L’armée de Versailles

Le 6, il avait rendu le commandement d’une armée française à ce Mac-Mahon, qui ne rendit jamais compte de l’armée par lui précipitée dans Sedan. La Versaillaise, racolée partout, comptait au début 46 000 hommes, en majeure partie résidus de dépôts, incapables d’une action sérieuse. L’appel aux volontaires de Paris et de province n’avait donné que deux corps : les volontaires de la Seine avec 350 hommes, ceux de Seine-et-Oise 200 environ, sorte de guérillas d’anciens officiers ou sous-officiers de francs-tireurs, mobiles, et dont l’uniforme rappelait beaucoup celui de la garde nationale. Pour avoir une force, M. Thiers envoya Jules Favre repleurer auprès de Bismarck.

Le Prussien rendit 60 000 prisonniers et autorisa son confrère à porter à 130 000 hommes le nombre des soldats sous Paris qui, d’après les préliminaires de paix, ne devait pas dépasser 40 000. Le 25 avril, l’armée versaillaise comprenait cinq corps, dont deux, Douai et Clinchant, formés de libérés d’Allemagne, et une réserve commandée par Vinoy, en tout 110 000 hommes. Elle monta jusqu’à 130 000 combattants et eut 170 000 rationnaires. M. Thiers montra une habileté réelle à la dresser contre Paris. Les soldats furent bien nourris, bien habillés, sévèrement éloignés de tout contact avec le dehors ; la discipline se rétablit. Ce n’était pas cependant une armée d’attaque et les hommes détalaient devant une résistance soutenue. Malgré les vantardises officielles, les généraux ne comptaient réellement que sur l’artillerie à laquelle ils devaient les succès de Courbevoie et d’Asnières. Le canon seul pouvait battre Paris.

Il était littéralement entouré de baïonnettes comme au temps du premier siège, cette fois moitié étrangères, moitié françaises. L’armée allemande, en hémicycle depuis la Marne jusqu’à Saint-Denis, occupant les forts de l’est – sauf celui de Vincennes désarmé – et du nord, l’armée versaillaise fermant le cercle depuis Saint-Denis jusqu’à Villeneuve-Saint-Georges, maîtresse seulement du Mont-Valérien. Les fédérés avaient les cinq forts d’Ivry, de Bicêtre, de Montrouge, de Vanves, d’Issy, les tranchées, les avant-postes qui les reliaient et les villages de Neuilly, Asnières, Saint-Ouen.

Le point vulnérable de l’enceinte, au sud-ouest, était le saillant du Point-du-Jour. Le fort d’Issy le gardait. Suffisamment défendu à droite par le parc, le château d’Issy et une tranchée le reliant à la Seine que balayaient les canonnières fédérées, ce fort était dominé en face et à gauche par les hauteurs de Bellevue, Meudon et Châtillon. M. Thiers les arma de grosses pièces venues de Toulon, Cherbourg, Douai, Lyon et Besançon – 293 bouches de siège – et leur effet fut tel que, dès les premiers jours, le fort d’Issy craqua. Le général Cissey, chargé de conduire ces opérations, commença aussitôt les cheminements.

Éteindre le fort d’Issy et celui de Vanves qui le soutenait, forcer ensuite le Point-du-Jour d’où une armée peut se déployer dans Paris, tel était le plan de M. Thiers.

Les opérations, de Saint-Ouen à Neuilly, n’avaient pour objet que d’arrêter le débouché des Parisiens sur Courbevoie.