Chapitre 7

Les énergies terrestres courent en chacun de nous. Les Il-Aryns s’en servent pour lancer des sorts, les TaiGethen pour penser et agir plus vite.

Takaar, Père des Il-Aryns

 

La modeste flotte elfique s’était divisée en deux paires de navires. Esteren avait fait prendre à son vaisseau, l’Âme d’Yniss, et à l’Esprit de Tual un long bord bâbord amure. L’autre duo, composé de la Bénédiction de Gyaam et de la Capricieuse, poursuivait sa route tribord amure et passerait largement devant l’ennemi en approche. La synchronisation de leurs bords de retour, censés les faire surgir sur le flanc de la flotte adverse, était d’une importance capitale.

De retour dans le nid-de-pie aux côtés de Selas, Auum et Ulysan écoutaient avec attention les commentaires ininterrompus de celle-ci quant à leur position par rapport à l’ennemi, qui se trouvait encore assez loin au nord-ouest. Pour autant qu’Auum pouvait en juger, Selas était dotée d’un œil extraordinaire pour estimer les distances et les vitesses.

L’Arch des TaiGethen observait l’ennemi, qui les voyait, c’était une évidence, mais qui ne devait pas imaginer qu’une attaque se préparait. Il supposait en effet probablement n’avoir affaire qu’à des marchands cherchant à prendre la fuite. Les vaisseaux poursuivants étaient positionnés en deux rangées plutôt lâches. D’après Selas, ils étaient tous séparés de leur plus proche voisin d’au moins une centaine de mètres. Cette formation devait permettre aux elfes de se faufiler entre les humains, si ces derniers décidaient de poursuivre à vive allure, plutôt que d’adopter une formation de combat.

— Ils tenteront de se rapprocher quand ils comprendront que nous attaquons, mais ce sera assez risqué pour eux, avait précisé Selas. Naviguer si près les uns des autres sans se percuter ni perdre de la vitesse nécessite un certain talent, ce qui pourrait nous être profitable.

Plus bas, sur le pont, l’équipage se préparait à passer tribord amure. Les marins patientaient près des écoutes coincées dans les taquets, disposés des deux côtés sur toute la longueur du trois-mâts. Esteren fit donner toute la toile, le moindre espar soutenant une voile, ce qui transforma le vaisseau en un splendide spectacle.

À l’exception de Cleress et d’un autre acolyte, tous deux assis juste devant la barre, aucun Il-Aryn ou TaiGethen ne se trouvait sur le pont, qu’ils avaient abandonné aux marins afin de ne pas les gêner dans leurs manœuvres.

— Cela va-t-il fonctionner ? laissa échapper Auum.

— Comment pourrait-il en être autrement ? ironisa Ulysan. Nous sommes à quatre contre dix. Nous allons glisser chaque vaisseau entre deux adversaires et ensuite faire sauter nos hommes par-dessus les eaux agitées pour les jeter dans les griffes de la magie chamanique et des lames ennemies. Qu’est-ce qui pourrait aller de travers ?

— En qui n’avez-vous pas confiance ? lui demanda Selas, avec dans les yeux une lueur de malice qui n’échappa pas à Auum. Mes marins, les Il-Aryns ou vos guerriers ?

— Les gros vaisseaux sont difficiles à manier, dit Auum. Et à protéger.

— Pas tant que ça, dit Selas, souriante. Un virement et quelques tours de barre et le tour est joué. L’Esprit et la Bénédiction vont passer au grand largue, ce qui leur donnera une grande vitesse lorsqu’ils se présenteront devant la première rangée de bateaux ennemis. Il leur suffira de trouver le bon angle pour se glisser entre les deux paires extérieures.

» Pour la Capricieuse et nous, ce sera un peu plus compliqué. Nous serons l’un comme l’autre au près serré et progresserons au mieux à deux nœuds. La précision de notre virement sera cruciale, car nous sommes chargés de nous insérer entre les deux rangées ennemies. Ensuite nous serrerons encore davantage le vent, pour nous glisser entre les deux paires extérieures… enfin, c’est l’affaire d’Esteren. Vous et vos Il-Aryns devez tout de même être prêts à agir, car la situation s’annonce tendue, avec toute cette magie qui va voler sur bâbord et tribord. Vous n’aurez pas beaucoup de temps pour passer à l’abordage.

— Je suis ravi de te voir si confiante, dit Auum.

— Tout se passera bien si les écrans tiennent bon, dit Selas. C’est quand même dommage que les Il-Aryns ne puissent pas causer de dommages, pas vrai ?

— Pour une fois, je suis de cet avis, convint Auum. Mais de façon générale, je prie Yniss qu’ils ne réussissent jamais à tuer avec leur magie.

— Un instant, l’interrompit Selas. Voyons… Capitaine ! L’angle se réduit. Vitesse : cinq nœuds. Virement dans deux nautiques.

— Paré à virer ! rugit Esteren.

Le message fut aussitôt relayé par le maître d’équipage aux marins, qui se figèrent tous.

— On vire ! dit-il un peu plus tard. Timonier, barre à tribord, toute !

— Barre à tribord, toute, à vos ordres !

L’Âme d’Yniss se mit à remonter au vent. Sur le pont, on lâcha les écoutes et quinze voiles furent libérées. Les marins postés à tribord tirèrent sur les cordages de façon à border les voiles et prendre le vent. Les chefs d’équipe donnaient la cadence, leurs hommes réagissant en rythme.

— Pas assez rapide ! beugla Esteren. Secouez-vous les fesses et tirez !

La proue du vaisseau se positionna face au vent, tandis que les toiles faseyaient avec un bruit de tonnerre, que les taquets claquaient contre le bois du pont et que les écoutes fouettaient les airs en se tendant.

— Hissez le foc et la brigantine ! cria Esteren.

Le maître d’équipage répéta l’ordre et les marins tirèrent sur les cordages correspondants à ces voiles. Le navire s’orienta un peu plus bâbord amure.

— Prenez le vent et stabilisez la barre !

— On prend le vent, à vos ordres ! rugit le maître d’équipage.

Les puissants elfes tirèrent sur les écoutes. À la proue, le foc se gonfla quelque peu, tendu par le vent, tandis qu’à la poupe la brigantine faseyait encore, sa bôme craquant alors que les marins la bordaient. Le vaisseau reprit de la vitesse et acheva son virement de bord.

— Apprêtez les perroquets et prenez le vent ! cria Esteren.

Les voiles fixées au sommet des trois mâts furent libérées et positionnées de façon à exploiter au mieux le vent, tandis que le maître d’équipage aboyait des ordres afin que chacune fût exploitée au mieux.

— Maître d’équipage, faites hisser le reste, ordonna Esteren.

— À vos ordres, capitaine, répondit le marin, qui se dirigea vers le centre du navire pour y ordonner que l’on hisse les grand-voiles.

— Timonier, cap au nord-ouest ! Encore un degré… Voilà, gardez ce cap.

La voix d’Esteren portait sur tout le vaisseau, bien qu’il fût à présent revenu aux côtés de son homme de barre. Auum secoua la tête quand l’Âme d’Yniss se stabilisa sur son nouveau bord. À bâbord, l’Esprit de Tual avait également viré de bord et suivait à trois longueurs à peine, séparé de son vaisseau amiral de moins de cinquante mètres.

— Eh bien…, commenta Auum.

— C’est toujours plus impressionnant vu d’en haut, dit Selas, avec un grand sourire. Mais le capitaine aura des remarques à faire. Ce n’est jamais assez parfait, pour lui.

— C’est bien pour toi d’être en poste ici, alors, déduisit Ulysan.

— Attendez un peu, tempéra Selas. Si nous croisons la flotte ennemie avec seulement cinquante centimètres d’écart par rapport aux prévisions, il me fera briquer le pont jusqu’à ce que nous accostions à Balaia.

— Combien de temps avant le contact ? s’enquit Auum.

— Moins d’une demi-heure.

— Selas ! cria le capitaine, dont la voix fit résonner le mât jusqu’au nid-de-pie, ce qui fit sursauter et rougir la jeune iad. Cessez de bavarder ! Position, vitesse et distance !

— À vos ordres, capitaine, répondit Selas, avant de prendre un instant pour regarder vers l’avant. Nord-ouest, plus un degré vers le vent, vitesse d’approche : sept nœuds. Distance : deux nautiques.

— Faites descendre vos invités, il y a du boulot.

Selas se tourna vers Auum, souriante.

— Vous l’avez entendu…

— Oui, comme tout le monde, s’esclaffa Ulysan.

— Allons-y, dit Auum. Une bonne bagarre nous attend. On se retrouve ici au crépuscule, Selas.

— Ce sera pour moi un honneur de contempler le coucher du soleil avec vous.

De retour sur le pont, Ulysan ordonna aux TaiGethen et aux Il-Aryns de prendre position à leurs postes. Depuis le nid-de-pie, Selas décrivait les manœuvres de la flotte ennemie. Auum rejoignit Esteren près de la barre.

— Ils ne rompent pas leur formation, dit ce dernier. Soit ils sont inexpérimentés, soit ils pensent nous briser grâce à une forte dose de magie.

— Il y a fort à parier sur la seconde hypothèse, dit l’Arch des TaiGethen.

— J’espère que les Il-Aryns savent ce qu’ils font, sans quoi le combat sera très court.

— Drech assure que c’est le cas, et j’ai confiance en lui.

Esteren hocha la tête et se concentra sur les navires ennemis, qui approchaient à vive allure.

— Barre à l’ouest, deux degrés, ordonna-t-il.

— Barre à l’ouest, deux degrés, à vos ordres, répondit le timonier.

— Cleress, donnez-moi les positions de vos sœurs, poursuivit le capitaine, cette fois d’une voix douce, presque révérencieuse.

Cleress resta silencieuse un moment, son gardien Il-Aryn accroupi près d’elle lui murmurant des encouragements. Auum vit que ses yeux s’agitaient, sous ses paupières fermées.

— La Bénédiction et la Capricieuse sont dans les temps. Les TaiGethen sont prêts. Les Il-Aryns attendent le signal pour passer à l’action. Takaar met en garde au sujet de la portée des sorts des chamans… il faut dresser l’écran assez tôt… les combattants devront restés baissés. Stein lancera un sort au milieu de la flotte. Virement de la Bénédiction imminent.

— Veuillez transmettre ce message, Cleress, je vous prie. La Bénédiction et l’Esprit libres de virer et d’engager le combat quand ils le veulent. Relayez également les conseils de Takaar, sous forme d’ordres de ma part. Et que la Capricieuse ne vire qu’à mon signal.

Cleress indiqua qu’elle avait tout assimilé.

— Dites à votre peuple de se tenir prêt, Auum. Aux signaux ! Hissez les pavillons indiquant au reste de la flotte qu’il faut virer. Et on se presse ! Maintenez le cap, timonier, mais n’allez pas non plus nous écraser sur un autre navire, d’accord ?

— À vos ordres, capitaine.

— À tout l’équipage ! Préparez-vous à repousser les frontières ! Que les brancardiers soient prêts à intervenir et que les canonniers ne tirent qu’à mon commandement.

Les ordres du maître d’équipage se répercutèrent de la poupe au mât de beaupré. Le cœur battant, Auum sentit son corps impatient de combattre se gonfler d’énergie. Il discernait des silhouettes s’activant sur les ponts des vaisseaux ennemis, qui fendaient toujours l’écume droit devant eux. Même pour l’œil inexpérimenté d’Auum, il était clair qu’ils n’allaient pas chercher à fuir les navires des elfes. Selas annonça qu’ils se rapprochaient. Ses estimations et calculs d’angles et de vitesses avaient été extraordinairement justes.

Auum se rendit en trottinant sur le pont principal. Comme sur les trois autres navires, les TaiGethen s’étaient séparés, positionnant cinq unités sur tribord et cinq autres sur bâbord. Ils se tenaient ainsi prêts à aborder les vaisseaux entre lesquels ils se faufileraient. Entre les deux détachements de TaiGethen étaient alignés vingt Il-Aryns, les vingt autres étant cachés mais prêts à réagir au premier appel. Les Il-Aryns embarqués à bord de l’Âme d’Yniss étaient sous les ordres d’une iad gyalienne qu’Auum n’avait jamais rencontrée avant de lever l’ancre mais qui l’avait depuis fortement impressionné.

— Aucun problème à signaler, Istani ?

— Nous n’avons pas le temps d’avoir des problèmes, répondit l’iad, désignant du menton l’ennemi qui approchait droit devant. Nous sommes prêts.

— Faites-nous confiance et n’ayez aucune hésitation. Protégez avant tout les vaisseaux, car, si nous échouons, vous saurez distancer les humains et regagner Calaius.

— Nous ne vous abandonnerons pas.

— Qu’Yniss vous bénisse.

— Que Gyal vous embrasse d’une pluie bénie, répondit Istani.

— Tais, prions ! lança Auum.

 

Stein sentait le poids de la puissance des seigneurs Wytch se déverser par l’intermédiaire des chamans embarqués sur les vaisseaux ennemis. Posté près du mât d’artimon, il se faisait du souci à propos des capacités des Il-Aryns à stopper ce qui s’annonçait, et de celles des TaiGethen à vaincre les Ouestiens. Les chamans étaient puissants et les soldats qui les accompagnaient aussi forts que violents. Or il percevait à peine les pouvoirs que prétendaient détenir les Il-Aryns.

Et pourtant, Takaar n’admettait pas le moindre doute, tandis que Drech, cet authentique érudit si raisonnable, affichait une foi sans réserve envers les aptitudes de ses ouailles. Malgré cela, Stein ne voulait pas se faire surprendre. Bien qu’on lui eût demandé d’économiser ses réserves de mana en vue d’un éventuel combat d’arrière-garde, il lui était tout de même possible de faire certaines choses que les chamans ne pourraient repérer, car ils ne soupçonneraient sa présence dans les rangs des elfes que bien trop tard.

L’ennemi se regroupait sans être vraiment sûr de lui. Sur les vaisseaux que Stein distinguait, les chamans étaient rassemblés entre eux, tandis que les Ouestiens agitaient leurs armes, hurlaient des insultes et prenaient des poses plus ou moins ridicules mais typiques. Sentant la puissance du seigneur Wytch s’intensifier, Stein se tourna vers Takaar.

— Le moment approche, dit-il.

Takaar prit un air furieux mais se radoucit presque aussitôt et hocha la tête.

— Je dois reconnaître que tu as raison, dit-il posément, avant d’élever la voix. Drech, donne l’ordre !

— Dressez l’écran ! lança Drech. Isolez notre navire ! Qu’Ix vous bénisse pour votre force, votre foi et votre talent. Allez-y !

Le sort fut lancé sans plus attendre. Stein se voûta par réflexe lorsqu’il perçut le poids de la magie libérée, à présent conscient de ce dont étaient capables les Il-Aryns, et contempla le spectacle, les yeux accordés au spectre du mana.

— Que les dieux se noient, qu’est-ce que c’est que ça ?!

Un écran ovoïde recouvrit le vaisseau en surface comme sous l’eau. Stein s’en rendit compte, car il le sentait mais aussi parce que cela intensifiait tout ce qu’il distinguait au-delà de cette enveloppe. Il dut fournir un effort pour comprendre ce qu’il voyait. Des lignes de mana couraient sur cette création, à la manière d’un lacet serrant une botte plutôt qu’en tant que véritable structure de base. Bien qu’apparemment pas constituée de grand-chose d’autre que d’air et peut-être d’un peu d’eau, cette chose dégageait une aura d’une force inouïe, digne d’une mer déchaînée ou de l’énergie d’une tempête. Elle scintillait de temps à autre, comme pour réaffirmer sa forme et son intégrité. Quant aux Il-Aryns qui l’avaient invoquée, ils étaient assis à l’arrière, parfaitement immobiles, les bras croisés sur les genoux et la tête inclinée sur la poitrine.

Takaar s’approcha de Stein, les bras écartés et le visage illuminé d’un sourire béat.

— Quelle merveille, pas vrai ?

— En effet, répondit Stein. Cela va-t-il fonctionner ? Qu’avez-vous fait, exactement ?

La première rangée des vaisseaux de Ouestiens passée à leur hauteur, ils se trouvaient désormais à moins de cent mètres de la seconde. Le capitaine remonta légèrement vers le vent, visant l’espace qui séparait la première paire de navires ennemis. Les TaiGethen étaient accroupis sous le bastingage, à tribord et à bâbord, dans l’attente de l’ordre de passer à l’abordage. Ils ne disposaient ni de cordes ni de grappins mais, ayant été témoin de ce dont étaient capables les Il-Aryns, Stein ne s’inquiétait plus à propos de leurs capacités.

— Nous faisons appel à la puissance de la nature, nous manipulons les éléments. Il n’existe rien de plus fort que la nature, car, même lorsque nous serons tous réduits en poussière, elle sera toujours là. Nous avons rendu l’air qui entoure ce vaisseau et la couche d’eau autour de la coque aussi solides que de la roche de montagne. Aucun pouvoir ne peut les briser.

Quatre-vingts mètres. Les TaiGethen priaient. Stein, qui ressentait douloureusement dans son crâne l’intensité de la magie du seigneur Wytch, priait pour que Takaar ait raison.

— Me sera-t-il possible de lancer des sorts depuis l’intérieur de cette bulle ?

— Je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas le faire, répondit Takaar. Ce n’est qu’un champ de répulsion orienté vers l’extérieur, on pourrait y passer les mains depuis l’intérieur.

Takaar se tut un instant et gloussa comme un enfant. Soixante mètres. Stein commença à se préparer.

— Oh oui ! c’est presque le meilleur moment, reprit Takaar, s’adressant visiblement à une tierce personne. On lui dit ?

Stein n’écoutait pas vraiment, concentré sur son sort, qui, comparé à celui des Il-Aryns, ferait figure d’avancée tranquille vers un objectif moins spectaculaire.

Takaar parlait toujours.

— Ne le dis à personne mais, de l’extérieur, cette barrière est opaque, comme une chute d’eau s’écrasant sur du verre. Ils ne peuvent pas voir à travers.

Quarante mètres.

— Vraiment ? s’étonna Stein, ce qui lui fit presque perdre son sort. C’est très bien, ça, très très bien…

La magie du seigneur Wytch fut projetée des deux côtés lorsque le vaisseau elfique se glissa en douceur entre les navires ennemis, après avoir incliné sa trajectoire de quelques degrés vers le vent. Des lignes noires apparurent sur l’écran, qui se rida comme une mer d’huile percée par une pierre. Stein s’accrocha à son sort, tandis que les énergies vibraient et luttaient tout autour de lui. Sur le pont, les acolytes grognaient et tremblaient. Drech les encouragea à renforcer leur création.

Vingt mètres. Le vaisseau ennemi paraissait immense aux yeux de Stein, qui avait la sensation que deux murs approchaient de chaque côté. Il entendait déjà les cris et les railleries des Ouestiens, comme s’ils étaient encerclés. Les TaiGethen étaient plus tendus que jamais. Stein porta son regard au-delà du plus proche ennemi et se concentra sur le flanc du vaisseau central de cette seconde rangée, que les elfes ne pourraient pas aborder lors de ce premier passage. Il était juste à sa portée. Il lança son sort et vit son orbe décrire un arc de cercle vers la cible qu’il avait choisie. Le capitaine du vaisseau elfique orienta celui-ci de quelques degrés vers le nord, livrant ses flancs à l’ennemi et se plaçant presque de façon à faire chapelle.

Les deux bâtiments ennemis passèrent à leur hauteur, le premier devançant le second d’une demi-longueur. Les chamans cherchèrent à déchirer l’écran protecteur, tandis que les Il-Aryns luttaient pour le maintenir en place. Depuis le bastingage, à tribord comme à bâbord, les Ouestiens hurlaient des promesses de mort. Déterminés à leur rendre ce service, les TaiGethen s’élancèrent.