Rascagosse a accompagné Bellec. Le message est passé jusqu’à la Part-Dieu : la station-service de Feyzin est en danger. Un appel à l’aide du pompiste. Un appel suivi d’un coup de feu. La station-service bleuit sous les gyrophares des gendarmes et de la voiture conduite par Rascagosse.
— Il est là, votre détraqué, dit le flic. Vous auriez pu aller à Oullins, directement, non ? Éviter un drame…
— Je savais pas qu’il y aurait un drame. Pas vraiment.
Oh que si, je le savais. Depuis le début. Elle est morte, et on ne peut rien faire contre la mort. Bien sûr qu’un drame allait arriver puisque Béatrice est partie aussi. Béatrice est partie, et elle est peut-être vivante, quelque part dans une de ces foutues villes.
Bellec est sorti, et a arpenté le macadam. L’air puait le diesel. Un diesel teinté de sang. Il a vu la boutique maléfique. Le fourgon de gendarmerie dans lequel il pouvait à peine deviner Bernard, solidement menotté. Il n’avait pas de commission rogatoire, mais le factionnaire l’a laissé entrer dans la boutique. Il a tout de suite vu les photos, près du comptoir. Les images de Virginie, radieuse. À côté d’elle, un homme qui ressemblait comme deux gouttes d’eau au cadavre.
Mieux que Virginie, Bernard avait tué ce qui l’avait fait partir.
Peu importe qu’il soit coupable ou non de la mort d’Aurore.
Peu importe qu’il ait tué ou non ce pompiste.
Peu importe.
Sur les photos, Virginie avait les cheveux collés au vent, le visage anguleux, mais encore poupin.
Et puis, il y avait les autres clichés. Ceux de Virginie carbonisée.
Et les traces de balles.
Le sang sur le sol.
Le type allongé par terre.
Les photographes de l’identité judiciaire faisaient crépiter leurs appareils, illuminant de temps à autre le corps de Sam.
Bellec ressortit. L’air était plus que frais : un vrai vent glacial s’était mis à souffler sur l’aire d’autoroute. Il se dirigea vers le fourgon cellulaire. À l’intérieur, Bernard le regardait d’un œil absent. Sans trop comprendre pourquoi, Patrick se mit à lui sourire.