Au mois de juin 72, le gros œuvre de la répression était terminé. Des 36 309 prisonniers hommes, femmes et enfants, non compris les 5 000 militaires que les Versaillais ont avoués, 1 179, disaient-ils, étaient morts entre leurs mains ; 22 326 avaient été libérés en 72 après de longs mois d’hiver dans les pontons, les forts et les prisons ; 10 488 traduits devant les conseils de guerre qui en avaient condamné 8 525. Les poursuites ne cessèrent pas. À l’avènement de Mac-Mahon, le 24 mai 73, il y eut recrudescence. Le 1er janvier 75, le résumé général de la justice versaillaise annonçait 10 137 condamnations contradictoires et 3 313 par contumace. Les peines prononcées se répartissaient ainsi :
Ce rapport ne mentionnait ni les condamnations prononcées par les conseils de guerre hors de la juridiction de Versailles, ni celles des cours d’assises. Il faut ajouter 15 condamnations à mort, 22 aux travaux forcés, 28 à la déportation dans une enceinte fortifiée, 29 à la déportation simple, 74 à la détention, 13 à la réclusion, un certain nombre à l’emprisonnement. Le chiffre total des condamnés à Paris et en province dépassait TREIZE MILLE SEPT CENTS, parmi lesquels cent soixante-dix femmes et soixante enfants.
Les trois quarts des dix mille condamnés contradictoirement – 7 418 sur 10 137 – étaient de simples gardes ou des sous-officiers ; 1 942 des officiers subalternes. Il n’y avait que 225 officiers supérieurs, 29 membres de la Commune, 49 du Comité Central. Malgré leur jurisprudence sauvage, les enquêtes, les faux témoins, les conseils de guerre n’avaient pu relever contre les neuf dixièmes des condamnés – 9 285 – d’autre crime que le port d’armes ou l’exercice de fonctions publiques. Des 766 condamnés pour délits dits de droit commun, 276 l’étaient pour simples arrestations, 171 pour la bataille des rues, 132 pour crimes classés autres par le rapport, saisies, perquisitions faites en vertu de mandats réguliers, et que les conseils qualifiaient vols, pillages. Malgré le grand nombre de repris de justice englobés dans les poursuites, près des trois quarts des condamnés – 7 119 – n’avaient aucun antécédent judiciaire ; 524 avaient encouru des condamnations pour délits politiques ou de simple police, 2 381 pour crimes ou délits que le rapport se gardait de spécifier. Cette insurrection si souvent accusée d’avoir été provoquée et conduite par l’étranger ne fournissait en tout que 396 condamnés étrangers. Cette insurrection que les bourgeois disaient née et ayant vécu pour le vol et le pillage avait traversé pure le crible des conseils de guerre. Nul, même des témoins les plus haineux, n’était venu déposer d’un vol contre ces milliers de « bandits » ; nul n’avait osé prétendre que ces « pillards » eussent exploité les incendies.