Ces conseils républicains nouvellement élus pouvaient forcer la main à Versailles. La presse avancée les encourageait. La Tribune de Bordeaux proposa un congrès de toutes les villes de France, pour terminer la guerre civile, assurer les franchises municipales et consolider la République. Le conseil municipal de Lyon, avec un programme identique, invita toutes les municipalités à envoyer à Lyon des délégués. Le 4 mai, les délégués des conseils des principales villes de l’Hérault se réunirent à Montpellier. La Liberté de l’Hérault, dans un chaleureux appel, reproduit par cinquante journaux, convoqua la presse départementale à un congrès. Une action commune allait remplacer l’agitation incohérente des dernières semaines. Si la province comprenait sa force, l’heure, ses besoins, si elle trouvait un groupe d’hommes à la hauteur de la situation, Versailles, enserré entre Paris et les départements, devait capituler devant la France républicaine. M. Thiers sentit le danger, paya d’audace, interdit énergiquement les congrès. « Le Gouvernement trahirait l’Assemblée, la France, la civilisation, dit l’Officiel du 8 mai, s’il laissait se constituer à côté du pouvoir régulier issu du suffrage universel les assises du communisme et de la rébellion. » Picard, à la tribune, parlant des instigateurs du congrès : « Jamais tentative ne fut plus criminelle que la leur. En dehors de l’Assemblée, il n’y a pas de droit. » Les procureurs généraux, les préfets reçurent l’ordre d’empêcher toutes les réunions et d’arrêter les conseillers municipaux qui se rendraient à Bordeaux. Plusieurs membres de la Ligue des droits de Paris furent arrêtés à Tours, à Biarritz. Il n’en fallut pas plus pour effrayer les radicaux.
Les organisateurs du congrès de Bordeaux se replièrent. Ceux de Lyon écrivirent à Versailles qu’ils n’entendaient convoquer qu’une sorte d’assemblée de notables. M. Thiers, ayant atteint son but, dédaigna de les persécuter, laissa les délégués de seize départements dresser leurs doléances et sérieusement déclarer qu’ils rendaient responsables « celui des deux combattants qui refuserait leurs conditions. »