La plus large part en revient à la presse. Plusieurs semaines, elle vécut d’entretenir la rage et la panique des bourgeois. M. Thiers, rééditant une des inepties de 1848, avait parlé de « liquides vénéneux rassemblés pour empoisonner les soldats » et laissé dire, dans la proposition à l’Assemblée d’une pension pour le commandant Ségoyer, tué à la Bastille : « Il fut enduit de pétrole et brûlé vif ». À son exemple, toutes les inventions des coquins de 48 furent reprises par ceux de 71, horriblement rajeunies. Fourneaux de mine dans les égouts avec torpilles et fils tout préparés ; huit mille pétroleuses embrigadées par Ferré, divisées en escouades correspondant à chaque quartier ; étiquettes gommées de la dimension d’un timbre-poste portant les lettres B.P.B. et une tête de bacchante pour être posées sur les maisons à brûler ; serinettes, barillets, œufs à pétrole garnis de capsules ; vitrioleuses chargées de défigurer « tous les individus qui n’avaient point le malheur d’être aussi laids que Delescluze ou Vermorel » ; pompes à vitriol ; ballons libres lestés de matières inflammables ; chignons incendiaires imbibés de matière fulminante ; sphères à venin ; gendarmes rôtis ; marins pendus ; femmes riches violées ; réquisitions de filles publiques ; vols sans fin, pillage de la Banque, du greffe du Palais de Justice , des églises, de l’argenterie des cafés, tout ce que la folie et la peur bête peuvent inventer, fut raconté, et le bon bourgeois crut tout. Quelques journaux tinrent spécialité de faux ordres d’incendie, d’autographes dont on ne put jamais produire les originaux et qui ont fait foi pour les conseils de guerre et les histoires. Quand elle crut que la fureur bourgeoise faiblissait, la presse s’efforça de la rajeunir. « Paris, nous le savons, disait le Bien Public, ne demande qu’à se rendormir ; dussions-nous l’ennuyer nous le réveillerons. » Le 8 juin, le Figaro, refaisant son article de Versailles, dressait un nouveau plan de carnage : « La répression doit égaler le crime… Les membres de la Commune, les chefs de l’insurrection, les membres des comités, cours martiales et tribunaux révolutionnaires les généraux et officiers étrangers, les déserteurs, les assassins de Montmartre, de la Roquette et de Mazas, les pétroleurs et les pétroleuses, les repris de justice, devront être passés par les armes… La loi martiale devra s’appliquer dans toute sa rigueur aux journalistes qui ont mis la torche et le chassepot aux mains de fanatiques imbéciles… Une partie de ces mesures ont déjà été mises en vigueur. Nos soldats ont simplifié la besogne des cours martiales de Versailles en fusillant sur place ; mais il ne faut pas se dissimuler que beaucoup de coupables ont échappé au châtiment… » Ce Figaro publia, en guise de feuilleton, l’historique des derniers jours de l’Hôtel de Ville , et le Gaulois réédita au compte de Delescluze une histoire sadique attribuée en 48 à Ledru-Rollin .