Un des délégués courut le chercher à la mairie du XIe. Même devant l’ordre de Ferré, les gardes refusèrent d’abaisser le pont-levis. Delescluze les apostropha, dit qu’il s’agissait du salut commun. Représentations, menaces, rien ne put déraciner la pensée d’une défection. Delescluze revint à la mairie où il écrivit cette lettre confiée à un ami sûr :
« Ma bonne sœur, je ne veux ni ne peux servir de victime et de jouet à la réaction victorieuse. Pardonne-moi de partir avant toi qui m’as sacrifié ta vie. Mais je ne me sens plus le courage de subir une nouvelle défaite après tant d’autres. Je t’embrasse mille fois comme je t’aime. Ton souvenir sera le dernier qui visitera ma pensée avant d’aller au repos. Je te bénis, ma bien-aimée sœur, toi qui as été ma seule famille depuis la mort de notre pauvre mère. Adieu. Adieu. Je t’embrasse encore. Ton frère qui t’aimera jusqu’à son dernier moment. »
Aux abords de la mairie, une foule criait après des drapeaux surmontés d’aigles qu’on venait, disait-on, de prendre aux Versaillais, ruse enfantine pour exciter les courages. On ramenait des blessés de la Bastille. Mme Dimitrieff, blessée elle-même, soutenait Frankel blessé à la barricade du faubourg Saint-Antoine. Wroblewski arrivait de la Butte-aux-Cailles. Delescluze lui proposa le commandement général : « Avez-vous quelque mille hommes résolus ? » dit Wroblewski. « Quelques centaines au plus », répondit le délégué. Wroblewski ne pouvait accepter aucune responsabilité de commandement dans des conditions si inégales et il continua la lutte comme simple soldat. C’est, avec Dombrowski, le seul général de la Commune qui ait montré les qualités d’un chef de corps. Il demandait toujours qu’on lui envoyât les bataillons dont personne ne voulait, se faisant fort de les utiliser.
L’attaque se rapproche de plus en plus du Château-d’Eau. Cette place aménagée par l’Empire pour arrêter les faubourgs et qui rayonne sur huit larges avenues, n’a pas été véritablement fortifiée. Les Versaillais, maîtres des Folies-Dramatiques et de la rue du Château-d’Eau, l’attaquent en tournant la caserne. Maison par maison, ils arrachent la rue Magnan aux pupilles de la Commune. Brunel, ayant fait face à l’ennemi pendant quatre jours, tombe, la cuisse traversée. Les pupilles l’emportent sur un brancard, à travers la place du Château-d’Eau.
De la rue Magnan, les Versaillais sont vite dans la caserne. Les fédérés, trop peu nombreux pour défendre ce vaste monument, doivent l’évacuer. La chute de cette position découvre la rue Turbigo. Les Versaillais peuvent dès lors se répandre dans tout le haut du IIIe et cerner le Conservatoire des Arts-et-Métiers. Après une assez longue lutte, les fédérés abandonnent la barricade du Conservatoire, laissant une mitrailleuse chargée. Une femme aussi reste, et quand les soldats sont à portée, décharge la mitraille.