Chapitre 9

Après Saint-Louis, il y eut Washington, suivi de Philadelphie. Il me fallut tout ce temps pour me remettre complètement sur pied et pardonner à Mal. Enfin, pour commencer à lui pardonner. Tout le monde avait beau justifier son geste, le souvenir de Mal flanquant un coup de poing à Ben était encore trop frais dans mon esprit. Ma main me démangeait chaque fois qu’il s’approchait. C’était plus fort que moi.

Vivre avec Ben n’avait pas constitué une grande étape vers un avenir amoureux heureux, tel que j’aurais pu naïvement l’espérer au fond de moi.

Mais c’était mon problème, pas le sien.

Clairement, il y avait eu entre nous davantage de contacts physiques. Ben était un colocataire très courtois – et aussi souvent absent. Oui, Ben était un garçon très occupé. Le matin, il émergeait de sa chambre vers 9 heures, d’humeur maussade et les cheveux en bataille, et nous prenions un petit déjeuner ensemble, ce qui était plutôt agréable. Nous discutions pendant environ une heure autour de pancakes, d’œufs Bénédicte ou autre. Généralement, la conversation tournait autour de mon état de santé et du film que j’avais regardé la veille. Après quoi il disparaissait pour « faire des trucs avec le groupe ». J’ignorais quoi exactement, mais manifestement cela durait toute la journée et aussi une partie de la nuit. J’avais donc pris l’habitude de m’installer devant la télé avec l’espoir de le croiser lorsqu’il rentrerait, sans jamais savoir à quelle heure ce serait. Au lieu de ça, je me réveillais blottie dans mon lit le matin venu.

Tout cela était très amical. Il fallait juste que je m’y fasse. Encore. Et puis merde. Ce soir, mes sentiments pour lui allaient prendre fin. Il le fallait. Ce mec était trop néfaste pour mon cœur et pour mon âme.

– Rappelle-moi pourquoi on est là, déjà ? demanda Anne, glissant un bras autour de mes épaules.

– Pour faire la fête.

– On est là pour faire la fête ?

– Comment peux-tu en douter ? dis-je en lissant le large tee-shirt noir au-dessus de mon petit ventre.

– Tant qu’on n’est pas là pour espionner Ben, ironisa-t-elle.

– Comme si j’étais capable de faire une chose pareille ! m’esclaffai-je.

– Parce que tu n’es plus du tout amoureuse de lui, évidemment.

– Ah, mais plus du tout ! On est juste amis.

– Une bonne amie ne laisse pas son amie traquer un garçon.

– On n’est pas amies, on est sœurs. C’est différent.

Ma mâchoire craqua sous l’effet d’un bâillement particulièrement impressionnant. C’était crevant, cette histoire de gestation.

– Tu es censée la fermer et me soutenir quelles que soient les conneries que je fais, l’informai-je.

– Vous continuez à partager la suite de Ben mais pas sa chambre, c’est ça ?

– Tu as vraiment envie de savoir ? demandai-je, curieuse.

Elle soupira.

– Tu es enceinte de son bébé. J’abandonne. De tous les mecs que j’aurais pu sélectionner pour toi, il figure très, très loin en bas de la liste. Mais il s’agit de ton choix, pas du mien.

Je hochai la tête, satisfaite.

– Je veux juste que tu saches que tu as d’autres options, conclut-elle.

Comme lorsque nous étions enfants, Anne enroula une mèche de mes cheveux autour d’un doigt et tira dessus. Je lui assénai une petite tape sur la main, tel que je l’avais toujours fait. Elle m’attrapa les doigts, qu’elle serra fort.

– On a discuté, Mal et moi, dit-elle. Quelle que soit la façon dont tu as envie de gérer ça, on sera là pour te soutenir. Qu’il s’agisse d’emménager avec nous ou autre.

– Ça me touche.

– Et si par hasard Ben et toi n’arriviez pas à vous entendre, tu n’as pas à t’inquiéter pour les questions d’argent.

– Ben ne me laissera pas tomber, Anne.

– Je dis juste…

– Je sais. Mais crois-moi, je n’ai aucun souci à me faire financièrement.

– Non.

– Vraiment, réaffirmai-je, pivotant pour lui faire face. Il a mis une somme à six chiffres sur mon compte avant le début de la tournée.

– Ah, fit-elle, l’étonnement visible dans son regard. Tant mieux. Ça me donne une meilleure opinion du monstre à barbe.

– Mmh.

Bon, c’était toujours mieux que quand elle l’appelait Sperminator.

Nous nous blottîmes dans un imposant fauteuil lounge et observâmes la fête post-concert. Lorsque je m’étais installée dans la suite de Ben, les soirées avaient migré dans la chambre du chanteur des Down Fourth. Il partageait la plus petite des suites avec sa petite amie, batteuse du groupe de son état. Elle s’était montrée très accueillante, quoiqu’un peu surprise, lorsque Anne et moi avions frappé à la porte.

Cela dit, j’avais le sentiment désagréable qu’Anne avait raison et que je n’aurais pas dû venir. Ni dans cette suite ni sur cette tournée. Sans compter que mon humeur actuelle était carrément merdique. Pour ne pas dire à chier. Non, ça n’était pas un langage convenable. Nulle. Oui, « nulle » faisait un terme de remplacement parfait.

– Je déteste l’idée qu’on doive s’occuper de moi, que tout à coup je ne sois plus moi-même mais un état, une machine à fabriquer un bébé. (Je m’appuyai contre Anne en poussant un soupir de désespoir.) J’aurais dû rester à Portland et bosser à la librairie. Je n’ai pas ma place ici.

– Bien sûr que tu as ta place ici. Ne sois pas idiote.

Je lui adressai un faible sourire.

– Je suis pathétique. Vite, flagelle-moi.

– Ah, si je pouvais… En tout cas ce bébé te rend intéressante à côtoyer. On ne sait jamais quelle sera ton humeur du moment.

– M’en parle pas. J’ai tellement besoin de sexe. Mes rêves ne sont qu’un interminable film porno.

– Je vois. Allez, parle-moi de lui. Je vais tâcher d’avoir l’esprit ouvert.

– Il n’y a pas grand-chose à dire.

– Vous aviez l’air plutôt proches quand il a pris le château d’assaut pour te sauver de ta méchante sœur et de ton beau-frère.

Je haussai les sourcils.

– Pardon, corrigea-t-elle, quand il a insisté pour entrer parce qu’il était inquiet pour toi – bravo à lui pour ça –, ça semblait bien se passer entre vous. J’en déduis que ce n’est plus le cas puisque tu as l’air malheureuse comme les pierres et qu’on est coincées là à attendre qu’il apparaisse.

– C’est très cordial. On s’envoie beaucoup de textos, il me demande des nouvelles tout le temps et il est là si j’ai besoin de lui. Mais… je ne sais pas. On ne se dit pas grand-chose au final. On partage le même espace mais on vit à distance. Il fait sa vie, et moi la mienne. Il se lève, s’en va, revient au petit matin après avoir bu avec ses potes.

Anne fronça les sourcils. Comment lui expliquer ? Tout était tellement confus.

– Le truc, c’est que je ne peux pas l’oublier en vivant avec lui. Ça ne fonctionne pas. La promiscuité me transforme en une espèce de folle shootée aux hormones de grossesse qui sniffe son linge sale.

– Tu sniffes son linge sale ? répéta Anne avec un regard empli de dégoût.

– C’était juste un tee-shirt.

Elle s’éclaircit la gorge.

– D’accord. O.K.

– Bref, la situation ne me paraît pas appropriée. J’ai envahi son espace personnel en acceptant de m’installer avec lui. C’était une mauvaise décision. Maintenant j’hésite entre rentrer à Portland et prendre ma propre chambre.

– Ne pars pas. Reviens vivre avec Mal et moi. Je te promets qu’on fera moins de bruit.

– Hors de question. J’ai encore des flashs de ce soir-là et je me réveille la nuit en pleurs, persuadée qu’un gorille en rut va m’attaquer.

Même si j’avais essayé, je n’aurais pas réussi à contenir mon ricanement. Aussi n’essayai-je même pas.

– Très drôle, répliqua Anne sèchement.

– Merci. Je m’amuse moi-même.

– Je déteste l’idée que tu sois seule.

– Je sais. Mais je vais élever un enfant seule, Anne. Je vais devoir me débrouiller, c’est un fait. Il est temps que je m’y fasse. (Je haussai les épaules.) Je sais que Mal et toi avez envie de faire le maximum, et j’apprécie. Vraiment. Petit Haricot a de la chance, elle va avoir une famille géniale grâce à vous tous.

– C’est vrai, elle a de la chance.

– Je suis contente qu’on ait pu parler de ça. Ça m’a manqué de discuter avec toi.

– Je suis désolée de t’avoir jugée. C’est juste que c’était difficile, alors qu’on avait tout fait pour que tu puisses faire des études.

– Oui, je sais.

Nous étions tellement collées que nous étions quasiment assises l’une sur l’autre. Je crois que nous en avions besoin après les quelques mois que nous venions de passer.

– Je n’arrête pas de me dire que, Ben et moi, on ne va être qu’amis, me confiai-je ouvertement à ma sœur. Au fond de moi, il y a une part débile qui s’accroche encore, qui refuse d’accepter. Je ne peux pas rester là dans cette chambre d’hôtel à attendre qu’il revienne et qu’on vive un moment magique qui arrangera tout. Ça ne se passera jamais comme ça entre nous. Il faut juste que je me résigne.

Anne me dévisagea, avant de me demander :

– Tu as vraiment des sentiments pour lui, n’est-ce pas ?

J’avais du mal à croire qu’elle soit encore dans le déni après tout ça.

– Désolée. Je pensais sans doute que c’était juste un petit béguin et que ça finirait par te passer, dit-elle. Mais apparemment ce n’est pas le cas.

– Non. Cela dit il est largement temps que je passe à autre chose. Tu as raison sur ce point. D’où notre présence ici à attendre qu’il veuille bien se montrer. Je vais le voir en pleine action, en train de séduire des filles sexy, et avec un peu de chance ça m’aidera à me rendre compte de mon niveau de bêtise. Après je lui annoncerai qu’il est temps pour moi de grandir et de prendre ma propre chambre ou de rentrer chez moi.

Je pris mon verre de limonade sur la table basse et en bus une gorgée. Anne m’étudiait, la tête inclinée sur le côté.

– Tu es amoureuse de lui ?

Bonne question.

– Je me disais juste… Le voir en pleine action n’est peut-être pas ce dont tu as besoin, suggéra-t-elle. Il vaudrait peut-être mieux que tu affirmes ce que tu veux.

– En exigeant qu’il m’aime ? Je ne crois pas que ça marcherait.

– Mmh. Revenons au point de départ. Est-ce que tu l’aimes ?

– Je ne suis même pas sûre de savoir ce qu’est l’amour.

– Est-ce que c’est douloureux ?

J’avais tout à coup l’impression que la pièce manquait d’air. Je regardai ma sœur, à la fois perplexe et lucide. Sauf que je n’avais aucune envie de répondre à cette question. Il fallait que je me concentre sur mes priorités. Le haricot. Devenir mère. Ce genre de choses.

– Alors ? insista-t-elle.

– Oui.

Et bon sang, je détestais ça. La vérité était à chier.

Lentement, Anne hocha la tête, l’air grave.

– Je suis désolée, dit-elle.

– Bref. (Mon sourire me donnait l’impression d’être en plastique. Un miracle que mon visage ne se craquèle pas.) Je lui parlerai dès qu’il arrive. En attendant, fiesta ! Et je crois bien que celle-là va durer jusqu’au bout de la nuit.

– Il est presque minuit. Je suis impressionnée que tu aies réussi à veiller aussi tard.

– Tu dis ça parce que je m’écroule de sommeil tous les soirs à 8 heures.

Elle me sourit.

– Attends un peu, dis-je. Tout à l’heure on se fera des shots de lait chaud, ça va être dingue.

– Tu vis dangereusement.

– N’est-ce pas ? (Je me retournai pour jeter un coup d’œil à la nouvelle ombre qui me suivait partout.) Vous pourrez faire le service, Sam.

– Avec plaisir, mademoiselle Rollins, répondit ce dernier en m’adressant un signe de tête solennel, sans jamais quitter la pièce du regard.

Merde. Il lui arrivait pourtant de sourire et d’échanger des plaisanteries avec les membres du groupe. J’en avais été témoin de mes propres yeux. Je finirais par l’avoir à l’usure.

Depuis le couloir me provint alors le gémissement de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Les Stage Dive étaient enfin là. Ou en tout cas certains d’entre eux. Mal surgit dans la pièce, à la recherche de sa moitié, tandis que Ben arrivait à une allure plus calme, discutant avec un type que je ne connaissais pas. Ses cheveux étaient lissés en arrière, sa barbe soigneusement taillée. Il avait dû changer de chemise après le concert car celle-ci, noire, était parfaitement repassée. Il en avait relevé les manches et les boutons du haut étaient défaits.

Il était très beau – l’incarnation de la beauté. Les harpes, les angelots, la totale. Au secours, qu’est-ce que je pouvais être cucul ! Il fallait vraiment que je me ressaisisse, ne serait-ce que pour ma santé mentale.

Tout à coup, la pièce sembla pleine à craquer. Les gens avaient dû traîner au bar de l’hôtel, en bas, en attendant l’arrivée des VIP.

Le batteur fou s’agenouilla devant Anne et tendit une main. Avec un immense sourire, elle plaça ses doigts dans les siens.

– Qui est cette créature surnaturelle que je vois devant moi ? déclara-t-il. Vous m’éblouissez, mystérieuse inconnue. Il faut que je sache tout de suite qui vous êtes.

– Je suis votre femme.

– Je me disais bien que je vous avais déjà vue quelque part. (Il embrassa le dos de sa main, pivotant pour s’adosser contre le fauteuil, entre ses jambes.) Putain, quelle soirée. Adrian nous a fait enchaîner une interview après le concert. La prochaine fois que cette saleté de fouine fait ça, rappelle-moi de le tuer.

– Ça marche.

– Détends-moi les épaules, s’il te plaît, ma puce, demanda-t-il en faisant craquer son cou. J’ai mal.

Anne entreprit de le frictionner.

– Tu veux que je te prenne rendez-vous pour un massage demain ?

– T’es la meilleure. (Il me tapota le genou.) Tu acceptes de me parler aujourd’hui, Lizzy ?

– Je n’ai pas encore décidé, répondis-je.

– La journée est presque terminée, petite maman. Tu ferais bien de te décider. (Il eut un petit sourire suffisant.) Benny-boy sait que tu es là ?

– Je n’ai pas à lui rendre compte de mes faits et gestes, bafouillai-je.

– Ah non ? Ça va être intéressant, répliqua-t-il en riant.

– Dites-lui, Sam, dis-je en finissant ma limonade d’un trait.

– Mademoiselle Rollins est une adulte indépendante et responsable, récita scrupuleusement ce dernier.

– Vous plaisantez ? dit Mal. Je vous parie cinquante dollars qu’il la sort d’ici par la peau des fesses dans moins de cinq minutes.

– Je prends le pari, déclara Sam en serrant la main de Mal.

Qu’ils aillent tous les deux se faire voir. Cela dit, si je devais choisir je préférerais que Sam remporte les cinquante dollars. Sans grâce mais avec beaucoup de détermination, je m’extirpai du fauteuil en me tortillant.

– Je vais aux toilettes, annonçai-je.

– Hé, tu n’as pas le droit de te cacher, se plaignit Mal. C’est de la triche.

Je me contentai de sourire.

– Benny-boy, regarde qui est là ! Oh, mais c’est la gentille petite Liz, et elle a dépassé depuis longtemps son heure de coucher. Tu ne crois pas que tu devrais faire quelque chose ?

Le salaud. Il était hors de question qu’il gagne ce pari. Je parlerais à Ben quand je me sentirais prête. Je baissai donc la tête et me dirigeai au pas de course vers la salle de bains. Le truc génial avec la grossesse, c’est que vous aviez constamment envie de faire pipi. Ça faisait un super passe-temps. Sam se posta devant la salle de bains pendant que j’ouvrais la porte et me glissais à l’intérieur, avant de la verrouiller derrière moi.

Oh, mince. C’était occupé.

– Salut, fis-je en levant une main.

– Liz, hey ! (Vaughan se mit à rire et recouvrit d’une main ses impressionnants attributs.) Apparemment j’avais oublié de fermer à clé.

Mon visage était en feu.

– Apparemment. Désolée d’avoir déboulé comme ça.

– C’est ma faute. Mais ça me fait plaisir de te voir.

– Moi aussi ça me fait plaisir de te voir.

Et il me donnait beaucoup à voir de lui. Je le fixai, ébahie. Ouah, le mec était sacrément bien membré. L’effet qu’une telle vision produisait sur mon corps déjà avide de sexe était assez gênant.

– Je voulais justement prendre de tes nouvelles. Comment ça va ? me demanda-t-il en passant une main dans ses cheveux mouillés, complètement détendu.

– Bien.

– Il paraît que tu as été malade.

– Oh, c’était juste un rhume. Ça va mieux maintenant. Je suis en pleine forme.

Et excitée. Très excitée. Ce type ne se rendait pas compte qu’il était à deux doigts d’être agressé sexuellement.

– Ça craint. Je suis content que tu sois guérie.

– Merci.

Tant que mes yeux restaient rivés sur les siens, tout allait bien. Bon, ça faisait un bail que je n’avais pas vu un tel spectacle, mais il n’était pas indispensable non plus que mes joues s’enflamment comme ça. C’était vraiment idiot d’en faire tout un plat. Vaughan, de son côté, semblait n’avoir aucune gêne vis-à-vis de la nudité.

– Comment se passe la tournée ? le questionnai-je.

– Super. Vraiment génial.

– Cool, dis-je en examinant le sol. Ouais. Je vais y aller, non ?

– Non, reste. Qui sait quand on aura de nouveau l’occasion de parler tous les deux ?

– Ah. Oui, d’accord. Tu veux peut-être mettre une serviette autour de ta taille ou enfiler un caleçon ?

– Dans deux secondes. D’abord j’aimerais te poser une question, dit-il, une fossette se creusant dans son menton.

Ce mec était sacrément canon. Et puis c’était sympa de savoir que c’était un vrai roux. Je n’avais pas eu l’intention de regarder, c’était juste arrivé. Un petit regard involontaire quand j’étais entrée. Un homme bien réel et nu qui me regardait avec envie… Mon corps aimait un peu trop cette idée. Encore ces hormones débiles.

– Vas-y, l’encourageai-je, mon visage s’empourprant de nouveau à la pensée de son intimité – et merde.

– Tu es vraiment enceinte ?

– Oui, je suis enceinte.

Je plaquai de nouveau mon tee-shirt contre mon ventre. Je ne pourrais bientôt plus le cacher.

– Ouah. Et je suppose que Ben est le père ?

Je gardai le silence.

– Pas difficile à deviner. (Vaughan s’empara d’une serviette et l’enveloppa autour de ses hanches étroites.) Il y a des tensions entre Mal et lui, mais personne ne dit pourquoi. Et puis tu débarques sur la tournée.

Je haussai les épaules. Ce n’était pas à moi de parler à la place de Ben. C’était uniquement parce que je ne savais pas tenir ma langue que Vaughan savait pour le bébé.

– Et clairement, ça ne lui a pas plu quand on a discuté la dernière fois, ajouta-t-il.

– C’est vrai.

Mais qui était capable d’expliquer le comportement de Ben lorsqu’il s’agissait de moi ? Pas même lui, à mon avis.

– Et puis du jour au lendemain les fêtes sont transférées ici parce que tu partages sa chambre. Même moi j’ai capté, alors que je ne suis pas le mec le plus perspicace au monde.

Je plissai les yeux, indignée pour lui.

– Qui t’a dit une chose pareille ? Je te trouve super.

– Merci.

Un large sourire éclaira son visage. C’était peut-être mon imagination, mais j’étais à peu près certaine que sa serviette était en train de glisser lentement vers le bas. Pourquoi ne pouvais-je pas juste arrêter de regarder ? Mes mains et moi avions – encore – besoin de nous retrouver seules.

– Je te trouve super aussi, dit Vaughan, son regard s’adoucissant tandis qu’il m’observait. C’est dommage que la situation soit ce qu’elle est.

– Oui.

Vraiment ? Combien de fois m’étais-je fait draguer par un homme aux attributs aussi enviables ?

– Enfin, Ben et moi on n’est pas ensemble, ensemble, précisai-je. Je suis célibataire. Mais enceinte, oui.

Nous sursautâmes tous les deux en entendant des coups tapés à la porte, puis la voix profonde de Ben retentissant de l’autre côté de la porte.

– Liz, tu es là ?

Vaughan et moi échangeâmes un regard. Je ressentis un sentiment de malaise au plus profond de moi. Mon Dieu, était-ce de la culpabilité ? Je n’avais aucune raison de me sentir coupable. Absolument aucune. Cela dit, expliquer à Ben comment j’étais tombée par hasard sur un Vaughan nu et trempé pouvait peut-être attendre plus tard. Ou jamais, tiens.

– Oui, oui, je sors dans une minute ! répondis-je.

– O.K.

– Il te traite bien ? me demanda Vaughan à voix basse.

– Je pense qu’il sera un bon père.

– Ce n’était pas ma question.

Il s’avança d’un pas, scrutant mon visage avec attention. De l’autre côté, le volume de la musique grimpa subitement. Parfait timing.

Je ne savais pas quoi dire. Ni penser.

– Je, euh… J’apprécierais que tu ne dises rien pour le bébé.

– Bien sûr.

– Je ferais mieux d’y aller.

– Oui. Ben t’attend.

– Oui. Allez, j’y vais.

Je cherchai à tâtons la poignée de la porte derrière moi, tout en lui adressant un sourire quelque peu hébété.

Vaughan se déplaça sur le côté, s’écartant du champ de vision de Ben. Quelle surprenante rencontre. Peut-être avais-je enfin commencé à rayonner. Enfin, c’était peut-être les seins. Après l’accouchement, j’envisagerais peut-être de me faire poser des implants mammaires si c’était l’effet qu’ils produisaient. Je plaisantais. Enfin, presque.

Lorsque je sortis de la salle de bains, Ben se tenait là, attendant devant la porte. Aussitôt, mon corps se plaça en état de vigilance maximum. J’essayai de décrypter son état d’esprit, de déchiffrer son langage corporel (une légère impatience teintée de mauvaise humeur). On ne pouvait pas nier que Vaughan était beau et bien bâti. Il faudrait être aveugle pour ne pas être excité par la vision de son corps nu. Malgré cela, Vaughan ne me faisait pas autant d’effet que Ben. À la seconde où j’entrais dans l’orbite de Ben Nicholson, je me retrouvais impuissante, incapable de résister à l’attraction. Je haïssais mon cœur et mon vagin ! Mon cerveau valait un peu mieux, sauf que personne ne semblait l’écouter.

La pièce était à présent bondée et la musique se déversait de la stéréo. Ben se pencha vers moi, approchant sa bouche de mon oreille.

– Anne m’a dit que tu voulais me parler. On va dans notre suite ?

J’approuvai de la tête.

– Tout va bien ? me demanda-t-il.

Bon sang, il m’avait posé cette question à toutes les sauces ces derniers temps. J’en avais ras le bol de toujours répondre avec le sourire.

– Allons discuter là-haut.

Il passa un bras autour de moi, nous frayant un passage à travers la pièce pleine à craquer. Les gens dansaient et buvaient – une fête tout ce qu’il y avait de plus rock’n’roll. Nous demeurâmes silencieux en attendant l’ascenseur. Lorsqu’il arriva, il était vide.

– Tu passes une bonne soirée ? l’interrogeai-je en pénétrant dans l’ascenseur.

– Explique-moi quelque chose, dit-il en me forçant à reculer vers la cloison la plus proche.

– Oui, quoi ?

Ses bras musclés fixés au-dessus de ma tête, il braqua son regard sur moi.

– J’ai entendu une autre voix dans la salle de bains. Une voix de mec.

Je n’allais pas lui mentir. Je n’avais aucune raison de le faire.

– Oui, je discutais avec Vaughan.

– Tu discutais avec Vaughan dans la salle de bains ?

Il abaissa la tête, de sorte que son nez se retrouva tout près de la pointe du mien. Ses yeux noirs étincelaient d’un feu brûlant – j’exagère à peine. De la jalousie à l’état pur.

– Tu es sérieux ? demandai-je, profondément perplexe, parce que je ne pouvais pas me permettre d’être folle de joie.

Il n’allait pas tarder à faire ce qu’il faisait d’habitude, à savoir s’enfuir en courant. Comme le soir dans son pick-up. Comme à Vegas. Je ne pensais pas être capable de le supporter à nouveau. Pas maintenant. Ma vie me paraissait déjà suffisamment fragile en ce moment.

– Très sérieux, rétorqua-t-il, d’humeur visiblement grincheuse. Je lui ai déjà demandé de ne pas s’approcher de toi.

– Mais on est juste amis, toi et moi, tu te souviens ?

Il cligna des paupières, l’indignation laissant momentanément place à la surprise.

– On a déjà eu cette conversation, et tu as affirmé que c’était ce que tu voulais, lui rappelai-je. Et là, on dirait que tu vas pisser sur mes chaussures pour marquer ton territoire. (Je secouai la tête.) Qu’est-ce qui se passe ?

– Il faut qu’on parle.

– Oui, bonne idée.

– Est-ce qu’il t’a draguée ?

– Ce n’est pas le sujet, grommelai-je. Ben, je vais prendre ma propre chambre. Tu fais ta vie dans ton espace, et je vais faire la même chose. Je crois que ça se passera bien mieux entre nous à long terme si on fait comme ça. C’est ce qu’on avait décidé, non ? Alors c’est ce qu’on va faire. Ma décision est prise.

– C’est à cause de Vaughan ? demanda-t-il les dents serrées.

– Vaughan n’a rien à voir avec ça. C’est à cause du fait qu’on va avoir un bébé. C’est à cause de nous et de ce fonctionnement merdique qu’on a, où tu me donnes de l’espoir et puis tu t’enfuis en te cachant derrière un « on reste amis ». Ça me rend dingue. Ce n’est pas sain. (Posant mes mains sur son torse, je le forçai à reculer d’un pas.) Tu sais, tu fais semblant d’être le genre de type cool, facile à vivre. Pas d’attaches, pas d’engagement… une vie rock’n’roll, quoi. Et c’est génial, Ben. Tant mieux pour toi. Mais si c’est la personne que tu as envie d’être, ne te fatigue pas à faire des règles juste pour moi, parce que c’est putain d’hypocrite.

Oups. Et un dollar de plus dans la boîte à gros mots.

Sa mâchoire tressauta sous l’effet de la colère – ou était-ce sa barbe ? Bref.

– Bonne nuit, lâchai-je.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et je sortis, marchant à si vive allure que je courais presque. Il était temps que je fasse mes valises. S’il n’y avait pas de chambre libre, je partagerais celle d’Anne et Mal pour la nuit et je trouverais une solution demain matin. J’étais tellement fatiguée. J’avais la sensation que mes membres pesaient une tonne chacun. Si je rayonnais, ce n’était clairement pas l’impression que j’avais à cette heure de la soirée.

– Je n’ai jamais voulu d’une relation stable ! cria-t-il depuis l’autre bout du couloir cossu de l’hôtel.

– Félicitations alors, rétorquai-je en lui adressant un doigt d’honneur – on ne pouvait pas considérer ça comme un gros mot, si ?

– Lizzy ! Attends, putain.

Je fis glisser ma carte magnétique dans le lecteur et me précipitai à l’intérieur de la suite. Je ne l’enfermai pas à l’extérieur, bien que ce fût très tentant. Mais merde, il fallait bien qu’un de nous deux se comporte en adulte. Traversant le salon, je fonçai vers ma chambre où j’attrapai une valise dans le placard, qui était déjà à moitié pleine. Quand vous ne restiez jamais plus de deux nuits au même endroit, il n’y avait pas grand intérêt à défaire ses bagages. Un manteau et deux robes étaient accrochés dans la penderie, tandis que le reste était au service blanchisserie. Il ne me restait qu’à récupérer dans la salle de bains attenante quelques affaires personnelles, ma trousse de maquillage et deux paires de chaussures, et je pourrais partir. Je libérais les lieux !

– Tu pars, déclara-t-il en se postant dans l’encadrement de la porte de ma chambre.

– Ouaip.

– Liz…

– Oui ?

Je me retournai, impatiente de découvrir quelles conneries il allait essayer de me faire gober cette fois. Mais il se contenta de rester là, le visage marqué de lignes dures.

Sans prononcer un seul mot.

– C’est sans doute mieux comme ça, décrétai-je. Je crois qu’aucun de nous ne pourrait dire quoi que ce soit de très constructif ce soir. Prenons un peu de recul, le temps de nous calmer, et reparlons de tout ça demain, d’accord ?

Je fourrai ma brosse à dents, ma brosse à cheveux et tout mon bazar dans ma trousse de toilette, que je rangeai dans un coin de ma valise. Vinrent ensuite mes Converse, mes Birkenstock et mes sandales à talons.

– Tu sais, repris-je, je pense qu’en vivant séparément on se donne les meilleures chances de rester bons amis.

Pas de commentaire.

Je rabattis le dessus de la valise et entrepris de tirer la fermeture Éclair. J’aurais bien fait d’appeler quelqu’un pour m’aider à la porter car je doutais que Ben fût d’humeur serviable. On m’avait mise en garde une bonne centaine de fois de ne pas porter d’objets lourds « dans mon état ». J’irais faire un tour à la réception et je…

La main de Ben se posa sur ma joue et il pressa ses lèvres contre les miennes. Ma bouche étant déjà entrouverte, il n’eut aucun mal à y glisser sa langue pour la frotter contre la mienne. Il m’embrassa avec détermination, prenant le pouvoir sur moi. Oh mon Dieu, je ressentais des choses jusque dans mes orteils, qui se recroquevillèrent, tout comme mes entrailles avides. Sa barbe caressa mon visage et son autre main agrippa mes fesses, m’attirant tout contre lui. Ben était déjà en train de durcir. C’était tellement, incroyablement bon. Tout l’était.

Et c’était mal.

– Qu… Qu’est-ce que tu fais ?

Pour toute réponse, il fit glisser sa langue chaude et mouillée sur le côté de mon cou. Toutes les terminaisons nerveuses de cette zone s’embrasèrent. Je me hissai sur la pointe des pieds, me penchant pour m’approcher tout près de lui. Non. Vilaine Lizzy ! Ce n’était pas du tout ce qui était prévu.

– Oh mon Dieu… On devrait peut-être discuter maintenant.

Les mains de ce mec étaient douées d’intelligence. Elles se retrouvèrent sous ma jupe, puis dans l’arrière de ma culotte avant que j’aie pu réaliser où elles se dirigeaient. Ses doigts robustes me pétrissaient les fesses pendant que ses dents s’enfonçaient dans la base de mon cou. Il grogna tandis que mon souffle se faisait haletant, mes poumons se contractant brusquement.

– Je suis censée partir, là.

Si je gardais les jambes fermées, j’aurais peut-être une chance de remporter cette bataille. Cela m’apparaissait comme une tâche insurmontable vu l’étendue de son arsenal – et la taille de son artillerie. Une de ses mains plongea plus bas, effectuant des caresses entre mes jambes pendant que l’autre soutenait l’arrière de ma tête. J’étais impuissante, le combat était perdu d’avance. Je n’étais vraiment bonne à rien ! Bon, d’accord, j’étais trop excitée pour réfléchir correctement et mes hormones étaient en pleine rébellion. Toute tentative de réflexion rationnelle et cohérente était massacrée sur l’autel de mon désir. Merde !

– B… Ben.

Dans un geste qui me prouva qu’il méritait son titre de dieu du rock, il fit tomber ma valise du lit d’un grand coup de botte et me fit basculer en arrière, tout en ne cessant d’exercer sur mon clitoris la plus agréable des pressions. Putain de merde. Je vis des étoiles danser devant mes yeux. J’étais plus que prête à m’enflammer pour lui. Mon séjour à Vegas ne m’avait décidément rien appris.

Cela dit, il méritait vraiment une médaille pour sa capacité à être multitâche et son talent pour le sexe. Merde.

Mon dos toucha le matelas et il grimpa sur moi, se positionnant entre mes jambes. Dieu qu’il était beau. Les contours bien dessinés de ses pommettes et l’éclat à la fois sombre et lubrique de son regard m’empêchaient de reprendre mon souffle. Mais ça n’avait pas d’importance. Mes seins pressés contre son torse étaient une récompense en soi. Il était fort possible que je possède les tétons les plus durs et les plus heureux de la création. Ils étaient tellement sensibles !

Qui avait dit que la grossesse n’était pas fun ?

Ben couvrit ma bouche de la sienne, m’embrassant à nouveau passionnément. Qu’est-ce que c’était bon ! Pendant tout ce temps-là il était appuyé sur un coude, soucieux de ne pas compresser mon ventre. Les choses qu’il était capable de faire à l’aide de sa main libre étaient tout bonnement exquises : il la fit courir le long de ma cuisse, de haut en bas, puis glisser sous mon tee-shirt pour tracer un sillon le long de mes côtes. Non… Je ne pouvais pas abandonner aussi facilement, alors que j’étais au beau milieu de mon petit laïus. C’était nul.

– J’étais sur le point de partir, insistai-je. Vraiment.

Pas de réponse de sa part. Au lieu de ça, son sexe dur frottait d’avant en arrière entre mes jambes, m’obligeant à arquer le dos. Le seul problème, c’était qu’il y avait un jean et une culotte en trop.

– Je ne crois pas que deux amis soient censés faire ça, dis-je, haletante.

Sans dire un mot, il s’assit et ôta sa chemise en la faisant passer par-dessus sa tête. Son torse était si large et musclé qu’il réduisait mon QI à la taille de mes chaussures. Tout en lui me faisait cet effet-là. La sex machine à barbe me transformait en gamine idiote et bafouillante. Triste mais vrai.

– Ben, je ne peux pas juste écarter les jambes pour toi chaque fois que tu décides que tu en as envie.

S’asseyant sur ses talons, il attrapa mes deux jambes et les tint contre lui. Puis il me débarrassa de mes chaussures et de ma culotte.

– Attends, soufflai-je.

Il ne le fit pas.

– Je n’ai peut-être pas envie de coucher avec toi, suggérai-je. (Un mensonge éhonté, mais je commençais à désespérer qu’il communique avec moi autrement que physiquement.) Tu as pensé à ça ?

Son regard rivé sur moi, il porta ma petite culotte à son nez.

– Ben, non ! Je t’interdis de renifler ma culotte !

Un sourire se déploya lentement sur son visage.

– C’est dégueulasse. Est-ce que tu me vois en train de faire ce genre de trucs ? Non.

Et encore un mensonge. Mon nez devait s’allonger à vue d’œil.

Il balança le morceau de tissu trempé sur le côté.

– Mon vagin est incontrôlable, me justifiai-je. Ça ne prouve rien.

Il déposa un doux baiser sur une des mes chevilles enflées, tout en l’étudiant de près.

– Et ne regarde pas mes chevilles. Tu sais bien qu’elles me complexent.

Je tentai de libérer mes jambes, mais il les maintenait fort contre son torse sexy, les bras enroulés autour d’eux.

– Pourquoi tu fais ça ? demandai-je.

Doucement, il entreprit de masser mes orteils d’une main. Très agréable, mais hors sujet.

– Réponds-moi.

– Tu as dit tout à l’heure qu’il n’y avait rien qu’on puisse dire pour arranger les choses, murmura-t-il tandis que sa bouche tiède et humide embrassait le côté de mon pied, les poils de sa barbe chatouillant ma peau juste ce qu’il fallait. Alors je me suis dit que j’allais te montrer pourquoi tu dois rester.

– Pour le sexe ?

– Apparemment, c’est ce dont tu as envie, là, maintenant.

– C’est toi qui as commencé, rétorquai-je.

Cet enfoiré me lança un petit sourire narquois.

– Dis-m’en plus sur ce vagin incontrôlable. Ça m’intéresse.

– Non. (J’aurais mieux fait de me taire.) Il n’y a rien à dire.

La combinaison fatale de ses lèvres douces et tièdes et de sa barbe soyeuse me rendait folle. Son corps exudait une telle chaleur, une telle force… Chaque fois qu’il me touchait, j’avais l’impression que des petites étincelles crépitaient sous ma peau, qu’une multitude de petites flammes m’embrasaient de la plus douce des façons. Comment diable étais-je censée lutter contre ça ? Ce type était doté de superpouvoirs sexuels et je n’étais que moi, une fille à problèmes dans le meilleur des cas.

– Pourquoi veux-tu que je reste ? le questionnai-je d’une voix légèrement suppliante, sans que je sache pourquoi. (Ses doigts, toujours enroulés autour de mes chevilles, me massaient doucement.) Pour le bébé ?

– Non, répondit-il. Pour tout.

– Et par « tout », tu veux dire…

Son front se rida.

– Je ne sais pas. Je pensais ce que j’ai dit tout à l’heure. Je n’ai jamais voulu d’une relation sérieuse. Mais toi tu ne voulais pas non plus avoir un bébé si jeune. J’imagine qu’on va tous les deux devoir s’y faire.

– Euh… non. (Je fermai les yeux.) Ben, on est déjà passés par là. Tu penses vouloir quelque chose avec moi, et puis finalement c’est trop pour toi alors tu préfères fuir. Et je le comprends. Je comprends que tu veuilles privilégier ta musique, ta liberté, et que tu n’aies pas envie de t’engager dans une relation sérieuse. Ce que je n’accepte pas, c’est que tu me donnes à nouveau de faux espoirs, parce que, honnêtement, la chute est vraiment dure après.

Et je livrais là mon avis d’étudiante en psycho.

– Liz.

– Non. Je ne peux pas traverser ça encore une fois.

Il demeura silencieux.

Trop d’émotions m’envahissaient ; mon corps était en désaccord avec mes sentiments. Qu’est-ce que c’était dur… Je m’éloignai de lui et entrepris de ramper hors du lit. Pleurer un bon coup sous une douche brûlante, voilà ce dont j’avais besoin. Et aussi d’un orgasme. L’hôtel disposait d’excellentes pommes de douche, je comptais bien en faire bon usage. Et je m’accorderais peut-être une bonne glace aussi. Voilà un excellent remède quand on avait le cœur brisé.

– Attends.

Lorsque le bras puissant de Ben m’arrêta et me ramena contre lui, je me laissai faire. Ce type était suffisamment musclé pour me faire faire ce qu’il voulait, il l’avait déjà démontré en de nombreuses occasions. Il faudrait que j’oublie que j’adorais être dans ses bras.

– Pourquoi ? m’écriai-je. Allez, Ben. Donne-moi une bonne raison. Pourquoi devrais-je rester ?

– Pour ça. (Il déploya une main en travers de mon ventre, sa peau bronzée produisant un étonnant contraste avec la mienne.) Pour nous. On a fait un bébé, Liz. Toi et moi.

– Ben…

– Chut. Détends-toi. Accorde-moi une minute.

Facile à dire pour lui ; il n’était pas en pleine détresse émotionnelle. Je haïssais ces hormones. Et le fait que j’aie tellement envie de lui ne m’aidait pas du tout. J’avais l’impression d’être entièrement submergée par la frustration sexuelle, mais le risque de dégâts affectifs était bien trop grand.

– Je ne m’étais pas rendu compte que ton ventre avait tellement grossi, dit-il, ses doigts me caressant avec douceur. Ça ne fait qu’une semaine qu’on ne s’est pas vus.

– Oui, confirmai-je. Il est sorti d’un coup.

Il fit glisser son nez sur mon cou, y déposant de tendres baisers au passage.

– Est-ce que tu as déjà vu quelque chose d’aussi incroyable que notre bébé qui grandit en toi ?

J’approuvai de la tête, recouvrant sa main de la mienne.

– Je suis d’accord.

– Alors partage ça avec moi. Je veux te voir tous les jours. Je veux savoir comment vous allez, tous les deux, et faire partie du truc.

En dépit de ses paroles apaisantes, je ne pus m’empêcher de me crisper dans ses bras.

– Tu es magnifique, affirma-t-il. Détends-toi.

– Essaie de te détendre avec une énorme érection dans ton dos. Je suis en train d’essayer de te quitter – même si on n’était pas vraiment en couple – et ton pénis ne m’aide pas vraiment, là.

Il émit un petit rire, sans pour autant faire quoi que ce soit pour ôter ladite érection de mon postérieur.

– Il va falloir que tu cesses d’être jaloux, poursuivis-je. Je finirai par rencontrer quelqu’un. Tu ne peux pas te transformer en homme des cavernes chaque fois que je parle à un mec. Bébé ou non, tu n’en as pas le droit, Ben.

– Alors donne-m’en le droit.

– Pour que tu prennes peur et que tu te barres ? Non.

– Merde. Écoute, Liz, le problème c’est que je n’arrive pas à t’oublier. (Il appuya son menton sur mon épaule.) Tu es la seule fille dont j’ai envie.

Tout mon corps se figea, à l’exception de mes sourcils qui étaient froncés.

– Est-ce que ça a un lien avec tes problèmes d’érection ? Parce que ça n’a pas l’air de t’en poser, là.

– Je n’ai pas de problèmes d’érection. J’ai un problème avec toi. Apparemment, ma bite pense qu’elle t’appartient. Mais il y a plus que ça…

– Les bites ne pensent pas. On en a déjà discuté.

– On avait tort.

– Ah. Alors j’ai un pénis à moi. O.K., continue. (La curiosité venait clairement de prendre le dessus.) Quoi d’autre ?

Je sentis la chaleur de son visage dans mon cou.

– Je ne peux pas supporter l’idée que quelqu’un d’autre te touche, putain, déclara-t-il.

Je levai les yeux au ciel. Quel homme de Neandertal. Et s’il venait de me livrer deux informations intéressantes, aucune d’elles ne justifiait que nous soyons autre chose qu’amis.

– Ce n’est pas seulement à cause du bébé, bougonna-t-il.

– Je n’en suis pas si sûre, objectai-je en faisant reposer ma tête contre la sienne.

C’était nul de ma part, mais j’aimais me blottir contre lui. Et puis, c’était lui qui avait commencé.

– C’est la vérité, dit-il.

– Prouve-le.

– Le prouver ? Et comment je suis censé faire ça ?

– Je n’en sais rien.

– Putain… Bon, d’accord. J’ai utilisé Sasha…

Le reste de sa phrase ne fut que marmonnements incompréhensibles. Sa bouche pressée contre mon cou avait étouffé tous ses mots.

– Qu’est-ce que tu as dit ?

Nouveaux balbutiements.

– Ben, parle plus clairement.

Avec un gémissement, il releva la tête, se penchant pour pouvoir me regarder dans les yeux.

– J’ai utilisé Sasha pour t’oublier. Je savais que tu ne pouvais pas être une relation sans lendemain, et Mal n’arrêtait pas de me demander ce qui s’était passé à Vegas, si j’avais fait quelque chose avec toi ou quoi. Et puis il a commencé à dire que tu avais un copain et que tu allais sûrement venir avec lui au dîner.

– Quoi ? m’exclamai-je en plissant le nez.

– Oui.

– Pourquoi il a dit un truc pareil ?

– À ton avis ?

– Ce type est un vrai fouille-merde.

Et une nouvelle pièce pour la boîte à gros mots. À ce rythme-là, on allait rapidement pouvoir financer les études et le premier appartement du haricot. Et peut-être aussi une année de voyages en Europe.

– Il a toujours été comme ça, il ne changera pas. Du coup j’ai invité Sasha à ce dîner pour qu’il me lâche la grappe. Tu me manquais, on ne se parlait plus, et je pensais que tu viendrais accompagnée.

Je secouai la tête.

– Je ne sais pas si je voulais te rendre jalouse ou si j’essayais de passer à autre chose. C’était une fille cool.

– Tu la trouvais cool ? dis-je, le menton levé.

– Pas toi ?

– Pas si cool que ça, répondis-je sans la moindre trace de snobisme dans la voix.

– Ah bon ?

– Disons que c’est un peu Mme Je-sais-tout. Elle est un peu arrogante. Et ses cheveux étaient tellement… bleus.

D’accord, ses cheveux étaient incroyablement cool, mais il était hors de question que je l’admette. Derrière moi, le silence était terrifiant.

– Quoi ?

– Rien, répondit-il d’une voix qui affirmait le contraire.

– Oh la ferme, soupirai-je. Bon, O.K., elle était plutôt cool.

À un moment donné je m’étais mise à jouer avec ses doigts, les touchant, les tripotant, les entortillant entre les miens. C’était le problème avec Ben : être à l’aise avec lui me venait beaucoup trop facilement.

– Bref, dit-il. Tout ça, c’était avant que je sache pour le bébé.

– C’est vraiment cruel de ta part de lui avoir fait ça.

– Oui, admit-il d’un ton solennel.

– Ça ne m’étonne pas qu’elle ait été furieuse.

Il hocha la tête et me caressa tendrement la joue.

– À sa place, je t’aurais brisé les couilles, déclarai-je.

Il eut une moue, puis son regard se teinta d’une note dure auquel je répondis par un haussement d’épaules. On récolte ce qu’on sème.

– On a dû lui filer du fric pour qu’elle ne dise rien à propos de toi. Adrian et les avocats s’en sont occupés.

– Non ! La salope !

– Mmh.

Je laissai échapper un soupir.

– Donc on sait maintenant qu’on se comporte comme deux gamins d’école primaire. Qu’est-ce que ça prouve ?

– Qu’il faut qu’on règle ce truc entre nous.

– Je pensais que c’était ce qu’on essayait de faire.

Il mit sa main en coupe autour de ma mâchoire.

– Je n’ai pas dit lutter contre, précisa-t-il. J’en ai terminé avec ça. Je voulais dire y aller lentement et essayer de comprendre ce qu’il y a entre nous.

Mon front n’était plus qu’une accumulation de rides, je le sentais. Mon cœur ne devait pas être en meilleur état.

– Ma belle ?

– Je ne te fais pas confiance, Ben. Je suis désolée. J’aimerais qu’il en soit autrement, mais je n’arrête pas de faire des efforts, de penser que tu en as envie aussi, et…

– Et je n’arrête pas de tout faire foirer.

– Oui.

Je crus qu’il allait me laisser partir, retourner faire la fête pour se consoler – ou peut-être consoler quelqu’un d’autre –, mais non. Au lieu de cela, il s’adossa contre la tête de lit et m’installa entre ses jambes. Je ne l’en empêchai pas.

– Tu es en colère ? le questionnai-je, déconcertée.

– Comment dire… (Il émit un son grave qui, je peux vous l’assurer, n’était que pur sexe des cordes vocales.) Lizzy, quand tu dis que tu ne me fais pas confiance, ça me donne juste envie de tout casser. Ça me rend dingue.

– C’est une réaction compréhensible, quoiqu’un peu violente.

– Mais avec notre historique, la situation est compliquée, expliqua-t-il, tout en frottant sa bouche et sa barbe piquante contre ma nuque, me procurant des frissons tout le long de la colonne vertébrale – il fallait vraiment que je m’attache les cheveux plus souvent, parce que c’était juste divin. Et, comme tu l’as dit, on va avoir un bébé, continua-t-il.

– C’est vrai.

– Mais je ne vais pas fuir cette fois. Tu peux dire ce que tu veux, je reste.

– Vraiment ?

– Oui.

Ses mains expertes écartèrent mes jambes, la tiédeur de sa peau apaisant mes cuisses. Bon Dieu, qu’est-ce que j’aimais qu’il me touche.

– Qu’est-ce que tu fais ? demandai-je, le souffle court.

– Rien.

Il fit glisser ses doigts à l’intérieur de mes cuisses, dessinant un sillon à l’aide des jointures de ses poings. Je faillis pleurer lorsqu’il s’interrompit à quelques centimètres de mon sexe et se retourna.

– Je ne te crois pas.

Il remonta alors soigneusement ma jupe, me mettant à nu. Un son purement sexuel émana de son torse, se propageant dans mon dos.

– Liz, putain… J’adore ta chatte. Elle m’a manqué.

– Mmh. (Mes épaules se contractèrent, se soulevant légèrement.) Ben…

– C’est bon.

– Ça me paraît dangereux.

– Moi ça me paraît très bien, murmura-t-il en me mordillant l’oreille. Ma bite est toute à toi, autant que tu aies le reste aussi.

– Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

– Qu’au lieu d’essayer de fuir, je vais plutôt essayer de te faire jouir.

– Rien de tout ça ne me rassure, Ben. (Je renversai la tête en arrière, pivotant sur le côté afin de pouvoir voir son visage. Il avait l’air sincère. Cela dit, j’avais déjà commis cette erreur une fois ou deux par le passé.) Est-ce que tu peux m’expliquer ça autrement qu’en langage rock’n’roll, s’il te plaît ?

– Et tu disais que Sasha était arrogante, ironisa-t-il, un sourire s’esquissant sur ses lèvres. Ça veut dire que je vais faire en sorte que tu aies à nouveau confiance en moi.

Que répondre à ça ? Rien.

Tout en m’observant, il enfonça deux doigts dans sa bouche pour les humidifier. Puis il les fit glisser lentement de haut en bas sur mon vagin, ce qui eut pour effet de me couper la respiration. Tout mon être se tendit de délectation. Oh mon Dieu ! Si Ben mesurait l’emprise qu’il avait sur moi, je serais perdue.

– Merde, ma belle. Tu as vraiment perdu tout contrôle. Je t’ai à peine touchée.

– C’est les hormones. Ça me rend complètement dingue.

Il m’adressa un sourire – un sourire auquel je ne faisais aucune confiance, mais bon sang qu’il était beau. Mon cœur et tout mon être se libérèrent tandis qu’une vague de chaleur me terrassait. Par pitié, il était totalement impossible que je sois amoureuse de ce petit con.

– Tu veux vraiment que je te fasse confiance ? lui demandai-je.

Il dessina alors des cercles lents autour de mon clitoris avant de faire glisser en moi le bout de son doigt, d’avant en arrière. Il jouait avec moi. De la torture à l’état pur.

– Oui, répondit-il. Vraiment.

– Tu es sérieux à propos de ça ? De nous ?

– Je le suis. (Sans jamais me quitter du regard, il enfonça son doigt dans mon vagin.) Tu es très mouillée.

– Ouais. Tu sais, c’est un peu difficile de se concentrer sur une discussion sérieuse alors que tu as un doigt dans mon vagin.

– On parlera autant que tu veux plus tard, c’est promis.

– D’accord.

Ma gorge produisit un bruit pitoyable tandis que mes muscles se serraient autour de son doigt épais. Quant à mes mains, elles étaient pareilles à de véritables griffes s’enfonçant dans ses cuisses dures.

– Tu t’étais donnée à fond à Vegas, mais là… Putain, c’est trop bon, ma belle.

– Je me masturbe. Beaucoup.

– Plus maintenant, m’ordonna-t-il. C’est mon job de m’occuper de toi. Crois-moi, Lizzy, je ne te décevrai plus.

Le doigt qui se trouvait en moi trouva un point sensible et entreprit de le caresser avec une aisance experte. Aussi facilement que ça, il réussit à me mettre sens dessus dessous. C’était un miracle que mes tétons n’aient pas percé des trous dans le tissu de mon haut, parce qu’ils me semblaient suffisamment durs pour le faire. Mes épaules exercèrent une pression contre son torse musclé tandis que son pouce caressait mon clitoris d’avant en arrière. Je vis des éclairs, des étoiles filantes – la totale. Le monde entier se voila de blanc.

J’étranglai le cri qui sortit de ma gorge – ou au moins en partie. Bon sang ! J’étais assise entre ses genoux, la respiration coupée, la peau ultra-sensible, de la sueur perlant à mon front et dans mon dos. C’était parfait.

– Je te sens encore palpiter, dit-il en posant sa main sur mon sexe.

Je m’étirai en bâillant, revenant lentement sur terre. J’étais au paradis.

– Tu en avais vraiment besoin, on dirait.

– Oui, confirmai-je.

Me tournant vers lui, je me blottis contre son torse. Si je me tenais un peu sur le côté, j’avais suffisamment de place pour mon ventre. Quel homme confortable il faisait ! Très utile en matière d’orgasmes également. Je devais avouer que ses doigts étaient nettement plus efficaces que les miens.

– Tu vas t’endormir sur moi, maintenant ? me demanda-t-il, incrédule.

Je hochai la tête, les yeux fermés. Qu’est-ce qu’il sentait bon ! Il faudrait envisager de mettre son odeur en bouteille. J’en achèterais par palettes entières. Pendant ce temps-là, son érection continuait d’appuyer sur ma hanche. Ah, désolée, mon pote. J’étais K.-O., incapable de me relever.

– Tu voulais y aller doucement, lui fis-je remarquer. (Un grondement mécontent me parvint.) Tu veux vraiment être mon petit ami ? lui demandai-je, ouvrant à demi un œil.

Une main lissa le tissu de ma jupe et il nous fit glisser plus bas sur le lit.

– Petit ami ? Euh… (Sa voix profonde vibra à travers moi, m’emmenant encore plus près du sommeil.) Je n’ai encore jamais été le petit ami de quelqu’un.

– Ah bon ?

– Non.

Il m’encercla de ses bras et les poils de sa barbe caressèrent mon front pendant qu’il s’installait confortablement contre les oreillers.

– Ton petit ami, répéta-t-il, songeur.

– C’est une grosse décision. Tu devrais prendre un peu de temps pour y réfléchir, et me dire quand tu te sentiras prêt à en reparler.

Son front se rida.

– Tu le prends cool, dis donc, dit-il.

Oui, et pour être honnête il était plus que temps. Sans compter que lui courir après ne m’avait menée nulle part jusque-là. On ne pouvait pas se battre contre des moulins à vent éternellement ; à un moment donné il fallait accepter de regarder les choses sous un autre angle.

Haussant les épaules, je fis glisser une main sur son ventre, m’approchant plus près de lui. Sa peau était si lisse, et les poils qui parsemaient son torse étaient un véritable délice au toucher. Tout en lui était un délice. J’étais prête à parier que même ses ongles de pieds pourraient m’exciter. Ce qui ne signifiait pas pour autant que j’allais lui rendre la tâche facile.

– Liz ?

– Mmh ?

– Il y a des avantages en nature avec ce statut de petit ami… ?

– Peut-être bien.

– Est-ce que j’aurai le droit de dormir et de me doucher avec toi ?

– Oui.

Il émit un petit bruit de contentement.

– Et est-ce que je pourrai te peloter quand je veux ?

– Dans les limites du raisonnable.

– Ton corps a toujours été beau, ma belle, mais en ce moment il est carrément magnifique.

– Vraiment ? répliquai-je, levant la tête pour lui adresser un regard curieux. Pourtant je me sens juste grosse et gonflée.

D’une main, il entreprit de caresser une de mes fesses.

– Ne dis pas n’importe quoi. Tu as des courbes magnifiques, et tu portes mon bébé. Je n’aurais jamais pensé que ça puisse être excitant, je n’y avais même jamais pensé, en fait. Mais c’est le cas, ma belle.

– Ah…

– Qu’est-ce que ça implique d’autre, cette histoire de petit ami ? demanda-t-il d’une voix qui vibra dans son torse et dans mon oreille.

– Cette « histoire de petit ami » ? Tu es sérieux ?

– Désolé. Tu vois ce que je veux dire. (Il me serra dans ses bras.) Quoi d’autre ? Allez.

– D’accord. Laisse-moi réfléchir.

Je fis passer mes doigts dans les poils tout doux de sa barbe. J’aurais pu rester allongée là sur lui toute la nuit à écouter les battements de son cœur résonner dans sa poitrine, à sentir ses côtes se soulever puis retomber en rythme à chacune de ses respirations. Être allongée là et savoir que cet homme si spécial était vivant et avait choisi d’être avec moi, ici, maintenant. Le paradis sur terre.

– Tu sais, je ne suis pas très sûre en réalité, avouai-je d’une petite voix. Je n’ai encore jamais eu de petit ami officiel. Mais il faut qu’on soit là l’un pour l’autre, il faut qu’on se parle. Je ne vois pas comment ça pourrait marcher autrement.

– Mmh.

– Et évidemment, il faudrait qu’on soit fidèles.

Il grommela.

– Si tu décides que c’est ce que tu veux, alors on ira doucement et on verra au fur et à mesure comment ça se passe.

– Ouais.

Délicatement, il frotta mon dos de haut en bas, m’aidant à me libérer de mes tensions.

– Je n’ai pas l’intention de te prendre ta liberté, Ben. Je veux juste une place dans ton monde. Une place importante.

Il tendit le cou, levant mon menton pour me forcer à le regarder.

– Ma belle, tu es importante pour moi depuis le jour où je t’ai rencontrée. Tu es la seule fille vers laquelle je retourne toujours. À aucun moment je n’ai réussi à te sortir de ma tête. C’est la première fois que ça m’arrive.

– C’est vrai ?

– Oui.

Ses doigts massaient à présent ma nuque pour en défaire les nœuds. Le silence se fit entre nous un moment.

– Je veux être ton petit ami, Liz.

Je n’aurais pas pu contenir mon sourire même en essayant.

– Ça me plairait, répondis-je.

Il repoussa les cheveux de mon visage et me regarda.

– D’accord.

– D’accord.