Cet enfer avait trois cercles : sur la Grande-Terre, non loin de Nouméa, la presqu’île Ducos pour les condamnés à la déportation dans une enceinte fortifiée : 811 dont 6 femmes – les blindés ; – au sud-est de la Grande-Terre, à vingt-cinq milles environ, l’île des Pins pour les condamnés à la déportation simple : 2 808, dont 13 femmes ; – et, tout au fond, « là où le soleil se tait », en face de la presqu’île Ducos, le bagne de l’île Nou, pour 240 galériens.
La presqu’île Ducos et l’île Nou forment les deux bras de la rade au fond de laquelle campe Nouméa, baroque échantillon de l’incurie et des caprices administratifs ; le tout dominé par les canons de la caserne d’artillerie située à la pointe Chaleix. Les avisos de la rade pouvaient couvrir de fer la presqu’île et le bagne.
La presqu’île, étroite langue de terre fermée à la gorge par des soldats, sans eau vive, sans verdure, est sillonnée de petites collines arides entrecoupées de deux vallées, Numbo et Tendu, se terminant vers la mer en marécages où croissent de chétifs palétuviers et de rares niaoulis. Jamais colon ne voulut perdre une heure sur cette terre morte. Les déportés, bien qu’attendus depuis des mois, ne trouvèrent que des huttes en paille ; pour mobilier quelques bidons, gamelles et un hamac.
L’île des Pins, plateau au centre désolé, était bordée de terres fertiles, mais depuis longtemps accaparées par les pères maristes qui exploitaient le travail des indigènes. Là non plus, rien n’était préparé pour recevoir les déportés. Les premiers arrivés errèrent dans la brousse. Très tard, on leur donna des tentes que les orages fréquents mirent en lambeaux. Les moins malheureux purent, avec leur argent, se construire des paillottes. Les indigènes fuyaient, excités par les missionnaires, ou vendaient des vivres à des prix insensés.