– Lena, fais quelque chose de ta vie, me taquina Jimmy.
– Je déborde d’activité, rétorquai-je en tripotant mon appareil photo, assise sur son banc de musculation.
Ses poings tapèrent dans le sac de frappe – bam, bam, bam. Pas étonnant que mon aine me fasse mal ce matin, vu toute la force à sa disposition. À ce propos, waouh, quelle vue ! Il ne portait qu’un bas de survêtement noir et des tennis. Cet éclairage faisait luire sa peau de façon divine et soulignait ses magnifiques muscles. Les traits dessinés de son visage, ses lèvres serrées par la détermination, j’aurais pu le contempler pendant des années sans jamais me lasser.
– Me regarder m’entraîner n’est pas une activité.
Il s’immobilisa et prit de profondes inspirations.
– Je prends également des photos de toi, répliquai-je en levant l’appareil étincelant et en appuyant sur le déclencheur pour prouver mes dires. Ça ne te dérange pas, au moins ?
– Non.
– Super. Peux-tu retirer tes vêtements pour moi, s’il te plaît ? J’aimerais prendre quelques clichés de nus.
Il me gratifia du regard.
– Uniquement à des fins artistiques, juré.
– Je ne crois pas, non.
Il défit les Velcros de ses espèces de gants. Ce n’étaient pas des gants de boxe traditionnels, ceux-ci étaient moins volumineux.
– Tu auras droit à une petite récompense.
Dans un geste qui aurait dû être en dessous de moi, je jouai avec le décolleté en V de mon pull.
– Laquelle ?
Ses yeux s’assombrirent.
Quel plaisir d’avoir ne serait-ce qu’une once de pouvoir sexuel sur cet homme. J’en avais des vertiges rien que d’y penser et mes hormones dansaient la gigue.
– J’ai quelques idées. Je peux être très inventive avec un peu de motivation. Fais-moi confiance.
Il se dirigea lentement vers moi d’un pas nonchalant. Mais ses yeux racontaient une tout autre histoire.
– Serais-tu en train de jouer avec moi, Lena ?
– Absolument pas. (J’abaissai l’appareil photo.) Tu m’as laissée diriger hier soir. Ce n’était pas si terrible, n’est-ce pas ?
– Quand tu m’as embrassé ?
– Oui.
Il approcha son visage du mien.
– Quand tu m’as obligé à m’allonger sur toi ?
– Ça aussi.
– Je croyais que ma sueur te répugnait, dit-il pour me narguer. Je me souviens même très distinctement du jour où tu m’as demandé d’aller prendre une douche.
– Ne m’en veux pas. J’essayais de te résister à l’époque, c’était une question de survie, gémis-je d’un air désespéré.
Rien que de penser au goût de sa peau, j’en avais déjà l’eau à la bouche.
Puis mon portable se mit à sonner de l’autre côté de la pièce. Rapide comme l’éclair, Jimmy s’en saisit et regarda le nom qui s’affichait sur l’écran.
– Qui est Alyce ?
– Ma sœur, répondis-je en agitant la main d’un air dédaigneux. Laisse tomber. Je la rappellerai plus tard.
Nous nous étions à peine parlé au cours de l’année écoulée ; je ne sais pas ce qu’elle me voulait, mais ça pouvait attendre. Embrasser Jimmy, en revanche…
Avec un sourire narquois, il appuya sur une touche et porta le téléphone à son oreille.
– Allô ?
Oh non, merde. Je me décomposai.
– Oui, c’est Jimmy Ferris, son patron. (Il marqua une pause.) Exactement, des Stage Dive. (Une autre pause accompagnée d’un grand sourire suffisant à mon attention.) Merci, je ne savais pas que tu étais une fan. Lena m’a parlé de toi, ouais. À vrai dire, elle m’a raconté que tu avais baisé avec son mec et que tu allais l’épouser. Ça va, tu ne culpabilises pas trop ?
– Jimmy. Non. Ce ne sont pas tes oignons.
Merde, merde, merde. Je posai mon appareil photo, me levai avec difficulté et clopinai sur le revêtement rembourré du sol de la salle de sport.
Cet abruti fit un pas en arrière, puis un autre, augmentant la distance entre nous. Le visage grave à présent, sa bouche ne formait plus qu’une ligne dure. Apparemment, ce qu’il entendait ne lui plaisait pas.
Il pouffa d’un rire sans joie.
– Je ne crois pas, non. Tu vois Alyce, le problème c’est qu’au final tu as volé le mec de ta sœur. Alors à moins que tu n’appelles enfin pour t’excuser, je ne vois vraiment pas ce qu’il y a à ajouter. Je me fous de savoir si ça a été le coup de foudre ou je ne sais quoi. Tu as eu tort. Et tu veux savoir comment je le sais ? Parce que j’ai fait la même chose à mon frère. Un truc de couillons qui n’ont pas confiance en eux, mais tu sais quoi, Alyce ? Au moins, moi, j’ai des couilles. C’est quoi ton excuse ?
Je mimai le mouvement d’une lame contre ma gorge en boitillant vers lui aussi vite que me le permettaient la panique et mon attelle. Lorsque j’arrivai à sa hauteur, Jimmy glissa un bras autour de ma taille, m’empêchant ainsi de l’atteindre. Je m’étirai de tout mon long mais ma petitesse jouait en ma défaveur.
– Tu n’arranges pas les choses, sifflai-je. Arrête ça tout de suite.
– Ouais, je suis en quelque sorte le protecteur de Lena, continuait Jimmy. Ou peut-être suis-je simplement la seule personne à oser dire que cette situation est totalement inacceptable.
– Donne-moi le téléphone.
Je tentai de lui grimper dessus pour me rapprocher mais mes doigts glissèrent sur ses épaules moites. Putain de corps sexy.
La voix de ma sœur me semblait faible et lointaine. Je n’arrivais pas à comprendre tout ce qu’elle disait. Son ton, en revanche, me parvenait très distinctement : agacé et passablement énervé. À croire que la petite princesse ne prenait aucun plaisir à cette conversation. Une partie de moi s’en réjouit, l’autre avait simplement envie de découper Jimmy en morceaux pour lui apprendre à se mêler de ce qui ne le regardait pas. Malgré tout, je n’avais vraiment pas besoin d’entrer en guerre contre ma sœur. Et c’est exactement comme ça que ça allait finir s’il continuait son petit numéro.
– Rends-le-moi.
Il m’ignora.
– Jimmy !
La frustration bouillonnait en moi et je le giflai (je sais, je n’aurais pas dû, mais bon). Cela eut au moins le mérite de le faire réagir : il me jeta un regard noir avant de m’asséner une claque sonore sur le cul. Je glapis, la fesse en feu.
– Ne refais plus jamais ça, Lena.
– Donne-moi ce téléphone.
Je m’agrippai à son bras dans l’espoir de le faire flancher. En vain.
– Tu te fous de moi ? lança-t-il à son interlocutrice d’une voix incrédule. Comment peux-tu t’imaginer une seule seconde que ta sœur puisse accepter de remplacer une de tes demoiselles d’honneur alors que tu épouses son ex ? Pourquoi devrait-elle te rendre service, hein ? Cette amie qui vient de te planter, tu baises aussi son mec ?
De nouveaux hurlements à l’autre bout du fil.
– Elle veut que je fasse quoi ? demandai-je, perplexe.
J’avais dû mal entendre. Alyce ne pouvait quand même pas me demander quelque chose de si atroce et déplacé. Me tenir à son côté devant l’autel alors qu’elle épousait mon ex, l’homme qu’elle m’avait volé, comme l’avait fait remarquer Jimmy.
– Plutôt mourir.
La rage m’envahit, mon sang en ébullition. La vapeur s’échappait littéralement de mes oreilles.
– Espèce de connasse sans cœur, indélicate et gâtée ! hurlai-je, assez fort pour que ma chère sœur l’entende.
Jimmy haussa vivement les sourcils.
– J’hallucine, Alyce.
Il me tendit le téléphone que je posai contre mon oreille.
– Tu t’attends sérieusement que je remplace ta demoiselle d’honneur ? Je suis partie. J’ai fait de mon mieux pour ne pas provoquer de drame car tout le monde était vraiment ravi d’apprendre tes fiançailles. Mais comment oses-tu penser que ça puisse m’être égal ? Tu es censée être ma sœur ! Ça ne signifie rien pour toi ?
– Lena, répondit-elle, visiblement surprise. Euh…
– Tu ne t’es même pas excusée. Bon sang, Alyce, si tu avais reconnu, ne serait-ce qu’une fois, que tu avais mal agi, je m’en serais remise, tu vois ? Je t’aurais pardonnée. (Je m’appuyai contre Jimmy pour lui emprunter un peu de force.) Mais tu as fait comme si c’était parfaitement normal sans te préoccuper du mal que tu pouvais faire.
– Je… je l’aime.
– Ah ouais ? Eh bien moi aussi, je l’aimais. Et ça m’a blessée, ce que tu m’as fait. Ce que vous m’avez fait tous les deux.
Jimmy, qui me tenait serrée contre lui, me caressa le dos. Je posai ma joue contre son torse et me laissai bercer par sa respiration et les battements de son cœur.
– Je suis désolée, finit par craquer ma sœur. Je… Tu as raison. J’ai eu tort et je suis désolée. J’aurais dû m’excuser depuis bien longtemps.
Enfin… Tout l’oxygène quitta soudain mon corps. Mes épaules retombèrent et je craignis que quelques larmes n’aient réussi à s’échapper.
– Merci.
– Est-ce que tu veux bien venir au mariage ? J’aimerais beaucoup que tu sois ma demoiselle d’honneur puisque Tiffany m’a laissée tomber. Je comprendrais tout à fait que tu refuses mais je serais triste que ma petite sœur n’assiste pas à mon mariage.
Et merde. Je n’étais pas sûre d’en être capable. La petite sauterie avait lieu dans à peine trois jours. Jimmy me serra plus fort contre lui pour me témoigner son soutien.
– Je ne sais pas, Alyce. Laisse-moi y réfléchir.
– Bien sûr, je comprends. Merci, Lena.
Et elle raccrocha.
Je restai là, mon bras autour de la taille de Jimmy et mon visage pressé contre lui. J’avais besoin d’un moment pour reprendre mes esprits.
– Je ne m’attendais pas à ça.
– Hmm.
– Ne réponds plus jamais à mon téléphone.
– Et toi, ne me gifle plus jamais.
– Désolée.
Je posai mon menton sur sa poitrine et levai les yeux pour observer son visage parfait. Les mains posées sur mes épaules, il fronça les sourcils. Peut-être allait-il me repousser à présent, récupérer son espace personnel et mettre un terme à notre étreinte… mais non.
– J’ai mal à la fesse, déclarai-je, histoire de faire la conversation.
– Tant mieux. Tu vas au mariage de ta sœur ou pas ?
– Franchement, j’en sais rien. Elle semblait sincère mais…
Il croisa les bras. Grand, fort et beau à se damner. La façon dont il avait pris mon parti contre Alyce me réchauffait le cœur.
– Tu viendrais avec moi si c’était le cas ? osai-je demander.
Une petite grimace.
– Je ne sais pas. Les histoires de famille, c’est pas trop mon truc.
– Ouais, ce n’est peut-être pas plus mal.
– Si je t’accompagne, je devrai rencontrer toute ta famille et ça pourrait être gênant compte tenu la nature de notre relation.
Je lui lançai un regard oblique.
– Et quelle est la nature de notre relation, Jimmy ?
– Je suis ton patron et ton plan cul occasionnel, répondit-il en me lançant un petit clin d’œil enjoué.
– Ah, vraiment ? demandai-je d’une voix totalement dénuée d’expression.
– Bah ouais. En parlant de ça, il paraît qu’il n’y a rien de plus excitant que de coucher pendant un mariage donc peut-être que…
– Laisse tomber, Jimmy, pas besoin de compliquer notre relation. Maintenant, si tu veux bien m’excuser…
– Bon sang, Lena, qu’est-ce que j’ai encore dit ?
– J’ai du boulot !
Je lui adressai un petit signe de la main en sortant. C’était plus qu’il ne le méritait.
Jimmy me regardait. Je sentais ses yeux posés sur moi de l’autre côté de la pièce. C’était agréable, mais le moment n’était pas bien choisi. Mieux valait attendre de ne pas être entourés de tous les membres de sa famille élargie, par exemple.
C’était la fameuse soirée filles que Jimmy avait suggéré à Ev d’organiser pour moi le soir de ce rendez-vous catastrophique avec Reece. Mais à cause des assauts des médias provoqués par les débuts de leur mère à la télévision, impossible d’aller nous trémousser en boîte. Chaque caméra de ce pays semblait braquée sur les frères Ferris, surtout sur Jimmy. Aussi étions-nous tous réunis chez David et Ev. De la musique passait et les gens buvaient – à l’exception de Jimmy et moi. Je ne pouvais m’empêcher de me demander s’il se sentait exclu, à l’écart. Il se prélassait sur un canapé blanc comme lui seul savait le faire ; à côté de lui, Mal lui racontait quelque chose. Anne était assise sur les genoux du batteur en sirotant une Corona et en jouant avec ses cheveux. David et Ben n’étaient pas loin, sans doute occupés à gratter leurs guitares.
Pour ma part, j’étais simplement heureuse d’être enfin débarrassée de cette foutue attelle. Ma cheville me lançait toujours un peu mais je survivrais.
– Psst.
Qu’est-ce que… ?
– Psst, Lena.
Lauren, la meilleure amie d’Ev, lança une noix de cajou dans mon décolleté. Je l’aimais bien mais elle aurait vraiment pu s’abstenir.
Je récupérai l’objet du délit avant de le manger.
– Je peux faire quelque chose pour toi, Lauren ?
Ev et Lizzy, la sœur d’Anne, se rapprochèrent également de mon emplacement stratégique près des fenêtres qui donnaient sur le balcon. L’appartement avait une vue magnifique sur Pearl District. La vue sur Jimmy n’était pas mal non plus.
– On vient pêcher des informations sur Jimmy et toi, déclara Ev.
– Tu parles ! s’exclama Lauren en riant. Elle se l’est déjà tapé. Ça saute aux yeux.
Je repoussai mes longs cheveux bruns tout en examinant mes inquisitrices.
– Je ne vois pas du tout de quoi vous parlez.
– Tu t’es vraiment bousillé la cheville en essayant de défoncer sa porte ? me demanda Lizzy en m’étudiant.
– Ouais. Ce sont des choses qui arrivent.
Son visage prit un air rêveur.
– Je trouve ça très romantique.
– Je trouve ça hilarant, lança Ev. Mais je regrette que tu te sois fait mal, évidemment.
– Évidemment, souris-je.
– Qu’est-ce qui se passe, Lena ?
Elle s’appuya contre la baie vitrée, l’air interrogateur.
– Je ne vois pas de quoi tu parles.
Elle plissa les yeux.
– Pas à moi. J’ai bien vu comment il te regarde.
– C’est-à-dire ?
– Comme si tu avais inventé… (Elle se tourna vers son amie.) Un petit coup de main, s’il te plaît.
– Les fellations, proposa Lauren.
– Voilà. (Ev croisa les bras.) Jimmy te regarde comme si tu avais inventé les fellations et tu joues les innocentes avec moi ? Ça ne prend pas. Il se passe quelque chose entre vous, c’est évident.
Je gardai obstinément le silence.
– Anne non plus ne me raconte jamais rien. Vous êtes vraiment nulles pour les ragots, soupira Ev. Tu ne me cacherais rien, toi, Lizzy ?
– Oh non, Ev. Je n’oserais pas, répondit-elle en me lançant un petit regard en coin.
– Pourquoi ai-je du mal à te croire ?
Lizzy éclata de rire avant de déclarer :
– Bon, je vais tenter de détacher ma sœur de son petit ami quelques minutes. À plus tard, mesdemoiselles.
– À plus, répondis-je en coulant un regard discret par-dessus mon épaule.
Jimmy était en train de me regarder d’un air inquiet. Comme Mal était à présent occupé à discuter avec Lizzy et Anne, il n’avait pas de distractions. Malheureusement, Ev et Lauren surveillaient mes moindres faits et gestes.
– Elle est foutue, déclara Lauren.
– Totalement, acquiesça son amie. Mais il a l’air assez accro lui aussi.
Je préférai les ignorer. En quelque sorte.
– Et si, au lieu de s’occuper de ma vie amoureuse, on s’inquiétait plutôt de leur garce de mère ? Quelqu’un a des infos ?
Ev grimaça.
– Aux dernières nouvelles, elle a pris l’argent et mis les voiles.
– Jimmy agit comme si ça ne l’affectait pas, mais je n’y crois pas, indiquai-je en contemplant l’objet de mon désir dans le reflet de la fenêtre.
Ses cheveux noirs étaient lissés en arrière, il portait une chemise noire, un jean et des bottes noires brillantes. Il avait relevé les manches de sa chemise, exhibant ses tatouages. Je ne savais d’ailleurs toujours pas ce qu’ils représentaient pour lui. C’était le problème de n’être pour lui qu’un plan cul : il y aurait toujours entre nous un goût d’inachevé.
Ev se rapprocha de moi en baissant la voix :
– Lena ? Tout va bien ?
– Ouais, nickel. (Je lui adressai mon plus beau sourire. Elle ne me le rendit pas. Il faut dire qu’il manquait totalement de conviction.) J’ai des tas de trucs à gérer, c’est tout.
– Tu n’as pas l’intention de partir, j’espère ?
Lauren était allée rejoindre son petit ami Nate, le frère d’Ev. Il ne restait plus que nous : Ev, moi, ainsi que toutes mes inquiétudes et tous mes doutes.
– Il y a quelque temps, ma sœur et mon ex se sont mis ensemble derrière mon dos et maintenant, ils vont se marier.
Il fallait que je vide mon sac. Quelque chose me disait que non seulement elle pouvait le supporter, mais qu’elle en avait envie. J’adorais discuter avec Jimmy mais, parfois, une fille a simplement besoin d’une amie.
La bouche d’Ev forma un O parfait.
– Merde…
– Ouais, c’était horrible. Ma confiance en moi en a pris un sacré coup.
– J’imagine. (Elle tira sur son élégante tresse blonde d’un air pensif.) Comment ça se passe avec ta sœur, maintenant ?
– Elle dit qu’elle est désolée. Elle veut que je rentre à la maison pour le mariage et que je remplace l’une de ses demoiselles d’honneur qui s’est désistée.
– Waouh. C’est beaucoup demander.
– C’est clair, répondis-je en riant.
La situation ne prêtait pourtant pas à rire.
– Tu vas y aller ?
– Je ne sais pas encore. Je ne veux pas laisser Jimmy tout seul ou avoir l’impression de céder mais ce mariage est un événement important. Ma présence prouverait que je suis au-dessus de ça. Toute ma famille sera là. Je ne suis pas rentrée depuis plus d’un an et ils seront fous de joie de me revoir enfin. Mais être sa demoiselle d’honneur ? Hors de question.
Elle resta d’abord silencieuse à me regarder.
– Lena, ce mariage va-t-il te détruire ou n’est-ce qu’un mauvais moment à passer : quelques verres, quelques sourires, avant de foutre le camp à la première occasion ?
– La deuxième option, j’espère, soupirai-je. Je pense que ça pourrait me faire du bien, au final. Me permettre de tirer un trait sur toute cette histoire.
– Alors, vas-y. Jimmy peut se passer de toi quelques jours.
Certes, mais il y avait de grandes chances que de mon côté j’en sois incapable.
Jimmy n’avait aucune envie de jouer au papa et à la maman avec moi. Pas de façon permanente, en tout cas.
Il ne voulait pas de moi. Il l’avait répété de nombreuses fois et de bien des façons. Mon cœur ne semblait cependant le comprendre que maintenant. Le temps passé ensemble allait prendre fin. Je ne pouvais m’arrêter de l’aimer et il refusait de commencer. C’était la triste vérité.
Il fallait que je profite du moment présent. Prendre ce qu’il y avait à prendre tant que je le pouvais.
Quand les choses deviendraient vraiment problématiques, je partirais, comme prévu.
– Merci, Ev.
– Mais de rien, Lena. Tu fais partie de la famille, répondit-elle en souriant.
– Hey, lança une voix grave et familière derrière moi.
Je sursautai : je ne l’avais pas vu se lever.
– Jimmy. Salut.
– Je peux te parler une minute ?
– Bien sûr.
– J’ai un truc urgent à faire dans la cuisine, lança Ev.
– Je vois. (Je secouai la tête. Cette femme était aussi subtile qu’un rouleau compresseur.) De quoi voulais-tu me parler ?
– Pas ici. Viens.
Jimmy posa une main dans le bas de mon dos et me guida vers la salle de bains.
J’obéis. Mais s’il croyait obtenir du sexe après son petit commentaire de tout à l’heure, il se trompait lourdement.
Il ferma la porte. C’était une très jolie salle de bains : murs en pierre, grand miroir bien éclairé et beaucoup de chrome.
– Qu’est-ce qui se passe ? demandai-je en reculant d’un pas avant de croiser les bras.
– J’ai bien réfléchi, pour le mariage de ta sœur et tout ça.
– Et ? m’enquis-je en fronçant les sourcils.
– J’ai fait quelques recherches.
Il repoussa ses cheveux en arrière et lissa sa chemise. Si je ne le connaissais pas aussi bien, j’aurais pu croire qu’il était nerveux. Mais Jimmy n’était jamais nerveux, en tout cas pas à cause de moi.
– Il n’y a aucun hébergement potable dans ta ville natale, j’ai été obligé de te retenir une chambre au motel, poursuivit-il. Mais je t’ai pris un billet aller-retour en première classe et réservé une voiture de location – la même Mercedes que la mienne, comme ça tu n’auras aucun mal à la conduire. Elle t’attendra à l’aéroport. Mais je peux très bien te commander un chauffeur, si tu préfères. Je ne savais pas ce qui était le mieux.
Je repoussai mes lunettes, abasourdie.
– Tu as organisé tout ça ?
– Ouais. La nana du motel m’a également indiqué qu’il y avait un petit restaurant juste à côté mais j’ai regardé sur Internet et il a l’air pourri. Je ne voudrais pas que tu chopes une intoxication alimentaire ou je ne sais quoi alors je vais demander à notre traiteur de te faire livrer de la nourriture. Je me débrouillerai également pour que tu aies de vrais draps. Apparemment, ils n’ont que des draps en coton et polyester.
Ses lèvres retroussées exprimaient clairement son dégoût. Comme si dormir dans autre chose que du coton égyptien était synonyme d’une mort certaine. Bon sang, ce qu’il pouvait être mignon !
– Et j’ai demandé à Sam d’assurer ta sécurité puisque les paparazzis rôdent encore. Juste au cas où. Il fera preuve de discrétion, promis.
– Jimmy, je ne peux pas emmener un garde du corps au mariage de ma sœur.
– Tu es sûre ?
– Tout à fait, répondis-je en souriant.
– Très bien. J’ai également pensé qu’il te faudrait une robe alors j’ai mis ma styliste sur le coup. Je lui ai donné tes mensurations. Ne t’inquiète pas, elle t’enverra plusieurs tenues pour que tu les essaies.
– Vraiment ?
– Un petit panel afin que tu puisses faire ton choix. Je lui ai rappelé de ne pas oublier les chaussures et les accessoires.
– Tu as pensé à tout. (Je penchai la tête). Mais comment connais-tu mes mensurations ?
Il marqua une pause.
– Lena, j’ai posé mes mains sur toi à plusieurs reprises. Je connais ton corps. Je ne suis pas près de l’oublier de sitôt.
– Oh.
– Mais je ne voudrais pas te forcer la main. Si tu décides de ne pas y aller, aucun problème. Je voulais simplement que tout soit prêt pour ton arrivée, juste au cas où.
– Tu as fait tout ça tout seul ? Pour moi ? (Il haussa les épaules.) En un seul après-midi ?
– Ev m’a donné un coup de main, reconnut-il. Je sais que ça fait un bout de temps que tu n’as pas vu ta famille. Et comme une personne intelligente m’a dit un jour : la famille, c’est important. (Il s’appuya contre le lavabo en me regardant.) Je ne voulais pas te blesser. Je sais que tu penses que j’essaie de t’acheter pour me faire pardonner mais ce n’est pas le cas. J’aurais organisé ça de toute façon. Je veux simplement ce qu’il y a de mieux pour toi, car tu le mérites.
J’étais au bord des larmes. Je clignai des yeux à plusieurs reprises en reniflant légèrement.
Il poussa un petit grognement.
– Lena, ne pleure pas.
– Non, je n’oserais pas.
– Tu crois que je ne m’intéresse pas à toi, mais c’est faux. Si tu veux toujours que je t’accompagne, ça me va. (Il grimaça.) Enfin, je veux dire, ça me ferait plaisir. C’est toi qui vois, O.K. ?
– O.K.(Je le regardai stupéfaite, mon cœur et mon esprit avaient du mal à suivre.) Merci, Jimmy.
Il m’observa simplement d’un air circonspect, immobile. Je m’élançai alors dans ses bras. Sans hésitation, il m’écrasa contre sa poitrine.
– Ne me déteste pas, Lena, murmura-t-il. Tu peux m’en vouloir quand je me comporte comme un idiot, mais ne me déteste pas. Je ne le supporterais pas, pas venant de toi.
Je posai la main sur sa joue, bouleversée par sa franchise, son apparente vulnérabilité.
– Jamais je ne pourrais te détester.
– Jure-le.
– Je le jure.
Et j’étais sincère. Certes, il me frustrait et m’énervait à longueur de temps, mais je ne pourrais jamais me résoudre à le détester. Je pris son visage entre mes mains. Il m’était si précieux. Il semblait si seul, si perdu, effrayé comme un enfant.
– Ça n’arrivera pas.
Jimmy ferma les yeux et poussa un profond soupir. Il frotta doucement sa joue mal rasée contre ma main, provoquant des picotements sur ma peau. Je me mis sur la pointe des pieds et il posa ses lèvres fermes contre les miennes. Sa langue se glissa dans ma bouche et chercha la mienne. C’est fou ce qu’il s’était amélioré ! Son goût, la sensation familière de son corps contre le mien… j’étais au paradis.
Je me sentais chez moi.
Il m’embrassa en ce qui ne peut être décrit que comme un véritable assaut sensuel. Sa bouche conquit sauvagement la mienne. Toutes ses inquiétudes alimentaient sa faim, il semblait insatiable. Ses mains glissèrent sur mon visage et caressèrent mon cou, mon corps. Ma peau reprit vie sous ses doigts. Aucun homme ne m’avait jamais fait me sentir si désirée, si adorée. Et aucun, c’est certain, ne m’avait jamais autant attirée, physiquement et mentalement.
– Tu me pardonnes ? demanda-t-il en déposant des baisers brûlants le long de ma nuque.
– Oui. Mais ne refais plus jamais ça. Et n’arrête surtout pas de m’embrasser.
– Compris. Laisse-moi m’excuser comme il se doit. Laisse-moi t’embrasser entre les cuisses. (Ses mains puissantes prirent mes fesses en coupe, me pressant contre son érection.) Je veux te lécher, Lena.
– Tu aimes ça, n’est-ce pas ? demandai-je, un peu étonnée.
Mes anciens petits copains n’avaient pas réussi le test haut la main, loin de là.
– Oh que oui. J’aime te sentir te tortiller contre moi, le contact de ta chatte sur mon visage.
– Oh mon Dieu.
Il pressa son sexe long et dur contre mon ventre et une vague de chaleur m’envahit. Mais c’étaient surtout ses mots qui m’excitaient terriblement.
– Ton odeur, ton goût, j’aime tout, ajouta-t-il pantelant.
– Arrête.
Je recouvris sa bouche de ma main en resserrant les jambes. Ma culotte était déjà humide. Il me rendait folle sans même me toucher sous la ceinture. Cet homme était sexuellement déchaîné, hors de contrôle. Ou peut-être était-ce moi, difficile à dire. Quoi qu’il en soit, il fallait que je le fasse taire.
– On pourrait nous entendre, hasardai-je.
Il repoussa ma main, toutes fossettes dehors.
– Personne n’entend quoi que ce soit. Cet endroit est très bien insonorisé. Comment crois-tu que Dave et Ev arrivent à baiser pendant les fêtes ? Les murs sont épais, ne t’inquiète pas.
– On ne sait jamais.
Il plissa les yeux.
– Es-tu mouillée pour moi, Lena ? Ta jolie chatte est-elle prête à accueillir ma bouche ? J’ai très faim. Et cette nuit, tu vas jouir plus d’une fois pour moi.
Mon visage semblait aussi chaud qu’une fournaise et le sang battait entre mes jambes.
– Je le savais. Tu aimes que je te susurre des trucs cochons, dit-il en mordillant ma clavicule avant d’y passer la langue.
L’animal.
– Non, pas du tout. Tu rêves.
– Tu vibres quasiment d’excitation. Tu adores ça. (Il partit d’un rire diabolique, son souffle chaud sur ma peau.) Ah, Lena. Si tu savais toutes les choses salaces que j’ai envie de te dire.
Je dissimulai mon visage dans son cou, le mordillant amoureusement à mon tour. Dieu que sa peau avait bon goût. Salée et chaude. Et son odeur était encore meilleure. Ses doigts agrippèrent mes fesses et les serrèrent. Il ne pouvait dissimuler son érection, je la sentais contre mon ventre. S’il durcissait encore, il risquait de se faire mal.
– Dis-moi, Lena. À quel point es-tu mouillée ?
Je ne lui révélerais jamais cette information, plutôt mourir. À moins qu’il ne me torture sexuellement, auquel cas… Mais je pouvais moi aussi jouer à ce petit jeu, et jouer avec lui était particulièrement amusant. Il avait peut-être une longueur d’avance, mais je le talonnais de près.
– Tu es si dur, Jimmy.
– Ah, vraiment ? demanda-t-il en tirant légèrement sur mes cheveux, ce qui suffit à électriser les terminaisons nerveuses de mon cuir chevelu.
Je haletai.
– J’adore tes petits bruits. Je me demande comment tu réagiras quand je mordrai ton beau petit cul. Il est vraiment magnifique, Lena. Évidemment, j’insérerai un doigt dans ta superbe chatte en même temps. Je ne voudrais pas qu’elle se sente négligée.
– C’est adorable de ta part. (Je glissai une main entre nous et attrapai son énorme queue.) Aimerais-tu que je la lèche, Jimmy ? Je serais également ravie de la sucer.
– Voyez-vous ça.
– On ne l’a pas encore fait.
Il pressa son front contre le mien.
– Non, en effet. Tu as pourtant une bouche magnifique.
Je posai mes mains sur son ventre, le repoussai et fis un pas en arrière. Ses mains retombèrent le long de son corps.
– Là, tout de suite ?
– Quoi de plus romantique ? répondis-je en souriant.
Il me décocha un sourire radieux.
– Je connais que dalle au romantisme mais il faudrait être totalement idiot pour refuser une telle proposition. Tu es vraiment sûre de toi ?
– Oui.
D’épaisses serviettes blanches et moelleuses étaient accrochées sur le porte-serviettes. J’en retirai une, la pliai et la déposai à ses pieds.
Son regard passa d’elle à moi.
– Tu es bien sûre ?
– Totalement.
Je pris une autre serviette et la jetai sur la première avant de m’agenouiller.
Ses pupilles semblaient avoir doublé de taille.
– Lena…
– Oui ?
Ma main parcourut ses jambes et remonta le long de ses cuisses fermes. Je défis la boucle de sa ceinture, retirai le bouton de son jean et m’attaquai à la fermeture Éclair.
– J’ai oublié ce que je voulais dire…
– Ça ne fait rien. J’adore que tu ne portes pas de sous-vêtements.
Il remplissait parfaitement ma main. Sa peau était douce comme du velours. Quelle chaleur exquise…
Il serra les poings.
– Et j’aime vraiment ta bite, Jimmy.
– Putain…
– Je l’aime vraiment beaucoup. (Mon pouce taquina son gland. Les muscles de ses cuisses se contractèrent.) J’aime tout de toi.
Il se raidit.
– Merci.
– Mais de rien. (Je souris.) Tu veux que je retire mes lunettes ?
– Non, répondit-il aussitôt.
– O.K., mais pas de sperme sur les verres. Compris ?
Un muscle tressaillit dans sa mâchoire.
– Parfaitement.
Je passai ma langue le long de son gland puis recueillis une perle de sperme salé pour mes efforts. Miam ! Encore ! D’habitude, ce n’était pas le genre de choses qui m’excitait particulièrement mais tout ce que le corps de cet homme avait à m’offrir devait être savouré.
Telle était la folie absolue de mon amour pour lui.
Je voulais qu’il se sente aussi adoré et désiré que moi. Pour chasser le doute de ses yeux et ne lui donner rien d’autre que du plaisir.
Je le pris dans ma bouche et le suçai avant de lécher le dessous de son sexe avec ma langue. Je m’attardai sur ce point sensible, le taquinant du bout de ma langue jusqu’à ce qu’il se mette à jurer abondamment en basculant les hanches en avant. De ma main libre, je caressai délicatement ses couilles si douces. Son sexe dur étira ma mâchoire et remplit ma bouche ; l’odeur musquée qui émanait de lui me fit tourner la tête. Je le pris le plus profondément possible et m’occupai de lui avec ma langue, mes dents et mes lèvres. Je recouvris mes dents de mes lèvres puis commençai des mouvements de va-et-vient.
– Oh putain, Lena. C’est bon.
Ce mot ne me plut pas du tout. Sa bite quitta ma bouche avec un petit bruit.
– « Bon » ? demandai-je en retroussant mes lèvres gonflées en un sourire.
Il me regarda, les paupières mi-closes.
– Très bon.
Je reposai mes lèvres autour de son gland et le suçai de nouveau. Ses hanches tressautèrent. Il était temps d’achever son supplice. Les muscles de son ventre se crispèrent. Je le suçai de toutes mes forces et l’enfonçai profondément dans ma bouche en creusant les joues.
– Putain, Lena.
Il poussa des grognements et autres rugissements. Quel animal !
Un liquide amer et salé emplit ma bouche et ma gorge. J’avalai rapidement. Recracher ne m’avait même pas traversé l’esprit… il s’agissait de Jimmy. Il jouit longuement tandis que je caressai doucement sa queue et ses couilles. Il s’effondra, hors d’haleine. Mon travail ici était terminé : il était complètement décimé.
– Aide-moi à me relever, lui intimai-je en tirant sur son jean.
Il cligna lentement des paupières et me tendit la main. Je la pris et le laissai me remettre debout.
– Merci.
Un bras jaillit et s’enroula autour de mon cou. Jimmy m’attira à lui ; tout son corps tremblait.
– Ça va ? demandai-je.
Un hochement de tête.
– On se sent un peu émotionnel, hein ? fis-je en lui caressant les cheveux. C’est normal. C’était une fellation émotionnelle.
Il renâcla.
– Ravie que tu aies apprécié.
– Je suis clean, Lena, déclara-t-il, le visage enfoui dans mon cou. J’ai fait le test : il est revenu négatif, O.K. ?
– Oh, ouais. (Je déglutis avec difficulté.) Je n’y avais même pas pensé.
Ses bras d’acier resserrèrent leur étreinte.
– J’ai adoré que tu avales.
Il frotta ses lèvres chaudes et humides dans mon cou. Je ne l’aurais pas cru capable de tant d’affection à mon égard. Ma tête tournoyait de bonheur et les mots les plus troublants montèrent en moi avant de se coincer dans ma gorge. Puis ils poussèrent et poussèrent pour s’extirper hors de moi, inconscients du danger. Je tentai de les arrêter ; ce n’était pas une bonne idée, je le savais. Mais ils dégoulinèrent de mon âme en mal d’amour tandis que mon cerveau observait la scène avec horreur.
– Je t’aime, Jimmy.
Silence.
Un silence de mort absolu.
L’homme dans mes bras se figea. Même sa respiration ralentit.
– Enfin, je dis ça comme ça.
Si seulement j’avais pu tuer lentement et cruellement ma bouche de toutes les manières possibles et imaginables. Tout allait bien entre nous et voilà qu’il fallait que je vienne tout gâcher.
– Je n’attends pas de réponse. D’ailleurs, je n’en veux pas, je préférerais même que tu ne répondes pas, que nous fassions comme si je n’avais rien dit et que nous reprenions le cours normal des choses, O.K. ? Parce que tout se passe merveilleusement bien entre nous et je n’ai vraiment pas envie que ça change.
Il agrippa mes bras et me repoussa brusquement. Mon instinct me criait de prendre mes jambes à mon cou et de fuir. Surtout, ne pas regarder son visage : pâle et tiré, les yeux légèrement terrifiés.
– Tu m’aimes ?
– Jimmy…
Il me regarda comme si j’étais une inconnue, une inconnue indésirable.
– Lena, je ne peux pas… Je ne…
– Oui, je sais.
J’étais totalement morte à l’intérieur. Mes poumons ne s’en étaient simplement pas encore rendu compte.
J’entendis soudain des jappements et des aboiements. De petites griffes déchiquetaient mes bas noirs. Il devait s’être endormi sous le lavabo et les cris de Jimmy l’avaient réveillé.
– Salut, Killer (Je ramassai le petit paquet de terreur noir et blanc. La distraction parfaite pour mon cœur en miettes.) Je ne t’avais pas vu. Où t’étais-tu caché ?
– On ferait mieux d’y aller.
Jimmy étudiait le mur opposé avec ferveur. J’imagine que tout valait mieux que de me regarder, moi et mes émotions exacerbées. Quelle humiliation…
– Oui, je pense aussi, répondis-je en me dirigeant vers la porte de la salle de bains.
Killer frotta sa petite truffe humide contre mon menton.
– Fils ! lança Mal, toujours en grande discussion avec Anne et Lizzy sur le canapé, en apercevant le chiot. Je me demandais où tu étais passé.
– Je l’ai trouvé en train de somnoler dans la salle de bains, répondis-je en rendant le bébé à fourrure à son papa.
Mal plissa ses yeux verts.
– Tes lèvres sont anormalement gonflées et ton rouge à lèvres a bavé. Que fricotiez-vous tous les deux dans la salle de bains sous les yeux de mon enfant ?
– Rien, rétorquai-je en reculant d’un pas.
C’était bien la dernière chose dont j’avais besoin.
Il souleva le chiot devant son visage.
– Killer, montre à papa où ces méchants gens t’ont touché.
– On ne lui a rien fait, répondis-je en me tournant vers Jimmy qui, toujours en état de choc, ne me fut d’aucune aide.
– Il est traumatisé ! Regarde-le, ça saute aux yeux.
Mal tint le chiot à la vue de tous. Ravi de cette attention, Killer agita la queue et aboya bruyamment à deux reprises.
– Donne-le-moi, intervint Anne en reprenant délicatement le chien des mains de Mal. Il n’est pas traumatisé. Simplement un peu plus expérimenté qu’il ne le devrait. Mais ce n’est pas comme s’il ne s’était jamais endormi dans notre chambre pendant que nous étions occupés, comme qui dirait.
– Ça ne suffit pas que ses parents vivent dans le péché ? (Mal secoua tristement la tête.) Mon pauvre petit, il n’a pas la moindre chance de connaître une vie normale.
– Hmm, répondit Anne en remettant le chien à sa sœur.
À ce rythme-là, les pattes de Killer ne toucheraient pas le sol avant plusieurs années. C’était sans doute le chien le plus choyé au monde. Ah, le mode de vie des gens riches et célèbres… De plus, penser à ce toutou pourri gâté était bien plus sûr que de me retourner pour voir si Jimmy était enfin sorti de son coma.
Anne se releva avant de poser un genou à terre devant le batteur blond.
– Veux-tu m’épouser ?
Autour de nous, les conversations cessèrent et le silence s’installa.
– C’est moi le déconneur, d’habitude, dit-il, les sourcils froncés. Pas toi.
– Je ne déconne pas. (La main d’Anne trouva celle de Mal et la serra.) Je t’aime et je veux t’épouser, Malcolm Ericson. Qu’est-ce que tu en dis ?
La bouche de ce dernier s’ouvrit et nous restâmes pendus à ses lèvres. Mais rien n’en sortit.
Au bout d’un moment, Anne reprit la parole :
– Je n’ai plus peur à présent. Je sais que tu es l’homme de ma vie, et si tu as toujours envie de m’épouser, tu ferais de moi la plus heureuse des femmes.
– On peut aller à Vegas pour Noël et être unis par un Petit Papa Elvis ? demanda-t-il les yeux étrangement brillants.
Une larme coula sur la joue d’Anne.
– J’adorerais.
Mal se rua sur Anne et l’heureux couple commença à rouler au sol. Tout le monde applaudit en poussant des cris. Killer se mit à aboyer devant tant d’agitation. Seuls Jimmy et moi nous tenions à l’écart, encore trop abasourdis par mon aveu. Je voulais être heureuse pour eux, vraiment, mais je restai là, hébétée, le goût de Jimmy dans la bouche, le cœur brisé, des lames de rasoir déchirant mes entrailles.
Une main toucha mon bras.
– Allons-y.
Je regardai son beau visage bien-aimé et lui adressai le plus triste des sourires.
– Ouais.
Nous profitâmes de l’agitation pour nous glisser dans l’ascenseur. Aucun de nous ne prononça un mot. Dehors tombait une fine bruine glaciale. Je resserrai mon manteau contre moi tandis que Jimmy m’ouvrait la portière côté passager de la Mercedes. Un couple d’amoureux courait dans la rue main dans la main. Mes lunettes s’embuèrent et les lumières de la ville devinrent floues.
Il s’agissait de l’un de ces soirs d’automne où le froid s’immisce si profondément en vous que vous avez l’impression de ne plus pouvoir un jour avoir chaud.
– Lena, s’impatienta-t-il en tenant toujours la portière ouverte.
– Désolée.
Je grimpai dans le luxe à l’odeur de cuir de la Mercedes et Jimmy referma doucement la portière derrière moi.
Il se glissa ensuite sur le siège conducteur et essuya son visage mouillé par la pluie. Aucun de nous ne prononça un mot. Il n’y avait pas grand-chose à dire, de toute façon. Le trajet du retour se passa sans incident, les lumières et les bâtiments défilant bien trop vite devant mes yeux. Bientôt, les murs gris et sinistres de son palais se dressèrent devant nous. Quelques photographes courageux, bravant le mauvais temps, faisaient le pied de grue, repoussés par deux grands gaillards de la sécurité.
Nous fîmes le tour pour descendre au niveau inférieur. L’imposante porte du garage se referma derrière nous, nous piégeant à l’intérieur. Je restai bêtement assise, encore abasourdie, puis Jimmy ouvrit ma portière et me tendit la main.
– Merci, répondis-je en sortant sans son aide. Ça va.
Ça n’allait pas du tout. L’amour à sens unique était une vraie saloperie.
Nous empruntâmes l’escalier jusqu’au premier étage. La porte de ma chambre était la deuxième à gauche. Devant celle-ci, il marqua une pause tandis que j’allumai une petite lampe. L’ambiance était électrique.
– Lena. (Il déglutit et ses yeux s’assombrirent.) Laisse-moi entrer.
– Je ne peux pas.
– Mais…
– Je ne peux pas, répétai-je. Il faut qu’on arrête.
– Pas du tout.
– Si. Ça ne marche pas. Je ne peux pas refouler mes sentiments. Faire comme si je ne ressentais rien pour toi. Je n’y arrive pas.
– Tout va bien entre nous, je te le promets.
Il promena ses mains sur mes bras, mon dos, m’attirant. J’avais désespérément envie de lui, de lui tout entier.
Impossible de résister à ses caresses.
– Tout va bien.
– Jimmy…
– Chuuut, ça va aller. Ce n’est que moi.
Il pressa ses lèvres sur les miennes. Oh mon Dieu, son goût… Je ne connaissais et ne connaîtrais rien de meilleur. Impossible de me retenir, même si je l’avais voulu. J’inclinai la tête et ouvris la bouche pour tracer le contour de ses lèvres avec ma langue. Un bruit affamé s’échappa de sa gorge et ses mains agrippèrent avidement mes hanches.
J’aurais des marques demain matin.
Je passai les mains autour de son cou, le tenant fermement. Je dus le libérer lorsqu’il voulut retirer mon manteau. S’il était le grand amour de vie, il semblait normal que notre histoire finisse en feu d’artifice. Maintenant que les mots avaient été prononcés, rien ne pourrait plus être pareil. Je le savais. Je le sentais dans chaque fibre de mon être. C’était un adieu.
Nous commençâmes à retirer fébrilement nos vêtements et nous dirigeâmes en chancelant vers le lit. À mi-chemin, les mains de Jimmy remontèrent le long de mes cuisses et retroussèrent ma jupe jusqu’à ma taille. Dieu bénisse les bas. Nous nous dévorâmes de baisers, nos langues s’entremêlant et se frottant l’une contre l’autre. Il déchira ma petite culotte, me plaqua contre le mur le plus proche et s’agenouilla.
La sensation de sa bouche, de sa langue et de ses lèvres sur moi était sublime. J’arquai mon sexe contre son visage et il poussa un gémissement approbateur. Il avait tellement faim de moi… Si seulement ça avait pu suffire…
– Oh mon Dieu, Jimmy…
Mes mains trouvèrent ses cheveux, sa langue trouva mon clitoris et… putain, c’était tellement bon. Mes yeux se révulsèrent de plaisir. Délicatement, il déposa ma jambe sur son épaule, m’ouvrant un peu plus à ses soins. Il s’occupa de moi jusqu’à me mener au bord de l’orgasme et tout mon corps se mit à trembler. J’étais déjà très excitée par l’épisode de la salle de bains, malgré le cataclysme émotionnel. Heureusement, les vagins ne se préoccupaient pas des chagrins d’amour et de la douleur. Je ne voulais pas rater une seule seconde de notre dernier moment ensemble.
Il glissa deux doigts en moi et caressa un point sensible. Il avait affirmé connaître mon corps, et il n’avait pas menti. Je jouis en poussant un cri, submergée par le plaisir. Je tirai sur ses cheveux mais il ne se plaignit pas. Mon corps tremblait, mon esprit se vida, c’était magnifique. L’espace d’un instant magique, le monde prit tout son sens. J’étais exactement là où j’étais censée me trouver. Puis la réalité et la tristesse m’envahirent de nouveau. Les yeux clos, il posa les lèvres sur mon pubis en un doux baiser révérencieux. Presque un acte de bénédiction. Il pressa son front contre mon ventre et se reposa un moment, comme si c’était lui qui venait d’être totalement retourné.
Les mèches soyeuses de ses cheveux glissèrent entre mes doigts.
– Tout va bien ?
– Ouais.
Il se releva, baissa sa fermeture Éclair et s’approcha de moi. Je tremblais toujours après mon orgasme mais il n’avait pas de temps à perdre. Il me souleva et enroula mes jambes autour de sa taille. J’aurais aimé avoir assez de force pour m’agripper ainsi à lui pour toujours. Sa bite dure pressa contre l’entrée de mon sexe et s’enfonça doucement à l’intérieur. Il me remplit comme personne d’autre ne le pourrait jamais, et ça n’avait rien à voir avec la taille de son sexe.
– Lena, tu es si belle.
– Oh, Jimmy.
– J’ai besoin de toi.
Ses dents mordillèrent le lobe de mon oreille et je hoquetai tandis qu’une douleur exquise se répandait en moi. Il couvrit mon visage de baisers et promena ses lèvres chaudes sur ma peau, comme pour me marquer au fer rouge. Il avait aussi faim de moi que moi de lui. Ses mains, sa bouche, sa queue, toutes semblaient déterminées à laisser leur empreinte sur mon corps. Mon cœur battait la chamade, comme à deux doigts d’exploser, mais je ne pouvais rien y faire. Je m’accrochais fermement à Jimmy, le laissant me pilonner, s’imprimer en moi. Tout mon être lui appartenait, que je le veuille ou non.
En dépit du bon sens, mon cœur donnait et donnait jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
Mais n’était-ce pas ça, l’amour ? Il jouit fort, sa bite tressautant en moi, les dents enfoncées dans mon cou. Sa tête reposait sur mon épaule tandis qu’il tentait de reprendre sa respiration, nos deux corps affalés contre le mur.
Il me porta jusqu’au lit et s’écroula sur le matelas à côté de moi. Je roulai sur le côté pour lui faire face. Il avait l’air vidé, à bout de forces. En même temps, j’avais moi aussi envie de dormir pendant mille ans. Ses cheveux noirs recouvraient son visage, dissimulant ses yeux. La lumière était éblouissante, j’aurais dû la baisser encore plus. Non, j’aurais dû l’éteindre complètement.
– On ne peut pas continuer comme ça, dis-je.
Pas de réponse.
– Il faut qu’on reprenne des relations strictement professionnelles. Ça vaut mieux.
Un frisson le parcourut et il me tourna le dos.
Le plus bel homme que j’aie jamais rencontré s’éclipsa de mon lit juste avant minuit, et je le laissai partir.