Préface
L’histoire d’Andréa est avant tout une panoplie d’événements d’une spiritualité mal comprise, étant donné l’encadrement spirituel des années 1950. Elle vécut une enfance heureuse, choyée ; elle n’a que de beaux souvenirs de son enfance. Enfant précoce et déjà considérée comme très religieuse, elle trouve dans la religion un chemin de croissance et de valorisation. Tout, son milieu familial y compris, favorise cette vocation précoce et prometteuse. Dans les années 1940 et 1950, le climat religieux est triomphaliste en Occident. La dimension sociale envahissante de la religion catholique est très évidente dans les milieux francophones nord-américains. Tous les critères de références concernant les compétences, même civiles, ont une connotation religieuse catholique. Le contrôle légaliste du catholicisme conduit aux pires aberrations. Les communautés religieuses sont les premières victimes de ce légalisme ultramontain et janséniste.
Voilà le milieu dans lequel Andréa a pris son envol pour le couvent. Elle s’est prêtée volontiers aux exigences des bonnes sœurs et des autorités. Elle embarque dans cette conformité qui deviendra rapidement un « carcan », une prison où la croissance saine est impossible. Andréa apprend à négocier pour survivre. À cette époque, il n’est pas question de dialogue. Le règne du « faire semblant » était tellement généralisé que la notion même d’être soi-même ou authentique n’existait pas.
Andréa n’est pas charismatique péjorativement. Elle voulait vulgariser la prière, l’oraison. J’ai eu à suivre ses cours en 1986 et je peux certifier qu’Andréa avait une démarche de prière très équilibrée. Son but était de rendre accessibles la spiritualité, l’intériorisation, l’oraison carmélitaine. Elle était leader d’un groupe qui voulait vivre du renouveau qui était à la fois contemplatif et charismatique.
Extrêmement déterminée, lorsqu’elle veut quelque chose, elle l’obtient toujours. Quand elle a voulu entrer au couvent des Petites Sœurs des pauvres, elle a été acceptée. Quand elle a voulu être transférée du côté des Carmélites, elle a réussi, là aussi. Elle est intrépide, elle est tenace et stable dans ses efforts pour arriver à réaliser ses projets. Rien ne l’arrête lorsqu’il s’agit de dire vrai ou de dénoncer une injustice. Andréa est volontaire et elle se sent apte à affronter tous les obstacles lorsqu’il est question de la promotion de la femme et des groupes minoritaires. Elle semble s’animer et s’allumer lorsqu’il s’agit de causes à défendre. Très jeune, elle était sélective. Elle laissait facilement tomber ce qui lui paraissait sans intérêt. Par contre, lorsqu’elle était passionnée pour un projet, elle s’y consacrait entièrement.
Andréa a un langage clair et vigoureux. Elle écrit comme elle parle, elle est directe et sans artifice. Dans ses contacts avec les autres, elle est douce, attentive et très accueillante devant les gens qui partagent ou ne partagent pas ses points de vue. Chez elle il y a cette qualité d’ouverture aux autres qui ne laisse aucune place aux préjugés ou au fanatisme. Ce qui me frappe dans son caractère, c’est cette attitude de ne pas se laisser arrêter ou scléroser par des événements du passé qui auraient pu la traumatiser. Au contraire, dynamisée par son histoire religieuse, elle reconnaît ses limites et les accrocs de son expérience spirituelle et ne se nourrit pas d’amertume face aux individus qui étaient sur sa route dans ses moments difficiles. Elle semble à l’aise dans les débats, tout en étant réservée et discrète sur les motifs profonds de ses revendications. La tendance conservatrice est tellement forte que ceux qui ont été abusés par l’autoritarisme religieux dans le passé sont décidés à intervenir pour avertir les gens (le monde) de ne pas retourner dans ces mêmes aberrations. Voilà un des buts d’Andréa : avertir les gens que les structures communautaires religieuses sont aussi aberrantes que les sectes religieuses qu’on dénonce actuellement dans les médias. Elle veut annoncer un christianisme qui est libérateur et non pas le contraire.
L’auteure s’en tient au récit de certaines étapes de sa vie ; elle ne fait que raconter une expérience de vie parmi tant d’autres, mais qui nous apporte un éclairage nouveau sur les communautés religieuses traditionnelles. Elle considère ces communautés comme étant autant de sectes religieuses fanatiques que celles qu’on voit resurgir aujourd’hui. Je pense que l’ouvrage autobiographique présent comblera un certain manque d’information concernant la vie des cloîtres !
Elle cherche Dieu, elle veut un rapport sain avec Dieu, elle n’accepte pas de compromis lorsqu’il s’agit de Dieu. Tous les hommes et les femmes sont égaux devant Dieu. Cela est vrai en parole, mais cela est loin d’être vrai en pratique. Andréa va dans « ce sens » ; elle revendique l’égalité absolue de la femme et de l’homme. Elle marche vers une théologie de « fraternité », « d’égalité », et de « liberté ». Elle revendique un « présent » pour un « futur » de moins en moins « hiérarchique » et de plus en plus « fraternel » (Mt 23, 4-12). Elle croit au respect et à l’amour universel de Dieu par Jésus-Christ. Chaque être humain est appelé et élu personnellement par Jésus-Christ selon le véritable évangile.
Depuis un demi-siècle, on assiste à des mouvements de droite et de gauche dans l’Église institution. Durant ces années, le conservatisme de Pie Xl et Pie Xll sclérosait toutes les initiatives ou tentatives de changements qui auraient pu faire évoluer les mentalités jansénistes conservatrices du Québec et de l’Occident catholique en général.
Andréa a vécu toutes les fluctuations et les soubresauts des tendances qui ont secoué l’Église catholique depuis cinquante ans. Elle a connu les structures très rigides et triomphalistes d’avant Vatican II. Elle a connu toute l’épaisseur de la mentalité latino-grégorienne. Cette mentalité charriait une certaine idée de Dieu qui pouvait exercer une sorte de magnétisme sécurisant sur les populations ignorantes de ce temps.
Je souhaite aux lecteurs un bon divertissement… surtout, je propose aux lecteurs de se laisser aller dans les couloirs occultes des cloîtres, qui se voulaient les dépositaires et les flambeaux de la vraie religion !
Claude Lemoine
B. Sp, B. Ps, B.Th