XXXVIII
Les massacres en masse durèrent jusqu’aux premiers jours de Juin

Le Radical du 30 mai 1872 publia la lettre suivante d’un employé de Saint-Thomas d’Aquin qui, pendant la Commune, avait rendu aux Versaillais le service d’empêcher le tir des canons de 8 se chargeant par la culasse :

À Monsieur le comte Daru, président de la commission d’enquête sur l’insurrection du 18 mars, à Versailles.

« Monsieur le président,

Je viens de lire dans un livre qui a pour titre : Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars ; déposition des témoins, la déposition suivante du capitaine d’état-major Garcin : Tous ceux qui étaient arrêtés les armes à la main étaient fusillés dans le premier moment, c’est-à-dire pendant le combat. Mais quand nous avons été les maîtres de la rive gauche, il n’y a plus eu d’exécution. »

Dans le rapport du maréchal de Mac-Mahon sur les opérations de l’armée de Versailles contre Paris insurgé, je trouve la déclaration suivante :

Dans la soirée du 25 mai, toute la rive gauche était en notre pouvoir, ainsi que les ponts de la Seine. »

Le témoignage du capitaine Garcin est malheureusement contraire à la vérité. QUATRE JOURS APRÈS LE 25 MAI, mon fils et QUATORZE autres malheureuses victimes ont été tuées à la caserne Dupleix, située sur la rive gauche, près l’École militaire.

Le 31 août, j’ai adressé, à ce sujet, au ministre de la Justice, une plainte dont je joins ici une copie conforme, dans laquelle, après avoir relaté les faits qui avaient rapport à mon fils, je demandais que la justice recherche et punisse les coupables.

La justice est restée, jusqu’à présent, sourde à mes réclamations, malgré la publicité que j’ai donnée à cette plainte pour établir la disparition de mon enfant.

S’il était vrai, ainsi que le déclare le capitaine Garcin, que des ordres eussent été donnés par le général commandant en chef les troupes de la rive gauche pour faire cesser les exécutions à partir du 25 mai au soir, s’il était encore vrai que le maréchal de Mac-Mahon eût, par une dépêche du 28 mai, donné l’ordre de suspendre toute exécution, ainsi que M. le colonel, président le conseil de guerre lors du procès des membres de la Commune l’a déclaré, l’officier de gendarmerie, le nommé Roncol, l’ordonnateur des massacres de la caserne Dupleix et ses complices, auraient été poursuivis pour avoir, au mépris des ordres des chefs de l’armée, fait tuer des malheureux qui n’avaient pris aucune part au combat.

Ainsi, chose affreuse, le 29 mai dans la matinée, pendant que je rendais, à Saint-Thomas-d’Aquin, les canons que, sur l’honneur, mon fils et moi nous avions juré de conserver à l’État et pour lesquels nous avions risqué notre vie, mon fils était massacré dans le fond d’une écurie, par ceux qui auraient dû le protéger.

En conséquence des faits que je viens de faire connaître, je prie monsieur le président d’avoir l’extrême obligeance de faire rectifier la déposition de M. le capitaine d’état-major Garcin, qui est, sur ce point des exécutions, entièrement contraire à la vérité.

J’ai bien l’honneur, monsieur le président, de vous saluer avec la plus entière considération.

Signé : G. LAUDET. »

« Copie conforme adressée par lettre chargée le 28 mars 1872, sous le n° 158, à M. le comte Daru, qui en a donné reçu.

Paris, le 29 mai 1872.

G. LAUDET. »