Chapitre 21

J’entendis de longs grognements plaintifs qui évoquaient ceux d’un animal blessé. Enfin, un animal aurait proféré moins de jurons. Ces bruits n’étaient pas synonymes d’une partie de plaisir. Non, ils étaient synonymes d’un niveau de l’enfer bien spécifique appelé « lendemain de grosse cuite ».

– Ma puce.

Mal enfouit son visage dans mon cou, pressant la chaleur de sa peau contre la mienne.

– Putain…

– Mmmh ?

– J’ai mal.

– Mmmh.

La main qui était plongée dans mon pyjama se tendit et se replia, appuyant au passage sur toutes sortes de points sensibles. Je me tortillai.

– Pourquoi tu as fourré ma main dans ta culotte pendant que je dormais ? Ça veut dire quoi ? marmonna-t-il. Merde, Anne. Tu es incontrôlable. Je me sens violé dans mon intimité.

– Je n’ai rien fait, mon cœur. C’est toi.

Il grogna à nouveau.

– Tu as beaucoup insisté pour mettre ta main là, expliquai-je. Je me suis dit que je l’enlèverais dès que tu te serais endormi, mais finalement non.

Je frottai ma joue contre mon oreiller – son biceps.

– Cette chatte est à moi.

Ses doigts se déplièrent, poussant contre le tissu de ma culotte, caressant au passage l’intérieur de mes cuisses. Ce n’était pas du tout le moment d’être excitée. Il fallait qu’on parle.

– Oui, c’est ce que tu as répété pas mal de fois.

Il gémit et bâilla, puis frotta son bassin contre le mien. Son érection matinale s’enfonça dans ma fesse.

– Tu n’aurais pas dû me faire boire autant. C’est très irresponsable de ta part.

– J’ai bien peur que tu sois le seul fautif.

J’essayai de m’asseoir mais son bras m’en empêcha.

– Bouge pas.

– Tu as besoin d’eau et d’une aspirine, Mal.

– D’accord.

Il retira sa main de mon entrejambe et roula sur le dos avec moult halètements. Je n’avais pas réussi à lui faire prendre une douche la veille. Nous empestions donc tous les deux la transpiration et le whisky.

J’allai lui chercher une bouteille d’eau et deux cachets d’aspirine, avant de me rasseoir sur le bord du lit.

– Allez, avale.

Il ouvrit un œil encore ensommeillé.

– Seulement si tu avales aussi, plaisanta-t-il.

– Mais oui, bien sûr.

– Attention, un homme n’aime pas qu’on lui mente sur ce genre de sujets.

Il s’assit lentement, ses longs cheveux blonds sales lui tombant devant le visage. Il tira la langue et j’y déposai les cachets d’aspirine, avant de lui tendre le verre d’eau. Il m’observa quelques instants. Et après ? Je n’avais aucune idée de ce que j’étais censée dire. C’était tellement plus facile de faire des blagues que d’essayer de tenir des propos profonds qui auraient du sens. D’essayer de l’aider.

– Je suis désolée, dis-je pour briser le silence.

– Pourquoi ? Qu’est-ce que tu as fait ? demanda-t-il doucement.

– Je voulais dire pour Lori.

Il ramena ses jambes vers lui, posa ses coudes sur ses genoux et pencha sa tête en avant. On n’entendait rien d’autre que le cliquètement de la clim, le tintement de couverts et quelque chose provenant de la chambre voisine. Quand il se résolut enfin à me regarder, ses yeux étaient humides et cerclés de rouge. Par empathie, les miens l’imitèrent aussitôt. Il n’y avait pas une once de moi qui ne souffrait pas pour lui.

– Je ne sais pas ce que tu ressens, alors je ne vais pas prétendre que c’est le cas, dis-je.

Ses lèvres demeurèrent closes.

– Mais je suis tellement désolée, Mal. Je sais bien que ça ne t’aide pas, pas vraiment. Ça ne change rien.

Toujours le silence.

– Je déteste l’idée que je ne peux rien faire pour t’aider.

Vouloir apaiser quelqu’un, c’était aussi vouloir se sentir utile. Pourtant, rien de ce que je pourrais dire ne lui ôterait sa douleur. Je pouvais me mettre à nu, tout lui donner, ça ne modifierait en rien ce qui arrivait à Lori.

– Je n’ai même pas de bonnes relations avec ma mère, alors… En réalité, il y a une époque où je souhaitais qu’elle meure. Maintenant, j’aimerais juste qu’elle me foute la paix, lâchai-je avant de m’interrompre, ahurie par ma propre bêtise. Merde. C’est le pire truc que je pourrais te dire.

– Continue.

Il semblait sérieux.

J’ouvris la bouche et ma gorge se serra. Les mots sortirent avec peine, en se débattant.

– Elle, euh… Elle nous a laissées tomber, Lizzy et moi. Papa s’est barré et elle, elle s’est réfugiée dans son lit. Notre famille s’est désintégrée et voilà la seule solution qu’elle a trouvée en réponse. Pas d’appel à l’aide, pas de médecins. Elle s’est contentée de se cloîtrer dans le noir. Elle est plus ou moins restée dans sa chambre pendant trois ans. Sauf la fois où les services de Protection de l’enfance sont venus. On a réussi à les convaincre qu’elle n’était pas bonne à rien. Tu parles d’une mascarade.

Il me dévisagea, les lèvres crispées et blêmes.

– Un jour, je suis rentrée à la maison et je l’ai trouvée assise sur le bord de son lit avec plein de pilules de toutes les couleurs alignées sur sa table de nuit. Elle tenait un grand verre d’eau à la main. Elle tremblait tellement que l’eau se renversait partout. Sa chemise de nuit était trempée. Je n’ai rien fait, en tout cas pas tout de suite.

Le souvenir de ce moment précis était atrocement clair dans mon esprit. Je me revoyais, hésitant devant la porte de sa chambre, tiraillée. Ne pas intervenir dans un cas pareil pouvait sûrement être qualifié d’homicide involontaire. Un truc comme ça vous marquait à vie.

– Je veux dire, c’était très tentant, avouai-je d’une voix brisée. L’idée de ne plus avoir à la gérer… mais on aurait été placées en famille d’accueil, Lizzy et moi, et sans doute séparées. Je ne pouvais pas prendre ce risque. Elle était mieux à la maison, avec moi.

Son regard était dur, son visage pâle.

– Alors je suis restée à la maison pour m’occuper d’elle. Elle a fait deux autres tentatives de suicide, puis elle a laissé tomber ça aussi, comme si même mourir lui demandait trop d’efforts. Il y a des jours où j’aimerais être arrivée cinq minutes trop tard. Qu’elle soit allée jusqu’au bout. Au moins je me sentirais coupable d’avoir eu ce genre de pensées.

Il ne clignait même pas des yeux.

– Je la déteste tellement de nous avoir fait traverser tout ça. Je comprends qu’on puisse être dépressif. C’est une maladie terrible et grave, mais elle n’a même pas essayé de se faire aider. Je lui prenais rendez-vous avec des médecins, je lui donnais des prospectus, je cherchais des infos et elle… Elle avait des enfants, merde, elle ne pouvait pas se payer le luxe de lâcher l’affaire comme ça. (Des larmes se mirent à couler le long de mes joues.) Papa ne valait pas mieux, mais au moins il nous envoyait du fric. Je devrais sans doute être reconnaissante qu’il ne nous ait pas complètement oubliées. Quand je lui ai demandé pourquoi il partait, il m’a simplement répondu qu’il ne pouvait plus continuer comme ça. Il avait l’air désolé, comme s’il avait coché la mauvaise case sur un formulaire et que, finalement, il changeait d’avis. Une famille ? Non. Oh, merde, j’avais répondu oui ? Oups. Connard. Comme si s’excuser allait changer quoi que ce soit au fait qu’il se barrait.

« On n’imagine pas le temps que ça prend de tenir une maison, payer les factures, faire la cuisine et le ménage. Jusqu’à ce que ça vous tombe dessus. Mon copain est resté avec moi pendant deux mois mais il a fini par m’en vouloir parce que je ne pouvais pas aller aux fêtes ni assister aux matchs le samedi soir. Il était jeune, il avait envie de sortir, de s’amuser, pas de surveiller une maniaco-dépressive et une gamine de treize ans. Difficile de lui en vouloir.

Je baissai la tête, m’efforçant d’articuler dans mon esprit les détails importants. Pas évident vu le temps que j’avais passé à essayer d’oublier.

– Et puis Lizzy a fait sa crise d’ado et ça a tout compliqué. Elle haïssait le monde entier – ce qu’on peut facilement comprendre. Au moins, quand elle se comportait comme une gamine égoïste et immature, il y avait une raison derrière. Elle s’est fait prendre en train de voler dans un magasin. J’ai réussi à convaincre le directeur de ne pas porter plainte. Elle a eu tellement peur qu’elle n’a jamais recommencé. Elle s’est calme, a recommencé à faire ses devoirs. Il fallait qu’une de nous fasse des études. J’ai essayé mais je n’arrivais pas à suivre le rythme.

J’étais en train de me donner en spectacle. Je clignai des yeux avec force et essuyai mes larmes.

– Tu sais, à la base j’avais envie de te remonter le moral, ironisai-je.

Son silence me tuait.

– Voilà mes petits malheurs, dis-je en lui adressant un sourire qui ne devait pas ressembler à grand-chose.

– Ma mère a un cancer des ovaires, annonça Mal d’une voix dure. Ils lui donnent deux mois, au mieux…

Je sentis mon cœur s’arrêter. Le temps s’arrêter. Tout.

– Oh, Mal…

Il ramena ses cheveux en arrière, croisa ses doigts derrière sa tête.

– Elle est tellement heureuse quand tu es là. Elle a pas arrêté de me dire à quel point tu étais formidable. Tu es son rêve qui se réalise. Ça fait un bail qu’elle a envie que je me stabilise.

Je hochai la tête et essayai de lui offrir un sourire convaincant.

– Elle est vraiment super.

– Ouais. Merde, Anne… C’est pas juste pour ça que… Je veux dire… Au début, c’était surtout pour ça… (Il s’agrippa à l’arrière de son cou, les muscles tendus.) Maintenant, ce n’est plus uniquement pour la rendre heureuse avant qu’elle… (Il s’interrompit, les lèvres tordues, incapable de prononcer le mot.) Tu sais que c’est plus que ça, hein ? On ne fait plus semblant. Tu le sais ?

– Je sais.

Cette fois, mon sourire était au top.

Bon, notre histoire avait commencé de façon douteuse. Mais ça ne changeait rien à ce que nous étions maintenant.

– Tu viens prendre une douche avec moi ? proposa-t-il en me tendant une main.

– Avec plaisir.

Il esquissa courageusement un sourire.

La salle de bains était spacieuse, toute de marbre blanc et finitions dorées. Le salon était même agrémenté d’un grand piano, au cas où nous serions d’humeur musicale. Ses parents occupant la suite présidentielle, nous avions dû nous contenter du deuxième choix. Plutôt pas mal pour un deuxième choix.

Mal enleva son boxer tandis que je faisais couler l’eau à la bonne température. Peu à peu, la vapeur emplit la pièce. Des mains glissèrent sur moi et me débarrassèrent de ma culotte, puis du vieux tee-shirt Stage Dive que je portais – la seule chose que sa sagesse alcoolisée m’avait autorisée à enfiler la veille. La chaleur de la cabine de douche constituait un petit monde parfait. Mal s’avança sous le jet d’eau, qui coula le long de ses cheveux et sur son corps sublime. J’enroulai mes bras autour de sa taille, appuyai ma tête contre son torse. Les bras dont il m’enlaça rendirent l’instant parfait.

On pouvait surmonter les épreuves seul. C’était possible, bien sûr. Mais c’était tellement mieux à deux.

– Le pire, c’est le matin…, m’expliqua-t-il en posant son menton sur le haut de ma tête. Pendant quelques secondes, tout va bien. Et puis je me souviens qu’elle est malade et… c’est juste… je ne sais même pas comment décrire ça.

Je le serrai plus fort contre moi, me cramponnant à lui de toutes mes forces.

– Elle a toujours été là. Elle nous emmenait aux concerts, nous aidait pour l’installation. C’est notre plus grande fan, depuis le début. Quand on a été disque de platine, elle s’est fait faire un tatouage au nom du groupe pour fêter ça. À l’âge de soixante ans… Et maintenant elle a un cancer. Je n’arrive pas à m’y faire.

Sa poitrine se souleva tandis qu’il prenait une profonde inspiration et expirait doucement.

Je passai ma main dans son dos, le long de sa colonne vertébrale, de haut en bas, caressai les courbes de ses fesses, fis glisser mes doigts sur son torse. Je l’apaisai de mon mieux tandis que l’eau brûlante se déversait sur nos corps.

Je voulais qu’il sache qu’il était aimé.

Je pris le savon et le passai sur lui, le savonnant comme un enfant. D’abord le haut de son corps, des omoplates jusqu’aux muscles de ses bras, puis chaque centimètre carré de son torse et de son dos. Comme il était bien plus grand que moi, lui laver les cheveux se révéla ardu.

– Penche-toi en avant.

Je versai un peu de shampoing dans le creux de ma main, que je déposai sur sa tête avant de lui masser le cuir chevelu en prenant tout mon temps.

– Laisse-moi te rincer.

Il s’exécuta sans faire de commentaire, plaçant sa tête sous le pommeau de douche. J’appliquai ensuite délicatement l’après-shampoing.

– Tu n’as pas le droit de te couper les cheveux, lui dis-je.

– D’accord.

– Jamais.

Il eut un petit sourire. On y était presque.

Une fois le haut de son corps lavé, je m’agenouillai sur le carrelage et entrepris de savonner ses pieds et ses chevilles. L’eau de la douche m’aspergeait, m’empêchant d’avoir froid. Bien qu’elle se dressât pile en face de moi, j’ignorai sa bite durcissante. Ce n’était pas encore le moment. Les muscles de ses jambes longues et fines étaient si agréables à toucher. Il fallait vraiment que j’apprenne leurs noms. Il tressaillit lorsque je caressai l’arrière de ses genoux.

– Chatouilleux ? m’enquis-je en lui adressant un grand sourire.

– Je suis trop viril pour être chatouilleux.

– Ah.

Je fis glisser le savon sur ses longues cuisses dures, encore et encore. Il allait briller de mille feux. L’eau dégoulinait sur son corps, mettant en valeur les lignes de son corps, le rebondi de ses pectoraux et le satiné de sa peau. Il m’évoquait un gâteau qu’on aurait envie de déguster à la petite cuillère.

– Tu montes un peu plus haut ? m’implora-t-il d’une voix rendue plus grave par le désir.

– J’y viens. (J’enduisis mes mains de savon.) Pourquoi ?

– Comme ça.

Le « comme ça » était pointé droit sur moi, imposant et avide. Je l’écartai légèrement d’une main, glissant l’autre entre ses jambes. Sa queue dure réchauffa la paume de ma main. Une femme dotée de plus de sang-froid n’y aurait pas enroulé ses doigts, ne l’aurait pas serrée fort. Sauf que je n’avais aucune patience.

Mal aspira, et ses abdos se contractèrent.

– J’adore ton cul, dis-je, longeant sa raie de mes doigts recouverts de mousse avant de prendre ses couilles dans mes mains.

Tout en lui était sublime : son corps comme son âme. Le bon, le mauvais, le difficile. Les fois où j’avais envie qu’il soit sérieux et celles où je n’avais pas la moindre idée de ce qui se passait dans sa tête. Avec lui, j’en désirais toujours davantage tout en étant profondément reconnaissante de ce que j’avais déjà.

Parce que je l’avais, lui. C’était inscrit dans ses yeux.

– J’ai une chance hallucinante, murmurai-je en faisant courir mes doigts sur la peau lisse de sa verge.

– Tu l’aimes tant que ça mon cul ?

– En fait c’est plutôt toi, en entier, que j’aime.

Je serrai un peu plus sa queue et ses yeux se voilèrent – qu’est-ce que j’aimais ça… Quelque chose s’était clairement réveillé entre mes jambes mais ce moment n’était que pour lui. Les extrémités de ses doigts se posèrent sur mon visage. Son toucher était délicat, empli de respect.

Assez de batifolages.

Je guidai son gland dans ma bouche et le suçai. Ses mains s’enfoncèrent dans mes cheveux mouillés. Ma langue décrivit alors des petits mouvements rapides sur le sommet de son sexe, titillant le bord sensible avant de descendre plus bas. Je le pris plus profondément, le suçant fort, encore et encore. Il arqua son bassin, avançant plus loin dans ma bouche. Je ne m’étais jamais exercée à l’art de la gorge profonde, mais Mal me donnait envie d’apprendre, et quelque chose me disait qu’il ne dirait pas non à quelques séances d’entraînement. D’une main, je lui caressai les boules tandis que l’autre était rivée à la base de son pénis, l’empêchant d’entrer trop profondément en moi. Mais je le suçai aussi loin que possible, reculant pour lui prodiguer des gâteries avec ma langue, longeant ses veines épaisses et jouant avec sa fente.

Ses doigts agrippèrent mes cheveux avec plus de force. J’eus légèrement mal, mais ça n’avait aucune importance. C’était même bon. J’adorais lui faire cet effet-là.

Je l’attirai vers moi et le suçai à fond, le prenant dans ma bouche aussi loin que ma main me le permettait. J’avalai.

Qui avait dit que le romantisme était mort ?

Mal se tenait debout, le souffle court, les bras ballants et les paupières fermées. Il était juste parfait. Je me levai lentement, les genoux en compote. Après une fellation, il y avait toujours un moment un peu gênant. J’étais peut-être censée me pavaner, fière de ma performance. Cela dit, il n’y avait pas vraiment la place dans la douche.

Mal ouvrit les yeux et m’observa, ses bras autour de mes épaules. Il m’attira à lui et parsema mon visage de tendres baisers.

– Merci, marmonna-t-il contre ma peau.

– Je t’en prie.

– Je suis désolé pour tes parents, ma puce. Vraiment désolé.

Involontairement, mes doigts se crispèrent sur ses hanches. Un jour, j’arriverais à ne plus réagir comme ça. À lâcher prise.

– Et moi je suis navrée pour ta mère.

– Ouais. (Il frotta mes bras avec vigueur et m’embrassa.) Il faut qu’on pense à des trucs positifs. Et qu’on commande une tonne d’œufs et de bacon. Et des gaufres aussi. Tu aimes les gaufres ?

– Qui n’aime pas les gaufres ?

– Je suis d’accord. Tous ceux qui n’aiment pas les gaufres devraient être enfermés dans une putain de prison dont on balancerait la clé.

– Absolument.

– Plus d’histoires tristes aujourd’hui, déclara-t-il d’un ton bourru.

Il s’empara du savon et commença à me laver, s’attardant longuement sur mes seins.

– Il y a juste un truc dont il faudrait qu’on parle, déclarai-je tandis qu’il s’employait à frotter une tache imaginaire sur mon téton gauche (ce qui était plutôt agréable, à dire vrai).

– Quoi donc ?

– Eh bien, à propos de ce que tu as dit hier soir en rentrant. Sur le fait de fonder une famille.

Sa main, qui recouvrait mon sein droit, s’arrêta.

– Fonder une famille ?

– Oui. Tu as dit que tu étais très sérieux. Tu as même balancé tous les préservatifs par la fenêtre et tu as voulu jeter ma pilule dans les toilettes.

– Merde, je plaisantais pas. On a baisé après ?

Je le dévisageai en battant des cils et lui adressai un regard innocent, quoique légèrement diabolique.

– Non. Bien sûr que non.

Le blanc de ses yeux s’éclaira.

– Putain… J’ai failli avoir une crise cardiaque.

– Désolée. (Je l’embrassai sur le torse.) Tu as bel et bien jeté toutes tes capotes par la fenêtre, mais tu n’as pas réussi à mettre la main sur ma pilule. Ensuite tu t’es allongé et tu as donné un nom à chacun de nos nombreux enfants.

– Nombreux ?

– Ah, tu ne veux plus en avoir treize ? Tu disais que ça portait bonheur.

Il leva les sourcils.

– Merde. Euh, peut-être pas ?

– Oui, c’est sans doute plus sage. Et puis trois d’entre eux se seraient appelés David. On aurait eu du mal à s’y retrouver.

– Juste par curiosité, j’ai dit beaucoup de conneries hier soir ?

– Pas tant que ça. Tu es tombé du lit deux fois en essayant de me lécher les orteils, et après ça tu t’es endormi.

Il rinça le savon sur ses mains et, après avoir pris la bouteille de shampoing, il entreprit de me masser les cheveux.

– Aïe, lâchai-je. Doucement.

– Qu’est-ce qu’il y a ?

– Tu ne te rappelles pas ?

Il tourna légèrement la tête et me lança un regard en coin.

– Quoi encore ?

– Tu m’as donné un coup de pied dans la tête en tombant de ton tabouret.

– Oh, merde…

– C’est rien. Juste une bosse.

L’air concentré, il me rinça les cheveux avant de passer à l’après-shampoing. Il secouait la tête, les sourcils froncés.

– Hey, fis-je en lui attrapant le menton. C’est rien, vraiment.

– Je vais me faire pardonner.

– C’est inutile. (Je plaçai ma main sur son cœur et sentis ses battements contre ma paume.) Tu as écouté mon histoire sans me juger. Tu t’es confié à moi. C’est déjà énorme, Mal. Je t’assure. Tout va bien.

– Je tiens à me racheter. Ça n’arrivera plus.

– D’accord.

– Je suis sincère.

– Je sais que tu l’es.

Il me regarda avec une mine contrariée, puis sourit brusquement.

– Je sais ce que je vais t’offrir. Ça fait un moment que j’y pense.

– Tu n’as pas besoin de m’offrir quoi que ce soit. Quoique je mangerais bien des gaufres. Je suis affamée.

Je finis de me rincer les cheveux, m’apprêtant à sortir de la douche.

– Je vais t’offrir plus que des gaufres.

Ses bras m’entourèrent par-derrière et une main glissa entre mes jambes. Doucement, il commença par caresser les lèvres de mon sexe de haut en bas.

– D’abord, je veux que tu jouisses aussi.

– D’accord.

– Très obéissante quand il s’agit de tes orgasmes, ironisa-t-il en gloussant dans mon oreille.

Je mis mes bras autour de son cou et me préparai. Amenant ses doigts jusqu’à sa bouche, il les mouilla. Puis il me titilla en faisant glisser un doigt le long de mon sexe. Je frissonnai de la tête aux pieds. Lentement, il appuya légèrement à l’intérieur avant de revenir à l’entrée, étalant mon humidité. Il m’excita en quelques secondes à peine. Ma respiration s’accéléra. Je me tordis contre sa main.

– Tiens-toi tranquille, Anne, me gronda-t-il, m’immobilisant en posant une main sur mon ventre.

Deux doigts entrèrent en moi et frottèrent un point sensible, me procurant des sensations incroyables.

– Du calme. Tu ne fais aucun effort, se plaignit-il.

– Je ne peux pas.

– Il le faut. Je n’y arriverai pas si tu gigotes tout le temps.

– Oh, haletai-je tandis que son pouce effleurait mon clitoris, envoyant des décharges électriques le long de ma colonne vertébrale.

– Tu vois ? Tu m’as fait glisser.

La façon dont il aimait me taquiner était à la fois une bénédiction et une malédiction. Il retira ses doigts, me laissant vide, et toute son attention se porta sur mon clitoris. Je gémis lorsqu’il frotta les deux versants en même temps.

– Reste tranquille.

– J’essaie.

– Essaie mieux.

Il donna alors une légère tape sur le haut de mon sexe. Ma réaction fut immédiate : mon bassin rua vers l’avant. Jamais personne ne m’avait fait ça. Toutes les terminaisons nerveuses de mon corps étaient au bord de l’implosion.

– Tu aimes ce genre de percussions ?

« Putain » fut le seul mot que je réussis à prononcer.

Tout en fredonnant un air à mon oreille, il continua de caresser mon clitoris encore plus vite. La pression s’accumulait. J’étais tout près.

– Mal. S’il te plaît.

Il m’asséna encore une tape et j’explosai en criant. Mon corps s’affaissa. S’il n’avait pas été là pour me retenir, je me serais effondrée par terre. Pour la sécurité de la gent féminine, il fallait enfermer ce mec.

L’eau s’arrêta. Il m’enveloppa dans une serviette et me posa, telle une poupée de chiffon, sur le meuble de la salle de bains.

– Hé, regarde-moi, murmura-t-il en se positionnant devant moi.

– Salut.

Délicatement, il fit passer mes cheveux mouillés derrière mon oreille.

– J’ai l’impression qu’on devrait discuter de nous deux. Et je suis sans doute censé dire quelque chose de profond. Mais je ne m’en sens pas vraiment capable, là. Surtout ce matin. (Il eut une profonde expiration.) Le sexe avec toi est top, tu es une fille géniale, je déteste te voir triste et je n’aime pas quand tu n’es pas là. Je pourrais même m’habituer à une petite dispute de temps en temps parce que j’adore nos réconciliations sur l’oreiller. Sans compter que tu en vaux la peine.

Il passa l’extrémité de sa langue sur sa lèvre supérieure.

– Voilà ce que j’avais envie de te dire. Pas forcément dans cet ordre-là, mais bon. D’accord ?

– D’accord, répondis-je en riant, juste un peu – après tout, il faisait preuve de sincérité.

– Tu es ma copine. Il faut que tu le saches. (Il m’adressa un grand sourire et posa ses mains sur mes genoux.) Autre chose ?

Je réfléchis quelques instants.

– On est fidèles alors ?

– Ouais.

– Et on voit où tout ça nous mène ?

– Mm-mmh.

– Alors ça me va.

Il hocha la tête, exerça une petite pression sur mes genoux.

– Si tu as besoin de quoi que ce soit, je veux que tu me le dises.

– Pareil pour toi.

– Merci, ma puce. (Il sourit, se pencha en avant et m’embrassa.) Prête à partir en tournée, mademoiselle Rollins ?

– Absolument.