On regardait encore la manifestation, quand un bruit éclata sur la place : le fort d’Issy est évacué !
Sous le couvert de leurs batteries, les Versaillais, poussant leurs cheminements, avaient, dans la nuit du 26 au 27, surpris les Moulineaux d’où l’on pouvait gagner le parc d’Issy. Les jours suivants, soixante pièces de gros calibres concentrèrent leurs obus sur le fort, tandis que d’autres occupaient Vanves, Montrouge, les canonnières et l’enceinte. Issy répondait de son mieux ; mais les tranchées que Wetzel ne savait pas commander étaient très mal tenues. Le 29, le bombardement redoubla et les projectiles fouillèrent le parc. À minuit, les Versaillais cessaient le feu et surprenaient les fédérés des tranchées. Le 30, le fort, qui n’avait reçu aucun avis de cette évacuation, se réveilla entouré d’un demi-cercle de Versaillais. Le commandant Mégy se troubla, fit demander des renforts, ne reçut rien. La garnison s’émut, et ces fédérés qui supportaient si bien la pluie des obus, s’effrayèrent de quelques tirailleurs. Mégy tint conseil ; l’évacuation fut décidée. On encloua les canons précipitamment et si mal qu’ils furent décloués le soir même. Le gros de la garnison sortit. Quelques hommes comprirent autrement leur devoir et voulurent rester pour sauver l’honneur. Dans la journée, un officier versaillais les somma de se rendre dans un quart d’heure, sous peine d’être passés par les armes. Ils ne répondirent pas. Les Versaillais n’osèrent pas s’aventurer.
À cinq heures, Cluseret et La Cécilia arrivèrent à Issy avec quelques compagnies ramassées à la hâte. Elles se déployèrent en tirailleurs ; à huit heures, les fédérés rentrèrent dans le fort. Sous la porte d’entrée, un enfant, Dufour, auprès d’une brouette remplie de cartouches et de gargousses, était prêt à se faire sauter, croyant entraîner la voûte avec lui. Dans la soirée, Vermorel et Trinquet amenèrent d’autres renforts et les fédérés réoccupèrent toutes les positions.
Aux premiers bruits d’évacuation, des gardes nationaux étaient venus à l’Hôtel de Ville interpeller la Commission exécutive. Elle affirma n’avoir donné aucun ordre d’évacuer le fort et promit de punir les traîtres, s’il y en avait. Le soir, elle arrêta Cluseret à son arrivée du fort d’Issy. Il quitta le ministère laissant une situation militaire plus mauvaise qu’à son entrée ; l’armée d’opération qu’il avait promise n’était pas réunie, l’armement ni l’équipement n’avaient progressé ; il y avait moins d’hommes sous les armes et Issy était compromis. Toute sa défense intérieure avait été d’enterrer, au Trocadéro, des canons qui, disait-il, faisaient brèche au mont Valérien. Plus tard, il devait rejeter son incapacité sur ses collègues, les traitant d’imbéciles, de vaniteux, accusant Delescluze de fourberie, disant que son arrestation avait tout perdu, s’appelant modestement « l’incarnation du peuple ».