Épilogue

 

Vous vous réjouirez sans doute d’apprendre que, selon le souhait de Tibby, nous avons bien célébré la dernière cérémonie du jean magique, qui n’avait pas pu avoir lieu en Grèce.

La mère de Lena nous avait envoyé le sac rapporté de Santorin en un sinistre jour de novembre et stocké depuis dans leur cave, à Bethesda.

Nous nous sommes éloignées un instant du groupe – les parents de Tibby, Nicky et Katherine nous avaient rejoints et logeaient dans la ferme avec Brian et Bailey. Nous avons décidé de nous installer dans la grange, dont le plancher ciré et le haut plafond nous rappelaient la salle de gym où nos mères s’étaient rencontrées et où le fameux rituel était né.

Le principal intéressé – le jean – était absent, mais nous sentions la présence de Tibby, et c’était le plus important.

Nous n’avons lésiné sur aucun détail. Ni les bougies, ni les gâteaux à la fraise, ni les biscuits apéritifs au fromage, ni les larmes. Bridget a chanté à pleins poumons sur Gloria Estefan. Ça aurait bien fait rire Tibby. Nous nous sommes tenu la main. À l’adolescence, Tibby avait tendance à rechigner, mais je sais que, maintenant, elle aurait apprécié.

En contemplant le visage plein d’espoir de mes amies, je n’ai pas pu m’empêcher de jeter un regard en arrière, vers les abîmes où nous nous étions égarées ces cinq derniers mois, et même ces deux dernières années. J’ai essayé de me remémorer la première fois que nous avions ouvert ce sac, en Grèce. Mais franchement pourquoi se faire du mal ?

Tibby pouvait être fière de la métamorphose. Comment avait-elle accompli un tel exploit ? Je l’ignore. Notre amitié a ses mystères.

Où la vie va nous mener, maintenant, je l’ignore également. La famille de Tibby repart dimanche, mais nous trois, je ne sais pas. J’ai une petite maison à aménager. Une petite fille à aimer. Si jamais J’ai une audition à passer, je suis à New York en une heure. Mon cœur s’est ouvert, finalement. J’ai bon espoir pour la suite.

Eric envisage de chercher un poste sur New York, et de faire la navette trois jours par semaine afin que Bee puisse élever des animaux, cultiver un potager, et élever leur enfant avec Bailey dans un endroit où elle est heureuse.

Bridget a l’air plus adulte, et un peu plus ronde, évidemment, mais jamais elle n’a été aussi radieuse. Lena a acheté des ciseaux pour lui couper les cheveux. Je les ai lavés avec mon shampooing le plus monstrueusement cher et elle est restée des heures assise en tailleur sur mon lit à bavarder pendant que je les démêlais.

Kostos a pris un congé à son boulot. Avec Lena, ils ne vont sûrement pas rester ici éternellement, mais pour l’instant, ils ne veulent pas bouger.

– Tu te rends compte, Lena, on vit déjà ensemble, a remarqué Kostos ce matin avec un rire plein de sous-entendus. Que diraient nos grands-parents ?

Il y a deux jours, il s’est absenté dans l’après-midi. Il est revenu avec un chevalet tout neuf qu’il a fièrement installé près de la fenêtre offrant la meilleure lumière.

Et au milieu de tout ce petit monde, Bailey trottine et fait notre joie. J’ai l’impression que nous sommes tous arrivés ici tristes, esseulés, perdus, le cœur débordant d’amour. Tibby nous a donné quelqu’un à aimer. Juste ce dont nous avions besoin sans le savoir.

Elle a prénommé sa fille en souvenir de son amie Bailey, que la maladie avait emportée très jeune. Terriblement affectée par sa disparition, Tibby m’avait cependant confié qu’avant de mourir, Bailey lui avait laissé tout ce dont elle avait besoin pour être heureuse. Restait à être assez maligne pour l’accepter.

Maintenant, c’est à nous d’être assez malignes pour accepter ce que Tibby nous a laissé. De faire durer la magie.

J’ignore où la vie nous mènera.

Mais je sais une chose, nous sommes prêtes à repartir. Qu’on soit ensemble ou séparées, quelle que soit la distance entre nous, nous vivons l’une en l’autre. Et nous avançons main dans la main.