Le plancher avait fait des vagues et Kô avait hérité d’une bosse et d’une arcade sourcilière fendue. Il avait atteint le seuil de la pièce en titubant et s’était laissé tomber dans les bras de Lia. En s’abandonnant contre sa poitrine, il s’était senti tout de suite mieux. Kô avait du mal à garder son œil droit ouvert, à cause du sang qui dégoulinait de sa paupière, mais lorsque leurs regards se croisèrent il y eut comme un crépitement électrique et le grigri koï qu’il avait finalement décidé de porter au cou s’enflamma.
Lia l’arracha d’un coup sec.
— C’est ce qu’on appelle un coup de foudre ou je ne m’y connais pas ! s’exclama-t-elle.
— À moins que ce ne soit une inversion de la polarité électrostatique due à une différence de potentiel électromagnétique provoquée par une concentration abusive de puces, suggéra Ismaël.
— N’importe quoi ! s’indigna Kô.
— Quoi qu’il en soit, les câlins attendront, mes chéris. Il nous reste peu de temps pour préparer notre départ…
Ismaël prit Lia par les épaules et l’écarta délicatement de Kô.
— J’ai maintenant besoin de toi, Lia.
— Et mon œil ? Il saigne. Il faut me soigner !
— Kô a raison. On ne peut pas le laisser comme ça.
Lia désirait manifestement soigner le jeune Asiatique à sa manière.
— Un œil, ça ne saigne pas. Tu as juste une égratignure à l’arcade sourcilière. Fais couler un peu d’eau fraîche dessus et ça s’arrêtera. Lia… Il paraît que tu es une dessinatrice hors pair.
— N’exagérons rien.
— C’est Arec qui le dit.
— Ah, alors…
Ismaël lui tendit une photo.
— C’est joli.
— Maisons troglodytes en Andalousie. Habitées par une communauté rupestre.
— Génial !
— Ravi que ça te plaise, car c’est là que nous allons.
Kô regarda la photo à son tour.
— Le coin a l’air sympa, effectivement. Mais je ne comprends pas très bien… On est cernés par l’armée, Arec est perdu dans un univers parallèle et tu organises un séjour touristique ?
Ismaël sourit.
— Non, je mets en place un moyen de quitter les lieux sans avoir à sortir d’ici.
— Je ne comprends pas.
— Et moi guère plus, insista Lia.
— Suivez-moi.
En haut des marches, Kô hésita.
— Je me sens faible. Je ne suis pas sûr d’arriver jusqu’en bas intact.
Lia s’empressa de lui prendre la main.
— Ne t’inquiète pas. Avec moi tu ne risques rien.
Ismaël soupira et les conduisit dans un recoin du hall, devant un mur que la végétation avait curieusement délaissé.
— Voilà !
— Voilà quoi ? s’étonna Lia. Un pan de mur, ça n’a vraiment rien d’extraordinaire. Qu’est-ce que tu veux qu’on en fasse ?
— Un tableau.