Mal se donna à fond pour ses parents.
Il enfila des vêtements secs et passa la serpillière dans la salle de bains pendant que je me cachais dans la baignoire, derrière le rideau de douche. Au final, il parvint à mettre ses parents à la porte assez rapidement. J’entendis sa mère le questionner à propos de mon lit cassé (oui, parce que les portes des chambres aussi étaient grandes ouvertes). Notre vraie/fausse relation était en train de détruire mon appartement et son contenu petit à petit. J’espérais juste que l’inondation n’avait pas causé trop de dégâts.
Mal marmonna une explication pour le lit et son père changea aussitôt de sujet. Qu’est-ce qu’il leur avait raconté ? Connaissant leur fils, ils devaient maintenant me prendre pour une espèce d’obsédée sexuelle. En réalité, je n’avais pas spécialement envie que ses parents découvrent la véritable explication, à savoir que nous avions sauté sur mon lit comme deux débiles.
Je me séchai et finis de nettoyer le sol. Un quart d’heure plus tard, je reçus un texto de Mal.
Mal : Une voiture sera là dans 15 min.
Anne : On va où ?
Mal : Surprise.
Anne : Je n’aime pas les surprises. On va où ?
Anne : Réponds ou je te ferai très mal pendant ton sommeil. J’ai besoin de savoir comment m’habiller, tout ça.
Mal : Reste nue.
Anne :… Essaie encore.
Mal : Resto en ville. Mets une jupe.
Mal : STP ?
Anne : Tes désirs sont des ordres.
Mal : Haha, j’aimerais bien !
J’attendais sur le trottoir, les genoux frigorifiés par le vent glacial hivernal. Et aussi un peu angoissée par ce que ses parents allaient penser d’une fille fauchée qui n’avait pas fait d’études. C’est alors qu’une longue limousine rutilante s’arrêta à ma hauteur.
Ouah !
Mes yeux devaient être aussi grands que les roues de la voiture. C’était une première pour moi. J’avais loupé le bal de fin d’année au lycée, comme pas mal d’autres choses. Mon premier petit ami avait préféré une fille qui avait le temps de l’accompagner aux fêtes et aux soirées.
Un jeune homme vêtu d’un costume gris élégant et coiffé d’un chapeau sortit.
– Mademoiselle Rollins ?
– Oui. (J’ouvris la portière, impatiente de découvrir l’intérieur de la limousine. Je me figeai.) Merde, j’étais censé vous laisser faire, non ?
– Ça ne fait rien, mademoiselle.
Il prit place près de la portière et attendit que je m’installe. Heureusement, ma jupe m’arrivait aux genoux. Compte tenu de la taille du véhicule, il n’existait pas de façon élégante d’y monter.
Du cuir brillant, une carafe à décanter et des verres en cristal miroitant m’accueillirent. Si ça ce n’était pas la classe. La limousine me déposa devant un restaurant haut de gamme situé dans Pearl District. Nous finissions toujours dans ce quartier. Si je ne m’étais jamais rendue dans ce restaurant, j’en avais beaucoup entendu parler. Il y a quelque temps, Reece y avait emmené une fille dans le but de l’impressionner. Et ça avait marché. Avec ses box rouges et son éclairage tamisé, l’endroit était hyper stylé. À dire vrai, les luminaires ressemblaient davantage à des installations artistiques. Il y avait également d’immenses globes scintillants. Dès que je gagnais mon premier million, j’en achetais un pour chez moi.
Lorsque je donnai le nom de Mal au mec cool à l’entrée, il me lança plusieurs petits regards en coin avec une insistance qui frisait l’impolitesse.
– C’est quand vous voulez, lançai-je sans me donner la peine d’être aimable.
Mal était assis dos au reste de la salle, ses cheveux ramenés en queue-de-cheval. Je fus tentée de lui demander si sa mère avait exigé de lui qu’il se coiffe mais, lors de nos joutes verbales, j’étais souvent la perdante. J’avais déjà les nerfs en pelote à la perspective de rencontrer ses parents, aussi préférai-je me taire et admirer la découpe de ses pommettes.
– La voilà.
La fierté dans la voix de Mal me surprit et me réchauffa le cœur tout à la fois. Il se glissa hors du box et passa un bras autour de ma taille.
– Papa, maman, je vous présente Anne.
La mère de Mal était de petite taille. Son sourire illumina tout son visage. Neil, le père de Mal, se leva en me voyant. Grand, les cheveux dorés, il donnait l’impression d’avoir du sang viking dans les veines. Logique, quand on voyait le fils.
– Je suis ravie de vous rencontrer, déclarai-je, faisant de mon mieux pour paraître pétillante, brillante, digne de confiance… tout ça, quoi.
C’était la première fois qu’un garçon me présentait ses parents. Mal et moi étions en train d’explorer de nouveaux territoires. Je croisais les doigts pour ne pas le décevoir.
Sa mère me tendit une main délicate. Les os de ses doigts me parurent fragiles, affleurant à la surface.
– Bonsoir, Anne. Je suis Lori. Et voici Neil. Nous sommes tellement heureux de faire votre connaissance.
– Bonsoir, Lori. Je suis très contente aussi.
Une fois les politesses passées, je me glissai dans le box, suivie de près par Mal. Sa cuisse était pressée contre la mienne et sa main recouvrait mon genou nu. Après avoir passé au crible toute ma garde-robe, j’avais porté mon dévolu sur un haut bleu marine à manches longues, une jupe noire et des bottines. Une pointe de sexy mixée avec une touche de classique pour faire bonne mesure. Peut-être m’étais-je complètement plantée. Qu’est-ce que je connaissais aux familles de rock stars ? Neil portait une chemise assortie d’une cravate tandis que Lori avait opté pour un chemisier en lin blanc avec un pantalon. Je ne m’étais pas non plus attendue à du cuir et des piercings, mais du lin blanc ? Vu le tremblement qui secouait mes mains, je me serais tachée en moins de deux minutes.
– Hey, murmura Mal en se penchant vers moi.
Je n’avais vraiment pas envie de me rater sur ce coup-là, mais une boule d’appréhension pesait sur mon estomac. J’entretenais des rapports tendus avec ma mère. Quelles étaient les chances pour que je parvienne à charmer la sienne ? Mes mains étaient moites et collantes de sueur. Honnêtement, dans les situations de stress, je pouvais facilement rivaliser avec un rhinocéros niveau transpiration. Enfin, si tant est que les rhinocéros souffraient de problèmes de transpiration.
Mal m’embrassa avec douceur derrière l’oreille.
– Respire, ma puce. Tout va bien.
– Oui, répliquai-je en levant les deux pouces.
– Bon, d’accord. Ça ne va pas. (Il regarda autour de lui, brandit une main en l’air. Un serveur accourut aussitôt.) Bonsoir. Pourriez-vous lui apporter un… un truc fort ?
– Que diriez-vous d’un Rocket Fuel, monsieur ?
Mal tapa des mains.
– Ça me semble parfait ! Un Rocket Fuel. Un double, en fait.
Le serveur ouvrit des yeux comme des soucoupes.
– Euh, très bien, monsieur.
Des photos avaient été étalées sur la table – un véritable océan de bébés blonds, de visages joufflus et de mains potelées. Lori m’adressa un sourire chaleureux.
– Ce sont tous nos petits-enfants.
– Je ne savais pas que Mal avait des neveux et nièces.
– Pas moins de huit ! annonça sa mère, égrenant les prénoms de chacun des visages qu’elle désignait.
Vu le taux de fertilité de ses sœurs, je notai mentalement de faire une bonne réserve de préservatifs. En dépit de ses plaisanteries, Mal et moi n’étions clairement pas prêts pour accueillir un mini Mal. Je ne savais même pas si j’avais envie d’avoir des enfants, projet que je situais dans la catégorie « un jour, peut-être ».
Les anecdotes de Lori sur ses petits-enfants durèrent pendant tout le dîner. Elle parlait, nous mangions. Le Rocket Fuel que je sirotais me détendit considérablement. Le cocktail en question semblait contenir tous les alcools blancs existants, auxquels s’ajoutait une petite goutte de limonade. Soit il était illégal, soit il était censé être flambé pour en alléger la teneur en alcool. Je renonçai après quelques gorgées, laissant ce qui restait à Mal. Il grappillait dans mon assiette et buvait dans mon verre. J’adorais cette nouvelle intimité entre nous. Ce n’était sans doute rien d’autre que du pillage d’assiette, mais la façon dont il le faisait, en détournant mon attention d’un sourire ou d’un clin d’œil, valait tout l’or du monde.
C’était tellement facile pour lui.
– Donc tu as trois sœurs aînées, dis-je. C’est marrant, je n’ai aucun mal à t’imaginer en petit dernier.
Sa mère éclata de rire. Elle avait beau être petite, son rire, lui, était loin d’être discret. C’était révélateur de l’enfance de Mal, tout comme les regards emplis d’admiration qu’elle posait sur son fils chaque fois qu’elle le regardait. Je n’arrivais même pas à me souvenir du rire de ma mère. Cela faisait trop longtemps que je ne l’avais pas entendu.
– Pourquoi tu dis ça ? m’interrogea Mal en me regardant de haut. Tu sous-entends que je suis immature ? C’est vraiment très impoli de ta part de le faire remarquer comme ça, ma puce.
Sa mère toussota – une mise en garde évidente.
Le bras de Mal reposait sur le dossier de notre banquette. Il portait un tee-shirt à manches longues qui recouvrait ses tatouages, et des Converse sèches. Je m’obligeai à ne pas l’observer trop longtemps, terrifiée à l’idée d’avoir mon regard de psychopathe devant ses parents. Les images de nos exploits dans la baignoire bouillonnaient dans mon esprit.
– Explique-toi, exigea-t-il.
– Je dis juste que tu es un vrai showman. Ce n’est pas étonnant que tu sois le plus jeune de ta fratrie.
Il haussa un sourcil, avant de diriger son regard vers ses parents. Sa main, en revanche, mit le cap plus haut sur ma jambe, puis se glissa sous ma jupe. Je saisis ses doigts et les serrai très fort en guise d’avertissement avant qu’il ne puisse aller plus loin. Seule une petite étrangeté dans son sourire trahissait ses intentions.
– Anne est l’aînée. Tu devrais la voir avec sa petite sœur, maman. Une louve serait moins protectrice. Je suis surpris qu’elle ne soit pas entourée de papier-bulle.
Sa mère se retint de sourire.
– Je ne la surprotège pas, me défendis-je. Elle a vingt ans, c’est une adulte maintenant, je respecte ça.
– Ah, tu trouves ?
Qu’est-ce que j’aimais qu’il me taquine. J’aimais aussi la familiarité dans son regard.
– Ben m’a confié qu’il avait eu peur pour sa vie quand tu l’as surpris en train de regarder Lizzy. Il s’est demandé s’il devait protéger ses bijoux de famille.
À l’évocation de testicules, Lori sermonna son fils d’un petit bruit, mais Mal poursuivit sur sa lancée.
– D’après lui, tu étais à deux doigts de le massacrer.
Ça, ça me plaisait beaucoup moins.
– Il a parlé de Lizzy ?
Mes yeux se plissèrent. Je n’avais plus du tout envie de plaisanter. Hors de question que Ben Nicholson approche d’elle.
– Ma sœur est trop jeune pour lui. Et elle doit se concentrer sur ses études.
– On se détend, maman poule. Je suis d’accord avec toi, tu sais.
Mal eut un large sourire et me caressa la nuque. Ce geste me calma en un instant. Mon Dieu, ces mains… J’appréciais beaucoup ses parents, mais je priais pour que le dîner ne traîne pas en longueur. Court et sympa, ce serait parfait. Mal et moi avions des choses à faire.
– On va faire en sorte que Benny boy se tienne à l’écart de ta petite sœur, promit-il. Ne t’inquiète pas.
– Et où vit ta mère, Anne ? me questionna Lori.
Je tressaillis. Les doigts de Mal stoppèrent net. Je n’avais pas besoin de voir son regard. Je voulais juste que la conversation continue comme si de rien n’était.
– Elle est, euh… Elle est retournée vivre en Californie. Tout va bien pour elle.
– Et ton père ?
– Il est parti. Il y a longtemps.
C’était toujours mieux que de dire « Aucune idée ». Et à quoi bon édulcorer, hein ? Il s’agissait de la pure vérité. Je pris ce qu’il restait de mon petit pain au levain et en grignotai la croûte. C’était très bon mais je n’avais plus faim. Il nous fallait un sujet de conversation neutre mais mon assiette à présent vide ne m’offrit aucune inspiration. Mon cerveau non plus ne me fut d’aucune aide.
– Vous restez pour les premières dates de la tournée ? demanda Mal à ses parents.
J’aurais pu lui baiser les pieds pour son intervention.
– On verra, répondit son père.
– Bien entendu qu’on va rester, corrigea sa mère. Au moins pour le premier concert. On adore vous voir sur scène. Comment vont les garçons ? Est-ce que Jimmy va mieux ?
– Il va bien, maman. Ils vont tous bien. Davie aimerait vous présenter Ev dès que possible.
– Je serais ravie de faire sa connaissance, répondit sa mère avec un petit soupir de satisfaction. J’ai toujours su que David serait le premier à se caser. C’est un garçon tellement sensible, bien plus que vous autres.
– Je suis sensible, moi aussi. Je ne suis rien d’autre qu’un gros nounours en guimauve. Dis-lui, ma puce.
– Votre fils est quelqu’un de très sensible, récitai-je avec application.
– Tu n’as pas l’air convaincue. (Il tira doucement sur une mèche de mes cheveux et s’approcha plus près de moi.) Je suis vexé. Tu m’as fait de la peine. Je veux un bisou de consolation.
– Désolée, dis-je en lui donnant un baiser rapide mais affectueux.
– C’est ce que tu as de mieux à me proposer ? (Il frotta ses lèvres contre les miennes dans l’espoir que je lui en donne davantage.) Tu devrais avoir honte. Je suis sûr que tu peux faire beaucoup mieux que ça. Là, tu as complètement raté ma bouche.
– Tout à l’heure, murmurai-je, tenant à ce que nous restions chastes en public – mais bon sang que c’était dur.
– Tu promets ?
– Oui.
– Quel dommage que tu n’aies pas été là quand nous sommes passés chez toi tout à l’heure, Anne, déclara Lori. Tu as un petit appartement charmant.
– Merci.
– Il faut juste que Malcolm cesse de casser des meubles et de provoquer des inondations, ajouta-t-elle.
Mal grogna.
– Un homme doit être libre de sauter sur des lits et de prendre des bains comme bon lui semble, Mère.
– Tu as vingt-sept ans, chéri.
– Et ?
– N’est-il pas temps que tu te comportes comme un adulte ?
– Je paie mes factures, j’assume mes responsabilités. Est-ce que le reste a vraiment de l’importance ?
Mal se redressa et défia sa mère du regard en souriant. Difficile de ne pas penser qu’ils avaient déjà eu cette conversation à de nombreuses reprises auparavant.
– C’est drôle, intervint Neil pour la première fois depuis des lustres. Je jurerais avoir entendu deux voix dans cette salle de bains.
– Les murs sont très fins.
Mal et moi avions parlé en même temps.
Oups, mon sourire… J’avais de gros doutes quant à la vraisemblance de notre explication. Excellent.
Son père grommela.
Lori tenta de dissimuler son sourire en tamponnant ses lèvres avec sa serviette.
Et merde. Nous étions découverts.
– Mange un peu plus, chérie, suggéra Neil à son épouse en poussant son assiette vers elle.
Nous avions tous englouti notre succulent dîner, cependant Lori avait à peine touché à son repas.
– Je n’ai pas très faim, dit-elle en lui caressant la main.
Les doigts qui effleuraient mon cou s’immobilisèrent.
– Mais…, murmura Neil à l’oreille de sa femme, se penchant vers elle.
Lori finit par le faire taire en lui donnant un petit baiser. Elle afficha un sourire joyeux – un sourire feint. C’était un artifice que je connaissais bien et, même si elle le maîtrisait plutôt bien, j’en fus ébranlée malgré tout. Que se passait-il ? Il pouvait y avoir des centaines d’explications. Dispute de couple, par exemple.
Un Joyeux anniversaire passionné fut entonné à l’autre bout de la salle. Un groupe de jeunes de l’âge de Lizzy faisait de plus en plus de bruit. Le type à l’accueil les considérait d’un œil méfiant.
– Malcolm, il faut que tu viennes avec Anne à notre fête pour qu’elle rencontre tes sœurs, proposa-t-elle. Nous organisons une grande réunion de famille à la maison, à Cœur d’Alene, il faut que vous soyez là tous les deux. C’est entre les concerts de Seattle et Chicago, les garçons seront donc tous libres à cette date.
– Tu as grandi là-bas ? demandai-je à Mal sans réfléchir.
Une vraie petite amie était censée savoir ce genre de choses, sauf que Mal et moi avions sauté l’étape « apprenons à nous connaître ». Cela dit, le passé n’était pas un terrain que je tenais particulièrement à explorer. Heureusement, Lori ne parut rien remarquer.
– Ouais, répondit Mal.
Il hocha la tête, les yeux rivés sur son père.
– C’est comment, là-bas ? demandai-je.
Son regard demeura fixé sur ses parents. Son sourire avait disparu.
– Des arbres, un lac, deux ou trois bars sympas. Plutôt cool, répondit Mal.
– C’est ravissant, surtout à l’automne, m’informa Lori avec enthousiasme. Il faut absolument que tu viennes, Anne.
– Je verrai ce que je peux faire.
Je m’agitai sur mon siège. Quelque chose avait changé. Mal et son père affichaient un air sombre, préoccupé. Aucun d’eux ne croisait mon regard. L’ambiance dans le box s’était refroidie sans que je comprenne pourquoi.
– Tu me promets qu’elle viendra, mon chéri ?
Lori se pencha en avant et serra la main de Mal, ignorant l’atmosphère bizarre qui régnait désormais à la table. Son sourire était peut-être même plus enjoué encore, comme si elle essayait de compenser.
– Nous serons ravis de te faire visiter la région.
– Bien sûr, affirma Mal d’une voix creuse.
Quelqu’un avait actionné un interrupteur et avait éteint Mal. Il n’était plus là. Ça aussi, ça me rappelait des souvenirs.
– On ferait mieux de rentrer à l’hôtel, annonça Neil. Je ne voudrais pas que nous soyons trop fatigués demain.
Lori eut un sourire abattu.
– Tu as raison. Anne, tu crois vraiment qu’il y a des fantômes ? J’ai lu quelque chose à propos d’un « circuit hanté ». Ça serait marrant, non ?
– Oui, très. (Mal sortit son portable de sa poche et envoya un texto.) Ils arrivent avec la voiture.
Son bras quitta mes épaules et il s’extirpa hors du box. Tout à coup, deux jeunes filles d’environ dix-huit ans surgirent comme par magie. Mal recula d’un pas, surpris.
– Oh mon Dieu ! On était sûres que c’était toi, s’écria la première en gloussant.
– On est tes plus grandes fans.
– Ah, salut. Merci.
Mal prit le stylo que l’une d’elles lui tendait et signa des serviettes de table, des carnets et je ne sais quoi d’autre. Je ne distinguais même plus sa main. De toute évidence, il avait déjà fait ça des millions de fois. Je sortis après lui tandis que Neil aidait Lori, une main sous son coude.
Des têtes se tournèrent et d’autres curieux venus de la table de jeunes vinrent se joindre aux deux filles qui entouraient Mal. Un attroupement se forma en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. Soudain aveuglée par des flashs, je levai une main pour me protéger les yeux. Il y avait maintenant deux ou trois personnes entre lui et moi. Des mains me poussèrent sur le côté et je me cognai fort sur le bord d’une table. Un verre se brisa sur le sol et tout à coup Mal apparut à mon côté.
– Ça va ? demanda-t-il en me stabilisant.
– Oui. J’ai juste été surprise.
Ou plutôt super gênée.
– Allons-y.
Il m’attira près de lui, tandis que les gens autour de nous commençaient à se plaindre et à pousser plus fort. Un mec essaya de donner son numéro de téléphone à Mal, mais celui-ci l’ignora et, de force, nous fraya un passage dans la foule. Lorsque quelqu’un me hurla au visage, mon cœur fit boum et je me mis à transpirer. Riches ou pas, ces gens étaient complètement tarés. Qu’est-ce qui se serait passé s’il avait été reconnu dans un fast-food minable ?
Nous nous précipitâmes hors du restaurant, des cris dans notre dos. Neil aida Lori à entrer dans la limousine, et nous la suivîmes de près. Des mains tambourinaient sur les vitres tandis que le chauffeur prenait garde de n’estropier personne en fermant la portière. Quelques secondes plus tard, la limousine se mêlait au flot des voitures et je pus de nouveau respirer. Nous avions réussi à partir.
Personne ne pipa mot. Ce silence me tuait. Même Lori ne put qu’esquisser un mince sourire, visiblement fatiguée, conformément à ce que Neil avait prévu. Dans la précipitation, Mal ne s’était pas assis à côté de moi. Dommage, je n’aurais pas dit non à ce qu’on me prenne la main.
– C’était chaud, remarquai-je.
– La plupart du temps, les gens se contentent de regarder. Mais il arrive que ça dégénère, m’expliqua Lori. Il ne faut pas te laisser impressionner, Anne.
Le silence retomba de nouveau.
Une fois arrivés à l’hôtel, Lori déposa un baiser sur ma joue et sortit de la limousine. L’ambiance du dîner avait changé. Je scrutai Mal dans l’espoir qu’il tourne son regard vers moi. Il n’avait pas eu le temps de se raser, et l’ombre d’une barbe soulignait sa mâchoire et sa bouche. Le besoin de l’embrasser, de réduire la distance qui nous séparait, faisait battre mon cœur à cent à l’heure.
– Ça va ? m’enquis-je.
– Ouais. Et toi ? répliqua-t-il, assis en face de moi sur la banquette.
Il était l’incarnation de la coolitude, du calme et de la décontraction.
– Désolé pour le troupeau de fans au resto.
– Oh, t’inquiète. Pas de problème.
– Ça arrive de temps en temps, dit-il en se frottant le visage.
– Le dîner était délicieux. Merci.
– Mmh.
– Tes parents sont adorables. J’aime beaucoup ta mère.
– Tant mieux.
– Ton père est sympa aussi.
Il acquiesça d’un signe de tête, le regard perdu dans le vide.
– Mal, dis-moi ce qui ne va pas.
Je n’avais qu’une envie, qu’on rentre chez moi et qu’on retourne dans la baignoire.
– Rien.
Cette conversation était nulle. Quelque chose avait merdé à un moment donné et je n’avais pas la moindre idée de ce qu’il fallait faire pour arranger la situation. Je ne possédais pas assez d’éléments.
Je crevais d’envie d’aller m’asseoir près de lui, mais quelque chose me retenait. Pour une raison que j’ignorais, je n’étais pas certaine d’être la bienvenue. Ce soir, c’était censé être LE soir. Peau contre peau, nos corps en sueur, la totale. Or je n’en étais plus si sûre à présent. Je savais que j’avais envie de lui – ça oui, j’en avais envie au point d’être prête à tout. Seulement, je ne voulais pas me retrouver toute seule dans le bateau.
Dehors, il commença à pleuvoir.
– Je vais aller jouer un peu, annonça Mal. Je te dépose à l’appart avant.
– Vous répétez ce soir ?
Son sourire était timide.
– Non, j’ai juste besoin de me défouler.
– Tu ne veux pas rentrer avec moi ? demandai-je, et il comprit à quoi je faisais référence – forcément.
Mais il haussa les épaules.
Non… Il ne venait tout de même pas de balayer d’un haussement d’épaules l’idée que nous allions enfin faire l’amour ? L’ambiguïté n’était pas acceptable dans cette situation, sous quelque forme que ce soit. La limousine continuait sa progression dans la circulation nocturne, sans doute dans l’attente d’une indication sur notre destination.
Mal sortit son téléphone portable et se mit à naviguer d’un écran à l’autre. Je croisai les bras sur ma poitrine. Parfait, s’il voulait jouer à ça. À l’extérieur, le centre-ville de Portland défilait sous nos yeux dans toute sa beauté. Les arbres d’un petit parc étaient illuminés. L’humidité rendait l’atmosphère scintillante. De minuscules ruisseaux dégoulinaient sur les vitres, brouillant la vue.
Après tout, s’il voulait vraiment aller jouer de la batterie, qu’il y aille. Merde. De toute évidence, il n’était pas d’humeur à avoir de la compagnie. J’ouvris la bouche pour acquiescer à son plan, mais rien n’en sortit. Ça ne marchait pas. Je pouvais me montrer sacrément têtue parfois, et avoir envie de sexe me mettait de mauvaise humeur. Ça irait sûrement mieux si j’avais un peu d’air.
– Tu peux lui demander de s’arrêter ? dis-je en écartant une mèche de cheveux rousse de mon visage. Ce serait idiot que tu fasses un détour. Je vais rentrer seule. On se voit plus tard.
Ses paupières se plissèrent.
– Je ne vais pas te laisser au milieu de nulle part sous la pluie, Anne. Je te ramène chez toi.
– D’accord. Merci.
Il ouvrit la bouche. La referma.
– Quoi ?
Il demeura silencieux.
Ah, la fuite. Je connaissais ça par cœur. Je ne pouvais pas exiger de lui qu’il se livre à moi alors que je n’avais aucune intention de lui raconter toute mon histoire. Personne n’avait envie d’entendre ça.
Mais nous étions au-dessus de tout ça. Ou nous aurions dû l’être.
– Fait chier…, marmonnai-je.
– Pardon ?
– Fait chier.
Il inclina la tête sur le côté.
– On en fait beaucoup trop sur la sécurité en voiture, lâchai-je.
– Qu’est-ce…
J’allai m’asseoir sur la banquette d’en face, à côté de lui. Et je franchis une étape supplémentaire en grimpant sur ses genoux, le chevauchant. Il cligna des yeux, ses mains se baladant sur mes cuisses comme s’il ne savait pas où les poser. Son téléphone tomba au sol. Heureusement que je portais une jupe courte et en stretch. Parfaite en de nombreuses occasions, et plus particulièrement celle-là.
– Anne.
– Mal.
– Qu’est-ce qui se passe ?
– La soirée ne finira pas comme ça, répondis-je, très calme. Je vais m’en assurer.
Il me regarda comme si je venais de parler chinois. Je ne voyais pourtant pas où était le problème.
Je mis mes mains derrière sa nuque. Maintenant je comprenais pourquoi il avait sans cesse ce geste : la peau était incroyablement chaude et douce à cet endroit. En toute honnêteté, je ne savais absolument pas quoi dire. L’embrasser paraissait bien plus sage que de sortir une nouvelle connerie. Je caressai ses lèvres des miennes. Elles étaient charnues, parfaites. Il prit une petite inspiration – un son merveilleux pour mes oreilles. Si j’avais eu le temps, j’aurais pu rendre hommage à sa bouche toute la nuit. Une bouche parfaite. Aucun autre mec n’était aussi embrassable.
– Je déteste te voir triste, dis-je.
Nous nous scrutâmes, nos visages à quelques centimètres l’un de l’autre. Je voulais que la cause de ses tracas, ce qui le faisait souffrir, reste en dehors de tout ça. Mal et moi avions mérité cet instant. Il l’avait juste oublié une seconde, s’était laissé dévier. Moi non, le veinard.
– Laisse-moi te faire oublier. Juste pendant un moment…
Je penchai la tête et l’embrassai, traçant le contour de ses lèvres avec ma langue. C’était tellement bon. Mes hanches remuaient déjà sur lui, avides d’en obtenir davantage. J’étais en chaleur et c’était à cause de lui, alors il n’avait qu’à assumer. Avec un grognement, il s’abandonna et ouvrit la bouche. Putain, j’adorais sentir sa langue, son goût sucré. L’excitation monta tout droit jusqu’à mon cerveau, à tel point que je fus prise de vertige.
Il n’hésita pas. Ses mains remontèrent le long de mes jambes, sous ma jupe, se dirigeant droit vers leur proie. Le salopard.
– Tu as besoin de quelque chose ? demanda-t-il en me caressant les cuisses.
– De toi.
– Putain. Anne.
Sa bouche pourchassait la mienne, impatiente, vorace. Et j’étais plus que ravie de la satisfaire. Les extrémités de ses doigts experts caressaient l’entrejambe de ma culotte. En réponse, chaque parcelle de mon corps s’embrasa. Si quoi que ce soit nous arrêtait cette fois, je ne répondrais plus de mes actes.
– Continue comme ça, haletai-je, détachant sa queue-de-cheval pour libérer sa crinière.
– Tu ne préfères pas plutôt ça ?
Le bout de son pouce appuya sur mon clitoris, décrivant de petits cercles.
– Oh mon Dieu…
Ma tête tomba en arrière. Les sensations affluaient partout dans mon corps. J’étais tellement excitée que c’en était gênant. Le tissu humide de ma culotte parlait de lui-même. Nous avions déjà eu droit à plusieurs jours de préliminaires. J’avais eu envie de lui bien avant de le rencontrer, et la réalité surpassait de loin mes attentes. Mal Ericson était un rêve qui se réalisait. Le marathon du baiser chez David et Ev, la façon dont il m’avait manqué hier soir, tout cela m’avait mise en ébullition. J’emmerdais la sagesse et la raison. J’avais bien l’intention de profiter de lui tant et autant que possible.
– Nous y voilà, murmura-t-il.
Je me cambrai contre sa main. J’en voulais davantage. Il posa ses doigts à l’arrière de ma tête, la maintenant afin de pouvoir me voir.
– Tu es tellement belle, putain. Je te l’ai déjà dit ?
Aucune idée. Et s’il pensait que j’allais lui répondre, il pouvait attendre longtemps.
– J’aurais dû te le dire, reprit-il.
Je le dévisageai, sidérée. Mal était sans le moindre doute le plus bel homme que j’avais jamais vu. Les traits de son visage, tout en élégance, me donnaient envie d’écrire des mauvais poèmes. Sans compter le son de sa voix, ses mots… tout était tellement parfait. À ce moment-là, mon corps tout entier se contracta et je n’eus plus rien auquel me raccrocher. J’étais vide au point que cela en était douloureux.
– J’ai envie…
Je laissai tomber le blabla. À la place, j’attrapai la ceinture de son jean et entrepris de défaire les boutons de sa braguette. Les muscles de mes cuisses me brûlaient d’être agrippée à lui. Si le chauffeur freinait brusquement, je serais dans la merde.
– Tu peux avoir tout ce que tu veux, Anne. Il suffit de demander.
– Je te veux, toi.
Lorsque ses doigts suivirent la ligne de mon sexe, mon esprit se mit à dériver.
– Tu me veux comment ? susurra-t-il, sa main m’arrachant un gémissement. (Je collai ma joue contre la sienne, mes poumons réclamant de l’air.) Mmmh ?
– En moi.
Je peinais avec les mots, tout comme avec sa braguette.
– Mal, je t’en supplie… Cesse de jouer avec moi.
– Mais tu adores que je joue avec toi.
Je pris son visage entre mes mains, la bouchée crispée.
– Stop.
Ça tombait bien que je sois assise, sans ça son sourire aurait pu me flanquer par terre. Quel connard sublime et arrogant.
– O.K.
Mal ôta sa main de sous ma jupe. J’aurais pu fondre en larmes lorsque cette délicieuse sensation s’arrêta. Mais le plus important était qu’il soit en moi, et le plus vite possible.
– Descends deux secondes, dit-il.
Il me souleva, me posa sur le côté, enleva son jean et son boxer et sortit un préservatif de sa poche. Je me figeai à la vue de sa queue qui se dressait, grande et imposante. Il me fallait plus de temps pour l’observer. Est-ce qu’il serait furax si j’essayais de la prendre en photo ? Uniquement pour mon usage personnel, évidemment.
– Anne, dit-il, brisant ma concentration. Enlève cette culotte. Tout de suite.
– D’accord.
Ma jupe était déjà retroussée au niveau de ma taille. Je plaçai mes pouces à l’intérieur du tissu et, en me dandinant, je la fis glisser vers le bas en même temps que ma culotte. J’en profitai pour virer mes bottines. Je ne ressemblais à rien, mais tout ce qui comptait c’était que je sois nue en bas.
Il déchira l’emballage de la capote à l’aide de ses dents et l’enfila.
– Allons-y.
Ses grandes mains m’agrippèrent par les hanches afin de me rasseoir sur lui. Je saisis ses épaules pour me maintenir en équilibre et scrutai son visage de façon à le graver dans ma mémoire. Ce moment devait être consigné pour la postérité dans les moindres détails, de la courbe de ses pommettes à l’angle de sa mâchoire jusqu’au petit versant sur sa lèvre supérieure, que je crevais d’envie de lécher et d’embrasser. Je ne voulais rien oublier.
Il glissa un doigt en moi. Tous mes muscles se convulsèrent sous le coup du choc.
– Ça va ? me demanda-t-il sans bouger.
Je hochai la tête.
– J’ai été surprise.
Tout doucement, il enfonça son doigt plus profondément. Je me tortillai. Il continua, de plus en plus haut, avec dextérité. Il caressait mon clitoris en formant des cercles tandis que son doigt touchait un point ultra sensible dans mon vagin. Quelqu’un, quelque part, lui avait confié les secrets de mon anatomie : ce mec savait tout. Aussi loin que je me souvienne, personne ne m’avait jamais excitée avec autant de facilité.
– Putain, que c’est bon. Mon doigt est au paradis.
– Mal, s’il te plaît…
Je n’étais même pas sûre de ce que je voulais lui demander. Je voulais ses doigts, son sexe, sa bouche, tout. Il me rendait avide.
Il retira son doigt, taquinant mes lèvres, et m’ouvrit délicatement. Mon bassin se mit à se mouvoir, comme mû par une volonté propre, et à décrire des va-et-vient contre sa main. Je gémissais avec force – le chauffeur devait m’entendre en dépit de la vitre de séparation, sauf que je m’en fichais complètement.
– On est prêts, annonça Mal.
Ça, pour être prêts, on l’était.
Il me saisit la hanche d’une main tandis que, de l’autre, il mettait sa bite en position. Je vis des étoiles lorsque je le sentis glisser contre mes lèvres. Comment allais-je pouvoir en supporter davantage ? Doucement, mais franchement, je m’enfonçai sur lui. Ses narines se dilatèrent tandis que je le prenais profondément en moi. Je ne m’arrêtai qu’une fois assise sur ses cuisses nues. Je sentais les poils de ses jambes chatouiller ma peau.
– Enfin, soupira Mal.
Il était complètement focalisé sur moi, son regard cherchant mon visage, absorbant tout. Je ne pouvais plus rien dissimuler. Ce qui était problématique étant donné que j’eus soudain envie d’éclater en sanglots.
Depuis quand le sexe avait-il autant de sens ?
– J’ai envie de bouger, murmurai-je, mais les mains sur mes hanches me maintenaient fermement en place.
Être emplie par lui me procurait une sensation inexplicable. C’était presque trop.
– Attends. (Il leva le visage vers moi et m’embrassa avec douceur, lentement.) Donne-moi une minute. Parfait. Ça fait des siècles que j’attends de te sentir.
Je me balançai contre lui, au comble du désespoir.
On était toujours habillés en haut, mais merde, les trucs qu’on faisait en bas !
– Mal, soufflai-je. Maintenant.
Ses doigts s’enfoncèrent dans mes fesses et me soulevèrent avant de me faire redescendre lentement, me laissant le temps de m’habituer. Il répéta le même mouvement, encore et encore. L’extase. Mon sang bouillonnait de le sentir glisser en moi. C’était trop bon, cette lenteur. Mon esprit se liquéfiait.
Petit à petit, j’accélérai le rythme, aidée par ses mains. Je le chevauchais, plus vite, plus fort. Rien ne pouvait égaler la chaleur solide de son corps qui titillait des zones sensibles en moi, me pulvérisant sur place. Je m’enfonçai encore sur sa longue queue, et nous nous déchaînâmes. Nos corps étaient ruisselants de sueur. Ma colonne vertébrale était parcourue de picotements, mon corps tout entier vibrant de désir. C’était la vie, la mort, et un million d’autres choses dont je n’avais jamais eu connaissance auparavant. La tension qui m’envahissait atteignit des proportions insensées et exquises. Son pouce dessinait un mouvement de va-et-vient sur mon clitoris. Le monde tout entier se déchira alors. Je me cambrai et j’enfouis mon visage dans son épaule tandis qu’un orgasme incroyable me frappait de plein fouet. Je mordis à travers son tee-shirt, mais le coton ne parvint pas à étouffer le bruit qui surgit de ma gorge.
Je finis par m’écrouler, vide, pleine, et tout ce qu’il peut y avoir entre les deux.
Mal grogna, me maintenant sur son sexe. Il marmonnait quelque chose. Peut-être mon nom, auquel cas j’appréciais l’attention. Je n’oublierais pas de le remercier dès que j’en serais capable.
Je ne voulais plus bouger. Plus jamais. Ou en tout cas pas jusqu’à la prochaine fois.
Nous restâmes affalés sur la banquette arrière de la limousine en silence. Transpiration et autres fluides corporels gardaient nos corps collés l’un à l’autre. Tous mes muscles tremblaient. Hallucinant. Je venais de vivre un truc de dingue.
– T’es en vie ? finit par me demander Mal, coinçant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.
Je levai le visage vers lui. Mâchoire relâchée et ivre de sexe. Le meilleur sentiment au monde.
– C’était plutôt pas mal, répondis-je.
Merde, je bredouillais. Ma langue était devenue épaisse et inerte.
– Ah oui ?
Il ne se donna même pas la peine de contenir son sourire.
– Oh, je suis sûre que tu as fait de ton mieux, dis-je.
– J’apprécie le vote de confiance.
À court d’énergie, je lui adressai un grognement des plus féminins.
– Ma puce ? Tu as crié tellement fort que j’ai encore un bourdonnement dans les oreilles. Sache que je n’entends strictement rien des conneries que tu es en train de raconter. Tu me redis tout ça dès qu’on m’aura posé deux ou trois points de suture à l’épaule, O.K. ? (Son ricanement gronda dans sa poitrine. Mmmh, très agréable.) Tu mords et tu cries. Et dire que tu as l’air d’une gentille fille toute sage. Je suis choqué.
J’écartai le tissu de son tee-shirt pour inspecter son épaule.
– Tu t’en sortiras avec un petit bleu.
– Je le porterai fièrement.
Qu’est-ce qu’il sentait bon… J’aurais voulu que la limousine roule jusqu’à vider le réservoir d’essence pour que je puisse continuer à le humer. Sexe, sueur, testostérone.
– Tu veux toujours aller jouer ? le questionnai-je, surtout par politesse.
Désireuse de le garder tout pour moi, mes bras étaient accrochés autour de lui dans ce qui s’apparentait à un étranglement. Mais s’il voulait y aller, je le suivrais. Les orgasmes avaient tendance à me rendre conciliante.
– Je pourrais t’accompagner, t’écouter jouer.
– Non, inutile que tu viennes…
– J’ai pourtant très envie de venir…, dis-je avec un sourire entendu.
Il renifla et tordit les lèvres, comme s’il me manquait une case.
– Chez toi. Ton lit. Maintenant.
– On est d’accord, lançai-je, un grand sourire aux lèvres.