Vote de l’amnistie

Casimir-Périer, qui l’avait combattue en février à côté de Freycinet, protesta amèrement. Freycinet répondit que la contradiction n’était qu’apparente ; sans doute les chemins de fer, ports, etc., n’étaient pas encore construits ni les impôts dégrevés, mais l’ordre était assuré : l’essentiel. On aurait ri jaune si Gambetta n’était descendu de son fauteuil pour pétrir ces dures cervelles. Il dépeignit la France lasse, exaspérée de ces continuels débats sur l’amnistie se reproduisant à chaque question, à chaque élection et disant à ses gouvernants : « Quand me débarrasserez-vous de ce haillon de guerre civile ? » Il les prit par l’intérêt, leur montra les élections dans quinze mois, les rassura ensuite : « L’amnistie, vous pouvez la faire, elle vous débarrassera beaucoup ; l’élection de Trinquet, c’est la dernière manœuvre d’un parti dans la main duquel on va briser l’arme unique ». S’il ne le croyait pas, ils le crurent, et votèrent l’amnistie par 312 voix contre 136, comme ils l’avaient repoussée dans des proportions inverses quatre mois auparavant.

La commission sénatoriale repoussa le projet. Le tortionnaire des prisonniers, le valet de M. Thiers et de Mac-Mahon, le bien plus calomniateur de Paris que Maxime du Camp, le constant reptile contre Gambetta, Jules Simon, arma ses vieux crocs d’un venin toujours frais contre la Commune, querella le ministère, supplia ses collègues de résister. Ils l’eussent fait sans la crainte d’un conflit avec la Chambre et d’une émeute de l’opinion tout acquise à Gambetta. On trouva un biais, encore la grâce-amnistie ; mais cette fois, le Gouvernement gracia tous les condamnés le 10 juillet. Galliffet ne fut pas content, et il écrivit à Gambetta, dont il léchait les bottes, que l’amnistie plénière avait fait sur l’armée une déplorable impression.