À peine installé à Montmartre, l’état-major versaillais commence des holocaustes aux mânes de Lecomte et de Clément Thomas. Quarante-deux hommes, trois femmes et quatre enfants, ramassés au hasard, sont conduits au numéro 6 de la rue des Rosiers, contraints de fléchir les genoux, tête nue, devant le mur au pied duquel les généraux ont été exécutés le 18 mars. Puis on les tue. Une femme qui tient son enfant dans les bras refuse de s’agenouiller, crie à ses compagnons : « Montrez à ces misérables que vous savez mourir debout. »
Les jours suivants, ces sacrifices continuèrent. Chaque fournée de prisonniers stationnait d’abord devant le mur tigré de balles. On les fusillait ensuite à deux pas de là, sur le versant de la butte qui domine la route de Saint-Denis .
Les Batignolles et Montmartre virent les premiers massacres en masse. Juin 48 avait eu ses fusillades sommaires d’insurgés pris sur la barricade. Mai 71 connut les carnages à la fantaisie du soldat. Le mardi, bien longtemps avant les incendies, les Versaillais fusillaient les premiers venus, au square des Batignolles, place de l’Hôtel-de-Ville, porte de Clichy. Le parc Monceau est l’abattoir principal du XVIIe. À Montmartre, le massacre se centralise sur les buttes, l’Élysée, dont chaque marche est faite de cadavres, et les boulevards extérieurs.
À deux pas de Montmartre, on ignore la catastrophe. Place Blanche, la barricade des femmes tient quelque temps contre les soldats de Clinchant. Elles se replient ensuite sur la barricade Pigalle qui tombe vers deux heures. Son chef est amené devant un commandant versaillais : « Qui es-tu ? dit-il. – Lévêque, ouvrier maçon, membre du Comité Central. – Ah ! c’est des maçons qui veulent commander maintenant ! » répond le Versaillais qui lui décharge son revolver dans la figure.