La relation qui unit le maître à son disciple dans l’Antiquité grecque est dépendante à la fois du contexte culturel et historique dans lequel elle s’inscrit et des écoles de pensée auxquelles elle se rattache. Cela signifie-t-il pour autant qu’elle prenne une forme originale et unique dans chaque cas, c’est-à-dire qu’elle soit propre à chaque école et à chaque philosophie ? On ne pourrait alors que dégager les caractéristiques qu’elle emprunte successivement et que s’attacher à la singularité de chacune de ses formes, de sorte que seule une histoire de la relation maître-disciple serait possible. Au contraire, ne peut-on regrouper les différentes formes de cette relation en quelques types principaux à l’intérieur desquels elles se rangeraient toutes ? Dans ce dernier cas, ces différents types de relations entre le maître et son disciple traverseraient et transcenderaient les divergences entre philosophies puisque certaines d’entre elles adopteraient la même conception du rapport entre maître et disciple.
C’est à cette question que tente de répondre F. Wolff dans un ouvrage consacré à repérer et à étudier, à propos de l’être, de l’homme et du disciple, ce qu’il appelle des « figures philosophiques empruntées aux Anciens1 ». La thèse qu’il soutient est que la relation maître-disciple n’est pas spécifique à chaque courant philosophique mais qu’elle peut être ramenée à trois figures principales. Il faut d’abord saisir le sens que reçoit ici la notion de figure. Pour F. Wolff, les « figures sont des modes de pensée inscrits dans l’histoire comme autant de solutions qui, de notre point de vue historique, traversent l’histoire, et par conséquent semblent devoir lui échapper2 » ; elles sont des « schémas stables et anhistoriques de solutions symétriques, parallèles ou opposées à des problèmes philosophiques inscrits dans l’histoire3 ». La figure a donc un caractère paradoxal : elle appartient à l’histoire par son origine puisqu’elle est déterminée, rendue possible, par un problème apparu à un moment donné et selon des conditions évènementielles précises, mais elle échappe en même temps à l’histoire dans la mesure où la solution qu’elle apporte à ce problème vaut pour n’importe quel moment historique et s’impose indépendamment d’un contexte donné. Si l’on distingue en ce sens des figures du disciple dans l’Antiquité, il faudra reconnaître alors que, tout en ayant pour origine des conceptions philosophiques appartenant à une période historique, elles n’en constitueront pas moins trois manières « éternelles » d’être disciple, trois façons de toujours l’être.
Mais pourquoi considérer que l’Antiquité nous fournirait seulement trois figures de la relation maître-disciple alors même qu’il existe davantage de théories philosophiques durant la même période ? C’est que le nombre de ces figures n’est pas déterminé par la position philosophique énoncée par le maître, mais par la position du disciple à l’égard de l’enseignement du maître, c’est-à-dire par l’attitude qu’il adopte vis-à-vis de cet enseignement (d’ailleurs, selon F. Wolff, cette attitude du disciple révèle, de manière plus significative peut-être que l’enseignement du maître, ce qu’est le sens de cet enseignement). Or, pour distinguer différentes positions de disciples à l’égard d’un maître qui seraient autant de figures effectives de cette relation, il est possible de s’appuyer sur l’importance de la lignée qu’une philosophie a suscitée, c’est-à-dire sur le nombre et la variété des disciples qu’elle a engendrés. Ce sont alors trois figures qui se détachent, qui appartiennent aux courants socratique, aristotélicien et épicurien4. Car même s’il existe d’autres figures du disciple dans l’Antiquité, comme la figure stoïcienne par exemple, et même si les courants de pensée auxquels elles se rattachent se signalent aussi par l’importance de leur lignée, il convient de reconnaître que ces figures ne sont pas des « figures simples » mais un mixte des trois figures précédentes, « qui constituent peut-être l’alphabet de tous les types possibles5 ». La première de ces figures simples est la figure socratique. Le disciple de Socrate se trouve dans une position singulière puisque son maître n’a rien écrit. Il met donc en avant sa relation personnelle avec celui-ci et fixe ce qu’il tient de lui « en systématisant sa parole ». Un tel disciple se fait nécessairement « créateur », tout en se considérant comme absolument fidèle à son maître et même comme détenteur de la vérité de sa parole. Au contraire, le disciple épicurien n’invente rien, puisque son maître a parfaitement fixé sa doctrine et qu’elle ne peut qu’être répétée par le disciple fidèle. Mais en la répétant, il devient lui-même un maître pour d’autres car dans l’épicurisme, le maître est dans la position d’un médecin, et le disciple dans la position d’un malade qu’il faut guérir6. C’est pourquoi le disciple, dès lors qu’il fait siennes les règles du maître, non seulement se trouve sur la voie de la guérison mais devient lui-même un maître pour ceux qui sont malades. Si le disciple socratique était, selon F. Wolff, un « créateur », le disciple épicurien est, quant à lui, un « simple passeur ». Enfin, le disciple aristotélicien se trouve dans la position inverse de celle du socratique : son maître laisse des écrits qu’il lui faut interpréter, commenter et finalement, tenter de « totaliser ». Mais cette entreprise de totalisation, parce qu’elle est impossible à réaliser, suppose un « recommencement indéfini ». Un tel disciple n’est donc ni un créateur, puisqu’il n’a pas à fixer la doctrine du maître selon son expérience personnelle, ni un passeur, puisqu’il ne se contente pas de la répéter, mais un interprète, condamné à rester, en ce sens, un disciple puisqu’il doit toujours reprendre le travail de l’interprétation. À ces trois figures correspondent aussi trois formes de contradiction. Car la relation maître-disciple est une relation qui, dans chacun de ces trois cas, suscite une difficulté particulière, qui est propre à la forme même qu’elle emprunte. En effet, en cherchant à fixer la doctrine de son maître, le disciple socratique se heurte à ses condisciples, qui cherchent tout autant que lui, mais de manière différente, à fixer cette doctrine. Il doit donc faire face à la contradiction des autres disciples. Pour l’épicurien, la contradiction est plutôt une contradiction interne : il est à la fois un disciple qui répète la position du maître mais, ce faisant, qui prend à son tour la position du maître. L’aristotélicien rencontre une contradiction inédite : il lui faut interpréter les textes du maître mais ce travail indéfini suppose d’être toujours recommencé. C’est dans l’inachèvement que surgit ici la contradiction ressentie par la position de disciple. Ajoutons, pour terminer cette présentation, que la relation du disciple à son maître prend trois formes différentes dans les trois cas envisagés : vis-à-vis de Socrate, le disciple est dans la position de l’amant par rapport à l’aimé (sa relation est une relation amoureuse), l’épicurien est dans la position du malade par rapport au médecin qu’est le maître, enfin l’aristotélicien est dans la position de l’enseigné par rapport à l’enseignant qui détient le savoir7. Telles sont, rapportées à grands traits, les trois figures que distingue F. Wolff. Notre propos n’est pas d’en discuter la pertinence mais de poser une question à partir de l’analyse sur laquelle elles reposent. On peut s’étonner, en effet, de ne point trouver, dans cette présentation, de mention d’une figure proprement platonicienne du disciple et du maître. Faut-il considérer que la relation du disciple de Platon à son maître se ramène à l’une des trois figures distinguées ou même qu’elle soit un mixte de plusieurs d’entre elles ? Ou bien faut-il considérer qu’il existe une figure originale du disciple platonicien, qui ne se réduit donc pas à celles évoquées ? F. Wolff semble bien pencher pour la première solution puisqu’il considère que ces trois figures constituent en fait les trois seules manières de se rapporter à un « texte originaire » (l’écrire, le répéter, l’interpréter), et, parallèlement, les trois « manières possibles de se dire philosophe » puisque la philosophie est soit « d’essence critique », soit « d’essence libératrice », soit « d’essence aléthique8 ». Il existe donc, parce que le rapport à un texte et que la manière même d’être philosophe se trouvent en nombre limité, un ensemble nécessairement fini de figures du disciple et du maître. Dès lors, la relation platonicienne du disciple à son maître doit rentrer dans une des trois figures distinguées ou bien se comprendre comme un mélange de certaines d’entre elles. Par certains aspects, le disciple de Platon se trouve en effet dans une position semblable à plusieurs des figures décrites auparavant. Il lui faut, par exemple, interpréter les textes de son maître, et ce travail ne cessera de se développer dans l’Antiquité jusqu’à prendre une place essentielle dans le dispositif de transmission de la doctrine à l’intérieur du néoplatonisme. Et dans ce travail, il ne semble pas être question d’apporter de véritables innovations. Un texte bien connu de Plotin, tiré du traité 10 (V 1), indique même qu’il ne prétend pas apporter quelque chose de nouveau par rapport aux doctrines anciennes de Platon, et qu’il faut se faire les « interprètes [exegetàs] » de ces opinions9. Pourtant, le disciple platonicien doit aussi faire siennes des règles susceptibles de le guérir de son rapport au corps et au sensible de manière générale, de sorte que son attitude de disciple ne peut se limiter à celle de l’interprète. Il est donc aussi dans la situation du disciple épicurien qui doit répéter la doctrine du maître pour guérir. Platon, d’ailleurs, présentait déjà la philosophie comme une sorte de médecine de l’âme10. Mais la figure platonicienne de la relation maître-disciple est peut-être originale en ce qu’elle ne se réduit à aucune de celles répertoriées précédemment, tout en leur empruntant certains aspects et parce qu’elle ne se comprend pas non plus comme un simple mélange de certaines d’entre elles. Plus précisément, nous voudrions montrer, à partir du cas de Plotin, comment cette relation est envisagée dans la tradition néoplatonicienne, et en quoi elle présente une forme originale qui dépasse la conjonction de figures simples.
Dans le § 7 de la Vie de Plotin, Porphyre distingue deux catégories parmi les personnes qui suivaient l’enseignement de Plotin. Il y avait d’abord les simples « auditeurs [akroatàs] », qui étaient les plus nombreux. Mais il y avait par ailleurs de véritables « disciples [zelotàs] se réunissant en vue de la philosophie [diàphilosophíansunóntas11] ». On peut s’étonner de cette dernière remarque car les auditeurs se retrouvent bien aussi pour suivre un enseignement philosophique. Il faut donc comprendre que le rapport que les disciples entretiennent avec la philosophie et l’enseignement de Plotin est différent. En se réunissant autour de Plotin, ils ne cherchent pas seulement un enseignement philosophique mais s’adonnent à un mode de vie philosophique. La philosophie en vue de laquelle se réunissent les disciples est ici une manière de vivre conforme à certains principes enseignés par Plotin. Or, les simples auditeurs ne semblent pas adopter cette manière de vivre, ils s’en tiennent seulement à l’enseignement dispensé12.
Que les simples auditeurs soient les plus nombreux peut s’expliquer de deux manières. D’une part, l’accès au cours de Plotin est libre. D’autre part, le fait d’être auditeur ne conduit pas à une adhésion forte, comme dans le cas du disciple qui veut faire sien l’enseignement proposé et adopter un mode de vie philosophique. On compte parmi ces auditeurs de nombreux sénateurs mais probablement aussi des personnages qui appartiennent par ailleurs à d’autres mouvements de pensée, comme les Gnostiques par exemple13. Dans tous les cas, on ne semble pas trouver d’individus jeunes, venus compléter une formation, et qui seraient considérés comme des élèves désireux de recevoir un enseignement (les mathetaí). Par ailleurs, l’enseignement que dispense Plotin aux auditeurs comme aux disciples ne prend pas la forme d’un cursus d’études constitué d’étapes à franchir pour atteindre un terme fixé d’avance. Il s’agit plutôt, notamment avec les disciples (zelotaí), d’une recherche en commun sur des sujets philosophiques. Les disciples soulèvent des problèmes qui suscitent un échange par questions et réponses avec le maître. Ce dernier ne se livre donc pas à une exégèse de certains textes et de certains problèmes. En témoigne la réaction de Plotin face à certains écrits de Longin : ce dernier est qualifié de « philologue » mais Plotin lui refuse le titre de « philosophe14 ». Il faut comprendre ici que Longin s’attachait principalement à la lettre des textes, à leur style alors que Plotin privilégiait le sens sur la forme. S’il s’agit bien pour lui, en effet, de s’appuyer sur des textes de Platon et de les commenter, cela n’a pour but que de permettre la résolution d’une difficulté ou d’un des problèmes soulevés.
À côté des simples auditeurs, l’ensemble des disciples (zelotaí) constituait un cercle évidemment plus restreint. Il faut s’arrêter ici sur les deux termes qui apparaissent dans l’expression utilisée par Plotin pour les désigner. Le premier (zelotàs) indique un lien d’adhésion à une doctrine mais aussi une relation d’imitation entre deux individus : le zelotés est celui qui cherche à imiter un maître, digne d’être imité en raison de son attitude et de la sagesse dont il témoigne. Le second terme, à savoir le verbe súneimi, est couramment utilisé, dans d’autres textes et par d’autres auteurs, pour désigner le rapport qui unit un individu comme disciple à son maître. C’est par ce terme que Xénophon présente, dans les Mémorables, ceux qui accompagnent Socrate. Les sunóntes y sont des disciples parce qu’ils sont des compagnons et des amis. Ils partagent leur vie avec le maître et entretiennent avec lui une relation « amoureuse ». C’est ce modèle de relation qui est présenté dans les dialogues platoniciens pour décrire les rapports qui unissent Socrate et ses disciples. Le fait qu’on le trouve aussi chez Xénophon semble indiquer qu’il n’est donc pas une construction platonicienne. Dans le livre I des Mémorables, Xénophon explique en effet que Socrate ne se contente pas d’enseigner ce qu’est la vertu mais qu’il se montre à ses disciples, à ceux qui l’accompagnent, comme un homme vertueux, c’est-à-dire comme un homme qui applique et qui s’applique à lui-même ce qu’il enseigne15. Les sunóntes ne reçoivent donc pas seulement un enseignement, ils partagent avec le maître une vie qui leur permet de jouir de son exemple. C’est aussi ce que l’on retrouve dans le texte de Porphyre. Plotin adopte en effet un mode de vie caractérisé par le détachement à l’égard des préoccupations corporelles et des biens matériels. Il refuse certaines médications, ne consomme pas de chair, ne fréquente pas les bains publics et néglige de se soigner16 ; il mange peu et dort peu17. Cette attitude est clairement en relation avec un autre aspect : si Plotin dort peu, c’est que son âme est tournée vers l’Intellect. Le souci des réalités supérieures, qui est le véritable objectif du philosophe, conduit au détachement à l’égard du corps mais il suppose en même temps un tel détachement parce que la relation au corps ne doit pas être un obstacle à la contemplation des réalités supérieures. C’est en cela que Plotin se veut un exemple pour ses disciples, et s’il s’occupe de jeunes gens, de leurs biens, ce n’est que parce qu’ils ne peuvent encore choisir eux-mêmes cette vie philosophique18. En résumé, ceux que Porphyre désigne comme des disciples de Plotin et non comme de simples auditeurs ne reçoivent donc pas seulement de lui un enseignement. Plotin entretient avec eux une relation qui est celle d’un maître qui exhorte ses disciples à la vertu et qui se montre à eux comme un exemple de vertu.
Il faut remarquer cependant que le disciple (zelotés) n’est pas un homme qui n’a aucun lien avec la vie publique. Comme l’indique M.-O. Goulet-Cazé, la liste, donnée par Porphyre, des personnages appartenant à cette catégorie comporte aussi bien des sénateurs et des médecins, qu’un rhéteur et un poète19. Il s’agit donc d’hommes mûrs, engagés dans la vie publique. Mais quel est leur rapport à la philosophie et en particulier à la philosophie de Plotin ? Plus précisément, s’ils sont engagés dans la vie publique, que viennent-ils chercher auprès de Plotin ? Deux cas semblent se présenter. Porphyre rapporte que certains continuent de s’occuper de leurs affaires. Plotin tente cependant de les en dissuader ou de réduire leur intérêt pour celles-ci. Il s’agit de Zéthus et de Sérapion. Le premier était un médecin mais aussi un homme politique. Plotin semble avoir été très proche de lui puisqu’il s’est retiré sur ses terres. Mais il a cherché à limiter ses « penchants politiques20 ». Le second « fut d’abord rhéteur et ensuite fréquenta également des cours de philosophie, mais sans avoir pu renoncer à ce que comportent de dégradant les affaires d’argent et d’usure21 ». On voit donc, en ce qui concerne ces deux personnages, que Plotin n’a pas réussi à provoquer une conversion complète de leur part envers le mode de vie philosophique. Au contraire, deux autres personnages, Rogatianus et Eustochius, semblent bien être beaucoup plus engagés dans le détachement vis-à-vis des affaires publiques et semblent ainsi adopter ce mode de vie philosophique. Eustochius fut le médecin de Plotin. Porphyre insiste sur le fait qu’il suivit « le seul enseignement » de ce dernier et qu’il « revêtit la disposition d’un authentique philosophe22 ». Cela signifie donc qu’il ne chercha pas seulement à avoir connaissance de la pensée de Plotin, comme il avait ou pouvait avoir connaissance de la pensée d’autres maîtres. Il se consacra à ce seul enseignement et chercha à l’appliquer. Il souhaita donc vivre conformément à l’enseignement de Plotin même s’il n’abandonna pas complètement la fonction de médecin. Porphyre insiste davantage sur le cas de Rogatianus, qui est peut-être le plus significatif. Ce sénateur renonça à ses biens, abandonna ses charges publiques, renonça à résider chez lui, et adopta même une alimentation réduite (il ne se nourrissait qu’un jour sur deux). Ses problèmes de santé s’en trouvèrent améliorés et Plotin le proposait « en exemple [parádeigma] accompli à ceux qui s’adonnent à la philosophie23 ». On retrouve ici, concernant le rapport au corps et aux biens, certains des aspects présents aussi dans l’attitude de Plotin.
Le compagnonnage (sunousía) philosophique, tel qu’il est présenté dans le § 7 de la Vie de Plotin, repose donc sur l’adoption d’un mode de vie qui consiste à se détourner de ce qui engage l’âme dans une relation trop forte au corps. Le disciple est alors celui qui se convertit à la philosophie et cette conversion ne constitue pas seulement une adhésion à une doctrine et à une vision du monde, elle suppose un changement d’attitude à l’égard des biens et des honneurs ainsi qu’une attention portée à des réalités de nature supérieure. Mais cette conversion, comme nous allons le voir, peut être mise en relation avec une théorie présente par ailleurs dans les écrits de Plotin. La présentation que donne Porphyre de l’attitude de Plotin à l’égard de ses disciples ainsi que de l’attitude des disciples eux-mêmes en est probablement une illustration. Il s’agit de la théorie des vertus et de leur rôle dans la purification de l’âme qui se consacre à la recherche des réalités supérieures.
Plotin a consacré un traité entier à cette théorie. Il s’agit du traité 19 (I 2). La relation entre la question de la conversion et celle des vertus s’explique facilement. La vertu est en effet présentée dès le début comme un moyen de « se rendre semblable au dieu [theôihomoiothênai24] ». Cette affirmation repose sur deux principes qui ne font pas l’objet d’une démonstration dans le traité. Ceux-ci sont posés au contraire comme le point de départ du raisonnement que Plotin va conduire ensuite. Il va de soi en effet, d’une part, que l’âme doit fuir les maux qui se trouvent dans la réalité sensible et ce, en se rendant semblable au divin c’est-à-dire à ce qui échappe à la réalité sensible, d’autre part, que cette fuite suppose l’exercice des vertus. Concernant ce dernier aspect, il est facile d’expliquer que c’est par les vertus que nous pouvons maîtriser les choses sensibles avec lesquelles nous sommes en contact et que c’est par elles encore que nous pouvons nous en détourner. Sur ces deux principes, Plotin se conforme très précisément, en tout cas, à l’enseignement de Platon25. Le problème que souhaite poser Plotin est donc d’une autre nature. Si nous devenons semblables au dieu par la vertu, faut-il en conclure que celui-ci possède également la vertu26 ? Mais il y aurait là une évidente difficulté : en quoi la modération (sophrosúne) ou le courage (andreía) concerneraient-ils un dieu puisqu’il n’y a, dans son cas, rien à maîtriser et rien à craindre27 ? La réponse de Plotin est sans ambiguïté : il considère qu’il n’existe pas de vertus au niveau du divin et de la réalité intelligible et que le fait de devenir semblable au divin ne suppose pas qu’il y ait en ce dernier des vertus28. Au contraire, c’est par les vertus que l’âme peut se rendre semblable à ce qui ne possède pas de vertus : la ressemblance peut passer par la dissimilitude. On peut le montrer à partir d’exemples généraux puisque ce principe se vérifie dans plusieurs cas. Tout d’abord, cela est vrai de la relation entre deux natures sensibles. Par exemple, si une chose est échauffée par le feu et lui est ainsi semblable, il n’est pas vrai que le feu lui-même soit échauffé29. Mais cela est vrai aussi de la relation entre une nature sensible et une réalité intelligible. La maison sensible ressemble à la maison intelligible puisqu’elle participe d’elle et tient d’elle son essence. Mais par le fait de cette participation, la maison sensible se trouve posséder « arrangement [táxis], ordre [kósmos], symétrie [summetría30] » tandis qu’on ne saurait dire que la maison intelligible est elle-même ordonnée, ni qu’elle possède une symétrie. C’est seulement par elle que l’arrangement et la symétrie peuvent exister dans une réalité autre qu’elle31. Ces différents exemples de relations indiquent donc que la ressemblance par la vertu peut se faire de la même manière et ne pas rendre nécessaire la présence de vertus dans la réalité intelligible et le divin. Mais on peut aussi vérifier la validité de cette thèse en considérant différents types de vertus. Car Plotin en distingue deux. Or, le principe général qui vient d’être rappelé s’applique dans les deux cas puisque la ressemblance avec le dieu ne suppose pas que ce dernier possède un de ces types de vertus. En réalité, les vertus permettent au contraire à l’âme d’opérer une conversion, de modifier son état afin de la conduire vers une assimilation au divin. La vertu permet de ressembler au divin non pas parce que celui-ci la posséderait aussi mais parce qu’elle est le moyen par lequel l’âme se détache de ce qui l’empêche de lui ressembler. La distinction entre deux types de vertus est donc particulièrement importante. D’une part, elle permet de vérifier que le divin ne possède pas de vertus, d’autre part elle conduit à envisager l’existence de degrés de vertus, dont la fortune dans le néoplatonisme sera considérable32. Les vertus sont d’abord civiques (politikàs). Il s’agit de la sagesse (phrónesis), du courage (andreía), de la modération (sophrosúne) et de la justice (dikaiosúne). Plotin reprend à nouveau une présentation platonicienne (celle du livre 4 de la République). La sagesse est la vertu propre à la partie supérieure de l’âme, la partie rationnelle. Le courage est la vertu de la partie intermédiaire, la partie irascible (thumós). La modération n’est la vertu propre à aucune partie, elle résulte seulement de l’accord entre les différentes parties elles-mêmes de sorte que la partie désirante obéit à la partie rationnelle. Enfin, la justice se retrouve en chacune des parties puisqu’elle consiste en ce que chacune accomplisse la fonction qui est la sienne33. Pourquoi considérer ces vertus comme des vertus civiques ? C’est qu’elles ont pour objectif de maîtriser les désirs et les passions, de leur imposer une limite34. En ce sens, elles concernent le domaine de l’action et intéressent particulièrement la vie dans la cité qu’elles contribuent à rendre possible. Elles permettent par là même de ressembler au divin par les comportements adoptés. Mais surtout, ces vertus se contentent d’agir sur l’âme comme sur une matière35. En ce sens, elles donnent une forme à l’âme, qui ressemble à la réalité supérieure à celle-ci. C’est pourquoi elles ne visent pas ici à élever l’âme mais à lui permettre d’être ordonnée dès lors qu’elle est liée à un corps et de ressembler dans la mesure du possible, c’est-à-dire ici-bas, à la réalité intelligible et divine. Faire en sorte que les parties de l’âme soient en accord les unes avec les autres n’a en effet de sens que dans la mesure où l’âme est dans un corps. Les parties désirante et irascible n’ont plus de raison d’être lorsque l’âme se trouve au niveau de l’intelligible puisqu’elle n’est plus alors qu’intellection et qu’elle n’a pas à exercer d’autre fonction. On comprend alors qu’un autre type de vertus puisse être envisagé, dont la fonction serait au contraire d’élever l’âme et non plus seulement de l’ordonner dès lors qu’elle est liée au sensible. Plotin ne leur donne pas de nom particulier dans le traité 19 (I 2). Il se contente de parler de vertus « plus hautes36 » et de les présenter comme des « purifications [kathárseis37] ». Voici en quoi elles consistent :
« Puisque l’âme est mauvaise tant qu’elle est entrelacée au corps, qu’elle subit les mêmes affections que lui et qu’elle forme ses opinions en tout d’après lui, ne pourrait-on pas dire qu’elle est bonne et qu’elle possède la vertu si elle ne forme pas ses opinions d’après le corps mais qu’elle agit seule – ce qu’est précisément penser [noeîn] et réfléchir [phroneîn] –, si elle ne subit pas les mêmes affections que lui – ce qu’est précisément être modéré [sophroneîn] –, si elle ne craint pas d’être séparée du corps – ce qu’est précisément, être courageux –, si la raison [lógos] et l’intellect [noûs] la dirigent sans que <ces affections> ne leur fassent obstacle – ce que serait la justice. Assurément, on ne se tromperait pas si on appelait ressemblance au dieu une telle disposition de l’âme selon laquelle elle pense et est ainsi impassible [apathès]. Car le divin lui aussi est pur et son activité est telle que ce qui l’imite possède la sagesse [phrónesin38]. »
Ce passage est remarquable parce qu’il présente les vertus dites cathartiques d’une manière singulière. En effet, ce sont les mêmes vertus que celles présentées à propos des vertus civiques qui se retrouvent ici. Plotin parle toujours de la sagesse, du courage, de la modération et de la justice. Pourtant, elles prennent dans ce cadre une valeur nouvelle. Lorsque ces vertus consistent à ordonner l’âme unie au corps, comme nous l’avons vu précédemment, elles sont des vertus civiques mais lorsqu’elles consistent à la délier de ce même corps, elles deviennent alors des vertus cathartiques. La sagesse, qui auparavant avait pour but de commander l’âme tout entière, se caractérise désormais par sa pure capacité d’intellection (c’est pourquoi Plotin peut dire qu’elle agit seule). La modération n’est plus la maîtrise des désirs et des passions mais le refus pur et simple des passions : l’âme n’est plus affectée par ce qui vient du corps, elle ne pâtit plus des mêmes choses que lui (elle n’est plus homopathès). Le courage consiste à accepter d’être séparé du corps, et la justice à vivre selon la raison et l’intellect sans être freiné par les affections corporelles. Les vertus cathartiques se caractérisent donc par une orientation et une finalité différentes de celles des vertus civiques. Elles visent à provoquer une séparation par rapport au corps. Par là même, l’assimilation au divin prend aussi un sens nouveau. Devenir semblable au dieu n’est plus lui ressembler par l’ordre et l’harmonie que l’on fait régner en soi-même ici-bas mais consiste à devenir pur de tout élément corporel comme le divin est lui-même pur, ainsi que l’indique la fin du texte que nous avons cité. On se demandera cependant quel est exactement le sens de cette séparation et de cette purification. Plotin n’hésite pas à décrire celles-ci à partir d’une notion d’origine stoïcienne, la notion d’impassibilité (apátheia39). Cette référence donne des indications sur l’importance de la séparation à laquelle fait allusion Plotin. En effet, la séparation concerne ici le rapport entre les parties de l’âme. S’il s’agissait précédemment de les harmoniser sous le contrôle de la raison, il s’agit désormais de séparer, dans la mesure du possible, la partie dominante (la raison) de celles qui lui sont subordonnées (le thumós et l’epithumía) et des mouvements qui en émanent40. Ces mouvements sont notamment les mouvements constitués par le plaisir, la peine, la colère, la crainte et le désir. Plotin reconnaît cependant qu’il n’est pas absolument possible de les supprimer complètement. Il faut donc distinguer deux cas. On peut d’abord faire droit à certains de ces mouvements dans la mesure où ils ne sont pas néfastes et même sont utiles au corps. Ainsi, certains plaisirs peuvent être « nécessaires ». Il s’agit de ceux qui mettent fin à une peine et qui évitent à l’âme d’être troublée41. On voit donc que si la séparation par rapport aux parties inférieures de l’âme n’est pas entièrement possible, la relation maintenue avec ces parties doit cependant servir la séparation. De la même manière, la crainte « peut servir d’avertissement42 » et dans ce cas, sa suppression complète ne peut être envisagée mais elle sert encore à protéger l’âme (c’est-à-dire sa partie supérieure) d’un trouble corporel. De même encore, les désirs « naturels » (manger et boire) ne peuvent être écartés. Ceux-ci peuvent être éprouvés « en vue de la détente du corps [pròs ánesin] » et non pour l’âme elle-même43. Dans cette première réponse, c’est donc la finalité des mouvements émanant des parties basses de l’âme qui importe : ceux-ci sont acceptables s’ils rendent possible l’impassibilité de la partie supérieure. Mais un second cas apparaît dans les analyses de Plotin. Si certains mouvements se présentent, qui n’appartiennent pas au cas précédent, l’âme ne doit pas « s’associer à eux [sumpáskhein44] ». L’impassibilité désigne bien cette fois-ci le refus pour l’âme de donner son assentiment à certains mouvements et non plus l’adhésion à certains de ces mouvements qui, parce qu’ils préservent le corps, maintiennent l’âme en paix et en état de séparation par rapport à lui et aux parties de l’âme qui lui sont directement liées. De même, il peut survenir en l’âme ce que Plotin nomme un mouvement « involontaire [tòaproaíreton45] ». Ce peut être le cas pour un mouvement de colère ou pour certains désirs amoureux46. L’âme n’y adhérera pas parce qu’elle considérera que ces mouvements émanent de parties inférieures, même si elle doit reconnaître que leur formation obéit à un processus normal à l’intérieur de ces parties inférieures elles-mêmes. Plotin évoque notamment l’exemple du désir amoureux qui surgit dans l’âme de manière involontaire et qui est lié à l’intervention de l’imagination (metàphantasías47).
Un dernier problème mérite d’être abordé. Il s’agit du problème de la conversion, explicitement soulevé dans le chapitre 4 du traité. Les vertus cathartiques sont en effet liées à un mouvement de conversion mais il importe de savoir si elles le produisent ou si elles en résultent. Plotin cherche d’abord si la purification précède la vertu et y conduit ou si elle est la vertu elle-même. Mais il indique qu’en réalité la purification n’est pas une fin en elle-même mais seulement un moyen en vue d’une fin qui est l’obtention d’un état de pureté conçu comme un bien. En ce sens, elle précède la vertu et y conduit. Quant à la conversion, on pourrait penser qu’elle est la conséquence de la purification. Mais Plotin insiste en fait sur une autre relation entre les deux : « est-ce que l’âme se convertit après la purification ? Elle est plutôt convertie après la purification48. » L’usage du parfait que nous avons souligné dans la réponse de Plotin est essentiel puisqu’il indique non pas que l’action (de conversion) commence après la purification mais qu’elle se termine et s’achève avec elle : la purification une fois accomplie ne déclenche pas un processus de conversion, elle conduit à son terme la conversion de sorte qu’on peut dire que lorsque la purification a eu lieu, l’âme s’est convertie, c’est-à-dire s’est totalement retournée vers son principe supérieur. La purification conduit et achève le processus de conversion de l’âme. En ce sens, elles se produisent conjointement.
Cette présentation de la théorie plotinienne des vertus peut permettre d’éclairer les remarques de Porphyre relatives à l’attitude de Plotin à l’égard de ses disciples. On ne peut exclure, bien entendu, que Porphyre ait insisté sur certains comportements de Plotin qui correspondaient à une théorie sur laquelle lui-même insistait particulièrement et qu’il souhaitait donc retrouver dans les exemples de la vie même de Plotin49. Mais il est remarquable malgré tout que la distinction plotinienne entre les deux types de vertus puisse s’accorder avec cette description. On comprend en effet que, lorsque Plotin exhorte certains de ses disciples à davantage de retenue vis-à-vis des biens matériels et des honneurs, il cherche à développer en eux les vertus qu’il appelle civiques et qui permettent d’harmoniser l’âme qui se trouve liée à un corps. Mais on comprend aussi que, lorsqu’il loue Rogatianus de s’être détourné de ces mêmes biens et de ces mêmes honneurs, il voit en lui celui qui n’en reste pas au niveau des vertus civiques (user avec modération de certains biens par exemple) mais qui, par les vertus dites cathartiques, sépare progressivement son âme (c’est-à-dire sa partie principale, celle qui est son moi véritable) de son corps et des parties de l’âme qui lui sont liées pour se convertir vers les réalités supérieures et s’assimiler au divin.
La figure plotinienne de la relation entre maître et disciple est donc particulièrement originale. D’abord, elle rassemble plusieurs formes en une seule. Le disciple se réfère à des textes, ceux de Platon, qu’il commente et en lesquels il trouve une vérité. Nous avons vu que Plotin lui-même s’y rapporte constamment dans la présentation de sa théorie des vertus. Mais le disciple platonicien s’occupe aussi de son âme, qu’il s’agit de guérir de son rapport au corps puisqu’elle doit se libérer de son emprise, pour ne plus envisager les choses, selon une thématique à nouveau platonicienne (celle du Phédon), à partir des éléments qu’il transmet à l’âme. Cependant, ce dernier aspect ne prend pas la même forme que dans la figure épicurienne du disciple. Il ne s’agit pas ici d’apporter un soin à l’âme de manière immanente, c’est-à-dire en restant au niveau qu’elle occupe, en lui apprenant à s’y conduire en sage. Une telle attitude ne nous ferait pas dépasser le niveau des vertus civiques. Il s’agit plutôt d’apporter un soin à l’âme en provoquant en elle une conversion qui la met en relation avec une réalité supérieure. À travers la relation du disciple à son maître, l’âme se trouve ainsi reconduite à sa nature véritable, elle se découvre en sa vérité essentielle qui est d’être apparentée au divin. Il y a donc bien une figure platonicienne de la relation entre maître et disciple, qui se distingue des relations établies par d’autres écoles philosophiques de l’Antiquité. Cette figure repose sur l’idée de conversion. Mais la conversion ne consiste pas seulement en l’adoption d’un mode de vie philosophique (comme c’est le cas dans d’autres traditions philosophiques). Elle signifie que l’âme doit se convertir vers des réalités supérieures, auxquelles elle est apparentée. La conversion se fait retour à une origine transcendante en laquelle l’âme retrouve sa nature véritable.
1. F. Wolff, L’être, l’homme, le disciple. Figures philosophiques empruntées aux Anciens, Paris, PUF, 2000.
2. Ibid., p. 9.
3. Ibid., p. 10.
4. Ibid., p. 204.
5. Ibid., p. 205-206.
6. Ibid., p. 264 sq.
7. Ibid., p. 306.
8. Ibid., p. 308-309.
9. Traité 10 (V 1), 8, 10-14. Le système de translittération adopté est le suivant : êta = e ; oméga = o ; dzèta = z ; thèta = th ; xi = x ; phi = ph ; khi = kh ; psi = ps. L’iota souscrit est adscrit (par exemple ei ou oi) et lorsqu’il s’agit d’un alpha, celui-ci est écrit ai pour le distinguer de la combinaison alpha + iota (ai). L’esprit rude est indiqué par un h, et l’esprit doux n’est pas indiqué. Tous les accents sont indiqués.
10. Ainsi, dans le Protagoras (313 d 5-e 2), Socrate estime-t-il nécessaire de se référer à un médecin de l’âme pour établir ce que valent les savoirs vendus par les sophistes.
11. Vie de Plotin, 7, 1-2.
12. Pour cette compréhension du terme philosophía, cf. aussi la traduction du début du § 7 dans Porphyre, La vie de Plotin, II, Études d’introduction, texte grec et traduction française, commentaire, notes complémentaires, bibliographie par L. Brisson et al., Paris, Vrin, 1992, p. 147 : Plotin eut des disciples « qui suivaient son enseignement pour la vie philosophique » (nous soulignons).
13. Sur ce point, cf. les analyses de M.-O. Goulet-Cazé, « L’arrière-plan scolaire de la Vie de Plotin », dans Porphyre, La vie de Plotin, I, Travaux préliminaires et index grec complet par L. Brisson, M.-O. Goulet-Cazé, R. Goulet et D. O’Brien, Paris, Vrin, 1982, p. 229-327, particulièrement p. 236.
14. Vie de Plotin, 14, 19-20. Sur le sens de cette expression, cf. l’article de J. Pépin, « PHILÓLOGOS/PHILÓSOPHOS » dans Porphyre, La vie de Plotin, II, op. cit., p. 477-501.
15. Xénophon, Mémorables, I 2, 17-18.
16. Sur ces différents aspects, cf. La Vie de Plotin, 2, 1-10.
17. Ibid., 8, 21-22.
18. Cf. M.-O. Goulet-Cazé, art. cit., p. 255.
19. M.-O. Goulet-Cazé, art. cit., p. 234.
20. Vie de Plotin, 7, 17-24. On notera que Porphyre le présente comme un « ami (hétaîron) » de Plotin. Cela confirme que les disciples constituent un cercle de proches, de familiers qui entretiennent avec le maître des relations plus larges que celles qui se limitent à l’enseignement au sens strict. Sur le sens de ce terme, cf. M.-O. Goulet-Cazé, art. cit., n.° 1 p. 235. Il peut être synonyme, selon les cas, du terme disciple mais indique presque toujours que la relation au maître prend la forme d’un compagnonnage amical.
21. Ibid., 46-49 (traduction collective UPR 76/CNRS dans Porphyre, La vie de Plotin, II, op. cit., p. 149).
22. Ibid., 8-12.
23. Ibid., 31-46.
24. Traité 19 (I 2), 1, 3-5.
25. Comme l’indiquent les citations du début du traité, empruntées principalement au Théétète (176 a-b).
26. Traité 19 (I 2), 1, 5-6.
27. Ibid., 10-13.
28. Cf. notamment 1, 50-52 et 3, 31.
29. Ibid., 1, 31-35.
30. Ibid., 45.
31. Ibid., 42-52 pour l’ensemble du raisonnement.
32. Sur cette théorie des degrés de vertus dans le néoplatonisme, on pourra consulter J. Dillon, « Plotinus, Philo and Origen on the grades of virtue », Platonismus und Christentum, Festschrift H. Dörrie, H. D. Blume et F. Mann éd., Münster, Aschendorff, 1983, p. 92-105 ainsi que l’introduction à Marinus, Proclus ou Sur le bonheur, texte établi, traduit et annoté par H. D. Saffrey et A.-Ph Segonds, avec la collaboration de C. Luna, Paris, Les Belles Lettres, 2001 et L. Brisson, « Le maître, exemple des vertus dans la tradition platonicienne : Plotin et Proclus », Exempla docent. Les exemples des philosophes de l’Antiquité à la Renaissance, T. Ricklin éd., Paris, Vrin, 2006, p. 49-60.
33. Traité 19 (I 2), 1, 16-21.
34. Ibid., 2, 13-16.
35. Ibid., 18-20.
36. Ibid., 1, 22 ; 3, 4.
37. Ibid., 3, 8 et 10-11. Pour l’étude de ces vertus, cf. M. De Corte, « Technique et fondement de la purification plotinienne », Revue d’histoire de la philosophie, 5, 1931, p. 42-74 et E. Bréhier, « Aretaì katharseis », Études de philosophie antique, Paris, PUF, 1955, p. 237-243.
38. Traité 19 (I 2), 3, 11-22 (trad. J.-M. Flamand modifiée, Plotin, Traités 7-21, Paris, GF-Flammarion, 2003). Il est difficile de savoir ce qui est désigné par Plotin, à la ligne 18, comme ce qui pourrait s’opposer à la raison et à l’intellect. Nous supposons, suivant en cela la traduction de J.-M. Flamand, qu’il s’agit des affections corporelles dont il est question aux lignes 13 et 16. On pourrait cependant comprendre qu’il s’agit des autres parties de l’âme, lesquelles sont plus particulièrement en relation avec le corps. Le sens du raisonnement n’en serait pas nécessairement changé puisque la justice consisterait toujours en une déliaison par rapport au corps et au souci du corps.
39. Traité 19 (I 2), 3, 20 ; 5, 7.
40. Ibid., 5, 2-5.
41. Ibid., 7-9.
42. Ibid., 16 (trad. J.-M. Flamand).
43. Ibid., 17-18.
44. Ibid., 11.
45. L’expression apparaît aux lignes 14, 16 et 19. Celle-ci, comme la notion d’apátheia, est aussi d’origine stoïcienne.
46. Ibid., 13-14 et 19-21.
47. Ibid., 20-21.
48. Ibid., 4, 16-17.
49. Dans les Sentences, Porphyre présente aussi une théorie des degrés de vertus, largement inspirée de celle de Plotin. Mais elle est plus élaborée, puisqu’elle distingue quatre degrés de vertus : les vertus civiques, cathartiques, contemplatives et paradigmatiques (cf. la sentence 32) et il accorde une importance toute particulière aux vertus cathartiques (ce qui pourrait expliquer son insistance à retrouver ces vertus dans les descriptions de la Vie de Plotin).