XXVI
Le nombre, le siège, les attributions de ces cours avaient été fixés…

M. Ulysse Parent, ancien membre de la Commune, acquitté par le 3e conseil de guerre, écrivait le 19 mars 1877 à M. Camille Pelletan, directeur du Rappel :

 

« Votre article d’hier publié dans le Rappel vous amène à parler des cours prévôtales qui fonctionnèrent à Paris en mai 1871, et vous dites avec raison, à ce sujet, que jamais on n’a pu obtenir des différents ministres qui se sont succédé au pouvoir depuis cette époque, des déclarations précises sur leur existence, que c’est en vain que M. Clemenceau a réclamé à la tribune les documents et pièces diverses émanés de ces tribunaux d’exception ; vous ajoutez enfin, que ces cours prévôtales » n’avaient eu, que vous sachiez, aucune existence légale.

Laissez-moi vous donner, à ce propos, quelques renseignements qui ne sont peut-être pas sans intérêt.

Au moment du procès des membres de la Commune devant le 3e conseil de guerre siégeant à Versailles, un certain M. Gabriel Ossude vint déposer comme témoin contre l’accusé Jourde, à l’arrestation duquel il avait contribué, déclara-t-il, en sa qualité de prévôt du VIIe arrondissement ; et, comme M. le colonel Merlin, président du conseil, paraissait s’étonner qu’une semblable fonction eût été dévolue à un pékin, M. Ossude entra dans des explications très précises dont j’ai gardé bonne mémoire.

Il déclara que les cours prévôtales avaient été instituées, vers la fin de la Commune, par le Gouvernement de Versailles, en vue de l’entrée prochaine des troupes dans Paris ; que le nombre et le siège de ces tribunaux exceptionnels avaient été désignés par avance, aussi bien que les limites topographiques de leur juridiction ; que lui, M. Gabriel Ossude, avait reçu sa nomination des mains de M. Thiers, bien qu’il ne fût pourvu d’aucun grade dans l’armée, mais en tant que capitaine au 17e bataillon de la garde nationale.

Quant aux attributions exactes afférentes à la qualité de membre des cours prévôtales, M. Ossude ne s’en expliqua guère, mais elles devaient exiger, nécessairement, un grand zèle, comme vous allez voir. En effet, le 30 mai, sur le bruit de mon arrestation, le sieur Ossude accourait au Luxembourg, porteur de la déclaration d’un nommé Damarey (Arthur-Oscar-Gustave-Joseph), qui affirmait que c’était bien moi, Ulysse Parent, qui « avais donné l’ordre d’incendier le quartier de la Bourse, aussi bien que de faire fusiller les otages ; que, le 24 mai, sur le boulevard Voltaire, deux cavaliers porteurs de ce dernier ordre partaient pour la Roquette, et que tout le monde disait que c’était Ulysse. Parent qui venait de le donner. »

Ce fut M. le commissaire de police Gutzviller qui recueillit la déposition mensongère de ces deux personnages ; j’en ai entre les mains le texte complet et authentique ; j’ajoute, pour finir, que le zèle déployé en cette circonstance par M. le prévôt Ossude et son digne acolyte n’eut pas l’heureuse issue qu’ils en attendaient. Au moment même où l’on me recherchait au Luxembourg, je venais d’être dirigé sur Versailles. Sans cette circonstance fortuite, je me trouverais, à cette heure, bien empêché sans doute de me dire une fois de plus, mon cher Pelletan, votre tout dévoué concitoyen et ami.

« ULYSSE PARENT. »