Fuite de Rossel et de Gérardin

Le lendemain, il arrive à l’Hôtel de Ville pendant la séance de la Commune, qui a nommé Delescluze délégué à la Guerre par 42 voix sur 46 et discute le rapport de Courbet, chargé de découvrir une salle de séances. Le grand peintre est pour la salle des Maréchaux, aux Tuileries ; d’autres proposent celle des États, le Luxembourg, la salle Saint-Jean qui laisse la Commune à l’Hôtel de Ville. Entre Johannard : « Rossel, dit-il, est à la questure. » La commission de la Guerre demande que Rossel soit introduit. – « Nous avons à le juger sans l’entendre à notre barre », dit Paschal Grousset. Arnold : « S’il a manqué à ce qu’il devait à la Commune, il n’a pas commis d’acte de trahison. » Félix Pyat : « Si la Commune ne réprime pas l’insolence de cette lettre, elle se suicide. » Dupont : « Cluseret n’a pas été entendu ; pourquoi Rossel le serait-il ? » Vingt-six contre seize refusent d’entendre Rossel. – Qui le jugera ? La Cour martiale, décide l’assemblée par 34 voix contre 2 et 7 abstentions. Où l’enverra-t-on ? Comme il l’a demandé, à Mazas !

L’assemblée écoutait plus ou moins un de ses membres, Allix, arrêté pour ses toquades, quand Avrial accourt dire que Rossel et Gérardin ont disparu.

Ch. Gérardin, ami de Rossel, voyant la tournure que prenait le débat, avait quitté l’assemblée et gagné la questure. « Qu’a décidé la Commune ? » lui demanda Avrial. – « Rien encore », répondit Ch. Gérardin, et avisant sur une table le revolver d’Avrial, il dit à Rossel : « Votre gardien remplit consciencieusement son devoir. » – « Je ne suppose pas, reprit vivement Rossel, que cette précaution me regarde. Du reste, citoyen Avrial, je vous donne ma parole d’honneur de soldat que je ne chercherai pas à m’évader. »

Avrial, très fatigué de sa longue faction, avait demandé qu’on le remplaçât. Il crut devoir profiter de la présence de Ch. Gérardin et, laissant le prisonnier sous sa garde, il se rendit à l’assemblée. Quand il revint, Rossel et son gardien avaient disparu. Le jeune ambitieux s’était esquivé, malgré sa parole, de cette Révolution où il s’était étourdiment fourvoyé.

On devine si Pyat cribla d’adjectifs le fuyard. Le nouveau Comité fit une proclamation désespérée ; on venait justement de lui révéler deux nouvelles conspirations : « La trahison s’était glissée dans nos rangs. L’abandon du fort d’Issy, annoncée dans une affiche impie par le misérable qui l’a livré, n’était que le premier acte du drame. Une insurrection monarchique à l’intérieur, coïncidant avec la livraison d’une de nos portes, devait le suivre… Tous les fils de la trame ténébreuse… sont à l’heure présente entre nos mains. La plupart des coupables sont arrêtés… Que tous les yeux soient ouverts, que tous les bras soient prêts à frapper les traîtres ! »

C’était du mélodrame quand il fallait tout son sang-froid. Et le Comité de salut public se vantait étrangement quand il prétendait avoir arrêté « la plupart des coupables » et tenir entre ses mains a tous les fils de la trame ténébreuse. »