Le genou de David gigota durant tout le trajet vers Los Angeles. Lorsque je posai la main sur sa jambe, il se mit à jouer avec mon alliance, la faisant tourner autour de mon doigt. Apparemment, nous avions tous les deux la bougeotte.
Je n’étais jamais montée dans un hélicoptère. La vue était spectaculaire mais c’était bruyant et pas très confortable – je comprenais pourquoi les gens préféraient prendre l’avion. Des réverbères aux maisons en passant par les immenses tours flamboyantes, la ville scintillait. Tout avait changé. J’étais redevenue le petit paquet de nerfs en manque de sommeil que j’étais en quittant Portland, il n’y a pas si longtemps. Mal s’était affalé dans un coin et s’était endormi. Pas inquiet pour un sou. En même temps, il n’avait aucune raison de l’être. Il faisait partie du groupe, bien ancré dans la vie de David.
Nous atterrîmes un peu après 4 heures du matin. Sam le garde du corps nous attendait près de la zone d’atterrissage, la mine grave, très pro.
– Madame Ferris. Messieurs.
Il nous fit entrer dans un gros 4 × 4 noir garé à proximité.
– Directement à la maison, merci, Sam, annonça David.
Sa maison, pas la mienne. Je n’avais aucun bon souvenir à Los Angeles.
Nous fûmes ensuite bien installés dans le luxe, derrière des vitres teintées. Je m’enfonçai dans le siège confortable et fermai les yeux. J’étais stupéfaite d’être à la fois si fatiguée et si inquiète.
Au manoir, Martha attendait, appuyée contre la porte d’entrée, enveloppée dans un châle rouge manifestement hors de prix. L’assistante personnelle de David ne me revenait décidément pas. Mais j’étais bien déterminée à m’acclimater, cette fois-ci. David et moi étions ensemble. Elle allait devoir s’y faire. Ses cheveux noirs brillants et parfaitement coiffés flottaient sur ses épaules. De mon côté, j’avais sans aucun doute l’air de quelqu’un qui n’avait pas dormi depuis longtemps.
Sam ouvrit la portière du véhicule et me tendit la main. Je sentis les yeux de Martha braqués sur moi. David passa un bras autour de mes épaules et me serra contre lui. L’expression du visage de son assistante se durcit. Elle me lança un regard venimeux. Quelle qu’en fût la raison, j’étais trop fatiguée pour m’en préoccuper.
– Martie, gazouilla Mal en montant les marches pour glisser un bras autour de sa taille. Aide-moi à trouver un petit déjeuner, ma belle.
– Tu sais très bien où est la cuisine, Mal.
Son ton sec n’empêcha pas Mal de l’entraîner avec lui. Les premiers pas de Martha se firent hésitants mais, très vite, elle se pavana, comme à son habitude, toujours en représentation. Mal nous avait libéré la voie. J’aurais pu lui baiser les pieds.
David ne prononça pas un mot tandis que nous montions l’escalier qui menait au premier étage, nos pas résonnant dans le silence. Alors que je me dirigeais vers la chambre blanche, celle dans laquelle j’avais dormi la dernière fois, il me conduisit vers la droite. Nous nous arrêtâmes devant des doubles portes et il sortit une clé de sa poche. Je lui lançai un regard interrogateur.
– Oui, j’ai des problèmes de confiance.
Il déverrouilla la porte.
À l’intérieur, la pièce était simple, loin des antiquités et de la décoration tape-à-l’œil du reste de la maison. Un lit immense avec des draps gris foncés. Un canapé assorti. Des tas de guitares. Une penderie ouverte qui regorgeait de vêtements. Et, surtout, beaucoup d’espace vide. De la place pour qu’il puisse respirer, probablement. Cette chambre paraissait différente du reste de la maison, moins clinquante, plus calme.
– Tu peux jeter un coup d’œil, si tu veux.
Sa main descendit le long de ma colonne vertébrale et s’arrêta juste au-dessus de la cambrure de mes fesses.
– C’est notre chambre, maintenant.
Pourvu qu’il n’ait pas l’intention de vivre ici définitivement. Enfin, je veux dire, il faudrait bien que je retourne à la fac un jour ou l’autre. Nous n’avions pas vraiment eu le temps de discuter de l’endroit où nous allions vivre. Mais la simple idée que Martha, Jimmy et Adrian soient présents en permanence m’angoissait. Merde. Je ne pouvais pas me laisser aller à penser comme ça. Le pessimisme allait m’engloutir. Ce qui comptait, c’était d’être avec David. Rester ensemble et faire marcher notre couple.
Quelle horreur, être forcée de vivre dans le luxe avec mon formidable mari. Pauvre chérie. J’avais besoin d’une bonne gifle et d’une tasse de café. Ou de douze heures de sommeil. L’un ou l’autre ferait des merveilles.
Il tira les rideaux, empêchant les premières lueurs de l’aube d’entrer.
– Tu as l’air crevée. Tu viens t’allonger avec moi ?
– C’est, mmm… Ouais, bonne idée. Je passe juste dans la salle de bains.
– O.K.
David commença à se déshabiller, posa sa veste en cuir sur le fauteuil et retira son T-shirt. La vitalité habituelle de mes hormones était portée disparue. Noyées par l’angoisse. Je me réfugiai dans la salle de bains, j’avais besoin d’une minute pour me ressaisir. Je fermai la porte et allumai les lumières. La pièce s’éclaira, m’aveuglant. Je tâtonnai les interrupteurs jusqu’à obtenir une douce luminosité. Beaucoup mieux.
Une immense baignoire blanche ronde, des murs en pierre grise et des parois en verre. En résumé, c’était somptueux. Un jour, je finirais probablement par m’habituer à tout ça, mais j’espérais que non. Considérer que cela allait de soi serait affreux.
Un bain me ferait le plus grand bien. Mais je n’étais pas sûre de pouvoir y monter sans me casser la figure ni abîmer quelque chose. Pas dans l’état d’épuisement et de nerfs dans lequel je me trouvais.
Non, une longue douche chaude serait parfaite.
Je retirai mes baskets et mon jean, me déshabillant en un temps record. La cabine de douche aurait pu m’accueillir avec dix de mes amis. Je me plaçai sous son jet délicieux. Quel bonheur… La cascade d’eau chaude détendit mes muscles. J’adorais cette douche. Elle et moi devrions plus souvent passer du bon temps ensemble. À l’exception de David, et, de temps en temps, de Mal, c’était la meilleure chose dans cette maison.
Soudain, les bras de David m’entourèrent la taille, m’attirant à lui. Je ne l’avais même pas entendu entrer.
– Salut.
Je me retournai et me collai à lui, levant les bras pour les passer autour de son cou.
– Je crois que je suis amoureuse de ta douche.
– Tu me trompes avec la douche ? Putain, Evie, c’est cruel.
Il s’empara d’une savonnette et entreprit de me laver, frottant mon ventre, mes seins et, délicatement, entre mes jambes. Lorsque la mousse eut atteint un niveau critique, il la chassa avec de l’eau chaude. Ses mains vigoureuses glissaient sur ma peau, la ramenant à la vie. Mes hormones se réveillèrent à la puissance dix. Un bras puissant s’enroula autour de ma taille. Les doigts de son autre main s’attardèrent sur mon sexe, me caressant légèrement.
– Je sais que tu n’aimes pas être ici. Mais ne t’inquiète pas, tout va bien se passer.
Ses lèvres effleurèrent mon oreille tandis que la pression montait inexorablement en moi. Je me sentis devenir chaude et liquide, comme l’eau. Mes cuisses tremblèrent. J’écartai les jambes pour l’accueillir.
– Je… je sais.
– C’est toi et moi contre le monde.
Je n’aurais pas pu effacer le sourire sur mon visage, même si je l’avais voulu.
– Mon adorable petite femme. Viens par ici.
Il me plaqua délicatement contre la paroi en verre. Le bout de ses doigts titillait les lèvres de mon sexe, faisant monter le désir. Dieu qu’il était doué pour ça.
– Ta chatte est la plus belle chose que j’aie jamais vue.
Mon estomac palpita de joie.
– Quoi que j’aie fait pour te mériter, je devrais le faire plus souvent.
Il eut un petit rire et sa bouche effleura mon cou avant de le lécher, m’arrachant un gémissement. J’aurais juré que la pièce tournoyait. Ou alors c’était mon sang qui quittait ma tête pour affluer vers le sud. Mes hanches basculèrent vers lui de leur propre volonté. Mais il ne me laissa pas aller plus loin. Il frotta son érection contre mes fesses et le bas de mon dos. Mon sexe se serra douloureusement de frustration.
– David.
– Mmm ?
J’essayai de me retourner mais sa main plaquée sur mon entrejambe m’en empêcha.
– Laisse-moi…
– Que je te laisse quoi ? Qu’est-ce que tu veux, bébé ? Dis-le-moi et tu l’auras.
– Je te veux toi.
– Tu m’as. Je suis tout à toi. Sens.
Il se pressa plus fort contre moi, me maintenant fermement.
– Mais…
– Maintenant, voyons ce qui se passe lorsque je caresse ton clitoris.
Légères comme des plumes, ses caresses, concentrées autour de ce point magique, firent monter mon désir encore et encore. Il savait exactement comment me rendre folle. Il l’avait prouvé plus d’une fois. Et la façon dont il se frottait contre moi me fit perdre les pédales. Mon corps savait ce dont il avait besoin et ce n’étaient pas ses doigts. Je voulais sentir de nouveau cette connexion avec lui.
– Attends, dis-je d’une voix perchée et avide.
– Quoi, bébé ?
– Je te veux en moi.
Il glissa un doigt en moi, massant un endroit sous mon clitoris qui me fit voir des étoiles. Mais ça ne me suffisait pas. Ce n’était pas drôle du tout. Ça aurait été vraiment dommage de devoir le tuer, mais il le cherchait.
– David. Je t’en prie.
– Ça ne te plaît pas ?
– J’ai envie de toi.
– Et j’ai envie de toi aussi. Je suis fou de toi.
– Mais…
– Et si je te faisais jouir avec le pommeau de douche ? Ça ne serait pas agréable, ça ?
Malgré mes genoux flageolants, je tapai du pied.
– Non !
Mon mari éclata alors de rire. Salaud…
– Je croyais que tu étais amoureuse de la douche, gloussa-t-il, très fier de lui.
Des larmes de frustration me montèrent aux yeux.
– Non.
– Tu es sûre ? Je suis quasi certain de te l’avoir entendu dire.
– Putain, David, c’est de toi que je suis amoureuse.
Il s’immobilisa totalement. Même le doigt glissé en moi cessa de bouger. Il n’y avait plus que le bruit de l’eau qui ruisselait. On aurait pu croire que ces mots auraient perdu de leur force. N’étions-nous pas déjà mariés ? N’avions-nous pas décidé de le rester ? étant donné notre folle situation, invoquer le mot en A aurait dû perdre son pouvoir mystique. Mais ce n’était pas le cas.
Tout changea.
Des mains puissantes me retournèrent et me soulevèrent, laissant mes pieds pendre en un équilibre précaire. Il me fallut une seconde pour me rappeler où j’étais et ce qui venait de se passer. J’enroulai mes jambes et mes bras autour de lui et me cramponnai. Son visage… Je n’avais jamais vu une expression si féroce et déterminée. Ça allait bien au-delà du simple désir et était plus proche… de l’amour, peut-être ?
Ses mains empoignèrent mes fesses ; il me souleva et me maintint contre lui. Lentement, il me pénétra. Cette fois, pas de douleur pour gâcher mon plaisir. Rien pour me détourner de la merveilleuse sensation de le sentir en moi. Je me tortillai, essayant de trouver une position plus confortable. Aussitôt, ses doigts se plantèrent dans mes fesses.
– Putain…, gémit-il.
– Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Arrête… arrête de remuer.
Je retins ma respiration. Je voulais mémoriser chaque instant de cette expérience parfaite. Ne rien oublier.
Il me plaqua contre la paroi de douche et s’enfonça plus profondément en moi. Un bruit de surprise s’échappa de ma gorge.
– Doucement, murmura-t-il. Ça va ?
Je me sentais totalement remplie. C’était agréable. Enfin je crois. J’attendais de voir où cette nouvelle sensation allait m’emmener.
– Est-ce que tu vas bouger, maintenant ?
– Si tu es d’accord.
– Oui.
Les yeux rivés aux miens, il se retira, me laissant pantelante, avant de me pénétrer de nouveau. Waouh. Mais il m’en fallait plus. Son bassin bascula vers moi et le plaisir continua de monter. Mon sang bouillonnait, déferlant en moi, brûlant sous ma peau. Je sentais ma bouche sur la sienne, je voulais plus. Je voulais tout. La douceur de ses lèvres et le savoir-faire de sa langue. Je le voulais tout entier. Personne n’embrassait comme David. Comme si m’embrasser surpassait tout le reste : respirer, manger, dormir, ou tout ce qu’il comptait faire du reste de sa vie.
Mon dos heurta violemment la paroi en verre et nos dents s’entrechoquèrent. Il interrompit notre baiser et m’interrogea du regard sans cesser de bouger. Plus fort, plus vite, il s’enfonça en moi. C’était meilleur à chaque fois. Il fallait que nous fassions cela tout le temps. Constamment. Rien d’autre ne comptait lorsque c’était comme ça entre nous. Toute inquiétude s’envolait.
C’était tellement bon. Il était tout ce dont j’avais besoin.
Puis il toucha un endroit en moi et tout mon corps se tendit. Mes muscles se contractèrent autour de lui et il s’enfonça plus profondément. Le monde sembla plonger dans l’obscurité. J’explosai en un million de morceaux merveilleux. Cela sembla durer des heures. Mon esprit quitta la stratosphère, j’en étais certaine. Tout étincelait. Si David ressentait la même chose, je ne sais pas comment il réussissait à rester sur ses pieds. Mais il me tenait fermement tandis que je me cramponnais à lui.
Après ce qui me sembla être une éternité, il me reposa à terre. Ses mains autour de ma taille, juste au cas où. Une fois certain que mes membres ne me trahiraient pas, il me retourna vers le jet d’eau. D’une main délicate, il me nettoya entre les jambes. Au début, je ne compris pas ce qu’il voulait faire et essayai de reculer. Toucher cet endroit à ce moment-là ne me semblait pas une très bonne idée.
– Tout va bien. Fais-moi confiance.
Je restai immobile, tremblant malgré moi. Le monde semblait étrange, à la fois proche et pourtant si loin. La fatigue et le meilleur orgasme de ma vie avaient eu raison de moi.
Puis il coupa l’eau, sortit et attrapa deux serviettes. Il noua l’une autour de sa taille et me sécha avec l’autre.
– C’était bon, non ? demandai-je tandis qu’il s’occupait de moi.
Mon corps frissonnait toujours. Ça me semblait bon signe. Mon monde avait été pulvérisé et reconstruit en une sorte de sabbat amoureux étincelant et irréel. S’il me répondait que c’était pas mal, j’allais sans aucun doute le frapper.
– C’était incroyable, corrigea-t-il en retirant sa serviette pour la jeter sur le lavabo.
Même mon sourire était tremblant. Je le vis dans le miroir.
– Oui, c’était incroyable.
– Nous deux, ça l’est toujours.
Main dans la main, nous retournâmes dans la chambre. Pour une fois, je n’étais pas gênée d’être nue devant lui. Nous grimpâmes dans l’immense lit. J’aurais pu sombrer dans le coma tant j’étais épuisée. Quel dommage de devoir fermer les yeux alors qu’il était là, en face de moi. Mon mari.
– Tu m’as insulté, dit-il, les yeux amusés.
– Ah, vraiment ?
Il posa une main sur ma cuisse, son pouce caressant ma hanche.
– Tu vas vraiment faire semblant de ne pas t’en souvenir ?
– Non. Je m’en souviens.
Même si je n’avais pas vraiment prévu de l’insulter, ni de lui déclarer mon amour d’ailleurs. Mais je l’avais dit. Je devenais une grande fille.
– J’ai dit que j’étais amoureuse de toi.
– Mmm. Les gens disent parfois des trucs dans le feu de l’action. Ça arrive.
Il m’offrait une échappatoire mais je ne pouvais la saisir. Je ne la saisirais pas, si séduisante fût-elle. Je n’allais certainement pas minimiser un tel moment.
– Je suis vraiment amoureuse de toi, dis-je, mal à l’aise.
De même lorsque je lui avais dit que j’avais confiance en lui, il allait me laisser encore une fois dans l’incertitude. Je le savais.
Son regard, patient et doux, se promena sur mon visage. C’était douloureux. Quelque chose en moi se cassa. À côté de l’amour, le saut en chute libre ou le combat d’ours semblaient plus raisonnables. Mais il était trop tard pour s’inquiéter. Les mots avaient été prononcés. Si l’amour était réservé aux imbéciles, qu’il en soit ainsi. Au moins, je serais une imbécile honnête.
Il me caressa le visage du dos de la main.
– Tu m’as dit quelque chose de magnifique.
– David, ce n’est pas grave…
– Tu es tellement importante pour moi, me coupa-t-il. Je veux que tu le saches.
– Merci.
Aïe… Ce n’étaient pas exactement les mots que j’avais envie d’entendre après lui avoir déclaré que je l’aimais.
En appui sur un coude, il approcha ses lèvres des miennes et m’embrassa. Il caressa ma langue de la sienne et je chavirai. Il n’y avait plus de place pour l’inquiétude.
– J’ai encore envie de toi, murmura-t-il en s’agenouillant entre mes jambes.
Cette fois, nous fîmes l’amour. Il n’y avait pas d’autre mot pour ça. Il allait et venait en moi à son rythme, pressant sa joue contre la mienne, sa barbe de trois jours me picotant. Il chuchotait des secrets à mon oreille. Il n’avait jamais ressenti ça pour personne. Il voulait rester auprès de moi pour toujours. La sueur coulait de son corps sur ma peau avant d’imprégner le drap. Il s’imprima en moi. C’était le bonheur absolu. Doux, tendre et lent. Douloureusement lent vers la fin.
On aurait dit que ça ne s’arrêterait jamais. Si seulement…