Chapitre 31

Oui, je sens les énergies de la terre et la magie d’Ix. Mais je sens aussi le vent et la chaleur du soleil. Cela ne veut pas dire que Takaar a raison à propos de moi.

Auum, Arch des TaiGethen

 

Tout en tâchant d’ignorer leurs voix, Ystormun faisait le tri des vêtements, armes et textes sans lesquels il ne pouvait prendre la route. Son serviteur attendait à côté de lui, pour empaqueter les effets sélectionnés et les charger dans son carrosse. Dans l’esprit d’Ystormun, le vacarme s’intensifia tant qu’il lui devint impossible de réfléchir de son côté. Il n’arrivait plus à se rappeler ce qu’il cherchait quand il ouvrait un tiroir ou une penderie.

Son crâne n’était pas harcelé de mots mais simplement d’incantations volontairement discordantes du cadre, qui, de plus en plus pressantes, le sommaient de se rendre à l’Hexerion. Ystormun s’appuya lourdement sur son bureau et tenta de se concentrer sur les parchemins qu’il était en train de trier, à la recherche de celui – un seul – qui lui donnerait force et assurance lorsqu’il se retrouverait face à ceux qui l’avaient déjà vaincu. La honte qu’avait provoquée cette défaite brûlait toujours en lui. La pression s’accentuant dans son crâne, il abattit le poing sur le bureau. Son serviteur poussa un gémissement. Ystormun se retourna face au pauvre diable.

— Emballe ce que j’ai sorti, je terminerai plus tard.

Le Ouestien, trop frêle pour être un guerrier mais doté d’un esprit bien organisé, survivait depuis déjà longtemps, pour un domestique. Il décela la douleur et la colère de son maître mais n’osa pas l’évoquer à haute voix. Ystormun ne lui en demandait pas tant. L’expression compatissante que lui adressa son serviteur fut amplement suffisante et lui fit du bien, de façon étonnante.

— Tout sera prêt pour votre inspection à votre retour, dit le barbare.

En équilibre pas tout à fait stable sur ses deux jambes, Ystormun acquiesça légèrement avant de sortir prudemment de la pièce et de prendre la direction de l’Hexerion. Il devina que les autres avaient compris qu’il s’approchait lorsque les voix dans sa tête changèrent de ton et se firent supérieures et railleuses.

Ystormun fut frappé par la chaleur qui régnait dans l’Hexerion lorsqu’il y entra. Tous les feux étaient allumés, y compris le sien, alors qu’il n’en avait pas donné l’ordre, et une odeur de fumée alourdissait l’air ambiant. C’était vraiment mesquin de leur part. Ils savaient qu’il préférait le froid, depuis son retour de l’humidité débilitante de Calaius. Il les regarda tour à tour droit dans les yeux, encaissant leur mépris, puis haussa les épaules et s’installa dans son fauteuil, avant de poser en douceur sur la table ses doigts croisés.

Comme ils s’attendaient sans doute à le voir se défendre avec précipitation, il attendit que l’un d’eux prenne la parole et dévoile ainsi sa propre ignorance. Peut-être s’agirait-il de Weyamun ou de Pamun, ces deux-là avaient du mal à tenir leur langue. Il fut un peu déçu quand Belphamun prit le premier la parole, d’une voix posée :

— Nous n’apprécions pas de devoir attendre. Votre présence, lorsqu’elle est requise par le cadre, doit être immédiate, comme pour n’importe lequel d’entre nous.

— Je n’ai pas pour habitude d’abandonner une tâche sans l’avoir menée à bien, répondit Ystormun.

— Bien sûr, dit Giriamun. Nous comprenons que choisir vos vêtements de voyage soit un travail nécessitant la paix et la concentration les plus extrêmes.

Belphamun siffla pour faire taire Giriamun, sans quitter Ystormun du regard.

— Ne sommes-nous donc pas dignes de vous voir accourir aussitôt que nous vous réclamons ?

— Si, bien sûr, dès lors qu’il est question de problèmes sur lesquels il est possible de débattre.

Ystormun sentit une certaine tension s’installer. Les regards qui jusque-là l’évitaient avec dédain se posèrent sur son visage et lui firent sentir le mépris commun qu’il leur inspirait.

— Votre volonté d’affaiblir le cadre sera toujours matière à débat, dit Pamun.

— Vos sentiments personnels influent sur votre esprit de la pire des façons, ajouta Weyamun.

— Vous ne pouvez prendre seul votre décision, dit Giriamun.

— Vous ne quitterez pas ce temple sans notre consentement, renchérit Arumun.

— Votre obsession à vouloir effacer votre honte est vraiment pathétique, dit Belphamun.

Ystormun avait su que les choses se dérouleraient ainsi. Il laissa leur colère déferler sur lui et fit mine d’accepter toutes leurs critiques. Ils en rajoutèrent beaucoup d’autres mais le sujet resta à peu près le même. Il attendit qu’ils se calment, satisfaits d’être d’accord entre eux pour le considérer comme le paria du cadre qu’il était déterminé à briser. Ce ne fut qu’alors qu’il reprit la parole.

— Ce qui me déçoit le plus, c’est que vous soyez incapables de comprendre que mes actes nous rapprocheront plus que jamais de la victoire finale. Pardonnez-moi mais sommes-nous au moins d’accord sur l’idée que la victoire, en l’occurrence, consiste à nous ouvrir la voie menant à AubeMort, à nous en emparer sans être gênés et à ensuite assurer notre domination pour l’éternité ?

Les cinq autres le regardaient fixement, aussi menaçants que méprisants. Tour à tour, et presque imperceptiblement, ils hochèrent tout de même la tête.

— Pourtant, Belphamun, vous avez choisi de nouer une alliance à l’intérêt discutable avec notre plus grand rival et notre ennemi le plus dangereux. Xetesk se sert de nous pour éliminer ses propres cités rivales et se renforcer avant de finir par se retourner contre nous.

— Comme d’habitude, vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez et vous comprenez tout de travers, dit Belphamun. La destruction des collèges est un point essentiel pour nos ambitions. Notre alliance avec Xetesk nous permet, jusqu’au moment où nous déciderons de la rompre, d’engager de nombreuses forces armées dans les combats.

» Quant à vous, Pamun, vous avez complètement échoué à incorporer les tribus Paleon. Il est évident que Sentaya et Lantruq disposent encore de nombreux guerriers. En outre, sauf si l’on m’a induit en erreur, c’est bien Sentaya qui vient tout juste de nous défier.

Pamun ne trouva rien à dire. Cela fit sourire Ystormun, qui poursuivit :

— Par ailleurs, est-il nécessaire de rappeler comment évoluent nos recherches concernant AubeMort ?

Encore un silence. Ystormun se leva et écarta les mains.

— Auum a fait venir le restant de ses forces sur nos terres et les a placées en un endroit où nous pouvons les anéantir. C’est à moi de m’en charger, et je m’assurerai que ce soit fait. L’élimination des elfes privera l’ennemi de magie et de ses plus redoutables combattants. Nous ne devons pas rater l’occasion de débarrasser ce conflit des elfes. Voilà pourquoi je vais me rendre sur place et pourquoi vous ne m’en empêcherez pas.

Les poings de Belphamun raclèrent l’antique table, laissant dans leur sillage des traînées de pouvoir crépitantes. Les autres membres du cadre en retirèrent aussitôt les coudes et les mains. Une odeur de brûlé se propagea brièvement dans l’air, pour presque aussitôt se dissiper.

— Vous ne sortirez pas de ce temple, cracha Belphamun, qui ne faisait plus le moindre effort pour paraître calme.

Ystormun avait remporté la joute orale mais pas la récompense qui allait avec.

— Nous unirons nos pouvoirs, comme nous l’avons toujours fait, et frapperons avec plus de force par l’intermédiaire de nos chamans. C’est à ça qu’ils nous servent.

— Vous ne me priverez pas de cette victoire ! s’emporta Ystormun. Elle est pour moi, je l’ai méritée !

— Et que se passera-t-il si vous êtes vaincu ? lui demanda Pamun.

Ystormun éclata de rire.

— Si je suis vaincu ? Je dispose des forces suffisantes pour l’emporter face à une armée dix fois plus nombreuse que celle que je vais affronter. Dès que j’apparaîtrai sur le champ de bataille, invulnérable et tout-puissant aux yeux de ces sauvages, ceux-ci prendront la fuite en hurlant à leurs chamans de me jurer fidélité. Je me retrouverai alors face à une poignée d’elfes.

Pamun lui décocha un regard chargé de malveillance.

— Ah oui ! Pamun, poursuivit Ystormun. Je vous offrirai aussi Sentaya sur un plateau, au passage. C’est ce qui vous tracasse, n’est-ce pas ? Ma victoire déclenchera votre honte.

— Non, Ystormun, lança Pamun, qui, de l’autre côté de la table, se leva. Ce qui me tracasse, c’est que vous ne songiez qu’à vous venger de façon mesquine sur quelques barbares du Sud. Vous n’avez rien d’autre en tête, n’osez pas prétendre le contraire.

Ystormun croisa les bras, puis les écarta d’un geste vif. Les six feux s’éteignirent et la luminosité s’en ressentit.

— Assez avec cette chaleur, dit-il. Vos protestations ne reposent que sur la pire des faiblesses : la peur. Vous craignez que je sois vaincu et que notre cadre se retrouve vulnérable face à de nouveaux sorts lancés par les Xeteskiens. Votre manque de confiance vous perdra. Xetesk est coincé de l’autre côté des montagnes. Je n’échouerai pas. Je n’aurai pas la moindre égratignure à déplorer. Vous voulez me refuser cette gloire parce que vous redoutez de voir grandir mon influence. La peur… Jamais je n’aurais imaginé la trouver en vous, mes frères.

Ystormun sourit après avoir lancé sa pique, qui fit mouche. Arumun trouva la force de soutenir son regard.

— Vous niez donc vouloir vous venger ? dit-il.

— Bien sûr que non, répondit Ystormun. Pourquoi devrais-je me priver de cette satisfaction, alors que je suis sur le point de mettre un terme à ce conflit ? Je lirai de la terreur dans les yeux d’Auum et de Takaar quand je les tuerai. Je veux les voir comprendre qu’ils ont échoué, lorsqu’ils libéreront pour la dernière fois un souffle d’air de leur corps torturé. Je veux qu’ils sachent que je répandrai la même terreur sur leurs terres. Je veux le leur dire en personne quand on leur arrachera la peau.

» Vos inclinations ne vous apportent que de brèves excitations, Arumun. Les miennes m’offrent de la joie. Cédez à la haine, elle est splendide lorsqu’elle peut s’exprimer.

— Elle vous aveugle et nous détruira tous, dit Belphamun.

— Vous me voyez ravi d’être si essentiel à votre survie.

— Nous sommes six ou nous ne sommes rien.

— Alors ne cherchez pas à m’arrêter, ou nous ne serons rien, que je vive ou que je meure !

 

Bynaar était bien protégé dans tous les domaines. C’était un mage du Septième Cercle, rang que l’on n’obtenait pas en ne prêtant pas attention aux détails. Même dans son logement provisoire de Sous-la-pierre, alors que les forces xeteskiennes formant la garnison dominaient tous les points d’entrée, il n’avait pas négligé sa sécurité personnelle.

Les Protecteurs qui lui servaient de gardes du corps cernaient la maison qu’il occupait. D’autres patrouillaient au rez-de-chaussée et d’autres encore avaient été positionnés de l’autre côté de la porte de sa chambre, au premier étage. Ses mages les plus dignes de confiance surveillaient les soldats et les terres environnantes et il était en permanence protégé par un bouclier magique, au cas où un rival quelconque déciderait de troubler son sommeil en tentant de l’assassiner.

Il n’avalait que ce que lui préparaient ses cuisiniers personnels, non sans au préalable lancer un sort capable de détecter les poisons, et, quand il dormait ou se reposait ou lisait au calme dans son salon, il avait pour habitude de toujours laisser son familier dans son dos pour surveiller ses arrières.

Bien qu’irascible, Bynaar ne se faisait en fin de compte pas trop de souci à propos des quelques elfes qui lui avaient échappé dans les monts Noirépine. Il estimait peu probable qu’ils survivent à ces altitudes et, quand bien même ils parviendraient à gagner les terres des Ouestiens, les éventuels dégâts qu’ils étaient susceptibles d’y causer ne pouvaient que servir la cause de Xetesk.

Malgré tout, il ne parvenait pas à chasser une certaine angoisse. Son dernier contact avec Kerela ne s’était pas bien déroulé. Les Julatsiens et leurs maudits alliés elfes s’étaient montrés insistants jusqu’à en devenir agaçants. Elle l’avait franchement accusé de trahison et avait dit des choses plutôt déstabilisantes à propos du Presbytère de Septern et des allées et venues du plus puissant des elfes. Si elle avait vu juste, ce dernier risquait de provoquer de sérieux problèmes. Bynaar ne pouvait en effet pas se permettre de faire réagir les seigneurs Wytch avant qu’il ne soit prêt.

Installé devant un feu mourant, avec un pichet de vin à portée de main, tandis que la nuit approchait, Bynaar, qui avait pourtant beaucoup de documents à parcourir, ne cessait de regarder danser les flammes, dont les motifs le rassuraient.

— Quelle intéressante créature.

Bynaar fut si surpris par ces mots qu’il en renversa son vin et laissa tomber ses parchemins au sol. Cette voix mélodieuse maniait sa langue avec aisance et conférait à son discours un rythme unique et ensorceleur.

Le mage se leva d’un bond et, tournant le dos au feu, cligna des yeux pour chasser l’image rémanente des flammes. Au moins, la silhouette qui se tenait du côté du balcon n’était pas venue pour le tuer, sinon pourquoi aurait-elle décidé de parler ? Bynaar se demanda s’il était en train de rêver, hypothèse qu’il élimina aussitôt, car des questions plus urgentes se posaient.

Son familier se trouvait toujours là où il l’avait installé, roulé en boule sur le dos de sa chaise, dans son habituelle posture féline. Bien sûr, il aurait dû depuis longtemps se transformer et se lancer à l’attaque, cependant il ne semblait pas avoir remarqué la présence de l’intrus. Il n’avait même pas levé la tête. C’était impossible.

La silhouette s’approcha des deux fauteuils luxueusement tapissés, devant l’âtre. Bynaar ne fit pas un geste et suivit des yeux l’inconnu, un elfe doté d’une grâce aérienne et d’une présence qui écrasait la sienne. La folie qui émanait du visiteur contrastait avec un air d’intelligence tout aussi effrayant. Il émanait de cet être une puissance que Bynaar pouvait sentir mais en aucun cas saisir.

— Vous devez être Takaar, dit-il.

— Exact, répondit l’elfe.

— Vous avez conscience qu’il me suffit de prononcer un mot pour que votre vie prenne fin ?

Takaar marmonna quelque chose pour lui-même et sourit.

— Le fait que je me trouve dans cette pièce devrait te prouver que je ne crains pas une telle chose.

— Qu’avez-vous fait à mon… animal domestique ?

— Rien, dit Takaar, qui désigna un fauteuil. Puis-je ?

— Je n’ai manifestement pas le pouvoir de vous en empêcher. Servez-vous donc en vin.

Takaar s’assit mais ne toucha pas au pichet.

— Comme je ne voulais pas perturber son sommeil, j’ai créé une bulle de silence, dans laquelle il peut continuer de se reposer. Mais ce n’est pas vraiment un chat, ses énergies sont reliées aux tiennes. Très intéressant.

Bynaar observa attentivement Takaar. Ce dernier n’était en aucun cas en mesure de détecter le lien qui unissait un mage à son familier. Il prit quelques instants pour réfléchir, puis il se rendit compte que la maison était inhabituellement silencieuse, même à cette heure tardive.

— Vous avez placé toute la pièce dans votre bulle de silence, n’est-ce pas ?

— Est-ce une déduction ou une détection ? sourit Takaar.

— Je ne tiens pas à répondre à cette question.

Le sourire de Takaar se dissipa. Il dressa une oreille et se mit à secouer la tête.

— Eh bien, moi, je pense que c’est malin, même si tu n’es pas d’accord.

— Vous pensez que quoi est malin ? lui demanda Bynaar.

Takaar le regarda un moment avant de répondre.

— Ce n’est pas à toi que je m’adressais.

Ne sachant pas comment interpréter ces mots, le mage décida de ne pas en tenir compte. L’elfe avait sans doute pensé à haute voix. Il fit claquer sa langue avant de reprendre :

— Vous voici donc ici. J’imagine que vous n’êtes pas venu pour m’assassiner, alors que voulez-vous ?

Takaar écarquilla les yeux et, un sourire enfantin aux lèvres, se pencha en avant.

— Je veux vous aider à gagner la guerre, toi et les tiens, dit-il, d’une voix à peine audible.

— Je ne m’attendais pas à vous entendre faire une telle proposition.

— Tu pensais que j’allais menacer de te tuer si tu ne rappelais pas tes chiens de devant les murs de Julatsa ?

— Quelque chose comme ça, avoua Bynaar, qui, malgré ce que lui dictait la prudence, était curieux. Comment comptez-vous m’aider, et pourquoi ?

Takaar changeait d’expression presque chaque fois qu’il s’exprimait. Toute trace d’espièglerie disparue, il affichait à présent la plus grande gravité, ce qui était pour le moins déstabilisant. Bynaar se demanda si l’intrus avait toute sa tête.

— Parce que les elfes veulent la mort des seigneurs Wytch et parce que vous êtes en train de détruire ces terres, à la recherche d’un sort que vous ne trouverez jamais. Sachant cela, vous devez rompre votre alliance avec eux et les éliminer dès à présent, car ce sera votre seule chance.

— Mais cela nous laisserait face à des rivaux, or nous ne voulons pas de rivaux, fit observer Bynaar.

Takaar prit un air plus sombre et hocha la tête sur sa droite.

— Ne sois pas condescendant avec moi. Je m’accroche, comme toujours, et parfois je dérape.

— Je ne vous suis plus du tout, dit Bynaar, les sourcils froncés. Comment ça, vous dérapez ?

Takaar prit cette fois l’expression d’une mère expliquant quelque chose à un enfant simple d’esprit :

— J’entends par là que ceux qui décident de rire de moi et de m’affaiblir sont parfois éliminés. Auum prétend que je ne sais pas contrôler ma colère. Je commence à penser qu’il a raison.

Bynaar se sentit soudain diminué par la menace émanant de Takaar, très palpable et probablement fondée sur des lignes d’énergie.

— Je n’avais nulle intention de porter atteinte à votre honneur ou de vous manquer de respect. J’imagine que vous êtes au fait des intentions de Xetesk ? Nous ne tolérerons pas le moindre rival.

Takaar agita les mains, sur ses genoux.

— Je n’ai pas beaucoup de temps mais tu ne m’écoutes pas. Personne ne cherchera à doubler Xetesk dans la course pour retrouver AubeMort, car vous ne trouverez jamais ce sort.

— Et pourquoi pas ?

— Parce que c’est toujours Septern qui le détient.

Ce Takaar était décidément très surprenant.

— Et vous le savez parce que… ?

— Parce que je suis meilleur mage que toi.

Bynaar se frotta le coin des yeux des index, puis décida de renoncer à défier son visiteur pour opter pour une autre approche.

— Je veux bien le croire, dit-il. Vous êtes de toute évidence très compétent. Alors dites-moi, comment proposez-vous de m’aider à vaincre les seigneurs Wytch ?

Takaar gloussa, les yeux rieurs. Bynaar en fut soulagé et se maudit pour cette réaction.

— Notre plus grand guerrier s’est rendu à l’ouest pour défier Ystormun. Celui-ci se présentera sur le champ de bataille, car la haine qu’il éprouve à l’encontre d’Auum a résisté à l’épreuve des siècles. Cela causera sa perte. Je me rendrai sur place et fournirai à Auum la magie nécessaire pour dompter cette créature. C’est ensuite qu’interviendra ton collège, qui seul a les moyens de garder Ystormun prisonnier.

— Vous êtes naïf si vous pensez qu’Ystormun va délaisser le cadre pour tuer un elfe. Même s’il en éprouvait le désir, le cadre ne le lui permettrait pas. Ensemble, ils constituent un redoutable pouvoir depuis la Fragmentation. Il suffit que l’un d’eux s’éloigne des autres pour qu’ils soient sérieusement affaiblis. Cela nous permettrait de…

Bynaar se carra dans son fauteuil, comprenant soudain où Takaar voulait en venir.

— Bon, reprit-il. Maintenant, expliquez-moi pourquoi AubeMort est hors d’atteinte pour nous.