Le 18 mai, 372 voix contre 50 refusèrent l’amnistie pleine et entière. Gambetta s’abstint. La commission repoussa les autres propositions, dit qu’il fallait s’en rapporter à la clémence du Gouvernement. On ne la chicana que pour la forme et un radical finit par dire : « Ce n’est point sur une question de générosité que nous nous défierons jamais du Gouvernement. » Toutes les propositions furent enterrées. Au Sénat, Victor Hugo défendit l’amnistie partielle : « Le poteau de Satory, Nouméa, 18, 924 condamnés à la déportation simple et murée, les travaux forcés, le bagne à cinq mille lieues de la patrie, voilà de quelle façon la justice a châtié le 18 mars – il oubliait les vingt mille fusillés – ; et quant au crime du 2 décembre, qu’a fait la justice ? La justice lui a prêté serment. » Sa proposition ne fut même pas discutée.
Deux mois après, Mac-Mahon complétant la comédie, écrivait au ministre de la Guerre Cissey, le fusilleur du Luxembourg : « Désormais aucune poursuite ne doit avoir lieu si elle n’est commandée par le sentiment unanime des honnêtes gens. » Les honnêtes conseils de guerre comprirent et leur besogne continua. Quelques contumaces qui s’étaient aventurés en France sur l’espoir des premiers jours avaient été repris ; leurs peines furent confirmées. Les organisateurs de groupes ouvriers furent frappés impitoyablement quand on put les rattacher à la Commune . En novembre 76, un conseil de guerre prononça une condamnation à mort pour fait d’insurrection.
Cette barbarie persistante, survivant aux années, irritait l’opinion, et Mac-Mahon fut reçu, dans un voyage à Lyon, aux cris de : Vive l’amnistie ! Les radicaux durent s’agiter et demander au moins la cessation des poursuites. Gambetta fut cette fois avec eux. Sa politique était de rassurer le bourgeois en traitant la Commune d’« insurrection criminelle », de « convulsion de la misère, de la famine et du désespoir » et d’obtenir ainsi quelques abréviations de torture. À la Chambre, il alla jusqu’à louer les conseils de guerre pour « le dévouement, la sagesse, l’esprit militaire » avec lequel ils avaient examiné les dossiers. Une loi fut votée le 6 novembre qui pouvait, dans certains cas, signifier prescription ; le Sénat la repoussa.
En décembre 76, Jules Simon grimpe au ministère, de la casaque de Thiers passant à la livrée de Mac-Mahon. L’onctueux fusilleur apportait un mot-programme : « la République aimable » ; l’amabilité n’allait pas jusqu’aux communeux. Son collègue à la Justice, l’ex-président de la commission des assassins, le galant Martel, qui déclarait abominables les commissions mixtes de l’Empire, continua les poursuites. Un fédéré, Marin, condamné trois fois à mort, eut enfin son cas fixé et, six ans après la lutte, fut visé pour le bagne.
La clémence du maréchal allait du même pas. Dufaure, au lendemain du rejet d’amnistie, avait institué une nouvelle commission des grâces composée d’aimables libéraux, où brillait Dubail, l’ancien chasseur de fédérés. Les établissements pénitentiaires de France renfermaient à ce moment seize cents condamnés de la Commune et le nombre des déportés s’élevait à quatre mille quatre cents environ. La seconde commission des grâces fut digne de celle de Martel. Sur ses propositions, Mac-Mahon gracia des condamnés qui en avaient pour cinq ou six semaines et libéra deux ou trois morts. En mai 77, la Nouvelle-Calédonie n’avait rendu que deux cent cinquante à trois cents déportés, dont les peines étaient seulement commuées.