Chapitre 8

–  Salut.

Sept heures plus tard, David descendit l’escalier, une serviette autour de la taille. Il avait peigné ses cheveux mouillés en arrière et ses tatouages s’affichaient merveilleusement, dessinant son torse fin et ses bras musclés. Il y avait beaucoup de peau nue. Cet homme était un régal pour les yeux. Je dus faire un effort surhumain pour garder ma langue dans ma bouche. Mais effacer ce sourire béat de mon visage était au-delà de mes capacités. J’avais prévu de la jouer décontractée pour ne pas l’effrayer. Raté.

–  Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il.

–  Pas grand-chose. Il y a eu une livraison pour toi.

Je désignai les sacs et les cartons qui attendaient près de la porte. Toute la journée, j’avais réfléchi à notre situation. La seule chose dont j’étais sûre à présent, c’était que je ne voulais pas le quitter. Je ne voulais pas signer ces papiers d’annulation. Pas encore. Cette seule idée me donnait envie de vomir de nouveau. Je voulais David. Être avec lui. Il me fallait un nouveau plan.

Mon pouce faisait des allers-retours sur ma lèvre inférieure. Plus tôt, j’avais fait une longue promenade sur la plage, observé les vagues se briser sur le rivage, en me repassant ce baiser. Encore et encore, je l’avais rejoué en pensée. Idem pour nos conversations. En fait, j’avais disséqué chaque moment passé ensemble, exploré chaque nuance. Chaque moment que je me rappelais, du moins, et Dieu sait si j’essayais de me souvenir de tout.

–  Une livraison ?

Il s’accroupit à côté du colis le plus proche et se mit à déchirer l’emballage. Je détournai les yeux pour ne pas voir ce qui se cachait sous sa serviette, malgré ma curiosité.

–  Je peux utiliser ton téléphone ?

–  Ev, tu n’as pas besoin de demander. Fais comme chez toi.

–  Merci.

Lauren et mes parents devaient être morts d’inquiétude. Il était temps d’affronter les répercussions de la photo scandaleuse. Je gémis intérieurement.

–  Celui-ci est pour toi.

Il me tendit un paquet fermé par une ficelle, puis un sac d’une marque dont je n’avais jamais entendu parler.

–  Ah, celui-là aussi, j’ai l’impression.

–  Vraiment ?

–  Oui, j’ai demandé à Martha de nous commander quelques trucs.

–  Oh.

–  «  Oh » ? Non, objecta David en secouant la tête, puis il s’agenouilla devant moi et déchira le paquet brun dans mes mains. Pas de «  oh ». Il nous faut des vêtements. Tout simplement.

–  C’est très gentil, David, mais je n’en ai pas besoin.

Il ne m’écoutait pas mais tenait une robe rouge de la même longueur que celles que portaient ces filles lors de la soirée chez lui.

–  Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Pas question que tu portes ça.

Il jeta la robe de créateur qui atterrit sur le sac à mes pieds.

–  David, tu ne peux pas la jeter par terre comme ça.

–  Bien sûr que si. Tiens, regarde ça, c’est un peu mieux.

Un débardeur noir arriva sur mes genoux. Au moins, il avait l’air d’être ajusté. La minirobe rouge était taille 36. La bonne blague. Ou plutôt une mauvaise blague de la part de Martha.

Une étiquette dépassait du débardeur. Le prix. Merde. Je n’en croyais pas mes yeux.

–  Waouh. Je pourrais presque payer mon loyer avec ce haut.

Au lieu de me répondre, il me lança un jean noir skinny.

–  Tiens, ça c’est pas mal aussi.

Je mis le jean de côté.

–  C’est un débardeur en coton. Comment peut-il coûter deux cents dollars ?

–  Qu’est-ce que tu penses de ça ?

Un bout de tissu en soie dépassait de sa main.

–  Jolie, non ?

–  Il est cousue de fils d’or, c’est ça ?

–  De quoi est-ce que tu parles ? me demanda-t-il en examinant la robe. Merde, c’est dos nu. Tout le monde va voir tes fesses.

Elle rejoignit la robe rouge sur le sol. Ça me démangeait de venir à leur secours, de les plier soigneusement avant de les ranger. Mais David déchirait déjà le colis suivant.

–  Qu’est-ce que tu disais ?

–  Je parlais du prix de ce haut.

–  Oh, non. Nous n’allons pas parler du prix de ce haut car nous ne discutons pas d’argent. C’est un problème pour toi et je préfère éviter le sujet.

Apparut ensuite une minijupe en jean.

–  Mais à quoi pensait Martha lorsqu’elle t’a commandé ces trucs ?

–  À sa décharge, tu as toujours des nanas en bikini pendues à ton cou. En comparaison, la robe dos nu est plutôt sage.

–  Toi, c’est différent. Tu es mon amie, n’est-ce pas ?

–  Oui.

Le ton de ma voix n’était pas totalement convaincant.

Son front se plissa de mépris.

–  Merde, regarde la longueur de ce truc. Je ne pourrais même pas dire si c’est censé être une jupe ou une ceinture.

J’éclatai de rire et il me jeta un regard affligé, ses grands yeux bleus de chien battu remplis d’une extrême tristesse et de mécontentement. Visiblement, je l’avais blessé.

–  Je suis désolée. Mais on aurait dit mon père.

Il flanqua la minijupe dans le sac. Au moins, elle n’était pas par terre.

–  Ah oui ? Je devrais rencontrer ton père. Je suis sûr qu’on s’entendrait très bien.

–  Tu veux rencontrer mon père ?

–  Ça dépend. Est-ce qu’il me tirerait dessus ?

–  Non…

Probablement pas.

Il me lança un regard interloqué et fouilla dans le carton suivant.

–  C’est déjà mieux. Tiens.

Il me tendit deux T-shirts, un noir et un bleu.

–  Tu n’es pas non plus obligé de m’habiller en bonne sœur, l’ami, dis-je, amusée par son comportement. C’est un peu hypocrite.

–  Ce ne sont pas des vêtements de bonne sœur. Ils couvrent l’essentiel, c’est tout. Est-ce trop demander ?

Il me tendit un sac plein à craquer.

–  Tiens.

–  Tu avoueras quand même que c’est un tout petit peu hypocrite, non ?

–  Ne jamais rien avouer. C’est la devise d’Adrian. Regarde dans le sac.

Je m’exécutai et il éclata de rire ; quelle qu’ait pu être mon expression, elle était apparemment hilarante.

–  Qu’est-ce que c’est que ça ? demandai-je, les yeux écarquillés.

Ça aurait pu être un string si les fabricants avaient jugé bon d’investir dans un peu plus de tissu.

–  Je t’habille comme une bonne sœur.

–  La Perla, lus-je sur l’étiquette avant de la retourner pour regarder le prix.

–  Merde, Ev ! Est-ce que tu veux bien arrêter, s’il te plaît ?

David se jeta sur moi et je me reculai, essayant de distinguer les chiffres sur l’étiquette, plus grande que le morceau de dentelle. Son immense main se referma sur la mienne, engloutissant le string.

–  Arrête, merde !

Mon crâne heurta le rebord d’une marche et je grimaçai de douleur, mes yeux s’emplissant de larmes.

–  Aïe !

–  Ça va ?

Son corps s’étendit au-dessus du mien. Une main vint frotter doucement l’arrière de ma tête.

–  Hmm, ouais.

L’odeur de son savon et de son shampoing était divine. Bon sang ! Mais il y avait quelque chose d’autre. Son eau de Cologne. Elle n’était pas capiteuse. Juste un léger parfum d’épices. Un souvenir remonta à la surface mais l’étiquette qui pendait devant mon visage m’en détourna momentanément.

–  Trois cents dollars ?

–  Ça les vaut.

–  Merde alors ! Absolument pas.

Il attrapa le string du bout des doigts, un sourire malicieux sur le visage.

–  Crois-moi, j’aurais payé dix fois ce montant. Sans rechigner.

–  David, je pourrais acheter la même chose dix fois moins cher dans une boutique normale. C’est du délire.

–  Non, impossible.

Il fit basculer son poids sur son coude posé sur la marche à côté de ma tête et se mit à lire l’étiquette.

–  Vois-tu, cette dentelle raffinée est faite main par des artisans locaux d’une petite région du nord de l’Italie réputée pour ce savoir-faire. C’est fait à partir de la plus fine des soies. Tu ne peux pas acheter ça chez H&M, bébé.

–  J’imagine que non.

Il émit un petit bruit de satisfaction et me regarda avec des yeux doux et brumeux. Puis son sourire s’effaça. Il recula et froissa le string dans sa main.

–  Bref.

–  Attends.

Mes doigts entourèrent ses biceps, le retenant.

–  Qu’est-ce qu’il y a ? demanda-t-il d’une voix dure.

–  Laisse-moi simplement…

Je levai mon visage vers son cou. L’odeur y était plus forte. J’inspirai profondément, me laissant enivrer. Je fermai les yeux et laissai affluer les souvenirs.

–  Evie ?

Les muscles de ses bras se bandèrent et durcirent.

–  Je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée.

–  Nous étions dans les gondoles du Venitian. Tu m’as dit que tu ne savais pas nager, que je devrais te sauver si nous chavirions.

Sa pomme d’Adam tressaillit.

–  Ouais.

–  J’avais peur pour toi.

–  Je sais. Tu t’es accrochée si fort à moi que je pouvais à peine respirer.

Je me reculai pour voir son visage.

–  Pourquoi crois-tu que nous sommes restés si longtemps sur ces gondoles ? demanda-t-il. Tu étais pratiquement assise sur mes genoux.

–  Tu sais nager ?

Il rit doucement.

–  Évidemment que je sais nager. De toute façon, je ne crois pas que l’eau ait été si profonde.

–  C’était une ruse. Tu es fourbe, David Ferris.

–  Et toi, tu es une petite marrante, Evie Thomas.

Son visage se détendit et ses yeux se radoucirent.

–  Tu t’es souvenue de quelque chose.

–  Oui.

–  C’est génial. Autre chose ?

Je lui adressai un petit sourire triste.

–  Non, désolée.

Il détourna le regard, déçu, je crois, mais essayant de ne pas le montrer.

–  David ?

–  Mmm ?

Je me penchai en avant pour presser mes lèvres contre les siennes. Je voulais l’embrasser, j’en avais besoin. Il se recula de nouveau. Mes espoirs s’écroulèrent.

–  Pardon, je suis désolée.

–  Ev. Qu’est-ce que tu fais ?

–  Je t’embrasse ?

Il ne répondit rien. Mâchoire serrée, il détourna le regard.

–  Tu as le droit de m’embrasser, de me faire des câlins et de m’offrir de la lingerie hors de prix, mais moi je n’ai pas le droit de t’embrasser ?

Mes mains se coulèrent vers les siennes et il les serra. Au moins ne me rejetait-il pas totalement.

–  Pourquoi veux-tu m’embrasser ? demanda-t-il d’une voix grave.

J’observai un instant nos doigts entrelacés.

–  David, je ne me souviendrai probablement jamais de tout ce qui s’est passé à Vegas. Mais je pensais que, peut-être, nous pourrions créer nos propres souvenirs ce week-end. Des souvenirs que nous pourrions partager.

–  Juste ce week-end ?

Mon cœur débordait.

–  Non. Je ne sais pas. C’est juste que… j’ai l’impression qu’il est censé y avoir plus entre nous.

–  Plus que de l’amitié ? demanda-t-il en me regardant intensément.

–  Oui. Je t’aime beaucoup. Tu es gentil, doux, beau et j’adore nos discussions. Quand on ne se dispute pas à propos de Vegas. J’ai l’impression que…

–  Que quoi ?

–  Que ce week-end est une seconde chance. Et je ne veux pas la laisser passer. Je pense que sinon je le regretterai très longtemps.

Il hocha puis pencha la tête.

–  Alors, quel est ton plan ? M’embrasser et voir ce qui se passe ?

–  Mon plan ?

–  Je sais tout de toi et de tes plans. Tu m’as raconté combien tu étais maniaque.

–  Je t’ai raconté ça ?

Je n’aurais pas dû.

–  Ouais. Tu m’as surtout parlé de ton grand projet. Tu sais… terminer la fac, puis passer trois à cinq ans à bosser dans un petit cabinet avant de gravir les échelons dans un cabinet plus prestigieux et de monter ta propre boîte de conseil à l’âge de trente-cinq ans. Et dans la foulée, te marier et faire 2,4 mômes.

Ma gorge devint soudain très sèche, aride même.

–  J’ai vraiment été très bavarde cette nuit-là.

–  Mmm. Mais ce qui était réellement intéressant c’est que tu n’en parlais pas comme d’une bonne chose, mais comme d’une cage dont tu secouais les barreaux.

Je ne trouvai rien à répondre.

–  Alors, dis-moi, ajouta-t-il doucement d’un ton moqueur. Quel est le programme, ici, Ev ? Comment comptais-tu t’y prendre pour me convaincre ?

–  Oh. Eh bien, je comptais, euh… Je comptais te séduire, je suppose. Et voir ce qui allait se passer. Oui…

–  Comment ? En te plaignant que je t’offre des trucs ?

–  Non. Ça, c’était juste un bonus. Ne me remercie pas.

Il serra les lèvres mais j’aperçus un sourire.

–  O.K., très bien. Vas-y, montre-moi comment tu t’y prends.

–  Comment je m’y prends ?

–  Tes techniques de séduction. Allez, on perd du temps, là.

J’hésitai et, impatient, il fit claquer sa langue.

–  Je ne porte qu’une serviette, bébé. C’est si difficile que ça ?

–  O.K., O.K.

Je serrai ses doigts, refusant de le lâcher.

–  Alors, David…

–  Oui, Evie ?

–  Je me disais que peut-être…

–  Hmm ?

Il m’impressionnait tellement que je lui sortis la première chose qui me vint à l’esprit. La seule qui avait déjà fait ses preuves.

–  Je pense que tu es un gars vraiment adorable et je me demandais si tu aurais envie de monter dans ma chambre pour faire l’amour et passer un peu de temps tous les deux. Enfin, si ça t’intéresse…

Son regard s’assombrit, triste et accusateur. Il s’écarta de nouveau.

–  Tu te fiches de moi, là.

–  Non.

Je glissai ma main autour de sa nuque, sous ses cheveux humides, essayant de l’attirer de nouveau à moi.

–  Non, je suis très, très sérieuse.

Mâchoire serrée, il me regarda.

–  Ce matin, dans la voiture, tu m’as demandé si j’avais peur de toi, continuai-je. La réponse est oui. Tu me fous une trouille bleue. Je ne sais pas ce que je fais ici. Mais je ne supporte pas l’idée de te perdre.

Il scruta mon visage mais resta silencieux. Il allait m’envoyer promener, je le savais. J’avais trop demandé, je l’avais poussé à bout. Il allait me quitter, et qui pourrait lui en vouloir après tout ça ?

–  Ça ne fait rien, dis-je, ramassant ce qui me restait de fierté sur le sol.

–  Tu es plutôt terrifiante, toi aussi, soupira-t-il.

–  Moi ?

–  Oui, toi. Et efface ce petit sourire de ton visage, tu veux ?

–  Désolée.

Il inclina la tête et m’embrassa de ses lèvres douces et fermes. Je fermai les yeux et ouvris la bouche. Son odeur me fit chavirer. Le goût mentholé de son dentifrice et sa langue contre la mienne… C’était au-delà de la perfection. Il me plaqua contre l’escalier. La bosse à l’arrière de mon crâne me lança en signe de protestation lorsqu’il toucha de nouveau les marches. Je tressaillis mais continuai de l’embrasser. David posa ses mains derrière ma tête, la protégeant d’un nouveau coup.

Le poids de son corps me clouait sur place, non que je voulusse m’échapper. Le bord des marches s’enfonçait dans mon dos mais je m’en fichais éperdument. J’aurais pu rester allongée là, son corps sur le mien, pendant des heures, l’odeur de sa peau m’enivrant. Ses hanches maintenaient mes jambes grandes ouvertes. S’il n’y avait pas eu mon jean et sa serviette, les choses seraient très vite devenues intéressantes. Mon Dieu, comme je haïssais le coton à cet instant précis.

À aucun moment nous ne cessâmes de nous embrasser. Mes jambes enroulées autour de sa taille, mes mains autour de ses épaules. Je n’avais jamais rien ressenti d’aussi bon. Mon désir augmentait et m’enflammait, se répandant en moi. Mes jambes se resserrèrent autour de lui. Tu parles d’une frustration ! Sa bouche descendit vers ma mâchoire et mon cou. Il me mordilla, réveillant des points sensibles sous mon oreille et au creux de mon cou. Des points dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Cet homme était magique. Il connaissait des choses qui m’étaient inconnues. Où il les avait apprises n’avait pas d’importance. Pas en cet instant.

–  Debout, dit-il d’une voix rauque.

Il se releva doucement, une main sous mes fesses, l’autre protégeant toujours l’arrière de ma tête.

–  David…

Il se recula juste assez pour me regarder dans les yeux. Ses pupilles étaient immenses, avalant presque ses iris bleu ciel.

–  Je ne te laisserai pas tomber. Jamais.

Je pris une profonde inspiration.

–  O.K.

–  Tu me fais confiance ?

–  Oui.

–  Bien.

Sa main glissa le long de mon dos.

–  Maintenant, mets tes bras autour de mon cou.

Je m’exécutai et recouvrai instantanément l’équilibre. Les mains de David m’empoignèrent les fesses et je croisai mes pieds derrière son dos. Son visage ne montrait aucun signe de douleur. Peut-être était-il assez fort pour me porter, après tout.

–  Et voilà. (Il sourit et m’embrassa le menton.) Tout va bien ?

Je hochai la tête, sans oser parler.

–  Lit ?

–  OUI.

–  Embrasse-moi.

Je m’exécutai sans me faire prier, ajustant ma bouche à la sienne. Glissant ma langue entre ses lèvres et me perdant en lui une fois de plus. Il poussa un gémissement, ses mains me tenant fort contre lui.

Ce fut alors que la sonnette retentit, émettant un son lugubre qui résonna dans mon cœur et mon entrejambe.

–  Nooon.

–  Putain, c’est pas vrai !

Le visage de David se contracta et il jeta un regard torve aux grandes doubles portes. Au moins, il partageait mon sentiment. Je grognai et le serrai fort contre moi. Ça aurait pu être drôle si ça n’avait pas été si douloureux.

Une main se glissa sous mon débardeur pour caresser ma peau nue.

–  À croire que l’univers est contre nous, grommela-t-il.

–  Fais-les partir, s’il te plaît.

Il gloussa et me serra plus fort contre lui.

–  Ça fait mal.

Il m’embrassa dans le cou.

–  Laisse-moi aller ouvrir et me débarrasser d’eux, ensuite je m’occuperai de toi, O.K. ?

–  Ta serviette est par terre.

–  C’est fâcheux. Allez, descends.

Je desserrai mon étreinte à contrecœur et posai mes pieds sur la terre ferme. La sonnette retentit de nouveau. David attrapa un jean noir du sac et l’enfila rapidement. J’aperçus un bout de fesse bien ferme. Garder mes yeux dans ma poche fut peut-être la chose la plus difficile que j’aie jamais eu à faire.

–  Reste ici au cas où ce seraient des journalistes.

Il regarda dans le petit écran encastré à côté de la porte.

–  Ah, mince.

–  La presse ?

–  Non, pire. De vieux amis qui apportent de la nourriture.

Il me jeta un petit coup d’œil.

–  Si ça peut te consoler, je suis frustré moi aussi.

–  Mais…

–  Ce sera encore meilleur après. Promis, dit-il avant d’ouvrir la porte, une main tirant sur son T-shirt pour essayer de cacher le renflement sous son jean.

–  Tyler. Pam. Content de vous voir !

J’allais le tuer. Lentement. L’étrangler avec le string hors de prix. Une mort digne d’une rock star.

Un couple de l’âge de mes parents entra, les bras chargés de casseroles et de bouteilles de vin. L’homme, Tyler, était grand, mince et couvert de tatouages. Pam semblait avoir du sang amérindien. De magnifiques cheveux longs et noirs lui tombaient dans le dos en une natte aussi épaisse que mon poignet. Ils souriaient largement et me lancèrent des regards curieux. Lorsqu’ils aperçurent la lingerie et les vêtements éparpillés sur le sol, je piquai un fard. Ils durent croire que nous étions sur le point d’entreprendre une orgie à deux. Ce qui était le cas, mais quand même.

–  Quoi de neuf ? rugit Tyler avec un accent australien en serrant David avec un bras à cause du plat qu’il tenait dans l’autre. Et ce doit être Ev, je présume. Je l’ai appris en lisant les magazines. Sérieux, Dave ?

Il lança à mon mari un regard sévère, un sourcil arqué.

–  Pam était furax.

–  Désolé. C’était… c’était inattendu.

David embrassa Pam sur la joue et la délesta d’une cocotte et d’un sac de courses. Elle lui tapota la tête d’une façon maternelle.

–  Fais les présentations, ordonna-t-elle.

–  Ev, je te présente Pam et Tyler, de vieux amis. Ce sont eux qui s’occupent de la maison pour moi.

Il avait l’air détendu. Son sourire était franc et ses yeux brillants. Je ne l’avais jamais vu si heureux. Une bouffée de jalousie m’envahit.

–  Bonjour, dis-je en tendant la main.

Mais Tyler me serra dans ses bras.

–  Elle est tellement jolie. Elle est jolie, hein, chérie ?

Il s’écarta et Pam s’approcha, un sourire chaleureux sur le visage.

Je me comportais comme une idiote. C’étaient des gens charmants. J’aurais dû me montrer profondément reconnaissante que toutes les femmes que connaissait David ne frottent pas leur poitrine contre lui. Maudites soient mes hormones en ébullition de me rendre si revêche.

–  Elle est ravissante. Bonjour, Ev. Je suis Pam.

Ses yeux s’embuèrent. Elle avait l’air sur le point de fondre en larmes. Soudain, elle m’attrapa les mains et serra mes doigts.

–  Je suis si heureuse qu’il ait enfin trouvé une fille bien.

–  Oh, merci.

Mon visage s’empourpra. David me fit une petite grimace.

–  O.K., ça suffit, intervint Tyler. Laissons ces tourtereaux tranquilles. Nous reviendrons une autre fois.

David fit un pas sur le côté, le sac et la casserole à la main. Lorsqu’il s’aperçut que je le regardais, il me fit un clin d’œil.

–  Il faudra que je te montre ce qu’on a fait en bas, un de ces quatre, dit Tyler. Vous restez longtemps ?

–  On ne sait pas encore, répondit David en m’interrogeant du regard.

Pam se cramponnait toujours à mes mains.

–  J’ai fait des enchiladas au poulet et du riz. Tu aimes la cuisine mexicaine ? C’est ce que David préfère. Mais j’aurais dû me renseigner sur tes goûts. Tu es peut-être végétarienne, ajouta-t-elle d’un air inquiet.

–  Non, non. J’adore la cuisine mexicaine, répondis-je en serrant à mon tour ses doigts, mais pas aussi fort. Merci beaucoup.

–  Ouf !

Elle sourit.

–  Chérie, appela Tyler.

–  J’arrive.

Elle me tapota la main.

–  Si vous avez besoin de quoi que ce soit pendant votre séjour, passez-moi un coup de fil. O.K. ?

David resta silencieux. Visiblement, il ne tenait qu’à moi qu’ils restent ou qu’ils partent. Mon corps vibrait toujours de désir. Et puis, nous semblions mieux nous entendre lorsque nous étions seuls. Je ne voulais pas le partager car j’étais frivole et j’avais envie de sexe. Je le voulais pour moi toute seule. Mais je devais me faire violence. Et si l’attente faisait croître le désir, eh bien, peut-être devais-je me résoudre au choix le plus raisonnable.

–  Restez, bredouillai-je. Dînez avec nous. Il y en a tellement. On n’arrivera jamais à tout finir.

David me regarda, un sourire approbateur sur le visage. On aurait presque dit un petit garçon qui essaierait de contenir son excitation. Comme si je venais de lui annoncer que son anniversaire était avancé. Qui que soient ces gens, ils étaient importants pour lui. J’avais l’impression que je venais de réussir à un test.

Pam soupira.

–  Tyler a raison, vous êtes de jeunes mariés.

–  Restez, je vous en prie, répétai-je.

Elle interrogea du regard son mari qui haussa les épaules mais sourit, visiblement ravi.

Pam battit des mains de joie.

–  À table !