Ça n’avait rien d’un doux baiser. Mal Ericson ne se serait pas contenté de m’effleurer les lèvres ni d’un simple petit bisou affectueux. Oh, non, surtout pas. Son baiser était pareil à une drogue qui vous rendrait amnésique, vous dépossédant du moindre de vos souvenirs. Je n’en avais jamais expérimenté de similaire. L’extase chimique. De toute évidence, on ne m’avait jamais véritablement embrassée auparavant, parce que ça… En recouvrant ma bouche de la sienne, il m’avait possédée. Sa langue glissa sur mes dents tandis que ses mains plongeaient dans mes cheveux. En réponse, j’agrippai son gilet à pleines mains – sans doute de surprise ou de colère au début mais, très vite, par mesure de sécurité car mes genoux menaçaient de se dérober.
La façon dont ce mec m’embrassait me rendait dingue.
Sa langue se frotta à la mienne, m’encourageant à jouer avec lui. C’est idiot, mais je ne parvins pas à me retenir : je gémis dans sa bouche et l’embrassai avec autant de fougue que lui. Mes cuisses se tendirent, mes orteils se replièrent. Tous les poils de mon corps se dressèrent. Il me serra plus fort, comme s’il était incapable de me lâcher. De mon côté, je tirais comme une forcenée sur son costume. J’éprouvais un besoin incontrôlable d’être tout près de lui. Rien d’autre ne comptait.
Tout autour de nous, des applaudissements retentirent – c’était amplement mérité. Un tel baiser aurait dû nous valoir une standing ovation. Quelques feux d’artifice ne seraient pas exagérés. Peut-être pas un orchestre, un solo de batterie endiablé me paraissait plus adapté. Quelque chose de bestial pour s’accorder avec les battements effrénés de mon cœur.
– Hé ! cria Ben en nous donnant un coup de coude. Arrêtez !
Je me détachai de Mal, tâchant de reprendre mon souffle. Il avait lui aussi le souffle court, ses yeux verts étaient dilatés. « Sous le choc » me semblait approprié. « Dégoûtant » arrivait pas loin derrière. Après tout, nous venions de nous embrasser à pleine bouche devant tout le monde.
Je restai là à le dévisager, pantelante. Mince. Qu’est-ce qui venait de m’arriver, là ?
– C’était cool ! lança-t-il en souriant de toutes ses dents, comme s’il venait de découvrir un nouveau jeu – un jeu qu’il appréciait tout particulièrement.
Non.
Mon cœur était sur le point de faire exploser ma poitrine, façon Alien. Je ne pouvais pas lui en vouloir de chercher à fuir. C’était un truc de dingue. Il fallait que je dissimule ça au plus profond de moi. Et s’il devinait l’effet qu’il avait sur moi ? Il mettrait fin à notre petit arrangement dans la seconde.
Il était urgent de limiter les dégâts.
– C’était sympa, dis-je en lui tapotant la joue.
Son sourire arrogant s’évanouit.
Autour de nous, les gens continuaient d’applaudir. Sauf qu’ils regardaient dans la direction opposée, à l’exception de quelques-uns qui nous lançaient des regards en coin. Je pivotai et me mis sur la pointe des pieds pour voir ce qui se passait. Dans l’encadrement de la porte d’entrée se tenait Evie, vêtue d’une robe simple couleur ivoire. Je discernai ses grands yeux étonnés. À son côté, David portait un costume similaire à celui des autres membres du groupe. Lentement, il s’agenouilla. J’étais trop loin et le volume sonore était trop important pour que j’entende ses paroles, mais Ev se mit à hocher la tête en pleurant et prononça le mot « Oui ».
– Davie avait envie d’organiser une deuxième cérémonie surprise, m’expliqua Mal en se joignant aux applaudissements. Ev ne se souvient pas de la première – c’était à Vegas et ils étaient bourrés –, alors il remet ça ce soir pour elle.
– C… C’est adorable…
Je me léchai les lèvres, tentant d’occulter son goût persistant. Trop bon.
Son bras se glissa autour de ma taille, me forçant à rester immobile, m’empêchant de fuir. Un peu d’espace pour pouvoir respirer serait appréciable. Au moins jusqu’à ce que je retrouve le contrôle de mon corps.
– Tout le monde nous a vus, là ? demanda-t-il.
– Mmmh.
Je crois que nous venions de prouver sans trop d’équivoque que nous étions en couple. Nous avions peut-être même réussi à faire un peu d’ombre aux mariés pendant quelques instants. Parfait. Ils nous réinviteraient sans hésiter.
Un sosie d’Elvis avec costume recouvert de strass et perruque noire surgit dans la pièce en entonnant Love Me Tender, accompagné par un quatuor. Tout le monde souriait, Evie riait et pleurait en même temps. David et elle renouvelèrent leurs vœux et, une fois que je me fus ressaisie, je versai même une petite larme. J’étais une incorrigible romantique. Jimmy s’avança doucement au milieu des invités et tendit une alliance à son frère. Le sourire doux qu’il affichait me surprit quelque peu.
Petit à petit, mon cœur retrouvait un rythme presque normal. Je jetai un coup d’œil à Mal, derrière moi, sans voir immédiatement ce qu’il regardait. Son attention était focalisée sur un couple plus âgé, de l’autre côté de la pièce. Les parents d’Evie ou de David, peut-être ? Il paraissait contrarié. Son regard était redevenu distant et soucieux. Lorsqu’il me surprit en train de l’observer, il fronça les sourcils et détourna la tête.
– J’arrive pas à croire qu’il lui ait acheté une deuxième bague, me murmura-t-il à l’oreille. Il va plus rester un centimètre de libre sur son doigt. C’est ridicule.
– Ils sont amoureux, je trouve ça mignon.
– S’il continue à lui offrir des diams à ce rythme, elle va avoir droit à un diadème pour Noël.
Donner dans le sarcasme à l’intérieur du temple de mon crâne était une chose, mais je ne supportais pas d’entendre Mal se positionner aussi clairement contre la notion d’amour ou de couple – ou quel que fût le sujet qui avait provoqué son irritation.
– Qu’est-ce qu’il y a ? dit-il en devinant ma contrariété.
– Je n’arrive pas à déterminer si tu es jaloux ou aigri.
– Je plaisantais, se justifia-t-il, visiblement blessé. C’est drôle, les diadèmes. Tout le monde sait ça.
– Très bien.
Mal se contenta de cligner des yeux. Sa bouche – ces lèvres sublimes et vicieuses – demeurèrent immobiles.
De nouveaux applaudissements résonnèrent dans la pièce tandis que la très brève cérémonie prenait fin. Remarque, vu qu’ils étaient déjà mariés, il n’y avait aucune raison que ça s’éternise. Ils s’embrassèrent et les flashs crépitèrent. Les invités se pressèrent autour des mariés pour les féliciter.
C’était un moment empli de joie.
– Je reviens, annonçai-je en me libérant de l’étreinte de Mal.
J’avais besoin d’air et d’espace. Il fallait que je reprenne mes esprits. La façon dont j’avais réagi au baiser de Mal m’avait profondément troublée. L’ambiance était plus calme sur la terrasse. Je savais pertinemment qu’avoir des contacts physiques avec Mal en public serait étrange. Je m’étais attendue à ressentir des choses. À être nerveuse, mal à l’aise, voire un peu excitée – tout ça, je pouvais le concevoir. Mais me retrouver bouleversée, tourneboulée, submergée de désir, pas vraiment. Il avait raison, le syndrome Liaison Fatale me pendait au nez.
– Ça ne va pas ? s’enquit-il en arrivant derrière moi.
– Si, si. Tout va bien.
– Tu mens.
– Si je te dis que ça va, c’est que ça va, grinçai-je.
– Tu te comportes bizarrement. (Il se dirigea vers moi, son regard hypnotique semant le chaos dans mon esprit.) Ce baiser était dingue, ajouta-t-il.
– Oui, pas mal, mentis-je en lui adressant un sourire serein.
– « Pas mal »? (Il leva un sourcil très haut.) C’est tout ?
Je haussai les épaules.
– Anne, tu as bien failli m’arracher ma chemise. Il me semble que c’était un peu plus que « pas mal ».
– Oh, désolée, est-ce que j’ai surjoué ? Vu la façon dont tu t’es jeté sur moi, j’avais cru comprendre que c’était l’idée.
– Moi, je me suis jeté sur toi ?
– Eh bien, disons que c’était plutôt intense.
– Ah, finalement c’était intense ?
Nouveau haussement d’épaules.
– Tu avoueras que le rythme était soutenu niveau langue, lâchai-je.
Il s’approcha davantage, pénétrant mon espace personnel. Il m’aurait fallu des talons plus hauts. Je n’avais aucune envie d’être dominée dans ce genre de situation. Je serrai puis desserrai mes poings derrière mon dos, tâchant de dissimuler ma nervosité. Ça ne me ressemblait pas. Je ne laissais pas les hommes chambouler ma vie. J’étais passée par là, j’avais même eu un tee-shirt qui le proclamait, que j’avais porté jusqu’à ce qu’il soit criblé de trous.
– Je t’avais prévenue qu’il serait question de langue quand on a conclu notre accord, dit-il.
Ça pour en avoir, il y en avait eu. Beaucoup. Je la sentais encore, caressant la mienne, me plongeant dans un état d’excitation intense. La langue fantôme. Il y avait de fortes chances pour que Mal soit en train de me rendre cinglée. Je devais à tout prix l’en empêcher. Pour l’heure, la seule chose que je pouvais faire était de changer de sujet illico.
– En parlant de ça… pourquoi as-tu besoin d’une copine bidon, déjà ?
– On en a déjà parlé.
– Tu ne m’as pas tout dit.
– Et je ne t’en dirai pas plus, décréta-t-il en me foudroyant du regard. Qu’est-ce qui te prend d’être aussi agressive pour un simple baiser ?
– Je ne suis pas agressive, me défendis-je en croisant les bras. Mais on s’était mis d’accord pour laisser le sexe en dehors de tout ça. En général, les gens qui ne couchent pas ensemble ne ressentent pas le besoin de parler de langue.
– Je ne suis pas d’accord.
– Tu veux vraiment qu’on poursuive cette discussion ?
– Tu n’as pas idée à quel point, ma puce.
– Très bien. Alors allons-y.
Et si je me jetais par-dessus le balcon ? Ça ne devait pas être si haut que ça. Si l’on occultait les lois de la physique, il se pouvait même que je rebondisse. Qui sait…
– Tu avais parlé de mettre ta langue dans mon oreille, Mal. Pas au fin fond de ma gorge.
– Personne ne s’est jamais plaint de ma façon d’embrasser.
Je restai silencieuse.
– Tu racontes des conneries, reprit-il. Je sais que tu as aimé.
– C’était plutôt pas mal.
– « Plutôt pas mal » ? répéta-t-il, les veines du cou tout à coup gonflées, comme s’il allait se transformer en Hulk. Est-ce que tu viens de dire que mon baiser était « plutôt pas mal » ?
– Mal, tout ça c’est de la comédie, tu te souviens ? Tu veux bien te calmer ?
Je reculai d’un pas en lui souriant calmement. Il s’avança. Ses yeux verts lançaient des éclairs.
– Ce putain de baiser n’était pas juste « pas mal ».
– Tu ne crois pas que tu dramatises, là ? demandai-je en riant, dans l’espoir de l’apaiser.
– Non, rétorqua-t-il, pas du tout radouci.
– Peut-être que ça ne colle pas à ce niveau-là entre nous, et je trouve que ça tombe plutôt bien vu la situation. Au moins ça ne compliquera pas les choses. C’est ce que tu voulais, non ?
– C’est faux.
– Fais attention, je crois que ton ego te rattrape, ironisai-je. Toutes les filles ne sont pas obligées de tomber à tes pieds.
– Toi, si.
– Ah non, Mal.
– Si.
– Non.
– Arrête.
Je lui jetai un regard noir. Nom de Dieu, les rock stars étaient vraiment des gamins. Des gamins capricieux.
Le silence entre nous était assourdissant. Les profondeurs de l’espace, c’était du gâteau en comparaison. L’ épisode de la bulle se produisit à nouveau. Tout ce qui se passait dans l’appartement n’existait plus : plus de musique, plus de lumière, plus de voix. Mais j’avais la situation bien en main. Hors de question de laisser un musicien de passage me retourner le cerveau.
– J’exige un deuxième essai. Tout de suite, ordonna-t-il.
– Pas question, refusai-je, posant une main sur son torse pour le tenir à distance.
Cela ne m’aida pas. En dépit des couches de vêtement, je sentis les battements sourds de son cœur contre ma paume.
Il s’approcha dangereusement, passant sa langue sur ses belles lèvres.
– Maintenant, Anne. Toi et moi.
– Je ne crois pas.
– Je peux faire mieux.
Un peu plus près encore.
– Tu n’as rien à me prouver, Mal.
– Je te promets que tu vas aimer, cette fois.
Si j’aimais ce baiser davantage que le précédent, j’allais avoir un infarctus.
– Ce n’est vraiment pas nécessaire.
– Allez, insista-t-il d’une voix grave enivrante, me poussant sournoisement à la soumission. Je ne te demande pas grand-chose. Juste une deuxième chance.
Sa bouche planait au-dessus de la mienne. L’excitation tiraillait tout mon corps. Je n’allais rien faire pour l’arrêter. Rien du tout. J’étais vraiment nulle.
– Alors, déjà de l’eau dans le gaz ?
Jimmy Ferris arriva sur le balcon, un petit sourire méprisant aux lèvres – sa marque de fabrique. J’aurais pu l’embrasser pour son apparition providentielle. Sauf que c’était justement un baiser qui m’avait foutu dans cette merde.
– Tu cherches à semer Lena ? demanda Mal calmement.
Jimmy ramena ses cheveux en arrière. Son regard glissa sur moi avant de se poser sur les lumières de la ville. Si ça ce n’était pas une non-réponse, je n’en avais jamais vue.
– C’est ce que je pensais, ricana Mal. (Toute sa nervosité s’était évaporée. Ouf.) Tout va bien pour nous, mec, t’inquiète. On était en train de choisir les prénoms de nos futurs enfants. Anne veut que ce soit Malcolm Junior pour un garçon, mais j’ai refusé. C’est une mauvaise idée. Aucun enfant ne devrait être obligé de vivre dans l’ombre de son paternel.
– C’est très généreux de ta part, ironisa Jimmy.
– Tu trouves aussi ? Être parent, c’est savoir faire des sacrifices.
Mal glissa sa main sur ma nuque, frottant mes muscles douloureux.
– Détends-toi, m’ordonna-t-il. C’est mauvais pour le bébé.
– Je ne suis pas enceinte.
– Ah, merde, c’est vrai. On n’est pas censés le dire. Désolé, ma puce.
Il se donna une tape sur le front. J’aurais été heureuse de la lui infliger moi-même.
– T’inquiète, me rassura Jimmy. On est amis depuis qu’on est gosses. Je sais reconnaître quand il part dans un délire.
J’espérais qu’il disait vrai.
– On parle bébés ? lança David en nous rejoignant sur le balcon, sa femme dans une main et une bière dans l’autre, Ben sur leurs talons.
Le regard empli de fierté, Mal me caressa le ventre. Si j’avais des rondeurs, elles avaient plus de chances d’être dues à mon penchant pour les sucreries qu’à une quelconque activité destinée à la procréation.
– Je ne suis pas…, commençai-je.
– On n’a pas envie de le crier sur les toits, m’interrompit Mal. On ne voudrait surtout pas voler la vedette aux jeunes mariés.
– Vous n’avez pas perdu de temps, remarqua David en souriant.
– Mes petits gars sont d’excellents nageurs, répliqua Mal avec un clin d’œil.
– Vous ne pourriez pas être déjà au courant, tête de nœud. (Jimmy croisa les bras et s’appuya contre une des baies vitrées.) La science, ça te dit quelque chose ?
– Un vrai mec sait quand sa nana est en cloque, Jimbo. Tu ne peux pas comprendre.
– Un vrai mec, hein ?
Se redressant, Jimmy s’avança lentement vers Mal. Son sourire aurait effrayé un requin. Merde, ils souriaient tous les deux. D’où venait ce besoin bestial qu’éprouvaient les hommes de se battre pour s’amuser ?
– Pas de baston le soir de mon mariage, intervint Ev.
– Et les gifles, on peut ? rétorqua Mal, arquant son bras en direction de Jimmy.
– Arrête. (J’attrapai sa main, que je ramenai à mon côté avant qu’il ne cause des dégâts.) Et Jimmy a raison. Quarante-huit heures, c’est un peu tôt pour savoir. Non pas qu’on soit en train d’essayer, m’empressai-je d’ajouter.
Mal me lança un regard de chien battu.
– Je n’arrive pas à croire que vous vous liguiez contre moi. Ça me fait vraiment de la peine, Anne. Tu es bien placée pour savoir que ma semence est d’une qualité supérieure.
– Tu n’imagines pas combien de temps je pourrais tenir sans entendre parler de ton sperme, lâcha Ben en secouant la tête.
– Fais pas la gueule, mec. Je comprends que mon sperme dominant te donne le sentiment de ne pas être à la hauteur. Rien de plus naturel.
Jimmy se couvrit le visage et poussa un long gémissement.
– Vous auriez dû me laisser lui en coller une. Personne ne veut qu’on lui mette un peu de plomb dans le crâne ?
– Je me dévoue pour l’attacher, proposa Ben.
– Achevez-le, renchérit David.
Lorsque Mal ouvrit la bouche, les yeux brillants de jubilation, j’y plaquai ma main aussitôt.
– Et si on parlait de ton sperme plus tard, Mal ? suggérai-je. (Il embrassa ma paume. J’abaissai doucement mon bras.) Merci. Et je ne suis pas enceinte.
– D’accord, Anne. Comme tu voudras, Anne.
– Mais c’est que tu te fais dompter maintenant, observa Ben en riant.
Sans rien dire, David tendit le bras et asséna une tape sur la tête de Mal.
– Hé !
– Merci, Davie, dit Mal en m’attirant à lui.
– C’était pour Anne, déclara David. On arrête les conneries devant ces dames. Grandissez un peu, les gars.
– Une pelle, Malcolm, intervint Ev. Une vieille pelle rouillée. C’est ce qui t’attend si tu fais du mal à mon amie. Garde bien ça à l’esprit. (Elle s’avança et déposa un baiser sur ma joue.) Je te souhaite bien du courage avec lui. Tu vas en avoir besoin.
– Oui, c’est ce que je commence à me dire aussi.
– J’aime la façon dont il te regarde, me chuchota-t-elle. C’est nouveau, tu sais.
– Votre cérémonie était très émouvante, dis-je en lui adressant mon sourire le plus éclatant, choisissant d’éviter le sujet de mon « petit ami ».
Ev passa un bras autour du cou de son mari et l’embrassa sur la joue.
– Oui. C’était incroyable.
David lui rendit son baiser.
– Je t’aime, bébé.
– Moi aussi je t’aime.
Il lui murmura quelque chose à l’oreille qui la fit glousser.
– Non, mes parents sont là… Tout à l’heure. (David eut une moue déçue.) Ça veut dire que tu nous accompagnes sur la tournée, Anne ? Dis oui, dis oui !
– Absolument, répondit Mal en me serrant si fort contre lui que je manquai m’étouffer – mes pieds quittèrent même le sol quelques instants.
– Je ne sais pas trop. Je n’ai pas encore demandé si je pouvais prendre des vacances.
Je remuai mon bassin jusqu’à ce que Mal me laisse de l’air. Au moins un tout petit peu. Bon. Il suffisait que je les ignore, lui et l’effet hallucinant qu’il avait sur moi. J’aurais adoré faire l’expérience de la vie sur la route, mais Mal ne me l’avait pas proposé. Et puis, il y avait mon boulot, Lizzy, la vraie vie, tout ça.
– Elle commence quand, la tournée ?
– Le premier concert a lieu à Portland dans cinq jours.
– Cinq jours ?
Je n’avais pas pu me permettre d’acheter des places au moment de leur mise en vente, quelques mois plus tôt. Les billets s’étaient arrachés en quelques minutes à peine. Privée de concert, j’avais délibérément occulté le buzz qui agitait toute la ville. Taxez-moi de jalouse si vous voulez.
Il me restait très peu de temps avec Mal. Mon estomac se noua et mon cœur se serra. C’était douloureux. Ses baisers avaient beau me rendre folle, je n’avais aucune envie qu’il parte. Il rendait la vie plus belle, plus joyeuse. Quelle conne j’étais de m’être attachée à lui. Je n’avais pas voulu que ça arrive, mais l’évidence était là.
– Ne sois pas triste, ma puce. (Il me prit le menton doucement, l’air tout à coup sérieux.) On trouvera une solution.
– Ils sont prêts pour les photos ! annonça Lauren, qui se tenait dans l’encadrement de la porte, une coupe de champagne à la main.
Jimmy rentra en ronchonnant, suivi de David et Ev, bras dessus bras dessous.
– Tu es super bonne comédienne, me chuchota Mal à l’oreille en déposant un petit baiser sur mon cou. J’ai vraiment cru que tu allais te mettre à chialer.
C’est marrant, moi aussi. J’éclatai de rire et simulai un sourire.
– Au collège, j’ai joué une des méchantes sorcières dans Le Magicien d’Oz.
– Ceci explique cela.
– Oh, je devais juste faire la morte, allongée par terre. Et j’avais des super chaussures rouges.
– Mais je parie que tu étais la morte la plus convaincante qui ait jamais existé.
– Merci. Et… Un bébé ? Qu’est-ce qui t’a pris ?
Il leva les yeux au ciel et pressa ses lèvres sur ma joue.
– Je me suis un peu emballé. Tu me pardonnes ?
Je le laissai mariner quelques secondes.
– Oui.
– Merci. Je ne voudrais pas te stresser, dans ton état.
Je poussai un grognement. Il rit.
– Vous venez ? lança David par-dessus son épaule.
– Je vais attendre ici, dis-je en m’écartant de Mal tant que je le pouvais encore.
L’air froid du soir me cingla le visage et je frissonnai.
David secoua la tête.
– Pas question, Anne. Tu viens aussi. Si tu es avec Mal, tu fais partie de la famille. Allez, on y va. Après ça on sera débarrassés, on pourra s’amuser.
– Tu as entendu le marié. (Mal m’attrapa par la main et m’attira à l’intérieur de l’appartement.) Juste une chose avant.
– Quoi ?
Avec la lueur qui animait son regard, j’aurais dû me méfier. Ses lèvres s’avancèrent vers moi et se posèrent sur les miennes. Il enroula ses bras autour de moi, me pressant tout contre lui. Prise au dépourvu, j’ouvris la bouche, lui offrant l’ouverture dont il avait besoin. Je découvris qu’il était capable de rire comme un détraqué tout en m’embrassant à m’en faire perdre la raison. Ça non plus, ça n’aurait pas dû me surprendre. Malgré tout, la douceur de ce baiser fut telle que toute mon âme en fut ébranlée. Il m’embrassa avec une tendresse délicieuse qui me donna le tournis et fit battre mon cœur à cent à l’heure. Mes genoux se mirent à cogner tandis que mes parties intimes imploraient la pitié.
Rien ne l’arrêtait.
– Et là, c’était comment ? Mieux ? me demanda-t-il finalement, plongeant ses yeux dans mon regard sans douté hébété.
– Euh… oui ?
Il souffla par le nez. Ses sourcils se remirent en place.
– Merde, j’y arrive pas. Je vais trouver comment t’embrasser. Promis. Il faut juste qu’on continue à s’entraîner. On lâche rien !
J’étais foutue.