Chapitre 24

Quelle est la différence ? Eh bien, un mage se sert du mana pour donner forme à ses sorts, il l’attire en lui pour le façonner, tandis qu’un Il-Aryn ne peut se servir que de l’énergie déployée devant lui, il doit adapter ce qu’il voit pour obtenir le résultat souhaité. Par conséquent, la portée de l’Il-Aryn est beaucoup plus limitée.

Kerela, mage et conseillère de Julatsa

 

Quand ils atteignirent les premières pentes de la montagne proprement dite, Auum et Ulysan avaient nettement distancé leurs poursuivants, toutefois la course n’était pas encore gagnée. Auum considéra ce qui les attendait et inspira profondément.

Le plan incliné de granit sur lequel ils progressaient s’accentuait régulièrement sur trois cents mètres, jusqu’à se dresser à la verticale, véritable mur de pierre parsemé de fissures, d’affleurements et d’étroites corniches ici ou là. Des touffes de végétation s’accrochaient par endroits, tandis que des rapaces profitaient des courants ascendants pour s’élever dans le ciel, leurs cris résonnant dans le vent qui soufflait au pied de la paroi.

Grafyrre, Merrat, Merke et Marack faisaient partie d’un groupe qui tâchait de repérer des itinéraires potentiels sur cette muraille. Auum poussa un soupir, impressionné par l’ampleur de l’obstacle. Comparer ce mur de pierre aux falaises du Verendii Tual revenait à comparer un banian à un balsa.

Tilman avait été déposé sur le flanc de la montagne par Stein et le mage elfe. Ce dernier était en train d’évaluer la blessure et de préparer un sort. Flanqué d’Ulysan, Auum s’en approcha au pas de course et s’accroupit auprès du blessé.

— Toujours avec nous ?

Tilman esquissa un faible sourire. Son visage trempé de sueur avait pris une teinte d’un gris peu engageant.

— Merci, dit-il.

— Tu es peut-être idiot mais tu es un idiot courageux, dit Auum, qui se tourna vers le guérisseur. Que peux-tu faire pour lui ?

Le mage elfe posa les mains sur la cheville de l’humain et lança son sort. Tilman se détendit, sa respiration se fit plus régulière et il retrouva des couleurs.

— Je peux faire disparaître la douleur, dit le mage. Mais je ne peux pas me prononcer davantage tant que je n’aurai pas le temps de mieux examiner l’étendue des dégâts. Cette blessure ne me semble pas si terrible mais, sans soins magiques, il ne va pas pouvoir marcher pendant quinze ou vingt jours.

— Alors que nous sommes sur le point d’escalader une montagne, rappela Auum. Mais nous n’allons pas l’abandonner ici.

— Nous nous chargerons de le porter là-haut, intervint Stein. Auum, ce que vous avez fait pour lui, alors que c’est un humain, est significatif et, euh…

— Je crois qu’il essaie de vous demander pourquoi vous avez risqué votre vie pour sauver un simple humain, plutôt que de le laisser être transpercé de flèches et carbonisé, dit Ulysan.

— Merci, Ulysan, ironisa Auum. Que ferais-je sans ta perspicacité ?

— Vous seriez seul et perdu, capitaine.

— C’est parfois une perspective alléchante, plaisanta Auum, avant de se tourner vers Stein. J’aurais fait la même chose pour n’importe qui prêt à sacrifier sa vie pour un elfe. C’est la façon de voir les choses des TaiGethen.

C’est alors qu’Oryaal, guerrier chevronné, les rejoignit en courant.

— Ils arrivent, dit-il, le bras tendu derrière lui. Leurs éclaireurs volants se sont suffisamment approchés pour repérer notre position, et leurs mages et archers se sont mis en route. Il y a par là-bas un endroit rêvé pour une embuscade…

— Non, plus de combats, décréta Auum. Dans combien de temps seront-ils à portée de tir ?

— Ils progressent lentement, car ils savent que nous nous sommes arrêtés, ce qui les rend nerveux. Ils peuvent être sur nous en un quart d’heure, voire moins, dès l’instant où ils comprendront que nous avons l’intention d’escalader la montagne.

Auum laissa échapper un sifflement de dépit. Avec tant d’elfes peu rompus à ce genre de terrain, ce délai était beaucoup trop court.

— Nous sommes restés trop longtemps ici, reprit-il. Ulysan, lance immédiatement nos meilleurs grimpeurs à l’assaut de la paroi rocheuse. Il nous faut six voies, si nous pouvons les trouver. Je vais parler aux Il-Aryns. Tous les elfes julatsiens devront s’envoler pour aider les grimpeurs. Stein, vous savez déjà qui porter, demandez à vos mages d’identifier ceux qui ont le plus de chances de chuter et de les aider au mieux. À quelle hauteur se trouve le premier point où nous pourrons faire une pause ?

— Très haut, grimaça Stein. Au moins à trois cents mètres. Mais ensuite, la pente est beaucoup moins marquée, nous pourrons marcher. Il y a une corniche étroite mais praticable, qui nous mènera bien au-delà des premières neiges.

— Entendu. Il y a quelques saillies sur la paroi, si certains d’entre nous ont désespérément besoin de reprendre leur souffle. Allons-y.

Ulysan s’éloigna et appela Merrat, Grafyrre, Merke, Marack, Thrynn et Hohan. Auum, quant à lui, trottina jusqu’aux Il-Aryns regroupés et visiblement nerveux.

— Aucun d’entre vous ne chutera, car les TaiGethen vous en empêcheront, dit-il, quand il eut attiré leur attention. Suivez celui qui vous précède et placez vos mains et vos pieds sur les mêmes prises que lui. Il est bon que vous ayez peur, car cela vous incitera à vous montrer prudents. Étirez-vous au maximum quand il le faudra et agrippez-vous fermement à la paroi, plantez profondément les pieds dans les fissures. Soyez bien conscients que vous êtes capables d’accomplir cela, vous êtes tous en parfaite forme physique, car c’est ainsi que Takaar vous a façonnés.

» Si vous rencontrez des difficultés, criez et nous viendrons vous aider. Les elfes julatsiens seront présents autour de vous. Ayez confiance en Yniss, en vous-mêmes et en nous tous. Je crois en vous, sans quoi vous ne seriez pas ici maintenant. Allons-y. Ulysan va vous répartir au sein des diverses équipes de TaiGethen.

Tout en les observant s’éloigner, Auum pria Yniss pour qu’aucun d’eux ne glisse et ne chute. Ainsi débuta l’ascension. Marack et Merke grimpèrent en souplesse sur les dix premiers mètres, jusqu’à un point où ils eurent la possibilité de marquer une pause afin d’évaluer la section suivante. Ce début d’escalade ne fut pas aussi aisé pour Grafyrre et Merrat, chacun parti d’un côté du premier binôme. Sur la droite de Merrat, Hohan et Thrynn grimpaient quant à eux assez rapidement.

La paroi étant désormais libre, Ulysan encouragea les premiers Il-Aryns à s’élancer. Il se mordit la lèvre et se retourna vers le point de guet, où se tenait Oryaal. Dans le ciel, les mages xeteskiens ne pouvaient que voir ce qui se déroulait.

— Il faut aller plus vite, dit Auum, venu auprès d’Ulysan.

Trois TaiGethen suivaient les six premiers Il-Aryns. Les voies étaient suffisamment proches les unes des autres pour qu’un grimpeur expérimenté puisse passer de l’une à l’autre. Ainsi, chaque TaiGethen était en mesure de surveiller deux Il-Aryns. Cela étant, les risques restaient très élevés.

— Voulez-vous qu’on cherche une autre voie ? demanda Ulysan, avant de s’adresser aux Il-Aryns. Les six à qui c’est au tour de grimper, suivez vos camarades, vous aurez bien assez tôt des flèches dans le dos. Allez-y !

— Non, contente-toi de les presser, répondit Auum. Nous sommes assez éparpillés comme ça.

— Si l’ennemi s’approche à portée de sort, nous serons impuissants.

— Je sais, dit Auum, qui leva la tête. Continue, Marack ! Continuez tous ! Restez prudents mais hâtez-vous !

Le cœur d’Auum battait à tout rompre. Il se rappela une expression humaine employée par Stein, quelque temps auparavant, qui parlait d’être coincé entre un marteau et une enclume, et qui prenait tout son sens dans la situation du moment. Il était incapable de chasser une affreuse vision de son esprit : les Xeteskiens en train de lancer des sorts sur les elfes disséminés sur la paroi rocheuse et de faire chuter des corps en flammes, qui se désintégraient en percutant le sol. Il secoua la tête. Quelqu’un l’appelait.

— Ils avancent ! cria Oryaal. Il faut grimper plus vite !

Auum se retourna vers la paroi, où moins de la moitié du groupe avait pris pied, tandis qu’aucun d’entre eux n’était encore hors de portée de sort. Quelque chose leur avait échappé, ils auraient dû…

— Stein ! beugla Auum, dont le cri se répercuta sur le flanc de la montagne. Stein !

 

Dès qu’il entendit son nom, Stein quitta l’étroite saillie sur laquelle Tilman était assis, quelques dizaines de mètres au-dessus de Hohan, et descendit en piqué. Les elfes grouillaient sur le mur de pierre mais étaient encore très nombreux à attendre leur tour d’entamer l’ascension. Il vit également les Xeteskiens courir sur les pentes douces précédant la montagne proprement dite.

Stein mit un moment à repérer Auum, qui, vêtu de marron et de vert foncé et le visage peint, était difficile à apercevoir. Il finit tout de même par le voir lui faisant des signes et fondit sur lui.

— Ils sont tout proches, dit-il.

— Il faut les retarder, les ralentir d’une façon ou d’une autre, dit Auum. Il faudrait ériger un arc de glyphes, peut-être deux si vous en avez le temps, et les disposer de façon à maintenir l’ennemi hors de portée de sort.

— Leurs éclaireurs nous verront faire, il n’y aura pas de surprise.

— Peu importe, je veux simplement qu’ils fassent preuve de prudence. Qu’ils meurent n’est qu’un éventuel bonus.

— Compris, dit Stein.

L’humain monta en flèche dans le ciel, se maudissant de ne pas avoir pensé à ce stratagème. Il rejoignit rapidement les autres mages et leur demanda de le suivre jusqu’au sol, où il leur décrivit comment placer les glyphes. Il fallait faire apparaître des sons, du feu et de la fumée, des choses faciles à mettre en place mais difficiles à repérer, le tout sur un arc situé à environ deux cents mètres des grimpeurs de plus en plus désespérés.

Ce faisant, il gardait un œil sur Auum qui, avec un autre TaiGethen, surveillait la progression des humains. Dès que les mages eurent disposé leur première série de sorts, il les fit avancer de dix pas et reproduire l’opération. Il aurait été ravi de déployer trois arcs mais le temps pressait, sans compter que leur endurance n’était pas sans limites. Ils devaient tous conserver des forces pour voler.

Alors que le second arc était à moitié installé, Auum et son compagnon durent se baisser pour éviter des flèches, qui firent voler des morceaux de roche.

— Gardez la tête baissée et achevez votre sort ! cria Stein. Envolez-vous dès que vous en avez terminé.

Stein s’agenouilla et fit apparaître un mur de flammes devant lui, peu élevé mais suffisamment efficace, puis il coinça la moitié de cette forme presque vivante, sphère jaune hérissée de piques parcourue d’éclairs blanc, dans le sol. Ce n’était pas parfait mais cela tiendrait bien assez longtemps avant de se dissiper naturellement.

Il fit ensuite réapparaître ses ailes dans son dos et s’envola. Il attira l’attention d’un mage éclaireur xeteskien tout proche qui, gêné par trois TaiGethen en patrouille, jaqruis en main, était dans l’impossibilité de perturber les elfes qui préparaient leurs sorts au sol.

— Voilà qui devrait vous occuper un moment, dit Stein.

— Vous allez tous mourir, Julatsien, que ce soit sur cette paroi ou là-haut, dans le froid, répondit cet ennemi. Vous avez perdu la tête ou quoi ?

— C’est toi qui as perdu la tête, traître ! Tu sais que les seigneurs Wytch ont pour habitude de brûler ceux avec qui ils concluent des accords. J’entendrai tes hurlements, depuis le sommet de la montagne.

D’un bref regard, Stein aperçut Auum et… Oryaal, oui, c’était bien lui, portés par deux mages par-dessus les arcs de glyphes. Dès qu’ils furent déposés au sol, ils filèrent à fond de train vers la paroi rocheuse, que plus des deux tiers du groupe étaient à présent en train de gravir. Levant la tête, il constata que les elfes chargés d’ouvrir les voies avançaient bien. En revanche, et ce n’était guère surprenant, ceux qui les suivaient étaient beaucoup moins rapides.

Ses mages étaient en train de se rassembler à hauteur des grimpeurs les plus lents, qu’ils aidaient à trouver des prises en les encourageant. Personne n’avait glissé pour le moment mais ce n’était certainement qu’une question de temps. Au pied de la montagne, Auum poussait d’autres Il-Aryns à entamer l’ascension, entre deux groupes de TaiGethen, forçant tout ce monde à se serrer au maximum. Ils faisaient une cible idéale.

Stein se retourna. Les Xeteskiens approchaient. Ils avaient tout de même ralenti, comme Auum l’avait espéré, et leurs mages s’étaient positionnés au-dessus des arcs de glyphes. Il calcula rapidement combien de temps il faudrait à l’ennemi pour repérer chaque piège, puis se frayer un chemin entre les points censés les faire exploser. L’espace d’un merveilleux instant, Stein se prit à croire qu’ils allaient leur échapper sans dommage.

Hélas l’ennemi n’avait pas dit son dernier mot. Il avait quatre-vingts mages à sa disposition. Si au moins la moitié d’entre eux succombèrent en tentant de repérer les glyphes, les autres s’envolèrent en direction de la paroi rocheuse. Stein poussa un juron.

— Ils arrivent ! hurla-t-il à pleins poumons. Défendez la paroi, les voilà !

Il voleta un peu plus haut et répéta son message. Ses mages se tournèrent juste à temps pour se rendre compte que l’ennemi était sur eux, visant déjà les elfes les plus haut perchés sur le flanc montagneux. L’air était à présent rempli d’ailes et de combattants. Les mages elfes se lancèrent à l’attaque en poussant des hurlements, puisant de la force dans leur férocité innée.

Stein plongea sur un adversaire lui-même en train de fondre sur un Il-Aryn afin d’arracher ce dernier de la paroi. Les ailes repliées, il décrivit un piqué et s’écrasa sur les jambes du mage à la seconde où celui-ci posait la main sur l’épaule de l’Il-Aryn. Le choc écarta le Xeteskien de la paroi, hélas il eut le temps d’agripper les vêtements de l’acolyte. Le malheureux elfe tenta inutilement de retrouver une prise et chuta en hurlant pour s’écraser quelque vingt mètres plus bas.

Stein rugit de frustration et frappa de nouveau le mage qui se débattait, cette fois d’un double coup de pied au milieu du dos. Les ailes du Xeteskien, déjà vacillantes, disparurent. Le misérable connut le même destin que sa victime. Stein se mit aussitôt en quête d’une autre cible. Sur le flanc de la montagne se multipliaient les échos de cris, d’avertissements, de hurlements et de suppliques.

Les grimpeurs TaiGethen restaient aussi près que possible de ceux dont ils avaient la charge. Suspendus selon des angles inconcevables, ils se défendaient lame en main et repoussaient tant bien que mal les agresseurs. Stein aperçut soudain une silhouette qui grimpait à toute allure sur le côté, progressant aussi vite que sur une échelle. C’était Auum. Quant à celui qui le suivait, ce devait être Ulysan.

Il vit une de ses mages chuter en vrille, liée en une mortelle étreinte avec un Xeteskien. Chacun cherchait à porter le coup de poing qui briserait la concentration de l’autre. L’elfe jeta la tête en arrière et planta les dents dans le cou de l’humain, faisant jaillir un flot de sang. Le mage ennemi hurla et tenta de lui faire lâcher prise mais elle lui griffa le visage et lui creva les yeux. Sa victime alla s’écraser au sol en hurlant. L’elfe cracha de la chair humaine, poussa un cri de joie et repartit sans attendre en direction d’une nouvelle cible.

Stein entendit soudain du bruit dans son dos. Il s’éleva aussitôt à la verticale, n’échappant que d’un cheveu à un Xeteskien. Il poursuivit son ascension en se rapprochant de la paroi, désormais parsemée des couleurs humaines et elfiques, telle une colonie d’oiseaux surexcités perchés sur un rocher. Stein décrivit ensuite une spirale descendante serrée. Le mage ennemi fondit sur une TaiGethen déjà occupée à repousser un autre adversaire de l’autre côté.

— Attention, sur ta droite ! cria Stein, qui accéléra, bien que conscient de ne pas intervenir à temps.

La TaiGethen repoussa d’un coup de pied son premier adversaire, qui se retrouva éjecté un peu plus loin, les ailes un temps faiblissantes avant de reprendre leur consistance. Elle sentit tardivement la présence de l’autre mage et pivota au moment où ce dernier fondait sur elle mains tendues. C’est alors qu’une silhouette plaquée contre la paroi doubla Stein et se laissa tomber sur le mage, dont les ailes se dissipèrent lorsqu’une lame d’acier fendit l’air.

L’humain tomba comme une pierre. Le TaiGethen se servit du corps de sa victime pour se propulser contre la paroi, où il dut lutter pour trouver une prise, sans succès. Stein se jeta sur lui et le plaqua contre la roche, freinant autant que possible sa chute. Enfin, l’elfe repéra une saillie et s’y accrocha du bout des doigts.

— Vous n’aviez pas réfléchi à la suite de votre plan, pas vrai ? dit Stein.

— Non, avoua Auum. Cela dit, je ne pense pas que la chute m’aurait tué. Vous pouvez me lâcher, je ne crains plus rien.

Stein éclata de rire et reprit aussitôt de l’altitude, à la recherche d’une nouvelle cible, qui se présenta immédiatement. Six Xeteskiens volant en formation serrée percèrent les lignes julatsiennes et firent chuter en vrille un défenseur, tandis que les autres luttaient pour se maintenir en vol. Les agresseurs se ruèrent vers la paroi, où ils percutèrent sans distinction des Il-Aryns comme des TaiGethen. Trois ou quatre de ces derniers furent décramponnés.

Stein appela à la rescousse ceux qui pouvaient l’entendre et fonça derrière les intrus qui, s’étant écartés de la roche, s’apprêtaient à lancer un nouvel assaut. Les Il-Aryns hurlaient. L’un d’eux ne se tenait plus qu’à la main d’une TaiGethen, elle-même uniquement accrochée à la paroi par un ou deux doigts. Près de vingt-cinq mètres les séparaient du sol, et l’Il-Aryn appelait à l’aide à s’en éclater les poumons.

Stein se précipita, tandis que deux autres Julatsiens faisaient de même. Les Xeteskiens s’élancèrent sur leurs cibles. Stein se glissa entre eux et les grimpeurs impuissants et se mit à enchaîner coups de pied et coups de poing, tentant de frapper ce qui se présentait, sans grande réussite. Emporté un peu plus loin par son élan, il se stabilisa, orienta ses ailes avec précision et se rua de nouveau vers la mêlée.

Les deux elfes se jetèrent pieds en avant et repoussèrent ainsi trois adversaires. Stein fondit sur les autres et eut la satisfaction de sentir son poing fracasser une mâchoire. Il encaissa lui-même un coup dans les côtes et se retourna, saisi de l’écœurante sensation que ses ailes étaient agressées par un autre sort.

Il fut ensuite happé par des bras et ses agresseurs cherchèrent à coincer ses ailes au moyen d’un flux de mana. Il sentit en effet son sort se dissiper. Il se défendit d’un coup de pied et tenta de lancer son propre flux, tout en se tortillant pour se dégager de l’emprise de ses adversaires. Sur sa gauche, en direction de la paroi, il entendit comme un sifflement.

Stein sentit la prise de son ennemi se relâcher et ses ailes retrouver leur vigueur. Il se retourna et constata que le Xeteskien essayait d’arracher un jaqrui planté dans sa nuque. Après un dernier gémissement, le mage plongea vers le sol. Stein se tourna vers la montagne et vit Auum, qui se tenait d’une main dans une fissure.

Stein hocha la tête et reprit de la hauteur. Pendant ce temps, Auum criait des ordres, que l’on se transmettait vers le haut et le bas de la paroi :

— Recommencez à grimper, le temps presse !

Stein se retourna et constata que l’Arch des TaiGethen avait vu juste : les mages xeteskiens étaient presque venus à bout des glyphes déployés. L’ennemi abandonnait les combats aériens pour se concentrer sur des affrontements au sol. Stein pivota une fois de plus et vit les Il-Aryns se remettre à escalader la paroi, hélas affreusement lentement. La moitié d’entre eux ne se trouvaient encore qu’à cinq ou six mètres de leur point de départ, sans grand espoir de pouvoir se réfugier assez haut pour échapper aux agresseurs.

Mais il pouvait les sauver. En sauver quelques-uns, en tout cas.