XIII
Il ordonna à Dombrowski de faire suivre la négociation

« Je crois que le meilleur est de vous raconter succinctement ce qui s’est passé entre le Comité de salut public et Dombrowski.

Ce dernier vint nous trouver un soir et nous annonça que, par l’intermédiaire d’un de ses officiers qui était bien le fameux Hutzinger, Versailles, croyant pouvoir l’acheter, lui faisait des ouvertures et lui demandait un rendez-vous. Il nous demanda si l’on ne pourrait pas tirer de là quelque chose au bénéfice de la Commune. Je ne connaissais encore à ce moment personne des conspirateurs. Nous résolûmes de lui laisser tenter l’entrevue à la condition qu’il nous raconterait tout ce qui se passerait. Le soir même, je chargeai quelqu’un de le surveiller et de lui casser la tête au besoin s’il le voyait faiblir. À partir de cette époque, Dombrowski fut surveillé de près, – c’est même à cette surveillance qu’il dut de ne pas être enlevé par des Versaillais qui se servirent d’une femme pour l’attirer du côté du Luxembourg, – et, je le déclare, nous n’apprîmes rien qui fût de nature à altérer notre confiance.

Il vint le lendemain et nous raconta l’offre qui lui était faite d’un million à la condition qu’il livrerait une porte aux Versaillais. Il nous donna les noms de la plupart de ceux qu’il avait vus, parmi lesquels se trouvait un pâtissier de la place de la Bourse, l’adresse des embaucheurs (8, rue de la Michodière), et il nous annonça un autre rendez-vous pour le lendemain… Il nous expliqua comment il attirerait dans Paris quelques milliers de Versaillais qu’il ferait prisonniers. Nous nous opposâmes, Pyat et moi, à cette tentative. Il n’insista pas. Mais il demanda que, pour le lendemain, on lui fournit 20 000 hommes et des obusiers. Il était décidé à attirer les troupes versaillaises à portée des fortifications… Des 20 000 hommes, 3 ou 4 000 seulement purent être réunis et, au lieu de 500 artilleurs, il n’en vint qu’une cinquantaine… »

(Extrait d’une relation adressée à l’auteur par RANVIER, membre du Comité de salut public.)

Quelque temps après la déposition de l’amiral Saisset, devant l’enquête parlementaire, Ranvier écrivit au frère de Dombrowski :

Londres, 10 mars 1872.

St-John st., 160.

Cher citoyen,

C’est avec le plus grand plaisir que je me joins à vous pour élever la voix contre la déposition erronée de M. Saisset, concernant votre frère mort en combattant pour la Commune.

Il n’est que nécessaire de connaître ce qui s’est passé à Paris et savoir, comme nous, comment il est mort, tué par les balles des Versaillais, le mardi 23 mai, pour réduire au silence les allégations de M. Saisset.

Il est donc faux que la mort d’un traître, fusillé le mercredi, ait eu lieu par l’ordre de Dombrowski.

Il fut, en effet, proposé à votre frère d’entrer en arrangement avec Versailles ; mais il vint aussitôt nous en avertir et, dès ce moment, il s’occupa sérieusement des avantages militaires qu’il en pourrait tirer contre nos ennemis.

J’affirme que la conduite de Dombrowski est restée honorable et qu’il est mort avec le courage qui lui était si connu.

Puissent ces quelques lignes effacer ce que les accusations de M. Saisset ont d’offensant pour la mémoire de celui qui s’est conduit si vaillamment !

Recevez

G. RANVIER,

Ex-membre du C. de S.P. »