La vie des proscrits de la Commune n’a pas d’histoire politique. Ils connurent peu le ridicule des proscriptions précédentes qui se répandaient en manifestes ; s’ils se réunissaient, c’était pour des conférences instructives ou la célébration du 18 Mars. Leur seul rêve fut, quand menaça la rentrée de Chambord, de venir en France défendre cette République qui les persécutait ; leurs seuls appels furent pour les malheureux de la Nouvelle-Calédonie que les comités de Paris négligeaient.
La proscription de tant d’hommes de mérites divers n’avait pas seulement, comme celle des protestants sous Louis XIV, jeté par-dessus les frontières de la richesse nationale et appris aux rivaux les secrets de nos ateliers, au point que l’exportation de nos articles les plus délicats subit un long temps d’arrêt, elle avait aussi expulsé de l’honneur. Malgré l’âpreté des débuts, la maladie, le chômage imparfaitement combattus par les sociétés de solidarité, les communeux ne dévièrent jamais. Il n’y eut pas de condamnations pour faits d’indélicatesse, pas de déchéances de femme, et cependant elles supportaient le plus lourd du fardeau. Parmi ces milliers de proscrits, on ne signala que quatre ou cinq mouchards ; il ne se trouva que Landeck et Vésinier pour éditer un journal de dénonciation. Justice en fut faite très vite, car nulle proscription ne se montra plus soucieuse de sa dignité, au point qu’un ancien membre de la Commune dut se défendre d’avoir reçu un secours des députés de la Gauche. Sans doute, la proscription de 71 eut ses groupes ennemis et ses amertumes, – toutes les proscriptions sont ravinées de haine, – mais on se retrouvait tous derrière le cercueil d’un camarade qu’enveloppait le drapeau rouge, et tous, avec la même angoisse patriotique, suivaient les luttes qui nous restent à dire pour expliquer leur retour et, une fois de plus, justifier leur combat.