La folie, chez les grands, ne doit pas rester sans surveillance.
William Shakespeare (Hamlet)
N’eût été la situation redoutable dans laquelle se trouvait Mattheus, Josef se serait volontiers abandonné à son émerveillement devant le stratagème imaginé par le dramaturge afin de les tirer tous deux d’affaire.
C’était au dernier étage du Globe, dans un vaste galetas doté d’une fenêtre en plein ciel par où le jour entrait à flots, que le grand Will avait réuni Kassov et les ambassadeurs. Cet espace sous les toits était l’officine mystérieuse où se concoctaient les artifices magiques de la scène. On y fabriquait les accessoires dispensateurs d’illusion et de rêve. Entre autres objets prodigieux, Josef ne se lassait pas d’admirer toute une collection de verres et de vases précieux entièrement fabriqués en sucre, ainsi pouvait-on les briser dans la violence de l’action sans que cela blessât les comédiens et en produisant à peu de frais un effet saisissant. L’imitation était si parfaite que même le nez dessus, on s’en trouvait encore abusé. Josef reposa sur son socle une aiguière en sucrerie incrustée de gemmes faits de caramels colorés. Il revint ensuite vers la table où s’alignaient les divers objets et ustensiles destinés à réaliser le plan élaboré par Shakespeare. Sur des plateaux de bois reposaient de larges plaques de cire d’abeille d’un beau jaune crémeux ainsi que des pots de pigments contenant blanc de céruse, terre brûlée, brou de noix, ou encore rhizomes de garance pour en extraire la couleur rouge. Enroulée sur un écheveau de bois, une grosse pelote de filasse de chanvre exhalait son odeur de suint. Plus étrange dans un atelier de décorateur : de la couenne de porc, des boyaux frais et quelques cartilages semblaient sortis tout droit de l’étal du boucher. Mais le magicien qui opérait dans cet antre des artifices n’appartenait à aucune corporation connue. C’était un homme fluet aux longs cheveux noir d’encre retenus sur sa nuque par un nœud de velours rouge. Son visage pointu rappelait le museau d’une belette dont il avait aussi les pupilles brun sombre. Cela conférait à son regard une acuité presque inquiétante. Josef était fasciné par ses mains. On eût dit qu’il avait deux fois plus de phalanges que n’importe qui, tant ses doigts délicatement fuselés couraient sur les objets avec plus de légèreté que ceux d’un joueur de théorbe sur les cordes de son instrument.
— Il faut aller quérir au plus vite maître Sforzini, avait déclaré Shakespeare. C’est lui, l’homme de la situation.
Ayant répondu à l’appel de son ami dramaturge, cela faisait plus d’une heure que le dénommé « maître Sforzini » œuvrait avec application dans l’atelier des accessoires. Un très jeune garçon bouclé comme un chérubin et habile comme un singe l’assistait dans sa tâche.
— Giovanni, prépare-nous la pâte de cire, lui avait lancé le maître tandis que lui-même réduisait en poudre des cristaux de gypse calciné afin d’obtenir du plâtre.
Aussitôt le gamin s’était mis à l’ouvrage, s’emparant d’un feuillet de cire, le brisant en menus morceaux puis les mettant à fondre dans un réchaud de cuivre au-dessus d’une mèche d’amadou.
À peine Shakespeare avait-il eu le temps de lui exposer son problème que Sforzini en avait trouvé la solution.
— L’idéal, avait-il dit, aurait été la pâte de carton. Mais cela n’aura jamais le temps de sécher. Si nous voulons être à l’heure au rendez-vous, il nous faudra œuvrer avec de la cire. Cela coûtera bien sûr plus cher, mais nous garantissons le résultat.
Son fort accent napolitain et sa manière de conjuguer au pluriel avaient amusé Kassov. Il n’avait pas tardé à comprendre que si maître Sforzini employait un « nous » royal lorsqu’il parlait de lui, il ne s’agissait pas d’une faute de grammaire, mais bien au contraire d’une majesté qu’il s’octroyait personnellement au titre de Roi de l’Illusion. Nul d’ailleurs, dans le théâtre, ne lui aurait contesté cette joyeuse souveraineté.
En attendant que son apprenti eût fini de fondre la cire, il avait pris un évident plaisir à exposer sa méthode face à l’auditoire attentif que composaient Shakespeare, Kassov et les ambassadeurs danois.
— Notre art doit beaucoup à l’Église italienne, voyez-vous. Ces catholiques sont des êtres singuliers. Ils ne jurent que par la résurrection et sont obsédés par la mort. Ils adorent collectionner les débris de cadavres et les ossements. Nous avons beaucoup appris grâce à leur manie funèbre… Ici, nous allons procéder comme nous l’avons fait à Padoue.
Sforzini s’interrompit, absorbé par la confection de son plâtre dont il voulait le grain aussi fin que de la farine.
— Qu’avez-vous donc fait à Padoue, maître Sforzini ? relança le grand Will avec une curiosité amusée.
— La langue de saint Antoine.
Le maître releva un instant la tête pour le plaisir de savourer la mine éberluée de son public.
— Figurez-vous que les Padouans ont une vénération particulière pour leur saint tutélaire. Ainsi, le 13 juin, jour de sa fête, la corporation des bouchers promène par toute la ville sa langue momifiée au cours d’une procession grandiose. Or voici qu’il y a dix ans de cela, nous avons été mandés d’urgence par Son Excellence l’évêque de Padoue. Le malheureux était confronté à une situation désolante. Songez que la sainte langue, pourtant conservée dans une châsse de cristal, était en train de se décomposer. Dans ces conditions, la procession risquait de tourner à la catastrophe. Personne ne voudrait se prosterner devant un tas de sciure. À l’examen, la langue en question s’avéra être constituée de plusieurs lamelles de cuir collées entre elles et façonnées pour lui donner la forme requise. Cependant l’artisan avait sans doute mal tanné son cuir. Il devait s’y trouver un petit ver à l’intérieur qui, peu à peu, la réduisait en poudre. L’affaire fut vite réglée. Nous leur avons, en quelques heures, confectionné une langue de cire en tout point semblable à une vraie. Un petit chef-d’œuvre d’anatomie. Nous nous sommes laissé dire que, depuis lors, cette langue n’a pas cessé de faire des miracles. Voici donc la méthode que nous comptons employer ici afin de vous tirer d’embarras.
Maître Sforzini essuya ses doigts poudrés de plâtre et se tourna vers les ambassadeurs.
— Messeigneurs, si Vos Excellences veulent bien prendre place… L’opération va commencer.
Il désignait un large plateau de bois posé sur des tréteaux, invitant Rosencrantz et Guildenstern à s’y allonger. Maître Sforzini prit la précaution de glisser sous leurs têtes deux petits coussins d’étoupe, puis il les recouvrit tous deux d’un grand drap qu’il remonta sous leur menton. Enfin il leur demanda de maintenir entre leurs dents une petite tige de paille creuse qui leur permettrait de respirer le temps nécessaire pour que le plâtre prenne.
Rosencrantz se laissa faire avec flegme. Guildenstern, lui, ne put s’empêcher de manifester son inquiétude :
— C’est tout de même fort effrayant !
— Allons, monseigneur ! Cela vaut mieux de faire un peu semblant d’être mort, plutôt que de mourir tout de bon.
Un parfum d’absence, qui n’était pas encore l’odeur de la mort mais comme l’annonce de sa venue imminente, flottait dans le palais de Whitehall. Les coffres que l’on vide à la hâte, les objets emportés, les rideaux ôtés des baldaquins, les grands draps dont on habille les meubles et qui transforment tables, chaises et fauteuils en fantômes blafards, tout cela avait un air de débâcle et d’oubli. Dans cette agitation soudaine où l’on faisait les bagages en un incessant tourbillon, gens de cour aussi bien que valetaille ressemblaient à une fourmilière déménageant ses œufs. Tous tâchaient de se consoler en se disant qu’ils tournaient une page de leur vie, alors que chacun, au fond de son cœur, avait conscience de refermer un livre à jamais. Une époque allait mourir en la personne d’une reine et le nom royal d’Élisabeth deviendrait bientôt un adjectif.
De retour au palais de Whitehall, lady Dorchester exultait. Le tumulte qui y régnait la comblait d’aise. Son tempérament bouillonnant trouvait là comme un écho à l’impétuosité de son sang enfiévré. Il lui semblait que le monde, enfin, obéissait à ses vœux et que si tout semblait aller de travers, c’était justement pour son bien à elle qu’il en était ainsi. Cela lui rappelait la mort du duc de Dorchester qu’elle n’avait épousé que pour son trépas et dont le deuil lui avait été d’autant plus léger à porter qu’il lui ouvrait la porte de la fortune et des plaisirs qui vont avec.
Alors qu’elle se dirigeait à grands pas vers ses appartements, sir Robert, qui venait en sens inverse, l’accosta.
— Ah, madame, auriez-vous par hasard des nouvelles de nos ambassadeurs danois ?
— Comment le pourrais-je, monsieur, je viens à peine d’arriver.
— Tous deux ont disparu et la garde ne les a pas vus sortir.
— Voilà qui est fâcheux. Comment ont-ils disparu ?
— Si on le savait, madame, je ne vous le demanderais pas.
— Lord Dawson en est-il informé ?
— Je ne le pense pas. Sitôt rentré de Richmond il est reparti pour la City avec ses hommes pour une importante opération de police.
— Et sait-on où se trouve le capitaine Kassov ?
— Je présume qu’il est à ses côtés.
— Je me charge de leur envoyer quelqu’un sur-le-champ pour les prévenir de ce qui s’est passé ici.
Une fois dans son cabinet, lady Dorchester se précipita sur son écritoire afin de rédiger le billet suivant :
Guildenstern et Rosencrantz ont disparu. Ils sont en grand péril. Il y va de la sécurité du royaume que nous les retrouvions au plus tôt.
Ces simples mots avaient le double mérite de l’innocenter elle-même et de souligner l’impéritie de Dawson et des hommes à qui il avait confié la garde des ambassadeurs.
L’encre à peine sèche, lady Dorchester sonna un laquais et lui enjoignit de remettre la lettre à lord Dawson. Elle lui donna le nom des deux ou trois rues dans lesquelles elle était sûre qu’il le trouverait. Cela lui était d’autant plus facile qu’elle avait en mémoire le plan avec la liste des maisons que Dawson s’était attribuées.
Au loin, un clocher sonna trois heures. Quand le laquais fut parti, elle s’accorda un peu de répit au creux d’un profond fauteuil. Il lui fallait reprendre souffle dans cette course haletante où chaque pas la rapprochait de la victoire. Si les Danois avaient disparu, cela signifiait que Kassov avait accompli la mission ordonnée par Guy Fawkes. Dorchester se demandait comment il était parvenu à soudoyer le garde qui veillait à leur porte, et à les convaincre de le suivre hors du palais. Cet homme était diablement habile. Quel dommage que l’on dût se débarrasser de lui !
Levant les yeux, Margaret eut la surprise de découvrir son propre sourire dans le miroir qui lui faisait face. Elle resta ainsi un moment, à déguster son succès et la parfaite réussite du plan dont elle était l’instigatrice. Une autre, à sa place, eût peut-être éprouvé le besoin de partager son triomphe, mais Margaret Dorchester était ainsi faite qu’il lui suffisait de se trouver seule avec elle-même pour s’estimer dans la meilleure compagnie du monde.
En ôtant son bandeau à Mattheus dans l’idée de le narguer plus cruellement yeux dans les yeux, lady Dorchester lui avait rendu un service qu’elle était loin d’imaginer. À peine avait-il entendu le lourd verrou retourner dans sa gâche que le jeune homme s’était mis en quête d’un moyen d’évasion. Contrairement à ce qu’il avait craint, la pièce où il était enfermé n’était pas située au centre du bateau. L’un de ses côtés était constitué du flanc même de l’embarcation. Une sorte de sabord fait d’un treillis de lattes à claire-voie laissait passer la lumière du jour. Si seulement Mattheus parvenait à se délivrer de ses liens, il pourrait sûrement défaire le croisillon de bois. Il inspecta fébrilement du regard le réduit dénué de tout objet tranchant. C’est en baissant les yeux qu’il découvrit l’anneau de fer auquel était fixée la chaîne qui l’entravait. La pièce avait été grossièrement soudée sans qu’on eût pris la peine de l’ébarber. Des résidus de forge hérissaient son contour. Cela pouvait peut-être suffire à abîmer le cordon tressé qui liait ses poignets. Il s’assit sur ses talons et, à tâtons, entreprit le travail de friction contre cette râpe de fortune. Sa posture, accroupi bras dans le dos, était affreusement inconfortable et chaque mouvement qu’il exerçait rendait ses poignets plus douloureux. Il lui semblait que le cordon s’incrustait dans ses chairs. Il fermait parfois les yeux pour oublier son réduit, l’odeur d’urine et la douleur. Il s’imaginait en train d’escalader une paroi rocheuse, cherchant ses prises en aveugle, luttant avec acharnement contre le découragement et les crampes qui gagnaient ses muscles. Puis il ouvrait les yeux, considérait avec rage les cloisons de sa prison et se remettait au travail avec une ardeur renouvelée. Quand bien même dût-il y parvenir au prix des doigts en sang et des ongles arrachés, il se jurait de sortir de ce piège. Sa liberté n’avait pas de prix car elle portait le radieux visage d’Helen.
— Je vous jure, monseigneur, que je suis toute seule dans la maison !
La vieille femme aux bajoues tremblotantes fixait Dawson de ses pupilles délavées. Celui-ci fulminait. Cela faisait plus de deux heures que, à intervalles réguliers, un sergent d’une de ses sections venait lui faire un rapport identique : toutes les maisons inspectées étaient vides. Leurs occupants avaient quitté les lieux avec armes et bagages bien avant l’arrivée des hommes de police. Dans les âtres ou les poêles, les cendres étaient froides et l’on ne trouvait au fond des celliers que d’infimes restes de nourriture, pain ranci ou fruits secs abandonnés aux rongeurs. Déserts, eux aussi, les clapiers et les nichoirs à volaille. Autant de preuves que le départ s’était effectué avec assez d’avance sur la venue des gens d’armes pour permettre à chacun de préparer sa fuite et d’emporter le principal de ses biens. On ne trouva ce jour-là, dans les demeures catholiques, que des vieillards impotents trop mal en point pour prendre la route ou du personnel domestique dont chacun jurait ses grands dieux qu’il ignorait tout du culte de la Sainte Vierge ou de l’adoration des reliques. On saisit quelques bibles mais pas l’ombre d’un missel ni aucun de ces brimborions grotesques qu’affectionnent les catholiques, portant l’image de leur saint protecteur ou d’autres fariboles issues de leurs superstitions.
Dawson revint à la charge. L’air menaçant, il s’approcha de la vieille femme qui n’avait pas bougé de sa chaise depuis l’irruption des hommes en armes dans sa demeure.
— Madame Shallow, sans doute allez-vous me dire, ainsi qu’on me l’a servi dans d’autres maisons, que votre fils, sa femme et leurs enfants sont partis pour la France ou l’Irlande ou les États de la Lune ! Peu m’importe le mensonge que vous me réciterez, mais je voudrais entendre de votre bouche la raison de ce départ soudain… Auriez-vous eu, par hasard, de la visite ? Quelqu’un serait-il venu vous prévenir de quelque chose ?… Allons, madame, rien ne sert de faire la sourde oreille. Dites-moi un peu par quelle aventure vous vous trouvez toute seule au logis ?
La vieille essuya d’un revers de manche un peu d’humidité qui luisait au bord de ses yeux chassieux, puis elle se mit à bafouiller :
— J’en sais rien, monseigneur… Moi, je me couche avec les poules et je me lève avec le coq. Ce matin, comme je vous l’ai dit, il n’y avait plus personne. Fils, bru, enfants, tout le monde était parti.
— Pourquoi ne vous ont-ils pas emmenée avec eux ?
La vieille haussa les épaules et, en guise de réponse, se contenta de soulever jupes et jupons jusqu’au-dessus de ses genoux. Dawson eut un haut-le-cœur devant le spectacle de ces deux jambes envahies par les hideuses arabesques de veines variqueuses violacées et boursouflées courant sur une peau crevassée pareilles à du lierre enserrant le tronc d’un arbre mort. À l’évidence la vieille devait avoir toutes les peines du monde à mettre un pied devant l’autre.
Dawson se tourna vers les deux hommes de son escorte.
— Emmenez-la. Si nous la laissons ici, elle crèvera de faim. Au moins, en prison, elle aura de quoi manger.
— Je ne sortirai de ma maison que les pieds devant ! Vous n’avez pas le droit !
— Ce n’est pas un droit, madame, c’est un devoir de chrétien.
— Je ne bougerai pas de cette chaise ! glapit la vieille.
— Très bien. Embarquez la chaise !
Les deux hommes saisirent le tout et sortirent avec l’ancêtre qui battait des pieds dans le vide et vociférait.
— Allons, madame Shallow, soyez raisonnable. Vous sortez de chez vous selon vos vœux : les pieds devant. Et vivante de surcroît.
En dépit de ses protestations, ils la hissèrent dans le chariot bâché qui attendait dans la rue. Dawson jeta un coup d’œil aux façades des maisons voisines. Nul visage n’apparaissait aux meneaux des fenêtres et les portes d’entrée restaient closes comme en temps de peste. La vie, d’ordinaire si bruyante, semblait s’être retirée du quartier tout entier. Tout d’un coup, une voix fusa, venant d’on ne savait où, répercutée par les murs :
— À mort, les catholiques !
Puis une autre lui répondit à distance :
— Pendez-les avec les tripes de protestants !
Et le silence retomba.
Dawson était furieux. Son tempérament naturellement réservé et son éducation de gentilhomme voulaient qu’il n’en laissât rien paraître. Mais il ne pouvait s’empêcher de ruminer avec aigreur la forfaiture dont il venait d’être victime. Quelqu’un avait eu connaissance de son projet dans les moindres détails et en avait transmis le contenu à toute la collectivité d’obédience catholique. Cela ne pouvait provenir de l’atelier du graveur. L’artisan ignorait à quoi son plan devait servir et les maisons suspectes n’avaient été signalées aux hommes d’armes que par Dawson lui-même. Quant à la liste des personnes à arrêter, il était le seul à la connaître en entier. Chaque chef de section possédait la sienne et ignorait celle de ses collègues. Aucun d’entre eux, il en était convaincu, ne l’aurait trahi. Mais à l’instant même où il se disait cela, il pensait exactement le contraire. Car il savait bien que la trahison n’est jamais qu’une question de prix.
Un cavalier arrivait au grand trot, qui l’éloigna de ses sombres idées. C’était le laquais missionné par lady Dorchester. L’homme mit pied à terre et lui tendit le pli au sceau de la duchesse. Lord Dawson parcourut rapidement les quelques lignes, replia le feuillet en quatre et l’enfouit rageusement au fond de sa poche.
— Y a-t-il une réponse, monseigneur ? demanda le laquais.
— Il y en a sûrement une, mais je l’ignore tout à fait.
Là-dessus il se détourna et revint vers ses hommes qui attendaient les ordres.
— Retournez dans les maisons que nous avons visitées. Arrêtez toute personne que vous y trouverez. Vieillards, hommes ou femmes, ainsi que les domestiques. Embarquez tout le monde. Il y aura bien dans le tas un de ces chiens galeux de papistes qui finira par parler ! Transmettez cet ordre aux chefs des autres sections. Qu’ils procèdent de même dans leurs secteurs.
La nouvelle de la disparition des Danois avait achevé de saper le moral de Dawson. Il ne comprenait plus rien à ce qui se passait. Tout lui échappait et se défaisait autour de lui comme une écharpe de brouillard. Soudain il pensa à Kassov qui s’était, lui aussi, volatilisé. N’était-ce pas lui le traître ? Le coupable idéal ? Hormis Dorchester, au-dessus de tout soupçon, lui seul était au courant du plan d’arrestation. Lui seul pouvait à loisir approcher Rosencrantz et Guildenstern. Où diable se cachait ce maudit Tchèque ?
Dawson se reprochait à présent de lui avoir fait confiance. Sans plus tergiverser, il sauta en selle et fonça à bride abattue vers l’auberge des Blackfriars.
À bord de la barque de pêche dont ils avaient pris possession, Timmy, John et Bobby débattaient pour savoir l’usage qu’ils feraient de l’argent que Kassov leur avait donné. John était d’avis de le partager entre eux à parts égales. Timmy, l’aîné, estimait qu’il fallait faire tronc commun et tout rapporter à la maison, tandis que Bobby, le plus jeune, prétendait qu’il avait droit à une part supplémentaire car il était le premier à avoir vu la barque. Le débat tournait en rond, chacun s’entêtant sur sa position. John, qui godillait à l’arrière, dirigea alors la barque vers la rive et demanda à Bobby de couper trois brins de roseau. Ils allaient tirer à la courte-paille et laisser le sort trancher pour eux. Cette solution, qui prenait la forme d’un jeu, plut à tout le monde. Il fut convenu que le brin le plus court l’emporterait. Après un instant de tension, ce fut John qui gagna.
— D’accord, concéda Timmy, mais cette fois, celui qui trouvera le chantier des tailleurs de pierre aura gagné.
C’était la mission que leur avait confiée Josef en les quittant sur le ponton de Whitehall. Les trois garçons topèrent dans leurs paumes comme des marchands de bestiaux et se mirent à scruter les berges tout en laissant la barque dériver dans le courant. Kassov leur avait promis que, s’ils trouvaient l’endroit, il se montrerait très généreux. Chacun échafaudait dans sa tête des plans mirobolants autour de cette fortune à venir. Peut-être obtiendraient-ils dix shillings ? Cela représentait davantage que ce qu’ils gagnaient avec leur père en un mois de pêche. Même en y ajoutant la vente occasionnelle des peaux de lapin qu’ils pouvaient récolter de temps en temps. Le fourreur à qui ils les vendaient trouvait toujours à redire sur la qualité des pelages et leur donnait à peine six pence contre une dizaine de peaux. Décidément, cet étranger aux yeux bandés était le plus beau cadeau que la rivière leur avait jamais fait.
— C’est drôle comment il parle, l’étranger, dit Bobby en poursuivant à voix haute sa réflexion au sujet de Josef.
— C’est normal, chez lui, il parle pas anglais, répondit John.
— Il y a des gens qui parlent pas anglais ? s’étonna le gamin.
— Oui, expliqua Timmy. On les appelle des Gallois parce qu’ils habitent au pays de Galles. Ils ont des mots à eux très bizarres qu’ils sont les seuls à comprendre. C’est le père qui me l’a dit. Il paraît qu’un jour, il a rencontré des Gallois et qu’il a rien compris.
— Heureusement que notre Gallois arrive à parler avec nous, sinon on n’aurait pas eu tout cet argent !
La barque longeait à présent la rive gauche de la Tamise. Timmy croyait se souvenir qu’il avait entendu des maçons travailler de ce côté-là.
Cette fois, ce fut John qui fit la découverte.
— Là ! Regardez !
Il pointait son doigt vers une de ces hautes gabarres qui composaient l’essentiel de la flotte marchande sur le fleuve. Bobby, la main en visière, s’exclama à son tour :
— C’est une main !
À quatre ou cinq pieds au-dessus de la ligne de flottaison, une main apparaissait en effet au travers des lattes disjointes d’un caillebotis. La main claquait des doigts dans la direction de leur barque.
— Il nous appelle ! dit John qui, après avoir vérifié qu’il n’y avait aucun guetteur à bord, manœuvra pour s’approcher de l’embarcation.
Timmy l’imita. En quelques coups de rames, ils collèrent la barque au flanc de la gabarre.
Mattheus avait ôté sa main et rapproché son visage du trou dans la coque. D’un doigt posé sur ses lèvres, il fit comprendre aux trois garçons de parler doucement.
— C’est toi, le prisonnier ? demanda John.
— Oui, c’est moi. Aidez-moi et vous aurez un shilling chacun.
— C’est encore un Gallois, murmura Bobby à l’oreille de son frère. Il parle comme l’autre.
— M. Josef nous a dit qu’il te cherchait, dit Timmy à Mattheus.
— Vous connaissez Josef ?… C’est mon oncle.
— C’est nous qui l’avons délivré.
— Où est-il ?
— Nous l’avons conduit au palais de Whitehall, mais il nous a dit de le retrouver au théâtre du Globe.
— Filez vite au Globe et dites-lui où je suis.
— Comment on fera pour entrer au théâtre ? demanda Timmy qui ne voulait surtout pas toucher à leur pécule.
— Attendez un instant…
Le visage de Mattheus disparut un instant puis les gamins virent à nouveau sortir sa main qui tenait une chemise froissée en boule. Mattheus la lança vers eux. John la saisit au vol.
— À l’entrée du théâtre vous direz que vous portez cette chemise à Mlle Helen. Dites que vous venez de la part de Mattheus Kassov. Ne perdez pas une minute ! Trois shillings vous attendent !
Au Globe, dans l’atelier des accessoires, Sforzini avait achevé son travail.
— Mon cher William, vous et votre complice nous avez assassinés de la belle manière !
Guildenstern contemplait avec fascination les deux têtes coupées posées sur des sellettes pivotantes. L’artiste italien achevait de les façonner. Le résultat était d’un réalisme glaçant. Les tirages qu’il avait obtenus des moules de plâtre offraient une parfaite ressemblance avec les originaux. Les pigments mêlés à la cire lui conféraient teinte et matité à l’identique de la peau humaine. À la section du cou, Sforzini avait rajouté les cartilages de porc et des lambeaux de couenne qui parachevaient l’impression de chairs arrachées. D’un pinceau habile, il posait à présent des taches de lividités sur les tempes et les joues, ainsi qu’il en apparaît au bout de quelques heures sur les cadavres.
Frederick Rosencrantz semblait, quant à lui, plus réticent :
— C’est effrayant !… Effrayant… répétait-il d’une lèvre tremblante tout en faisant tourner sa tête chauve sur le plateau à vis.
— Voilà qui devrait pourtant guérir toutes tes inquiétudes, mon ami ! Nous voici tous deux bel et bien morts, ainsi que tu le redoutais, et tout en même temps, pétants de bonne santé, rajouta Guildenstern en se tapant joyeusement sur la bedaine.
— Il ne nous reste plus qu’à poser les cheveux du seigneur Guildenstern, dit Sforzini en se tournant vers son petit assistant.
Le blondinet à frimousse d’angelot avait préparé des mèches de filasse collées sur des bandes de fine cotonnade. Tout en positionnant le postiche mèche par mèche, le maître des artifices donna quelques conseils pratiques à Kassov :
— Comme vous l’avez vu, nous avons assujetti les visages sur des sphères de carton à la fois légères et résistantes. Nous avons disposé à l’intérieur de chacune d’elles un système de fixation doté d’un petit crochet extérieur pour vous permettre de les brandir aisément devant votre public. Pour le seigneur Rosencrantz, l’attache se trouve dans l’oreille… Tandis que le seigneur Guildenstern s’attrape par les cheveux en glissant un doigt dans l’anneau à l’arrière du crâne. Il vous faudra vous entraîner un peu pour donner l’illusion du poids, voyez-vous ? Comme ceci…
Il s’empara des deux têtes, les levant à bout de bras avec un sourire de victoire. On eût dit un chef barbare brandissant de sanglants trophées de guerre. Au même moment, un hourvari monta des profondeurs du théâtre. C’était le public qui applaudissait la scène finale du Songe d’une nuit d’été. Récupérant au vol ces acclamations qui ne lui étaient pas destinées, maître Sforzini s’inclina dans un profond salut. Cela fit rire Shakespeare qui se mit à frapper dans ses mains. Kassov et les Danois l’imitèrent. Le créateur d’artifices rosit de plaisir.
Un bruit de pas montant en hâte l’escalier interrompit ce moment de légèreté. La porte claqua. Dawson fit irruption dans l’atelier. Il balaya les lieux d’un regard où la stupeur le disputait à la colère.
— Capitaine Kassov ! Messieurs les ambassadeurs ! Et vous, monsieur Shakespeare ! Pouvez-vous m’expliquer cette comédie ?
Un vent de gêne souffla sur l’assemblée.
Une demi-heure plus tôt, lorsque Dawson avait déboulé au Blackfriars, l’hôtelier, tremblant, lui avait raconté la scène où il avait vu Kassov et Mattheus partir dans un carrosse aux mantelets tirés. Il avait été incapable de lui fournir le moindre détail sur la livrée que portait l’homme qui était venu les chercher. En revanche il s’était montré prolixe au sujet des beaux atours de la grande dame qui, un peu plus tard dans la matinée, lui avait demandé de la conduire dans la chambre des étrangers. Dawson avait tout de suite reconnu lady Dorchester dans la description faite par l’aubergiste. Il en avait aussitôt conclu que si la duchesse avait voulu fouiller sa chambre, c’était qu’elle aussi le tenait pour suspect.
En entrant dans l’atelier, il était bien décidé d’en découdre.
Au regard glacial dont il gratifia Kassov, celui-ci comprit immédiatement de quoi il retournait et la méprise du lord à son égard. En quelques mots il raconta l’enlèvement puis le chantage dont lui et son neveu étaient les victimes. À son arrivée à Whitehall et découvrant que Dawson ne s’y trouvait plus, il avait jugé préférable de regagner le théâtre plutôt que de se hasarder en de vaines recherches dans une ville qu’il connaissait mal.
Au fur et à mesure du récit de Josef, Dawson se détendit. Il se sentait soulagé d’avoir fait fausse route. Kassov était bien l’homme d’honneur en qui il avait cru. Il eut, en revanche, davantage de difficultés à accepter l’escapade abracadabrante des deux ambassadeurs. En bon diplomate, il se garda de n’en rien laisser paraître, se contenta d’écouter leurs explications embrouillées et quelque peu grotesques, sans poser aucune question. Cette absence de commentaire en était un des plus explicites. Lord Dawson ne pouvait s’empêcher de penser avec un soulagement anticipé au moment où il verrait enfin ces deux encombrants personnages s’embarquer pour le Danemark.
Shakespeare lui présenta ensuite le stratagème qu’il avait imaginé pour tromper les comploteurs et leur donner le change avec les têtes de cire. Dawson les examina avec intérêt, certes convaincu par l’excellent travail de maître Sforzini, mais beaucoup moins par le succès de l’opération à venir.
Kassov, en grand désarroi au sujet de Mattheus, insista :
— Le troc doit se faire quelque part sur les quais, dans un chantier de tailleurs de pierres dont nous ignorons pour l’heure l’emplacement exact. Mais les ravisseurs m’ont assuré que mon neveu me serait rendu en échange des têtes.
— Dès qu’ils les auront entre les mains, le subterfuge sera éventé, objecta Dawson.
— Je ne compte pas aller au rendez-vous sans armes, monseigneur. Et Mattheus sait se battre lui aussi.
— Capitaine Kassov, comprenez-moi. Il est naturel que vous vous fassiez un devoir de sauver votre neveu. Le mien est de sauver la reine et le trône. En admettant que vous réussissiez, les hommes que vous laisserez sur le carreau ne seront probablement que des sbires sans grande importance. Ce qu’il nous faut, c’est remonter à leur chef. Et par-dessus tout, mettre la main sur le traître qui se cache à Whitehall. Trouver ce chantier sera une question rapidement résolue. En revanche, nous devons mettre en place un traquenard avec des hommes sûrs afin de capturer vivants les comploteurs… Sauriez-vous reconnaître l’homme avec qui vous vous êtes entretenu à bord du bateau ?
— J’avais les yeux bandés. Son visage m’est inconnu. Mais je me souviens parfaitement de sa voix.
— Très bien.
Dawson se tourna alors vers les ambassadeurs :
— Pour ce qui est de Vos Excellences, le mieux pour le moment est de ne pas retourner à Whitehall. D’autant que la reine et la garde royale ne s’y trouvent plus. Tout bien considéré, l’asile de ce théâtre est le plus sûr que Londres puisse vous offrir. Nous y ferons aménager des lits. Deux soldats se relayeront auprès de vous.
Il s’interrompit un instant, jetant un regard vers Sforzini et son jeune assistant, puis se tournant vers Shakespeare :
— Puis-je parler ici en toute sûreté, monsieur ?
— Monseigneur, je puis vous assurer que maître Sforzini est le faussaire le plus intègre que l’on puisse trouver. Je me porte garant de son silence comme du mien.
Satisfait, Dawson hocha la tête. Épuisé par une journée dont il pressentait qu’elle était loin d’être achevée, il se laissa choir sur un tabouret. D’un geste de la main il invita chacun à en faire autant.
— Prenez place, messieurs. Il faut à présent que je vous expose la manière dont nous allons procéder…
— On n’entre pas ! avait rugi le portier en faction devant le théâtre. Filez, si vous ne voulez pas tâter de mon bâton !
Il faisait tourner entre ses mains une de ces massues en bois qu’utilisent les bateleurs dans leurs tours de jonglerie. Face à lui, les trois gamins insistaient :
— C’est très important m’sieu ! On doit remettre cette chemise à Mlle Helen. C’est de la part d’un prisonnier… Mattheus Kassov, il s’appelle… Il faut le sauver, dit Timmy, suppliant.
Embauché au Globe de fraîche date, le gardien ne connaissait pas les noms de tout le personnel. Cette Helen ne lui disait rien. Et puis étant lui-même de basse extraction, il n’aimait pas les gueux. Il considérait avec dégoût ces enfants loqueteux chaussés de sandales de toile d’où leurs orteils dépassaient. Il les avait tout de suite rangés dans la catégorie des apprentis tire-laine que leurs parents dressent à dérober les bourses des manants.
Par la porte entrouverte, on entendait le concert qui clôturait la pièce et faisait danser le public. Bobby, qui serrait contre lui la précieuse chemise, fit un signe discret à ses frères. John et Timmy comprirent immédiatement. Ils s’approchèrent un peu du garde et lui adressèrent en duo un geste du doigt dont ils soulignèrent l’obscénité en imitant avec la bouche une flatulence sonore. Furieux, le portier voulut se jeter sur John qui était le plus proche. Sa hargne l’empêcha de voir que Timmy lançait son pied en avant. Déséquilibré, le malheureux s’affala sur le pavé, sa massue lui échappa, allant rouler dans un tas de crottin de cheval.
Bobby s’était déjà glissé dans l’enceinte du théâtre. Ses frères se faufilèrent prestement à sa suite.
Helen préparait les portants qui allaient accueillir les costumes à la fin de la représentation du Songe d’une nuit d’été. Elle reconnaissait les répliques de la scène finale préludant au tableau dansant et chantant qui concluait le spectacle, à la grande joie du public. Elle s’appliquait à son travail, essayant en vain d’oublier la terrible situation dans laquelle se trouvait l’homme qu’elle aimait. La voix de Maud Lester la fit sursauter.
— Ma chérie, il y a trois garnements qui demandent à te voir. Paraît qu’ils ont une chemise à te montrer.
— Une chemise ?
— C’est ce qu’ils disent, mais ça m’a tout l’air de sacripants qui cherchent à se glisser dans le théâtre sans payer un penny ! En attendant, je les ai fait patienter dans ma loge.
Intriguée, Helen se glissa le long des galeries à la suite de Maud jusqu’à l’étroite pièce où les trois enfants s’étaient tapis.
— La voilà, la dame des costumes ! cria Maud aux gamins qui se précipitèrent aussitôt sur Helen en brandissant la chemise raccommodée de Mattheus.
La jeune fille, bouleversée, reconnut immédiatement le vêtement. Timmy, John et Bobby se lancèrent tous les trois en même temps dans des explications embrouillées qu’Helen interrompit d’un geste. Elle désigna Timmy.
— Toi, le plus grand, raconte-moi d’où vient cette chemise. Et les deux autres, pour l’amour du ciel, vous vous taisez !
— C’est un homme, il s’appelle Matthew…
— Mattheus.
— Si vous voulez. Il est prisonnier au fond d’un bateau. Il nous a dit de vous donner cette chemise…
— … et que vous nous feriez entrer au théâtre pour manger quelque chose, ne put s’empêcher d’ajouter Bobby.
— Vous pouvez retrouver ce bateau ?
— Bien sûr. Il est tout près du chantier où on taille la pierre.
— Ouais, juste en face, lança John, vexé d’être laissé de côté.
— Suivez-moi !
Helen et Maud accompagnèrent les gamins dans l’enceinte du parterre. Sur scène, un ballet endiablé mêlait les personnages de la pièce avec force allusions obscènes mettant en joie les spectateurs. Quelques gaillards plus audacieux que les autres grimpèrent sur les planches où les comédiens les affublèrent immédiatement de masques ou de coiffures grotesques. Helen confia les enfants à Maud.
— Donne-leur tout ce qu’ils veulent à manger, ils l’ont bien mérité. Je te paierai tout à l’heure.
— Ça va te coûter ta semaine, ma petite : ces trois-là m’ont tout l’air d’être des estomacs sur pattes !
— Surtout, ne les laisse pas partir.
En réalité, les trois frères étaient tellement fascinés par ce qui se passait sur scène qu’ils ne pensaient plus guère à manger. Helen courut jusqu’à l’atelier où Rosencrantz et Guildenstern examinaient avec étonnement les répliques de leurs têtes auxquelles le décorateur apportait encore quelques retouches.
— On est bien peu de chose, murmura Guildenstern en se voyant ainsi décapité.
— Parle pour toi, Olaf, toi qui as la tête vide ! La mienne a tout de même meilleure allure.
— Mattheus est retrouvé ! cria Helen en faisant irruption dans la pièce.
Elle déplia la chemise reprisée. Tous les autres s’étaient immobilisés. En quelques mots, Helen raconta la visite des enfants.
— Ils peuvent nous conduire au bateau où Mattheus est retenu prisonnier, ajouta-t-elle à l’adresse de Kassov.
— Braves petits… Voilà qui modifie en effet singulièrement la situation. Qu’en pensez-vous, Dawson ?