En fin d’après-midi, Kô s’installa par terre dans l’inconfortable position du lotus, au milieu des passants, sur l’un des deux ponts libres qui persistaient à enjamber le lit asséché du Fleuve. Il décida de se laisser porter par le vent – ce que les modernes appelaient l’intuition et les hypermodernes l’info flottante.
Il fit le vide en lui, comme on dit. Pas très difficile. En dépit du côté mystique et donc pénible de l’opération, n’importe qui pouvait retrouver à l’intérieur de soi ce qu’il y possédait de plus courant : le Rien.
Il se remémora un vieux koan, sans doute apocryphe : Si le souffle pulse, c’est qu’il y a quelque part un cœur qui sait où il se dirige. Si tu l’entends, c’est que tu sais d’où le souffle vient. Et hop.
Quelques minutes s’écoulèrent, puis il s’estima satisfait. Se remit debout dans l’indifférence générale. Évita de justesse les trois grenades dégoupillées (factices ?) que manipulait un jongleur mendiant tout proche, trop proche. Gagna le bout du pont.
Rive sud.
Arec lui avait toujours dit que s’il partait un jour ce serait vers le sud. Pour la suite et les précisions qui s’imposeraient, il verrait en temps utile.
L’énergie lui était revenue, et il se sentait prêt à agir en vrai guerrier. Le guerrier ne s’embarrasse pas d’armes. Le guerrier est toujours prêt. Le guerrier improvise…
Kô entra donc dans la danse martiale en tenue civile, pour ne pas dire vulgaire, mais il y entra avec une rare allégresse.
Laisse-toi porter. « … Tu sais d’où le souffle vient… »
Maintenant, les passants qu’il croisait se retournaient souvent, frappés par cette aura de puissance joyeuse qui semblait se dégager de lui.
Il marcha quelques heures.
Il avait depuis longtemps contourné l’Octroi par une traverse familière aux brigands lorsqu’il aperçut, plantée au milieu d’un de ces déserts esthétiques, peuplés d’arbrisseaux si chétifs qu’on en regrettait jusqu’à l’existence et tapissés d’une herbe aussi séduisante qu’une barbe grisonnante de deux jours, bref un de ces déserts dont les périphéries urbaines ont le secret, la silhouette familière d’une girafe familiale, étrangement immobile près d’un boqueteau de noisetiers. Sa tête, trop fixe, surplombait de beaucoup la cime des jeunes arbres, et un homme se tenait à quelques pas du véhicule en panne, qu’il considérait d’un air à la fois affligé et résigné. Comme s’il subissait là quelque châtiment mérité.
Kô alla droit vers la girafe en panne.
En s’approchant, il découvrit que le conducteur du véhicule stoppé n’était guère plus grand que lui-même, et il en éprouva un certain réconfort. S’il ajoutait à cela que les propriétaires de girafe étaient généralement des vantards, des âmes faibles portées sur l’esbroufe (au contraire des partisans de l’hippopotame ou du bison, par exemple), il pouvait en déduire que le naufragé de la route ne serait pas très difficile à manipuler.
Quand il fut tout près, il arbora un grand sourire et tendit la main. L’homme, de type hispanique, hésita une fraction de seconde et répondit au salut de Kô, qui se présenta.
— Moi, c’est Tencin, répondit l’autre. Je suis en panne.
— Vous voulez dire que votre véhicule est en panne. Pas vous.
Tencin eut un léger mouvement de recul, puis se contraignit à faire bonne figure. Après tout, il avait besoin d’aide…
— Vous vous y connaissez ?
— En girafes ? Un peu. Même de l’intérieur…
— Ah. Ah. De l’intérieur ?
— Pour les girafes machiniques, oui. Celle-ci n’est pas vraie, n’est-ce pas ? On dit « morte », pour une vraie. Ou alors « malade ». Pas « en panne », n’est-ce pas ?
L’autre grommela un acquiescement qu’il estimait superflu. La bizarrerie de ce sauveteur inespéré lui paraissait regrettable, mais il devait bien s’en accommoder. Il ne tenait pas tant que ça à rester en rade dans ce désert où n’existait même pas un semblant de terminal.
— Vous pouvez faire quelque chose ? Je vous troquerai.
— Peut-être. Allons-y.
Kô jugea préférable de sourire pour laisser entendre qu’il accepterait un troc de rémunération ; depuis le temps, il savait que les gens se sentaient rassurés quand ils payaient. Ils cessaient de soupçonner leur interlocuteur de vouloir leur extorquer autre chose… Tencin ne parut pas franchement se détendre, mais il se détourna et mit fin à ce chapitre des manœuvres d’approche.
À quelques mètres de là, le véhicule les attendait, figé dans une attitude un peu grotesque et assez inquiétante, tête dressée, patte avant droite figée, à demi repliée. La trappe était ouverte sur le flanc droit, et l’échelle d’accès descendait jusqu’au sol jaunâtre. Comme tous les animaux de locomotion, celui-ci paraissait plutôt dodu, là où les concepteurs avaient dû modifier les proportions naturelles pour loger l’habitacle, et le pare-brise en verre-miroir ouvert à la base du cou faisait comme un singulier bijou pectoral, dont la brillance détonnait quelque peu sur la gorge d’une bête. Chaque fois qu’on se retrouvait en présence d’une de ces… choses… l’œil cherchait par réflexe un dispositif optique qui se trouverait dans les parages et permettrait de voir correctement ce qui se dressait là. Kô ne s’y faisait toujours pas ; de même que, d’instinct, on désirait un décodeur lorsqu’on entendait l’un de ces langages sibyllins dont les plus petites communes avaient le secret, on percevait la plupart des machines analogiques comme d’ésotériques anamorphoses dont quelque plaisantin aurait dissimulé l’accessoire de lecture. Et beaucoup de choses fonctionnaient comme ça, songeait Kô – ou plutôt ne fonctionnaient pas, ou si mal que cela semblait presque dommage…
Il sortit de sa rêverie en s’apercevant que l’autre parlait.
— C’est arrivé d’un seul coup, expliquait Tencin. On marchait comme ça, sans problème, et puis plof…
— Plof ? fit Kô.
— Enfin, plof, c’est manière de dire. Il n’y a pas eu de bruit. Elle s’est juste arrêtée.
L’embarras de Tencin demeurait très perceptible, et Kô songea qu’il serait profitable de l’atténuer. Il résolut de se montrer moins acide, moins déroutant – pas facile d’estimer ces caractères-là de l’intérieur, mais on pouvait toujours essayer.
— Ne vous inquiétez pas, rassura-t-il, je sais ce que c’est.
(Il n’en avait pas la moindre idée.)
Tencin parut se détendre un peu et laissa Kô gravir le premier les échelons qui menaient dans le ventre de la girafe.
Il faisait frais dans l’habitacle climatisé et les diffuseurs d’ambiance déversaient une muzak à peine audible. Ce n’était pas une girafe bas de gamme, mais elle était décorée, comme prévisible, avec une totale absence de goût.
Sans surprise, donc, Kô flaira des relents de Karaïbb 37, l’infâme mixture qui pouvait probablement servir aussi bien d’eau de toilette, d’after-shave, de désodorisant ou de parfum d’ambiance que de détergent multi-usages, du sol au plafond en passant par la cuvette des sanitaires. Il nota la présence obligatoire des accessoires en similicuir de maki (reconnaissable à ses stries rose-bleu), le grigri en peluche à l’effigie de Charles Manson qui pendouillait, lamentable, à l’une des poignées de sécurité incrustées dans la paroi.
Il déplora – sans excès – l’existence même des multiples icônes 3D à l’effigie d’Éva B., la Madone au Pitbull, qui tapissaient les divers emplacements disponibles sur les parois intérieures, ainsi que celle de la boule en plastique transparente contenant un minuscule Mick Jagger bariolé qui trônait au-dessus du panneau de direction, et qui se retrouvait sans doute envahie de tourbillons de flocons de pseudo-neige quand la girafe rencontrait un quelconque accident de terrain assez marqué pour triompher de ses stabilisateurs.
Kô ne resta pas longtemps dans ce temple du camp-style. Bousculant un tantinet Tencin, il fit aussitôt volte-face pour retourner vers la trappe.
— La solution n’est pas ici, déclara-t-il d’un air péremptoire.
— Ah ? fit Tencin, interloqué.
Avec le crépuscule, une relative fraîcheur s’était abattue sur la steppe lamentable au milieu de laquelle se dressait l’animal-véhicule. Au pied de l’échelle de coupée, Kô resserra son col puis se retourna et examina l’engin de la tête aux pattes en tâchant d’adopter un air à la fois concentré et inspiré. Resté là-haut, Tencin le regardait avec une vive inquiétude.
Ça faisait haut, quand même… D’accord, les designers avaient réduit les dimensions par rapport à celles de l’original, mais Kô lui-même n’était pas très grand, et la moyenne ainsi rétablie consolidait une disproportion fort peu confortable – surtout quand on la constatait d’en bas.
— Elle s’appelle comment ? lança le dépanneur improvisé au propriétaire tourmenté.
— Hein ?
— Votre girafe ! Elle s’appelle comment ?
— C’est-à-dire…
— Elle n’a pas de nom ? C’est ça ? Et vous vous étonnez qu’elle refuse d’avancer ! C’est un monde, ça. On ne peut rien demander à quelqu’un qui n’a pas de nom, ça ne vous était pas venu à l’esprit, j’imagine.
Là-haut, le nigaud resta sans voix.
Là-haut. Ça aussi, ça clochait. Il fallait amener cet imbécile à descendre.
Kô s’ébranla calmement vers les antérieures du pseudo-mammifère. Lorsqu’il n’arriva plus à le voir, Tencin ne résista pas et, mû par la curiosité, dégringola à son tour les barreaux.
Quelques instants plus tard, il découvrit le petit homme déjà cramponné à une cuisse de sa girafe et cherchant tant bien que mal à franchir le cap difficile du poitrail. Il évoquait irrésistiblement quelque bébé claque-faim accroché aux tétines de son immense maman et, quoique rétif aux charmes de la paternité, Tencin ne put s’empêcher d’être un brin attendri par ce tableau saugrenu.
Kô lança un bras contre l’encolure pour tâcher d’empoigner la crinière. De toute façon, estimait-il, il ne risquait pas de se faire très mal s’il tombait, et ses acrobaties étaient plus spectaculaires que réellement dangereuses.
— Qu… Qu’est-ce que vous faites ? demanda Tencin, stupéfait.
— Je vais la baptiser, tiens ! répondit Kô, agacé, en détournant la bouche du pelage soyeux pour essayer de se faire entendre.
Il grimpa encore de quelques centimètres en soufflant comme un bœuf.
— Ça va, monsieur ?
Venu se planter entre les pattes avant, Tencin avait renversé la tête pour suivre les évolutions pataudes de son dépanneur improvisé.
Kô se mura dans un silence aussi digne que possible, vu les circonstances, se contorsionna, lança un pied vers le haut et parvint à effectuer un miraculeux rétablissement sur le dos de la bête qui restait sans réaction. Il reprit son souffle durant quelques instants. La suite serait plus facile.
Il s’installa à califourchon et passa les bras autour du cou soyeux.
Hop, hop, hop, au diable l’élégance !
Dix centimètres par dix centimètres, petit bond par petit bond, soigneusement arc-bouté, Kô gravit l’échine un peu inclinée.
En une dizaine de minutes, il arriva au sommet où il se reposa un court moment, enlaçant tendrement mais fermement le long cou gracile. Puis il se hissa encore un brin, approcha la bouche de la grande oreille dressée et murmura quelques mots.
— Qu’est-ce que vous lui racontez ? brailla Tencin.
— Si on vous le demande… rétorqua Kô, très calme.
Contre son ventre, il sentit la structure cachée frémir de façon presque imperceptible. Il se cramponna.
Tout à coup, un violent soubresaut secoua l’animal-véhicule, et Kô entendit un choc sourd suivi d’un gémissement, puis tout s’apaisa aussi soudainement que cela avait commencé.
Si c’était bien ce qu’il avait espéré…
Kô entreprit de se laisser glisser. Constatant avec un certain retard que la facture impeccable de la machine ne laissait en rien deviner l’assemblage de tôles, de câbles et autres fariboles sous le pelage, il redescendit sans heurt jusqu’aux épaules, puis jusqu’à terre.
Tencin – le brave homme ! – gisait sur la mousse, le visage enfoui dans l’unique touffe de chiendent de l’aire.
Kô s’assura qu’il n’était pas grièvement blessé et respirait encore. Aucune lésion visible. L’autre survivrait, même s’il devait se réveiller avec une armée de percussionnistes fous déchaînée dans sa boîte crânienne.
Quant à la girafe, forte de son nom tout neuf, elle frémissait doucement des pattes aux cornes, prête à reprendre du service pour son nouveau patron ; l’ancien était déjà oublié, ou plus exactement effacé.
Avant de se mettre en route, Kô alla fouiller dans le compartiment à accessoires de l’habitacle et en tira une couverture isotherme de survie, dont il retourna couvrir le corps avachi dehors. Cette infortunée créature ne prendrait pas froid, au moins. Et de toute manière, on le découvrirait sous peu : comme tout un chacun, Tencin grouillait de gadgets censés veiller sur lui et lui faciliter la vie, et l’une de ces charmantes puces domestiques ne tarderait pas à s’exciter en poussant des ANOMALIE ! ANOMALIE ! ANOMALIE ! frénétiques destinés à alerter le monde entier…
Bien carré dans le fauteuil du pilote, Kô devait à présent répondre à une autre question : où aller ? C’était bien beau de voler un engin haut de gamme comme celui-ci, mais cela ne suffisait pas, il fallait encore lui donner des instructions. Et ça… Kô n’avait pas la moindre idée de sa destination. Comme d’habitude, pour résoudre le problème, il allait s’en remettre aux méthodes scientifiques les plus avancées…
Il brancha la Girouette. À gauche du siège, entre la tablette de galanterie encombrée de flacons et d’accessoires de maquillage et la moquette chauffante qui recouvrait le sol, une surface terne légèrement inclinée vers lui s’éveilla d’un coup pour afficher les traits solennels d’un parfait inconnu en costume de khan médiéval.
Kô l’écouta psalmodier. Comme tous les avatars précédents, et sans doute comme tous ceux qui suivraient, celui-ci parlait sans cesse, débobinait un interminable discours surtout composé d’absurdités, mais dans lequel émergeaient parfois des îlots raisonnables, cheveux de signification sur la soupe d’âneries habituelle. Par intermittence apparaissaient des chiffres en surimpression, résultats d’enquêtes statistiques ou d’improbables consultations de ce peuple dont le guignol bavard était théoriquement le chef suprême. Kô ignorait si les avatars successifs avaient une existence physique, mais cela n’avait aucune importance. Ils n’étaient là que pour incarner l’Autorité avec un grand A et, en quelque sorte, occuper l’espace pour que nul ne puisse affirmer que la place au sommet de la hiérarchie restait vacante. Tantôt tonitruant, tantôt lénifiant, l’interminable verbiage débité en langue universelle par le tenant du titre ne servait essentiellement à rien.
Sauf à le détourner, il n’y avait rien à en attendre.
Kô écouta pourtant avec la plus vive attention.
« … tous les citoyens sont conscients, j’en suis sûr, que tout ce qui leur appartient en propre appartient au fond à la collectivité entière, et qu’en cas de besoin cette dernière serait en droit d’en revendiquer l’usage sans avoir à rendre de comptes à l’individu qui s’en considèrerait comme le propriétaire nominal exclusif. Quand je dis tout ce qui leur appartient, je veux dire tout. Je ne parle pas uniquement des objets, des maisons, des véhicules, bref de tout ce que l’on peut troquer – je parle aussi du corps et de ses organes, de l’intellect et de ses connaissances, sues ou insues… »
Le khan en costume chamarré avec turban or et rouge s’exprimait avec une virulence inaccoutumée. Sans s’adresser à quelqu’un en particulier, comme toujours, il paraissait toutefois très désireux de convaincre et soulignait cependant ses propos à l’aide d’effets de manche que l’ampleur et la bigarrure de celles-ci rendaient spectaculaires. Son visage buriné se livrait à des contorsions exagérées, comme pour marquer l’importance qu’il accordait à son discours et mieux le distinguer de tous les autres.
« … rien ne doit être gardé par-devers soi lorsque les circonstances sont telles qu’elles exigent le sacrifice de soi… L’individu lui-même… »
Qu’est-ce qu’il racontait ? À peu de choses près, le khan semblait se faire l’apôtre des autres, ces obscurs envahisseurs qui détruisaient les personnes et contaminaient les foules, et que des gens comme Arec combattaient par tous les moyens dans le plus grand secret. En coulisse, on tuait pour préserver les individus ! Alors, à quoi rimait cette apologie impromptue de la désintégration des quidams ?
— Écoute bien, ma grande, murmura Kô à l’intention de sa girafe. Écoute bien…
Autour de lui, la grande structure palpita légèrement. Le khan continuait :
« … en quelque sorte prolonger la tradition d’hospitalité et d’assistance héritée des peuples du Sud, et ne pas hésiter à faire don de ce que l’on a de plus cher et de plus intime… »
Le Sud… Peut-être y avait-il là une indication utilisable par la girafe. Kô attendit la suite.
« … les temps sont peut-être fort proches, où les événements réclameront des têtes et où mes administrés, précisément, devront échanger les leurs… Euh, leurs têtes… Échanger leurs têtes, je veux dire. »
Fait extraordinaire, après une nouvelle hésitation, le khan se tut. À la connaissance de Kô, c’était sans précédent. Le tyran se devait d’être intarissable, infatigable au point que l’on pouvait douter de son humanité, le supposer robot, androïde programmé pour soliloquer en continu.
Sur l’écran, le visage tremblota ; on l’aurait juré au bord des larmes.
En fin de compte, la décomposition de ses traits cautionnait mieux que n’importe quoi d’autre le fond de son discours pourtant invraisemblable. Un chambardement devait en effet être proche. Dans le méli-mélo général, une révolution de plus ou de moins, ça changeait rarement quoi que ce soit, mais pour que cela bouleverse ainsi le khan lui-même, le chef suprême, le dictateur, le grand-père des peuples, le duce, le monarque absolu, le principicule galactique, le shah du Cheshire, le mogol à couronne bridgée… il fallait que la chose soit grave, que des nouvelles particulièrement dramatiques soient parvenues aux oreilles des pontes.
Kô était à deux doigts de s’inquiéter, voire de s’affoler, lorsqu’il tripota le grigri koï, unique héritage de son père, dans la poche droite de son blouson, afin de forcer la chance. Ses doigts touchèrent alors un bout de papier qui n’aurait pas dû être là. Il s’agissait d’un carré blanc plié en deux. Deux séries de chiffres y étaient notées, 46.056093 et 1.761320, accompagnées de la mention « De la part d’Arec ».
— Nom de Dieu ! s’exclama Kô, se souvenant aussitôt du blondinet au visage angélique qui l’avait bousculé devant la roulotte de Miss Irma. Un ange véritable, peut-être ? En chair et en os, si l’on pouvait dire…
Kô, tout sourire, déconnecta la Girouette et pianota les données dans l’ordinateur de bord. Sur l’écran un nom apparut :
Bastide de Janaillat
La girafe s’ébranla, d’abord très posément, avant d’accélérer et d’atteindre une confortable vitesse de croisière.
Au bout d’une heure de route, le véhicule s’immobilisa sans prévenir pour ce que le petit Nippon baptisa en son for intérieur une pause décrassage.
Sur l’aire de stationnement qu’il découvrit en sortant, Kô aménagea une sorte de chapelle païenne à l’aide de la quasi-totalité des bidules kitsch qui, selon lui, déparaient l’habitacle. Oh, il ne se contenta pas de tout bazarder en vrac ! Pendant une petite heure, il s’appliqua au contraire à disposer les colifichets de manière à suggérer un autel (l’étagère à maquillage à cheval sur deux poufs de rangement jaunes) surmonté de dieux lares méconnus mais précieux pour leur idolâtre, auteur présumable de l’assemblage.
Il recula de deux pas pour admirer son travail, prit le temps de regretter l’absence de bougies pour parfaire l’ouvrage, puis réintégra sa docile compagne.
Et en route.