Le bunker.
16 h 50.
Rudy Poller a encore quelques minutes à attendre avant l’arrivée de Longbey. Il regarde les ronces. Son cœur s’emballe, mais il en contrôle les battements. C’est bientôt fini. Il fait quelques pas vers l’entrée. L’odeur est repoussante.
Un bruit. Derrière lui. Puissant. Un moteur.
Une voiture arrive en trombe. Une vieille Laguna blanche. La caisse de Longbey, cela ne fait aucun doute. Poller vérifie si son arme est toujours dans la poche de son pantalon, puis croise les bras. Lui parler. D’abord. Faire feu si besoin. L’homme est dangereux. L’homme est fou.
Longbey gare la voiture à une trentaine de mètres. Sort prudemment de l’habitacle.
— Longbey ? entend-il hurler. Je ne vous veux aucun mal. Rien. Je sais que…
— Tu sais rien du tout, fait Bernard en dégainant. Mets-toi à poil. Je risquerai rien si tu es à poil.
Poller hésite. Il sort son arme. Coup de feu. Brûlure dans la main. Bruit d’os. Cri. L’arme du détective privé est tombée à terre, dans une bouillie noirâtre de sang et d’os. Son œil vacille. Ne pas tomber dans les pommes. Ne pas tomber dans les morceaux épars de sa propre main, sur le sol. Longbey est un bon tireur. Un très bon.
Poller s’agenouille pour ne pas sombrer.
— À poil, j’ai dit, hurle Longbey.
Mais Poller ne peut plus bouger. Le flic se rapproche. Le visage de Poller ne lui dit rien. Il ne connaît pas cet homme. Longbey sort les menottes de sa poche. Il lui emprisonne les poignets. Ou ce qu’il en reste. Le moignon de Poller gigote comme la queue du Mickey de la foire.
Bernard le tient en joue, le canon pointé sur son visage. Poller halète. Il va mourir. Il le sait. Le sang gerbe en flots continus au bout de son moignon.
— Comment connais-tu le bunker ? demande Bernard.
— Je suis détective, marmonne Poller. Pitié. On m’a demandé de vous suivre. Depuis un certain temps, je suis derrière vous. Je voulais arrêter quand j’ai vu…
— Qui t’a demandé de me suivre, balbutia Bernard. Qui ?
— Je l’ai jamais vu… je l’ai eu qu’au téléphone… Il me verse mon salaire sur mon compte. Pitié. J’ai vu que vous enquêtiez sur une fille, morte. Une fille avec qui vous êtes sorti…
— Je ne suis jamais sorti avec Aurore, hurle Bernard en tendant un peu plus son arme vers le visage du privé. Jamais. Je la protégeais, c’est tout. Je t’ai posé une question. Qui t’emploie ?
L’odeur de la poudre.
Le doigt prêt à presser la détente.
— Je connais juste son prénom. Sam.
Sam.
L’odeur de la poudre.
Ne pas tuer le détective. Ne pas tirer. Le faire parler.
Bloquer son doigt.
Ne pas le tuer. Surtout pas.
Le bruit assourdissant d’une arme à feu.
Un temps.
Un cri. Celui de Bernard.
— Non ! hurle-t-il tandis que le corps de Rudy Poller s’écroule à terre.