tête.

— Les miens ont sans doute lancé de nombreux sorts de protection sur la muraille et sur les portes, malheureusement il suffit qu’un seul d’entre eux cède et que l’ennemi s’en rende compte pour que tout s’écroule. Jamais je n’ai imaginé que les Ouestiens seraient si nombreux à nous assiéger.

— Et où sont vos alliés ? s’étonna Faleen. Je croyais que vos collèges étaient unis face à cet ennemi ?

— La majeure partie de nos armées est engagée dans le tunnel de Sous-la-pierre et, évidemment, chaque collège doit garder assez de forces pour se défendre lui-même.

Auum fronça les sourcils.

— Qu’est-ce donc que ce tunnel de Sous-la-pierre ? Et où se trouve-t-il ?

— C’est un tunnel qui traverse les monts Noirépine, à environ quatre jours au sud de notre position.

— N’en dites pas plus, j’ai compris, soupira Auum. Non seulement l’un de vos idiots de mages a créé un moyen de déclencher l’apocalypse et l’a annoncé à vos ennemis, mais en plus vous avez creusé un tunnel dans votre meilleur écran de protection.

— C’était censé encourager le commerce, engendrer de la confiance et finalement apporter la paix, précisa Stein.

— C’est stupide à tant de points de vue que je ne sais pas par où commencer, déplora Auum. Vous avez creusé un tunnel débouchant sur les terres de vos ennemis. Plutôt que de les forcer à prendre la mer ou à franchir les montagnes, ce qui n’a rien d’évident, vous avez préféré leur offrir un passage beaucoup plus abordable. Que notre cher Yniss m’en soit témoin, comment avez-vous donc réussi à asservir Calaius ?

— Pardonnez-moi, Auum, mais nous lamenter sur cet état de fait nous éloigne des problèmes qui nous préoccupent, dit Faleen. Selon vous, Stein, nous ne devons donc nous attendre à aucune aide de la part de vos alliés ?

— Rien ne l’indiquait avant que nous ne soyons assiégés.

— Mais votre cité est la seule à être cernée, fit observer Grafyrre. Pourquoi ?

— Les Ouestiens veulent anéantir un collège à la fois, soupira l’humain. Ils menacent de franchir le tunnel avec suffisamment de guerriers pour être certains qu’on cherchera à les en empêcher, tout en trouvant le moyen d’en placer des milliers d’autres sous les murs de ma ville.

— Tactique efficace, convint Merrat.

— Jusqu’à ce que nous intervenions, ajouta Ulysan.

— Qu’allons-nous faire ? demanda une nouvelle fois Stein.

— Où est Drech ? s’enquit Auum. Ah ! te voilà. Tu nous as écoutés ? Parfait. Nous devons affaiblir les chamans. Si nous y parvenons, cela soulagera la pression exercée sur le mur d’enceinte de la cité et nous permettra d’y entrer après nous être frayé un chemin à travers les rangs des Ouestiens. Qu’as-tu appris à propos de la magie des seigneurs Wytch ? Saurais-tu l’arrêter ?

— Nous n’avons été en contact que brièvement avec cette magie, mais je peux vous assurer qu’elle provient d’un endroit qu’aucun Il-Aryn ne pourra jamais atteindre.

— C’est une magie interdimensionnelle, précisa Stein. Très difficile à neutraliser.

— Tak…

— Ne prononce pas son nom, l’interrompit Auum. Il n’a rien à voir avec cela.

Drech se tourna vers Takaar, qui s’adressait à de nombreux Il-Aryns. L’adoration que reflétait leur regard fit frissonner Auum.

— C’est lui le plus expérimenté, rappela Drech.

— Le sort qui sera lancé, quel qu’il soit, devra bloquer les chamans et permettre à mes TaiGethen de franchir l’obstacle constitué par les Ouestiens. J’ai donc besoin de quelqu’un en qui j’aie confiance, c’est-à-dire toi, et surtout pas lui.

Drech acquiesça.

— Il y a une chose que nous pouvons faire, dit-il.

— Bien, apprécia Auum. Attelle-toi à cela dès à présent. Stein, les Ouestiens sont-ils capables de voir dans l’obscurité ?

— Pas que je sache.

— Décidément, vous n’êtes pas très doués, gloussa Auum.

— Je ne comprends pas, dit Stein.

— Qu’avons-nous besoin d’arbres, quand nous avons la nuit ?