Ce Comité de salut public ne tient pas du tout aux responsabilités. Le lendemain, il redemande conseil au sujet de certain projet de conciliation présenté à la Commune et à Versailles par cette bonne Ligue des droits de Paris. « Je m’étonne, dit Paschal Grousset, que le Comité de salut public vienne nous donner lecture de cet insolent ultimatum ; la seule réponse qu’il mérite est l’arrestation et le châtiment de ses auteurs » ; il conclut à un blâme contre le Comité. « Qu’il soit cassé ! » dit un autre. « Dorénavant, dit Ranvier, nous prendrons nos décisions sans vous consulter. » Bref, la Commune s’en réfère encore au décret qui donne pleins pouvoirs au Comité. Aussitôt Félix Pyat de donner sa démission. Tridon l’apostrophe. « Le citoyen Pyat, dit Johannard, a été l’un des promoteurs de ce Comité ; je demande un blâme contre le citoyen Pyat qui donne sa démission tous les jours pour rentrer toujours ici. » – Pyat : « Je trouve ici, vis-à-vis de moi, une opposition personnelle. » – Vallès : « À la place de Pyat, je ne me démettrais pas. » – Pyat : « Eh bien ! je demande à parler en conscience. Que ceux qui m’ont attaqué, que les citoyens Tridon, Johannard, Vermorel retirent leurs injures, et je ne garderai aucun souvenir de ce triste incident dans mon cœur (Interruptions) ; je demande que tout soit vidé, fini, que le passé soit passé. » Vermorel : « Il faut qu’il y ait réciprocité. J’avais manifesté ma sympathie pour le citoyen Pyat au 31 octobre. Quand il a, une première fois, donné sa démission, je n’y ai trouvé aucune raison ; je l’ai dit. Quand il s’est agi de supprimer le Bien public, le citoyen Pyat a appuyé ici cette suppression, et dans son journal il a protesté ; j’ai constaté cette contradiction ; en réponse, le citoyen Pyat m’a accusé d’avoir eu des relations avec Rouher. Mes électeurs de Montmartre m’ont demandé des explications ; ils ne m’ont pas envoyé ici sans savoir que j’étais complètement blanc. Il faut que l’assemblée le sache enfin, il existe un rapport de M. Mercadier… (Interruptions.) Je veux m’expliquer… Dans les papiers du 4 Septembre, on a trouvé une correspondance de Rouher, se plaignant de ce que je n’avais été condamné qu’à cinq cents francs d’amende pour un article de journal ; cela lui paraissait un scandale. Le citoyen Pyat a trouvé un rapport de ce Mercadier où il dit que je suis, « comme on sait », l’agent de Rouher. Ceci d’après les rapports d’un Lucien Morel, un petit polisson que j’avais signalé à mes amis. Si Pyat m’avait demandé des explications, je les lui aurais fournies. » – Malon : « Je faisais partie du jury entre Rochefort et Vermorel, je tiens à déclarer que je n’ai jamais su qu’on pût dire que Vermorel était un agent de Rouher. » Nombreuses voix : « Assez ! assez ! » Tridon et Johannard disent, l’un, qu’il a été vif, l’autre, qu’il n’a pas insulté Pyat. Celui-ci répond qu’on l’a accusé de lâcheté tout à l’heure, qu’on a appliqué à sa démission le mot de désertion, que Vermorel a fait insérer dans le journal de Rochefort une calomnie – il s’agit de l’histoire d’un bateau à charbon – et il termine : « Je mets la Commune dans cette position de déclarer que je suis un homme honorable. » – Vermorel : « Je demande à Pyat de déclarer que je n’ai jamais transigé avec les principes d’honneur. » – De toutes parts : « Ces discussions sont déplorables. » Pyat se lève. On crie : « l’ordre du jour ! », l’incident Pyat-Vermorel ne figurera pas à l’Officiel. Depuis qu’il publiait les séances, la plupart étaient écourtées, expurgées et ne donnaient qu’un très pâle reflet des discussions.