Chapitre 10

La sonnette de la porte d’entrée retentit juste après10 heures. David, qui dormait contre mon dos, ne se réveilla pas le moins du monde. Avec quelques heures de sommeil en plus, je me sentais presque humaine. Je dégageai son bras en essayant de ne pas le déranger. J’enfilai mon débardeur et mon jean noir et dévalai l’escalier, faisant de mon mieux pour ne pas me briser le cou. Ce devait sûrement être encore des livraisons.

–  Petite mariée ! Laisse-moi entrer, beuglait Mal de l’autre côté de la porte.

S’ensuivit une démonstration de percussion impressionnante lorsqu’il tapa contre le bois massif. Incontestablement le batteur.

–  Ev !

J’ouvris la porte et Mal entra en trombe, suivi par un Tyler au ralenti. Étant donné qu’il avait bu et joué de la musique avec David jusqu’au petit matin, son état ne m’étonna pas vraiment. Le pauvre homme avait visiblement une gueule de bois épouvantable. Ses cernes dus au manque de sommeil lui faisaient deux yeux au beurre noir. Une boisson énergisante était collée à ses lèvres.

–  Mal, mais qu’est-ce que tu fais ici ?

J’arrêtai de me frotter les yeux. Piqûre de rappel : je n’étais pas chez moi.

–  Désolée, c’était impoli de ma part. Je suis simplement étonnée de te voir. Salut, Tyler.

J’avais espéré avoir mon mari pour moi toute seule aujourd’hui mais ça semblait mal parti.

Mal laissa tomber mon sac à dos à mes pieds. Il était tellement occupé à regarder autour de lui qu’il ne semblait même pas avoir entendu ma question, impolie ou non.

–  David dort encore, dis-je avant de fouiller dans mon sac.

Oh, mes affaires. Mes merveilleuses affaires. Mon sac à main ! Mon portable ! Il y avait de nombreux messages de Lauren et quelques-uns de mon père. J’ignorais qu’il savait envoyer des textos.

–  Merci de me l’avoir rapporté.

–  David m’a téléphoné à 4 heures du matin pour m’annoncer qu’il avait écrit de nouvelles chansons. Je me suis dit que j’allais venir voir ça et que tu pourrais avoir besoin de tes fringues.

Les mains sur les hanches, Mal contemplait la splendeur de la nature par la baie vitrée.

–  Putain, mais regarde-moi cette vue !

–  Pas mal, hein ? fit Tyler. Attends de voir le studio.

Mal mit ses mains en coupe autour de sa bouche.

–  Hé, la rock star. Ramène tes fesses ici !

–  Bonjour mon chou, dit Pam en faisant tournoyer un trousseau de clés autour de son doigt. J’ai essayé de les persuader d’attendre encore quelques heures mais, comme tu peux le voir, j’ai échoué. Désolée.

–  Ne t’inquiète pas, répondis-je.

Je ne suis pas très tactile d’habitude. Chez moi, on ne s’embrasse pas beaucoup. Mais Pam était si gentille que je lui rendis son étreinte dès qu’elle passa ses bras autour de moi.

La veille, nous avions parlé des heures durant dans le studio d’enregistrement. Ça avait été très instructif. Mariée à un célèbre producteur, elle connaissait ce mode de vie depuis plus de vingt ans. Les tournées, les enregistrements, les groupies… elle avait connu tout le cirque rock’n’roll. C’est à l’occasion d’un festival que Tyler et elle étaient tombés amoureux de Monterey, avec son littoral découpé et sa vue imprenable sur l’océan.

–  Les meubles du salon et d’autres lits devraient bientôt arriver. Mal, Tyler, aidez-moi à déplacer les cartons. On va les empiler contre la cheminée.

Soudain, elle s’arrêta et m’adressa un sourire circonspect.

–  Stop. C’est toi la maîtresse de maison. C’est toi qui donnes les ordres ici.

–  Oh, contre la cheminée, c’est parfait, merci.

–  Vous l’avez entendue, les garçons. Allez, on se bouge.

Tyler ronchonna mais posa sa canette et se dirigea vers un carton, traînant des pieds tel un zombie.

–  Attendez.

Mal fit claquer ses lèvres à notre attention, à Pam et moi.

–  Je n’ai pas encore eu mes câlins du matin.

Brusquement, il attrapa Pam, la souleva et la fit tournoyer jusqu’à ce qu’elle éclate de rire. Les bras ouverts, il se dirigea ensuite vers moi.

–  Viens voir papa, petite marmotte.

Je tendis une main pour l’arrêter, en riant.

–  C’est limite malsain, Mal.

–  Laisse-la tranquille, intervint David du haut de l’escalier, en bâillant et en se frottant les yeux.

Il ne portait toujours que son jean. C’était ma kryptonite. J’oubliai sur-le-champ toutes mes bonnes résolutions. Mes jambes se mirent à flageoler. Je détestais ça.

Étions-nous mariés ou pas, aujourd’hui ? Il avait beaucoup bu la nuit dernière. Les gens ivres et les promesses ne faisaient pas bon ménage – nous l’avions tous deux appris à nos dépens. J’espérais simplement qu’il se souvenait de notre conversation et n’avait pas changé d’avis.

–  Qu’est-ce que tu fous ici ? gronda David.

–  Je suis venu écouter tes nouvelles chansons, mec. Ça te pose un problème ?

Mal le dévisagea d’un air de défi, mâchoires serrées.

–  Mais je devrais plutôt te foutre une branlée. Putain, mec, c’était ma batterie préférée !

David descendit les marches d’un pas raide.

–  J’ai dit que j’étais désolé. Je le pensais vraiment.

–  Peut-être bien. Mais il est quand même temps de payer, espèce de connard.

Un court instant, David resta silencieux. Son visage se tendit mais il y avait un air de résignation dans ses yeux fatigués.

–  Très bien. Comment ?

–  Ça va faire mal. Très mal.

–  Plus mal que de voir ta tronche alors qu’Ev et moi passons du temps tous les deux ?

Mal eut vraiment l’air penaud.

David s’arrêta au pied de l’escalier, dans l’expectative.

–  Tu veux qu’on aille régler ça dehors ?

Pam et Tyler restèrent silencieux, simples spectateurs. J’eus le sentiment que ce n’était pas la première fois que ces deux-là s’affrontaient. Ah, les hommes… Mais je restai près de Mal, en alerte. S’il faisait un pas vers David, je lui sauterais dessus, je lui tirerais les cheveux, n’importe quoi. Je ne savais pas comment, mais je l’arrêterais.

Mal le toisa.

–  Je ne vais pas me battre avec toi. Je ne voudrais pas me faire mal aux mains alors qu’on a du pain sur la planche.

–  Alors quoi ?

–  Tu as déjà détruit ta guitare préférée. Donc il va falloir trouver autre chose.

Il se frotta les mains.

–  Quelque chose que l’argent ne peut acheter.

–  Quoi ? demanda David, soudain méfiant.

–  Salut, Ev.

Mal sourit et passa un bras autour de mes épaules, me serrant contre lui.

–  Hé ! protestai-je.

Soudain, sa bouche couvrit la mienne sans y avoir été invitée. David cria pour protester. Un bras passé dans mon dos, Mal me renversa en arrière et m’embrassa brutalement, meurtrissant mes lèvres. Je m’accrochai à ses épaules de peur de tomber. Lorsqu’il essaya de fourrer sa langue dans ma bouche, je n’hésitai cependant pas à le mordre.

L’idiot hurla.

Bien fait.

Aussi rapidement qu’il m’avait inclinée, il me redressa. Ma tête me tournait. Je posai une main contre le mur pour m’empêcher de m’étaler de tout mon long. Je me frottai la bouche, essayant de me débarrasser de son goût, tandis que Mal me lançait un regard blessé.

–  Merde ! Ça fait mal.

Il se toucha prudemment la langue pour constater les dégâts.

–  Je saigne !

–  Tant mieux.

Pam et Tyler gloussèrent, très amusés.

Des bras m’enlacèrent par-derrière et David murmura à mon oreille :

–  Bien joué.

–  Tu savais qu’il allait faire ça ? demandai-je, soudain très énervée.

–  Bien sûr que non ! (Il frotta son visage contre ma tête, ébouriffant mes cheveux.) Je n’ai aucune envie que quelqu’un d’autre te touche.

Bonne réponse. Ma colère fondit comme neige au soleil. Je posai mes mains sur les siennes et il me serra plus fort.

–  Tu veux que je lui casse la gueule ? Tu n’as qu’un mot à dire.

Je fis semblant d’y réfléchir tandis que Mal nous observait avec intérêt. Nous semblions beaucoup plus proches que nous ne l’avions été à Los Angeles. Mais ça ne regardait personne. Ni ses amis, ni la presse, ni personne.

–  Non, répondis-je doucement, des papillons dans l’estomac. Je crois qu’il ne vaut mieux pas. La puissance de mes sentiments m’effrayait.

David me fit pivoter et je me blottis contre lui, passant mes bras autour de sa taille. Ça semblait évident. L’odeur de sa peau m’enivrait. J’aurais pu rester là à le respirer pendant des heures. Nous avions l’air d’un vrai couple, mais je n’avais plus confiance dans mon jugement, si ça m’était même déjà arrivé.

–  Malcolm se joint à vous pour votre lune de miel ? demanda Pam d’une voix incrédule.

David gloussa.

–  Ce n’est pas notre lune de miel. Si on part en voyage de noces, ce sera loin de tout. Et il ne sera pas là, sois-en sûre.

–  Si ?

J’adorais Pam.

–  Quand, corrigea-t-il en me serrant fort.

–  Tout cela est vraiment très attendrissant, mais je suis venu pour faire de la musique, intervint Mal.

–  Alors tu vas devoir patienter, rétorqua David. Ev et moi avons des projets pour ce matin.

–  Ça fait deux ans que j’attends que tu nous pondes quelque chose !

–  Pauvre chéri. Tu peux bien attendre quelques heures de plus.

David me prit par la main et m’entraîna vers l’escalier. L’excitation m’envahit. Il m’avait choisie, moi, et c’était un sentiment merveilleux.

–  Ev, je suis désolé de t’avoir embrassée de force, déclara Mal, accroupi à côté d’un des cartons.

–  Tu es pardonné, répondis-je, magnanime, alors que nous arrivions en haut des marches.

–  Tu vas t’excuser de m’avoir mordu ?

–  Nan.

–  Ce n’est pas très gentil.

David ricana sous cape.

–  O.K. Messieurs, nous avons des cartons à déplacer, entendis-je déclarer Pam.

David nous brusqua dans le couloir et ferma la porte de la chambre à clé derrière nous.

–  Tu as remis tes vêtements, remarqua-t-il. Retire-les.

Sans attendre, il attrapa le bord de mon débardeur qu’il fit passer par-dessus ma tête et mes bras tendus.

–  Je m’étais dit qu’ouvrir la porte à moitié nue n’était peut-être pas l’idéal.

–  Tu marques un point, murmura-t-il en m’attirant contre lui et en me plaquant contre la porte. Tu avais l’air inquiète tout à l’heure. Qu’est-ce qui s’est passé ?

–  Rien du tout.

–  Evie.

Quelque chose dans la façon dont il avait prononcé mon prénom eut raison de moi. Ajouté au fait qu’il m’acculait, pressant son corps contre le mien. Je posai mes mains à plat sur sa poitrine musclée. Pas pour le repousser, mais simplement parce que j’avais besoin de le toucher.

–  Je me demandais… Après notre discussion de ce matin, lorsqu’on a… euh… évoqué la signature des papiers lundi.

–  Oui, et ? demanda-t-il en me regardant droit dans les yeux.

Impossible de me défiler.

–  Eh bien, je me demandais si tu n’avais pas changé d’avis. Tu avais beaucoup bu.

–  Je n’ai pas changé d’avis.

Son bassin se colla au mien et ses mains effleurèrent mes hanches.

–  Et toi ?

–  Non plus.

–  Tant mieux.

Ses mains chaudes entourèrent ma poitrine et je perdis toute capacité à réfléchir.

–  Ça ne te dérange pas ? demanda-t-il en jetant un regard sans équivoque en direction de ses mains.

Je secouai la tête. J’avais visiblement perdu la parole en même temps que la raison.

–  Bon, voilà le programme. Parce que je sais combien tu aimes les programmes. Nous allons rester dans cette chambre jusqu’à ce que nous soyons tous les deux convaincus d’être sur la même longueur d’ondes concernant notre avenir. D’accord ?

Je hochai la tête. Ce programme avait mon soutien le plus total.

–  Bien.

Il posa la paume d’une de ses mains entre mes seins, bien à plat contre ma poitrine.

–  Ton cœur bat vite.

–  David ?

–  Hmm ?

Non, décidemment, rien ne venait. Je choisis alors de recouvrir sa main de la mienne, la maintenant contre mon cœur. Il sourit.

–  On dirait une reconstitution de la nuit où on s’est mariés. On était assis sur le lit de ta chambre d’hôtel. Tu étais à califourchon sur moi.

–  Ah bon ?

–  Ouais.

Il me conduisit vers le lit et s’assit au bord.

–  Viens là.

Je grimpai sur ses genoux, mes jambes enroulées autour de lui.

–  Comme ça ?

–  Parfait.

Ses mains enserrèrent ma taille.

–  Tu as refusé d’aller dans ma suite au Bellagio. Tu as dit que j’étais trop loin de la réalité et que j’avais besoin de voir comment vivaient les petites gens.

Je gémis, gênée.

–  Ça ne me semble pas le moins du monde arrogant…

Sa bouche s’infléchit en un petit sourire.

–  C’était amusant. Mais surtout, tu avais raison.

–  Ne me dis pas ça trop souvent ou je vais finir par le croire.

–  Arrête de plaisanter, bébé. Je suis sérieux. J’avais besoin d’une bonne dose de réalité. De quelqu’un qui sache me dire non de temps en temps. C’est ce qu’on fait. On se pousse hors de nos zones de confort.

Ça se tenait.

–  Je pense que tu as raison… Mais est-ce que c’est suffisant ?

Il posa de nouveau sa main sur mon cœur et colla le bout de son nez contre le mien.

–  Tu sens ce qu’on est en train de faire en ce moment ? On construit quelque chose.

–  Oui.

Je la ressentais, cette connexion entre nous, ce besoin irrésistible d’être avec lui. Rien d’autre ne comptait. Bien sûr, il y avait le côté animal, la façon dont mon corps s’embrasait à son contact. Son odeur chaude et merveilleuse lorsqu’il se réveillait le matin. Mais je voulais plus de lui. Je voulais entendre sa voix, l’écouter parler de tout et de rien.

Je me sentais comme illuminée au plus profond de moi. Comme si un puissant mélange d’hormones déferlait en moi à la vitesse de la lumière. Son autre main entoura ma nuque, attirant ma bouche vers la sienne. Son baiser jeta du kérosène sur mon feu intérieur. Il glissa sa langue dans ma bouche pour caresser la mienne, avant de titiller mes dents et mes lèvres. Je n’avais jamais rien ressenti d’aussi bon. Ses doigts caressèrent ma poitrine, me procurant des sensations merveilleuses qui me laissèrent pantelante. Mon Dieu, la chaleur de son torse nu… Je me cambrai pour pousser mes seins vers ses mains. J’en voulais plus. Sa main se dirigea ensuite vers mon dos, me pressant contre lui. Il était dur. Je le sentais à travers nos deux jeans. La pression que cela provoqua entre mes jambes était divine. Extraordinaire.

–  C’est ça…, murmura-t-il alors que je basculai mes hanches contre lui.

Nos baisers étaient ardents, avides. Sa bouche chaude caressait ma mâchoire, mon menton, mon cou. Il me suçota la nuque et tout en moi se contracta.

–  David…

Il s’écarta pour me regarder, les pupilles dilatées. Aussi excité que moi. Merci mon Dieu, je n’étais pas la seule hors d’haleine. Un doigt traça lentement un chemin entre mes seins jusqu’à la ceinture de mon jean.

–  Tu sais ce qui s’est passé ensuite.

Sa main glissa plus bas.

–  Dis-le, Ev.

Comme j’hésitais, il se pencha vers moi et me mordilla le cou.

–  Allez. Dis-le-moi.

Jamais une morsure ne m’avait fait autant d’effet, en pensée comme en action. Non pas qu’il y ait eu beaucoup d’action dans ma vie. Mais la sensation des dents de David contre ma peau me fit chavirer. Je fermai les yeux. Un peu à cause de la morsure et beaucoup parce que j’avais à prononcer les mots qu’il voulait entendre.

–  Je ne l’ai fait qu’une fois.

–  Tu es nerveuse. Ne sois pas nerveuse.

Il m’embrassa là où il venait de me mordre.

–  Marions-nous, ajouta-t-il.

Mes paupières s’ouvrirent et je laissai échapper un petit rire de surprise.

–  Je parie que ce n’est pas ce que tu as dit l’autre nuit.

–  J’ai peut-être en effet été un peu inquiet par ton manque d’expérience. Et ça a peut-être été un sujet de tension.

Il me fit un petit sourire et embrassa le coin de ma bouche.

–  Mais tout s’est bien terminé.

–  Un sujet de tension ? Dis-moi ce qui s’est passé.

–  On a décidé de se marier. Allonge-toi sur le lit.

Il m’attrapa les hanches, m’aida à descendre de ses genoux jusqu’au matelas. Mes mains glissèrent sur les draps frais. Je m’allongeai sur le dos, il retira rapidement mon jean avant de le jeter par terre. Le lit ploya sous moi lorsqu’il s’agenouilla entre mes jambes. Je me sentais prête à imploser, mon cœur martelant ma poitrine, mais lui semblait parfaitement calme et maître de lui. Évidemment, il avait fait ça des dizaines de fois.

Probablement plus, avec les groupies et tout le reste. Des centaines ? Peut-être même des milliers ?

Je ne voulais vraiment pas y penser.

Il leva les yeux pour rencontrer les miens tandis qu’il passait les doigts sous ma culotte. Lentement, il me débarrassa du reste de mes vêtements. Je ressentis le besoin irrésistible de me couvrir et serrai le drap, frottant le tissu entre mes doigts.

Il retira son jean. Il n’y avait plus que le bruissement de ses vêtements. Il se déshabilla sans jamais cesser de me regarder sauf lorsqu’il se tourna vers la table de nuit pour en sortir un préservatif qu’il glissa discrètement sous l’oreiller.

Nu, David défiait toute description. «  Beau » ne lui rendait pas justice. Il avait un corps magnifique mais il ne me laissa pas beaucoup de temps pour l’admirer.

Il remonta sur le lit et s’allongea à côté de moi, prenant appui sur un coude. Il me caressa la hanche. Ses cheveux bruns masquaient son visage. Je voulais le voir. Il se pencha vers moi, m’embrassant, avec douceur cette fois, les lèvres et le visage. Ses cheveux effleurèrent ma peau.

–  Où en étions-nous ? susurra-t-il.

–  Nous venions de décider de nous marier.

–  Ça, c’est parce que je viens d’avoir la meilleure nuit de ma vie. Pour la première fois depuis longtemps, je ne me suis pas senti seul. La simple idée de ne pas t’avoir à mon côté chaque nuit…

Sa bouche descendit vers mon cou.

–  Je ne pouvais pas te laisser partir. Surtout après avoir appris que tu n’avais couché qu’avec un mec.

–  Je croyais que ça t’avait dérangé ?

–  Un peu, répondit-il en m’embrassant le menton. Mais tu étais visiblement prête à retenter l’expérience. Si j’avais été assez stupide pour te laisser partir, tu aurais pu rencontrer quelqu’un d’autre. Je ne supportais pas l’idée que tu baises avec un autre que moi.

–  Oh.

–  «  Oh », exactement, acquiesça-t-il. En parlant de ça, pas de doutes à propos de ce que nous sommes sur le point de faire ?

–  Aucun.

Beaucoup de nervosité mais pas de doutes.

La main sur ma hanche remonta vers mon ventre. Elle décrivit des cercles autour de mon nombril avant de plonger plus bas, me faisant frissonner.

–  Tu es si belle, souffla-t-il. Et quand je t’ai mise au défi de renoncer à ton plan et de t’enfuir avec moi, tu as dit oui.

–  Vraiment ?

–  Vraiment.

–  Merci mon Dieu.

Ses doigts caressèrent le haut de mon sexe avant de se diriger vers les muscles de mes cuisses bien serrées. Si je voulais que ça aille plus loin, j’allais devoir écarter les jambes. Je le savais. Bien sûr que je le savais. Mais le souvenir de la douleur de la dernière fois me faisait hésiter. Mes orteils étaient recroquevillés et une crampe au mollet menaçait de se déclarer à cause de toute cette tension. Ridicule. Tommy Byrnes était un connard sans délicatesse. Pas David.

–  On peut y aller aussi doucement que tu le souhaites, me rassura-t-il comme lisant dans mes pensées. Fais-moi confiance, Ev.

Sa main chaude caressa ma cuisse tandis que sa langue explorait ma nuque. C’était merveilleux mais ça ne me suffisait pas.

–  S’il te plaît…

Je tournai mon visage vers lui, cherchant sa bouche. Il plaqua ses lèvres contre les miennes, et toutes mes inquiétudes s’envolèrent. Embrasser David guérissait tous les maux. À son contact, la sensation de son corps contre le mien, le nœud de tension en moi se changea en quelque chose de doux. Un de mes bras était coincé sous moi mais je fis bon usage de l’autre, touchant toutes les parties de son corps auxquelles j’avais accès.

Lorsque je suçotai sa langue, il gémit et ma confiance grimpa en flèche. Sa main se glissa entre mes jambes. La simple pression de sa paume me fit voir des étoiles. J’interrompis notre baiser, haletante. Il me toucha, doucement d’abord, me laissant m’habituer à lui. Les choses que ses doigts pouvaient faire…

–  Elvis ne pouvait pas être des nôtres, aujourd’hui.

–  Quoi ? demandai-je, perplexe.

Il s’arrêta et mit deux doigts dans sa bouche, pour les humidifier ou me goûter, je ne savais pas. Aucune importance. Il reposa aussitôt ses mains sur moi.

–  Je n’avais envie de partager ça avec personne.

Il introduisit doucement le bout de son doigt en moi. Le retira avant de recommencer. Ce n’était pas aussi agréable que ses caresses mais ça ne faisait pas mal. Pas encore.

–  Donc, pas d’Elvis. Je vais devoir poser moi-même les questions.

Je fronçai les sourcils, incapable de me concentrer sur ce qu’il était en train de dire. La recherche du plaisir dominait mon esprit. Peut-être parlait-il durant les préliminaires. S’il le voulait, j’étais plus que disposée à l’écouter plus tard.

Son regard s’attarda sur mes seins puis il en prit un dans sa bouche. Mon dos s’arqua, faisant pénétrer un peu plus ses doigts en moi. Il me caressa entre les jambes et le plaisir augmenta. Je frissonnai délicieusement. Lorsque je me touchais, c’était agréable, mais lorsque lui me touchait, c’était incroyable. Je savais qu’il était très doué à la guitare, mais là résidait son véritable talent.

–  Mon Dieu, David.

Je me cambrai contre lui lorsqu’il passa à mon autre sein. Il introduisit un deuxième doigt en moi, un peu douloureux mais rien que je ne pouvais supporter. Pas tant qu’il laissait sa bouche sur moi et était aux petits soins pour mes seins. Son pouce s’attarda sur un point sensible et mes yeux se révulsèrent. J’étais tout près. Le plaisir qui montait en moi était stupéfiant. Renversant. Mon corps allait bientôt exploser.

S’il arrêtait, j’allais pleurer. Pleurer et supplier. Et peut-être tuer.

Heureusement, il n’arrêta pas.

Je jouis en gémissant, chacun de mes muscles crispés. C’était presque trop. Presque. Je flottais, mon corps sans énergie, rassasié pour toujours. Ou au moins jusqu’à la prochaine fois.

Lorsque je rouvris les yeux, il attendait. Il déchira le préservatif avec ses dents avant de le dérouler sur son sexe. J’avais à peine repris mes esprits qu’il s’étendit sur moi.

–  C’était bon ? demanda-t-il avec un sourire de satisfaction.

Je ne fus capable que d’un vague hochement de tête.

Il fit peser la majeure partie de son poids sur ses coudes, son corps me pressant contre le lit. J’avais remarqué qu’il aimait utiliser sa taille à notre avantage à tous les deux. Il n’y avait rien d’ennuyeux ou d’étouffant dans cette position. Je ne sais pas pourquoi je m’étais imaginé ça. À l’arrière de la voiture des parents de Tommy Byrnes, j’avais été à l’étroit et mal à l’aise, mais être sous David, sentir la chaleur de sa peau contre la mienne, c’était parfait. Et il n’y avait aucun doute quant à son envie. J’attendis qu’il entre en moi.

Toujours rien.

Il effleura mes lèvres avec les siennes.

–  Acceptez-vous, Evie Jennifer Thomas, de rester mariée à moi, David Vincent Ferris ?

Oh, voilà donc le Elvis dont il parlait. Celui qui nous avait mariés. Je repoussai ses cheveux, j’avais besoin de voir ses yeux. J’aurais dû lui demander de les attacher. Impossible de savoir s’il était sérieux.

–  Tu veux vraiment faire ça maintenant ? demandai-je, un peu déconcertée.

Ça, je ne l’avais pas vu venir.

–  Absolument. Nous allons renouveler nos vœux, et tout de suite.

–  Oui ?

Il inclina la tête, les yeux plissés et l’air visiblement peiné.

–  «  Oui » ? Tu n’es pas sûre ?

–  Non. Enfin je veux dire, si.

Je réitérai, plus clairement.

–  Oui. J’en suis sûre. Vraiment.

–  Putain, merci mon Dieu.

Sa main fouilla sous l’oreiller et ressortit avec une bague, ma bague, entre les doigts.

–  Ta main.

Je la lui tendis et il glissa l’anneau à mon doigt. Je souris à m’en faire mal aux joues.

–  Tu as dit oui, toi aussi ?

–  Oui.

Il m’embrassa avec force. Sa main glissa de nouveau sur ma hanche, mon ventre, puis entre mes jambes. C’était encore sensible et mouillé. Ses baisers avides et la façon dont il me touchait m’assurèrent que ça ne le gênait pas, bien au contraire.

Il s’étendit sur moi et frotta son érection contre mon sexe. On y était. Et soudain, merde, impossible de me détendre. Le souvenir de la douleur de la dernière fois me frappa de plein fouet. Peu importait combien j’étais mouillée si mes muscles ne se décrispaient pas. Je haletai, mes cuisses serrant ses hanches. Son sexe était dur et gros, et ça faisait mal.

–  Regarde-moi.

Le bleu de ses yeux s’était assombri, sa mâchoire serrée. Sa peau moite luisait dans la pénombre.

–  Hé…

–  Hé…, répondis-je dans un murmure.

–  Embrasse-moi.

Il se pencha et je l’embrassai, ma langue avide explorant sa bouche. Doucement, il bascula contre moi, s’enfonçant plus profondément en moi. La pulpe de son pouce décrivit des cercles autour de mon clitoris, neutralisant la douleur. Celle-ci s’atténua, s’approchant plus d’une légère gêne avec une pointe de plaisir. Pas de problème. Ça, je pouvais le supporter.

Ses mains remontèrent de mes cuisses à mes fesses. Il m’attira contre lui, s’enfonça encore un peu plus et me pénétra lentement jusqu’à être totalement enfoui en moi. J’avais l’impression qu’il n’y avait pas assez de place en moi pour lui.

–  Tout va bien, murmura-t-il.

Facile à dire pour lui.

Merde.

Nous demeurâmes immobiles, nos corps enlacés. Mes bras étaient si serrés autour de sa tête que je ne savais pas comment il pouvait respirer. Il arriva quand même à tourner son visage pour embrasser mon cou et lécher la sueur sur ma peau. Puis il remonta vers ma mâchoire et ma bouche. Je relâchai un peu mon étreinte.

–  C’est ça. Essaie de te détendre.

Je hochai la tête de manière saccadée.

–  Tu es si belle, et c’est si bon d’être en toi.

Sa main robuste caressait ma poitrine, ses doigts étreignaient mes hanches. Mes muscles se détendirent progressivement alors que mon corps s’habituait à sa présence. Chaque fois qu’il me touchait et me susurrait des mots doux, la douleur s’estompait un peu plus.

–  C’est bon, finis-je par dire, les mains sur ses biceps. Tout va bien.

–  Non, c’est plus que bon. C’est extraordinaire.

Je lui fis un sourire béat. Il savait vraiment parler aux femmes.

–  Ça veut dire que je peux bouger ? demanda-t-il.

–  Oui.

Il s’enfonça lentement en moi, puis de plus en plus vite alors que mon corps s’habituait peu à peu à lui. Nous étions vraiment en train de faire la chose. Impossible d’être plus proche physiquement. J’étais tellement heureuse que ce soit lui. Lui, et pas un autre.

Tommy avait duré deux secondes. Assez de temps pour déchirer mon hymen et me faire mal. David, lui, me touchait, m’embrassait, prenait son temps. Peu à peu, la douce chaleur, cette sensation de pression qui montait en moi, m’envahit de nouveau. Il était doux, tendre, me nourrissant de longs baisers humides. Il allait et venait voluptueusement en moi. Il me regardait intensément, jaugeant ma réaction à chacun de ses gestes.

Je finis par me cramponner à lui en jouissant fort. C’était comme si les feux d’artifice du 4 Juillet explosaient en moi, chauds, brillants et parfaits. Je bégayai son nom et il s’enfonça une dernière fois en moi. Il poussa un long râle et tout son corps trembla. Il enfouit son visage dans mon cou, son souffle réchauffant ma peau.

Nous l’avions fait.

Waouh.

Ça faisait un peu mal. Les gens avaient raison sur ce point-là. Mais rien à voir avec la dernière fois. Il se retira doucement et s’écroula sur le lit à côté de moi.

–  On l’a fait, murmurai-je.

Il ouvrit les yeux. Sa poitrine était toujours haletante. Après un moment, il roula sur le côté pour me faire face. Il n’existait pas d’homme plus merveilleux. Ça, j’en étais convaincue.

–  Oh oui. Ça va ?

–  Oui.

Je me rapprochai, recherchant la chaleur de son corps. Il passa un bras par-dessus ma taille, m’attirant à lui. Me faisant savoir que j’étais désirée. Nos visages n’étaient qu’à quelques centimètres l’un de l’autre.

–  C’était tellement mieux que ma première fois. Je crois que j’aime le sexe, finalement.

–  Tu ne peux pas savoir à quel point je suis soulagé d’entendre ça.

–  Tu étais nerveux ?

Il rit doucement en se rapprochant un peu plus.

–  Pas autant que toi. Je suis heureux que tu aies aimé.

–  J’ai adoré. Tu as décidément de nombreux talents.

Il sourit, non sans une certaine fierté.

–  Tu ne vas pas prendre la grosse tête maintenant, j’espère.

–  Je n’oserais pas. Je vous fais confiance pour m’aider à garder les pieds sur terre, madame Ferris.

–  Madame Ferris…, répétai-je sans cacher mon émerveillement.

–  Mmm.

Ses doigts caressèrent mon visage. J’attrapai sa main nue pour l’examiner.

–  Tu n’as pas d’alliance.

–  Non, en effet. Il va falloir y remédier.

–  Tout à fait.

Il sourit.

–  Bonjour, madame Ferris.

–  Bonjour, monsieur Ferris.

Il n’y avait pas assez de place en moi pour tous les sentiments qu’il m’inspirait.

Loin de là.