II
Et les fils du roi des Francs
Le royaume des Francs, depuis décembre 561 et la mort du vieux roi Clotaire, se trouvait, comme après le trépas de Clovis, dépecé et divisé en entités rivales1, héritages disparates des quatre fils survivants de trop nombreuses unions2.
À la suite d’un tirage au sort où le hasard avait tenu peu de place, l’aîné des princes, Caribert, avait obtenu toute la façade ouest d’un pays que l’on commençait, dans les missives diplomatiques, d’appeler Francia3. Hormis l’Armorique4 indépendante, il contrôlait un territoire s’étendant de la baie de Somme aux Pyrénées, avec Paris pour capitale. Afin de lui garantir un débouché, indispensable, sur la Méditerranée, ses cadets lui avaient consenti une enclave provençale à l’est de Marseille5.
Gontran, le puîné, avait hérité de la Burgondie, arrachée, au prix de quelques sanglants règlements de comptes familiaux, aux cousins de la reine Clotilde, « unique héritière légitime ». Ce beau domaine, qui s’étendait à l’origine de Sens à Genève et Avignon, contrôlant la vallée du Rhône, riche des antiques cités d’Auxerre et Lyon, s’était agrandi d’une partie de l’ancien royaume d’Orléans, comprenant cette ville et celle de Bourges, puis, après la reconquête de la Provence sur les Ostrogoths, des terres situées à l’ouest de Marseille. Chalon en était la capitale.
Sigebert, le dernier fils légitime aux yeux de l’Église, avait reçu la part la plus aventurée, à l’Est, l’Austrasie, dont Metz était capitale politique, Reims capitale spirituelle, et qui couvrait, outre-Rhin, l’ancien royaume de Cologne6, ainsi que la Thuringe. Histoire de simplifier encore la situation, l’Auvergne, reconquise sur les Wisigoths par le roi Thierry, faisait depuis partie intégrante de l’Austrasie…
Au dernier, Chilpéric, le fils d’Arégonde, que ses demi-frères et cousins traitaient de bâtard, étaient échus les restes : le royaume de Soissons, entre Tournai et la Somme, que le grand-père Clovis, à quinze ans, trouvait déjà trop petit pour ses ambitions7.
Cela promettait de belles empoignades afin de réajuster ces parts mal équilibrées, en attendant, à l’exemple du défunt Clotaire, que l’un ou l’autre des nouveaux rois entreprît de réunifier le royaume à son profit, quitte à trucider la concurrence. La dynastie n’en était plus à un fratricide près…
Ces partages à répétition, qui détruisaient de fond en comble l’œuvre des règnes précédents et livraient la Francia aux guerres intestines de la famille royale, étaient la pire des coutumes mais ni Clovis ni Clotaire, conscients de leurs effets pernicieux, n’avaient osé les supprimer. Leur postérité en payait les conséquences.
Et cela arrangeait les puissances voisines. Tant que les rois francs se battaient entre eux, ils n’avaient pas loisir d’envahir l’Italie ou l’Espagne. Athanagild avait été le premier, jadis, à s’en féliciter. Aujourd’hui qu’il recherchait l’alliance franque, il voyait les choses d’un autre œil.
Or, passé une période de fortes tensions au cours de laquelle Chilpéric, le mal loti, avait tenté en vain de s’agrandir aux dépens de Sigebert, la Francia semblait avoir retrouvé une certaine stabilité intérieure et les quatre rois étaient parvenus à une entente minimale. C’était le moment où ces prédateurs, plus ou moins réconciliés, risquaient de tourner leurs instincts belliqueux vers les ennemis héréditaires. Faire alliance avec eux avant qu’ils devinssent dangereux s’avérait urgent.
Restait à choisir l’allié potentiel.
Athanagild, prudent, porta son choix sur celui des rois francs qui ne possédait aucun intérêt territorial dans le Midi, celui qui serait donc le moins porté à lorgner vers l’Espagne : Sigebert d’Austrasie. Par chance, c’était aussi le seul encore célibataire. À trente ans passés, et connaissant les mœurs des hommes de la famille, tous terriblement portés sur les femmes, ce célibat persistant semblait, d’ailleurs, déconcertant.
D’ordinaire, le premier souci d’un prince ou d’un roi était de s’assurer une postérité masculine et, le droit royal germanique n’attachant aucune importance à la mère puisque tout fils de roi, fût-il né d’une esclave ou d’une gueuse, héritait des droits paternels à la couronne, cela entraînait la formation de harems. L’exemple du défunt Clotaire prouvait à quel point l’usage était ancré dans les mœurs, malgré la désapprobation de l’Église. En cela, le cas de Clovis, resté jusqu’à sa mort fidèle à Clotilde, demeurait une exception que ses fils et petits-fils avaient rarement cherché à imiter8.
Les fils de Clotaire avaient sans vergogne marché sur les traces de leur père. Petitement mariés à des filles de leudes ou d’antrustions, car le vieux roi ne voulait pas se susciter de rivaux susceptibles de s’appuyer sur de riches et puissants beaux-parents9, ils multipliaient liaisons et concubines.
Caribert de Paris, légitimement marié devant Dieu et les hommes à Ingoberge, avait pris deux sœurs pour maîtresses, remarquablement belles, sans se soucier qu’elles fussent nées d’un humble cardeur, et pas davantage que l’aînée, Marcovéfa, eût reçu le voile des vierges consacrées…
Le roi de Burgondie, Gontran, partageait officiellement sa couche avec une Gallo-Romaine, Veneranda, mère de son seul fils et héritier, mais n’avait pas trouvé bon de régulariser leur situation, oubli qui lui avait permis peu avant de se marier, religieusement, avec une certaine Marcatrude10.
Quant à Chilpéric de Soissons, le demi-frère, le « bâtard », il se partageait entre son épouse, Audowère, sa maîtresse en titre, une Gauloise du nom de Frédégonde, et des passades de rencontre qu’il ne dénombrait plus.
Pourquoi Sigebert n’en faisait-il pas autant, ou prenait-il soin d’entourer ses amours d’une discrétion telle que rien n’en filtrait au-dehors ? Par ambition. À la différence de ses aînés, que Clotaire avait mariés selon ses vues, le benjamin était parvenu à ne pas se laisser imposer une épouse de médiocre naissance. Peut-être, pour ce faire, avait-il affecté une piété outrancière que son père, découragé, avait attribuée à la fâcheuse influence de la reine Radegonde. Sigebert était un enfant en bas âge à la mort de sa mère, la reine Ingonde, et la Thuringienne, qui s’obstinait à demeurer stérile, l’avait élevé, reportant sur lui ses tendresses inemployées. Il fallait voir le résultat : quand ses frères ne craignaient ni Dieu ni diable, Sigebert prêtait aux prêtres et à leur enseignement une oreille respectueuse, s’attirait leurs bonnes grâces et se faisait aduler de sa belle-mère, désormais cloîtrée dans son monastère de Poitiers mais bien plus influente, depuis son couvent, qu’elle ne l’avait jamais été du temps qu’elle vivait au palais de Soissons.
Cette stratégie avait fonctionné. À la mort, si longtemps espérée, de Clotaire, qui avait libéré sa progéniture de sa terrifiante tutelle, Sigebert n’était pas engagé dans ces liens conjugaux où s’empêtraient ses frères. Et il jouissait, à tort ou à raison, d’une réputation de vertu, voire de chasteté, surfaite mais qui lui valait une large considération.
Qu’espérait-il en retirer ? Une alliance de prestige, celle, précisément, redoutée de Clotaire, qui lui permettrait de s’imposer, d’obtenir des appuis diplomatiques et de réunifier à terme la Francia à son unique bénéfice.
Contracter une alliance de prestige, c’était choisir une fille de roi, comme Clovis qui avait épousé une princesse de Cologne, puis une Burgonde ; comme l’oncle Thierry, son lointain prédécesseur sur le trône d’Austrasie, dont l’épouse, Suavegotha de Burgondie, lui avait apporté des droits sur les domaines paternels, et sur ceux de son grand-père maternel, Théodoric de Ravenne ; et même comme Clotaire qui, sitôt veuf, avait eu le bon sens de resserrer l’emprise des Francs sur la Thuringe en contraignant la princesse captive Radegonde à devenir sa femme.
Cependant, trois ans après la mort de son père, Sigebert n’avait toujours pas trouvé l’élue dont il rêvait et n’était même pas assuré de la trouver un jour. Ce parce que les princesses, par les temps qui couraient, devenaient une espèce singulièrement rare.
À Constantinople, Justinien et Théodora n’avaient jamais eu d’enfants, de sorte que le Basileus laisserait la pourpre, d’ici peu, murmurait-on, car il était vieux et malade11, à un neveu, Justin, lui aussi sans descendance. Et puis, jamais les Byzantins, quand même le palais des Blachernes eût compté une douzaine de princesses à établir, ne se fussent abaissés à donner une Porphyrogénète12 à un roitelet barbare.
Quant à l’Occident, la plupart des races royales issues des conquérants barbares y étaient éteintes, et Sigebert le savait d’autant mieux que sa famille en était, pour une part, responsable…
S’il convenait de laisser aux Byzantins l’éradication des dynasties vandale en Afrique du Nord13 et ostrogothe en Italie lors de leur reconquête de ces provinces, les Mérovingiens, pour leur part, s’étaient chargés d’éliminer leurs cousins francs de Belgique et d’outre-Rhin, leurs parents burgondes, les Thuringiens, la prestigieuse lignée wisigothe des Amales d’Espagne ; n’avaient survécu à ce vaste massacre familial que des principicules trop modestes pour les inquiéter, mais aussi pour rechercher leur alliance.
Sigebert n’avait que faire des Lombards, nouveaux venus aux dents longues, craints mais sans appuis.
Que faire des Bavarois, dans l’orbite franque et si dociles qu’ils se contentaient des restes de leurs suzerains14.
Que faire des Saxons de Bretagne, isolés dans la grande île, à demi sauvages et totalement païens.
Que faire des Bretons d’Armorique, divisés en principautés rivales et occupés à s’entre-tuer.
Impossible de prendre femme parmi ces gens-là. Sigebert commençait à se demander s’il trouverait jamais une fille de roi à mettre dans son lit quand la cour de Tolède lui avait, vers le printemps 565, envoyé de discrets ambassadeurs chargés de sonder ses intentions et voir à quel prix il estimerait une éventuelle intervention armée en Italie, manœuvre de diversion destinée à soulager la pression byzantine sur le sud de l’Espagne.
Sigebert n’avait aucune intention d’entrer en guerre contre les Byzantins ; même s’il s’en méfiait comme du feu, l’empire restait un allié traditionnel de la monarchie franque qui, dès ses débuts, avait eu l’habileté de se poser en sujette du Basileus. Cela n’engageait à rien, Constantinople étant beaucoup trop loin de Tournai, Soissons ou Paris pour exercer le moindre contrôle ; mais le fait que les empereurs successifs eussent conféré à Childéric, puis à Clovis, les titres de patrices et de consuls, avait pesé lourd dans leur spectaculaire réussite. Cependant, un demi-siècle avait passé, qui avait vu le retour en force sur la scène européenne du pouvoir impérial et les Francs savaient que les alliances nouées et les honneurs jadis dispensés ne pèseraient pas lourd le jour où Constantinople se croirait de taille à reprendre pied en Gaule. Alors, sans se départir de leur attitude amicale, les princes mérovingiens avaient entamé, vis-à-vis du Basileus, une politique de retardement consistant à multiplier les chausse-trappes devant l’avancée des armées byzantines.
Clotaire avait inauguré cette stratégie et joué la carte lombarde, parce que ce peuple ambitieux et belliqueux, s’il réussissait à prendre pied dans le nord de l’Italie, constituerait entre l’empire et la Francia une muraille plus solide que les Alpes. Ses fils ménageaient les Wisigoths d’Espagne pour les mêmes raisons : la survie du royaume de Tolède conditionnait la sûreté de la frontière pyrénéenne. Et Sigebert lui-même, en ce printemps 565, constatait combien était précaire l’amitié byzantine.
Aux premiers beaux jours, une rumeur atteignit Metz et y jeta l’épouvante : les Huns arrivaient ! Personne n’avait oublié comment Attila, en mars 451, avait détruit la cité et passé toute sa population au fil de l’épée. Il suffisait de prononcer le nom des féroces Asiates pour provoquer un début de panique parmi les Messins.
Sigebert, lui, ne s’était pas affolé. À la différence de ses sujets, il savait que les Huns n’existaient plus. Au lendemain de la mort d’Attila, l’hiver 452, les hordes étaient sorties de l’histoire aussi brutalement qu’elles y étaient entrées et l’on n’avait plus jamais entendu parler d’elles15. Ce n’étaient donc pas les Huns qui dévastaient la Thuringe mais un peuple nettement moins inquiétant, les Avars. Installés dans les Balkans, ceux-ci y subissaient la poussée migratoire des Slaves et des Bulgares, et tentaient de se tailler un territoire plus sûr. D’ordinaire, les Avars menaçaient Constantinople, pas la Germanie, mais, ce printemps, ils avaient changé d’objectif, franchi le Danube et envahi la partie la plus orientale de l’Austrasie.
Sigebert soupçonnait, et n’avait pas tort16, l’allié byzantin d’avoir poussé ces sauvages à marcher vers l’ouest. Il avait peu apprécié le procédé.
Les Avars, en effet, s’étaient révélés redoutables17 et Sigebert s’était retrouvé en mauvaise posture. Son demi-frère, Chilpéric de Soissons, avait jugé l’occasion propice pour procéder à ce réajustement frontalier qu’il souhaitait de longue date, et profité de son absence pour s’emparer de la Champagne.
Quand il en avait été informé, le roi d’Austrasie, exposé à perdre sur les deux tableaux, avait jugé prudent de négocier avec le khan des Avars, obtenu son retrait contre des compensations financières sur lesquelles il demeurerait muet mais qui devaient être conséquentes, et avait en hâte regagné la Francia afin d’y donner à Chilpéric la leçon qu’il méritait.
Ces péripéties désagréables avaient eu le mérite d’éclairer Sigebert sur le jeu tordu des Byzantins, qui ne reculaient devant rien pour déstabiliser un pays quand ils ambitionnaient de s’en emparer. Ils l’avaient prouvé dans le passé. À défaut d’attaquer la Francia par l’Italie ou l’Espagne, ils tâtaient ses défenses outre-Rhin. Sigebert avait détourné le coup et réexpédié les Avars vers les dèmes impériaux, en leur conseillant de les mettre à feu et à sang, mais il gardait de la rancune envers Constantinople.
Les avances d’Athanagild l’intéressèrent doublement. Elles tombaient à pic. Le roi de Tolède cherchait un allié contre Byzance. Sigebert voulait épouser une fille de roi. Certes, la royauté d’Athanagild était un peu fraîche et sentait encore son parvenu mais il faudrait s’en contenter. Et puis, il était riche, détail non négligeable quand Sigebert venait de se ruiner en achetant le retrait avar… Il réclamerait une grosse dot18. En ce qui concernait une expédition militaire en Italie, il serait toujours temps de voir. Sigebert, faute d’y trouver le moindre intérêt personnel, ne prendrait pas ce risque mais de l’eau coulerait sous les ponts avant qu’Athanagild comprenne qu’il avait fait un marché de dupes et, quand il le comprendrait, il n’aurait aucun moyen de pression sur son gendre.
Fort de ces certitudes, Sigebert, à la fin de l’été 565, répondit au roi de Tolède qu’il acceptait son offre mais en échange de la main de l’une des princesses. Puis il attendit une réponse. Elle ne tarda pas. Athanagild et Goïswinthe, que l’on prétendait si attachés à leurs filles qu’ils répugnaient à les marier, offraient au roi d’Austrasie celle des deux qui lui convenait.
Sigebert s’empressa d’expédier à Tolède, avant que les neiges hivernales vinssent fermer les cols pyrénéens, l’un de ses hommes de confiance, le comte19 Gogon, haut dignitaire de la cour austrasienne, du même âge que son roi, assez lettré et beau parleur pour faire impression sur ces Wisigoths d’Espagne qui se piquaient de culture classique. La mission officielle du jeune comte était de présenter la demande en mariage austrasienne puis d’escorter la future reine jusqu’à Metz avec les honneurs dus à son rang ; officieusement, d’approcher les deux princesses wisigothes et de choisir la plus jolie.
Gogon devait aussi régler, avec la discrétion requise, la question de la dot et celle, plus épineuse, de la conversion de la jeune fille au catholicisme. Sigebert mesurerait, aux difficultés que lui opposerait Athanagild lors de ces discussions, l’importance qu’il attachait à ce mariage.
Or, des difficultés, Athanagild n’en opposa aucune. Il doterait richement sa fille, en or, en bijoux, vêtements de prix et esclaves ; il envisageait même de lui donner en pleine propriété une quinzaine de villages de Septimanie, aux confins des Cévennes20.
Et, en ce qui concernait sa conversion au catholicisme, il ne s’y opposait pas non plus, pourvu que la princesse fût libre de ses choix et n’abjurât pas, si l’envie l’en prenait, avant d’être à Metz, de manière à dédouaner ses parents, défenseurs attitrés de l’arianisme national.
Dans ces conditions, ne restait qu’à se décider entre les deux jeunes filles. L’usage voulait que l’on ne mariât jamais la cadette avant l’aînée mais Gogon, mis en présence des deux princesses, n’hésita pas longtemps. Il se voyait mal ramener en Austrasie une promise dénuée de charme et de beauté et, puisqu’il pouvait choisir, il demanda la main de Brunehilde plutôt que celle de Galswinthe.
Athanagild et Goïswinthe en furent soulagés. Quitte à se séparer de l’une de leurs filles, ils préféraient laisser s’en aller Brunehilde, intelligente, forte, déterminée, suffisamment belle pour se faire aimer de l’Austrasien. Galswinthe était moins armée pour affronter un tel destin et, en sa qualité d’aînée, possédait, en Espagne, plus de valeur politique que sa sœur. Et puis, détail à ne pas négliger, la dot d’une cadette pouvait être revue à la baisse. En préférant Brunehilde, l’envoyé de Sigebert avantageait les Wisigoths. Chacun fut donc ravi de l’arrangement.
Quant à Brunehilde, personne ne lui demanda son avis. Ce n’était pas l’usage et, bien élevée, elle ne manifesta rien de ses sentiments en ces circonstances. On n’en attendait pas moins d’elle.
Notes
1Clovis était mort en 511 ; il avait fallu attendre 558 pour que Clotaire réussisse à réunifier la Francia.
2Clotaire, troisième fils de Clovis et Clotilde, a épousé la fille d’un petit noble franc, Ingonde, puis, s’apercevant que sa belle-sœur, Arégonde, était plus belle que sa femme, il l’a « épousée » à son tour, à la mode germanique, c’est-à-dire en se passant de prêtre. Cela fait, il a, par précaution, jugé utile, malgré les interdits canoniques, d’épouser la veuve de son aîné, Clodomir d’Orléans, la reine Gontheuque, ce qui ne l’a pas empêché d’assassiner deux des trois enfants de la malheureuse… Puis une autre concubine nommée Chunsinde. Cela fait, et la reine Ingonde, son épouse légitime, étant morte, il s’est remarié, à l’église, avec une captive de guerre, la princesse thuringienne Radegonde, dont il avait allègrement massacré la famille. Après la fuite de celle-ci, qui a obtenu de l’Église, à la suite de l’assassinat de son jeune frère, la permission de se séparer de son époux, Clotaire a une fois de plus violé les lois ecclésiastiques en épousant de force la veuve de son petit-neveu, Thibaud d’Austrasie, la reine Vuldetrade. Elle avait quinze ans, lui presque soixante… D’Ingonde, l’épouse légitime, sont nés au moins six enfants, dont quatre ont survécu : Caribert, Gontran, Chlodosinde, future reine des Lombards, et Sigebert. D’Arégonde, n’a survécu qu’un fils, Chilpéric. Les unions avec Gontheuque et Radegonde n’ont pas entraîné de postérité. De Chunsinde, Clotaire a eu au moins un fils, Chramne, longtemps son préféré, qu’il a fait torturer à mort en 560, pour rébellion et trahison, avant de brûler vives sa bru et ses deux petites-filles en bas âge. Enfin, de Vuldetrade est né, après que le roi, sous pression des évêques, se soit résigné à la renvoyer, un dernier fils, Gondovald, qu’il a refusé de reconnaître.
3C’est dans la seconde moitié du VIe siècle que le terme, dans la correspondance diplomatique des papes, tend à remplacer, puis se substituer à celui de Gaule.
4Territoire aux frontières fluctuantes et contestées qui recouvre approximativement la Bretagne, s’étendant parfois jusqu’à la Loire, puis reculant en deçà du Vannetais, tendant vers le Maine, puis reculant en deçà de Rennes, selon les pointes que Bretons ou Francs tentent tour à tour sur le domaine du voisin.
5Les fils de Clovis ont réussi à chasser de Provence les Ostrogoths.
6Revendiqué et conquis par Clovis au profit de son fils aîné, Thierry, né de sa première union avec une princesse franque de Cologne.
7Cette part humiliante accordée à Chilpéric par ses demi-frères est une façon de le ravaler au rang de bâtard, quoique cette notion n’existe pas en droit germanique, et de sanctionner l’imprudente audace dont il a fait preuve, au lendemain de la mort de Clotaire, en tentant de s’emparer de Paris, en profitant que ses frères étaient occupés à préparer les obsèques paternelles. Ses aînés lui ont fait grâce de la vie, mais, ne pouvant le déshériter, lui ont laissé le strict minimum.
8Parmi les fils de Clovis et Clotilde, seul l’aîné, Clodomir, roi d’Orléans, restera fidèle à ses engagements conjugaux. Il est vrai qu’il était, de tous, celui qui subissait le plus l’influence maternelle, et que la reine Clotilde ne plaisantait pas avec la sainteté du mariage chrétien.
9L’exemple de son fils préféré, Chramne, qui avait, après avoir déclenché une révolte contre son père, épousé sans sa permission la fille de puissants seigneurs de l’Orléanais, alliés, par le mariage de leur aînée, aux principaux chefs de l’Armorique indépendante, lui avait servi de leçon.
10Laquelle, dès qu’elle fut enceinte, s’empressa de supprimer la malheureuse Veneranda et son fils, crimes qui, au demeurant, ne lui portèrent pas bonheur puisqu’elle mourut en couches d’un enfant qui ne lui survécut pas.
11Justinien mourra en 565.
12On appelle Porphyrogénètes, à Constantinople, les princes et princesses nés dans la Chambre de Porphyre, réservée aux couches de l’impératrice, ce qui fonde leur légitimité et les différencie des empereurs de fortune élevés au pouvoir par l’armée au hasard d’un coup d’État militaire.
13L’Afrique du Nord était rattachée à l’Occident dans l’administration romaine. On y parlait latin, non grec. C’est après la reconquête byzantine qu’au grand dam des populations ces régions furent assimilées au monde oriental.
14C’est ainsi que, pour les « honorer », les Francs ont cédé à leur roi la reine Vuldetrade, veuve en premières noces du roi Thibaud d’Austrasie, ensuite concubine de Clotaire, qui a été obligé de la renvoyer sous la pression de l’Église et l’a abandonnée à l’un de ses leudes, avant, à la mort de celui-ci, de la proposer au roi de Bavière qui s’est contenté d’être son quatrième époux.
15Les Hongrois prétendent que les Huns se seraient sédentarisés sur leur territoire et qu’ils en seraient les descendants directs ; cette hypothèse n’a pas que des défenseurs.
16Les Avars se vendaient au plus offrant, souvent aux Byzantins, qui préféraient les voir occupés loin de leurs territoires.
17Grégoire de Tours, Histoire des Francs, IV, 29. Le chroniqueur, favorable aux rois austrasiens et patriote, ne le dit pas mais, si l’on lit entre les lignes, il est évident que Sigebert, afin d’éviter une défaite honteuse, préféra négocier et payer le retrait de l’ennemi hors de ses frontières. Pour faire bonne mesure, l’évêque racontera que les Avars avaient appelé les esprits maléfiques à leur aide et fait apparaître des fantômes. On comprend mieux que les pieux Austrasiens, horrifiés, aient abandonné le champ de bataille.
18La dot, somme d’argent remise par le père de la mariée à son gendre afin d’assurer l’avenir financier de sa fille, est un usage romain. Dans le monde germanique, c’est le nouveau mari qui constitue au lendemain des noces un douaire à son épouse, le Morgengabe, ou cadeau du matin, prix de la virginité de sa femme. Mais les Wisigoths d’Espagne ont adopté l’usage romain et dotent leurs filles, ce qui intéresse fortement les rois francs.
19Être comte, dans le monde romain ou mérovingien, n’est pas un titre de noblesse mais une haute fonction administrative. Gogon est un haut fonctionnaire et n’appartient pas, comme le souligne Grégoire de Tours, à l’aristocratie franque ou gallo-romaine.
20S’il faut considérer le diocèse cévenol d’Arisitum, localité aujourd’hui inidentifiable, dont parle Grégoire de Tours, comme la dot de Brunehilde.