Elle était véritablement maltraitée. Déjà quand il s’agit de remplacer Delescluze, la majorité avait préféré à Varlin un homme tout à fait indigne, Billioray ; depuis, elle avait éliminé Varlin de l’intendance, Vermorel de la sûreté, Longuet de l’Officiel. Irritée et très inquiète aussi du désordre grandissant, elle voulut dégager sa responsabilité, le fit dans un manifeste apporté à la séance du 15. La majorité avertie ne vint pas, à l’exception de quatre ou cinq membres. La minorité fit constater l’absence et, au lieu d’attendre la réunion suivante, envoya sa déclaration aux journaux : « La Commune, disait-elle, a abdiqué son pouvoir entre les mains d’une dictature à laquelle elle a donné le nom de Comité de salut public… La majorité s’est déclarée irresponsable par son vote. La minorité affirme au contraire que la Commune doit au mouvement révolutionnaire d’accepter toutes les responsabilités… Quant à nous, nous revendiquons le droit de répondre seuls de nos actes sans nous abriter derrière une suprême dictature. Nous nous retirons dans nos arrondissements. »
Grande faute et sans excuse. La minorité n’avait pas le droit de crier à la dictature après avoir voté pour le second Comité de salut public. La publication des votes la couvrait très suffisamment devant ses électeurs. Il eût été plus digne de désavouer ouvertement les actes du Comité et de proposer mieux soi-même. Il eût été logique puisque, disait-elle, « la question de guerre primait toutes les autres », de ne pas anéantir moralement la défense en désertant l’Hôtel de Ville. Ce n’était pas pour revenir bouder dans leurs arrondissements que les arrondissements avaient envoyé des mandataires à l’Hôtel de Ville.
Leurs électeurs, que plusieurs d’entre eux réunirent, les invitèrent à reprendre leur poste ; mais le coup était porté ; les journaux versaillais poussèrent des cris de joie. Les protestataires comprirent leur faute et quinze d’entre eux se présentèrent à la séance du 17. L’appel nominal donna soixante-six membres, ce qui ne s’était jamais vu. On fut d’abord saisi d’une proposition soufflée par un traître. Barrai de Montaud, chef d’état-major de la 7e légion, venait de faire publier que les Versaillais de Vanves avaient fusillé une ambulancière de la Commune. Un membre de la majorité, poussé par Montaud, demanda que, par représailles, cinq otages fussent fusillés dans l’intérieur de Paris et cinq aux avant-postes. La Commune s’en référa à son décret du 5 avril. Elle sort de cette émotion quand Paschal Grousset interpelle les membres de la minorité, démontre la futilité des raisons invoquées dans leur manifeste et finit par les appeler Girondins. « Girondins ! riposte Frankel, c’est vous qui vous couchez et vous levez avec le Moniteur de 93 ! Sans cela vous sauriez la différence qui existe entre socialistes et Girondins. » La discussion s’envenime. Vallès qui avait signé le manifeste : « J’ai déclaré qu’il faut, s’entendre avec la majorité, mais il faut aussi respecter la minorité qui est une force », et il demande que toutes ces forces soient tournées contre l’ennemi. Jules Miot répond d’un grondement sévère. Un de la majorité parle de conciliation ; Félix Pyat, pour attiser les colères, demande lecture du manifeste. En vain Vaillant dit avec sens et justice : « Quand nos collègues reviennent à nous, désavouent leur programme, il ne faut pas le leur remettre sous les yeux pour les engager à persévérer dans leur faute », un ordre du jour conciliateur est battu par celui de Miot, rédigé en termes offensants pour la minorité.