Le Paris, qu’a fait Versailles n’a plus face civilisée : « C’est une folie furieuse, écrit le Siècle du 26 au matin. On ne distingue plus l’innocent du coupable. La suspicion est dans tous les yeux. Les dénonciations abondent. La vie des citoyens ne pèse pas plus qu’un cheveu. Pour un oui, pour un non, arrêté, fusillé. » Les soupiraux des caves sont murés par ordre de l’armée, qui veut accréditer la légende des pétroleuses. Les gardes nationaux de l’ordre sortent de leurs trous, orgueilleux du brassard, s’offrent aux officiers, fouillent les maisons, revendiquent l’honneur de présider aux fusillades. Dans le Xe arrondissement, l’ancien maire Dubail, assisté du commandant du 109e bataillon, guide les soldats à la chasse de ses anciens administrés. Grâce aux brassardiers, le flot des prisonniers grossit tellement qu’il faut centraliser le carnage afin d’y suffire. On pousse les victimes dans les cours des mairies, des casernes, des édifices publics, où siègent des prévôtés, et on les fusille par masses. Si la fusillade ne suffit pas, la mitrailleuse fauche. Tous ne meurent pas du coup et, la nuit, il sort de ces monceaux des agonies désespérées.
Ce n’est pas assez d’achever les blessés de la bataille des rues. Le Versaillais va chercher les blessés hors Paris qui sont aux ambulances. Il y en a une au séminaire Saint-Sulpice, dirigée par le docteur Faneau, très peu sympathique à la Commune ; le drapeau de Genève l’abrite. Un officier arrive : « Y a-t-il ici des fédérés ? » – « Oui, dit le docteur, mais ce sont des blessés que j’ai depuis longtemps. » – « Vous êtes l’ami de ces coquins », dit l’officier. Faneau est fusillé ; plusieurs fédérés sont égorgés dans l’ambulance même. Plus tard, l’honnête officier prétexta d’un coup de feu tiré par ces blessés. Les fusilleurs de l’ordre ont rarement le courage de leurs crimes .
L’ombre ramène la clarté d’incendies. Où les rayons du soleil faisaient des nuages noirs, d’éclatants brasiers réapparaissent. Le Grenier d’Abondance illumine la Seine, bien au-delà des fortifications. La colonne de Juillet, transpercée par les obus qui ont enflammé son vêtement de couronnes desséchées et de drapeaux, flambe en torche fumeuse ; le boulevard Voltaire s’enflamme du côté du Château-d’Eau.