Le lac était une goutte de peinture bleue posée sur la toile ocre du désert. Ismaël et Lia l’observaient depuis un promontoire rocheux qui saillait de la plus proche colline.
— Pourquoi est-il entouré d’un si grand grillage ? On dirait une cage, s’étonna Anjelina.
— C’en est une.
— Ils ont peur que les poissons s’échappent ?
— D’une certaine manière. Patiente quelques minutes et tu vas comprendre…
L’eau se mit à bouillonner dans un coin du lac et une coupole évoquant le poste de pilotage d’une soucoupe volante émergea.
— Qu’est-ce que c’est que ce truc ? On dirait un engin spatial !
— Pas si faux.
L’engin continua de s’élever. Il était constitué d’une matière translucide et tremblotante qui évoquait quelque chose de vivant et non une simple machine. Plus il s’extirpait de l’eau, plus son appartenance au règne animal s’imposait. L’ensemble évoquait un croisement entre une méduse et une raie. Ils le distinguaient parfaitement et, vu la distance, il devait être immense. Il poursuivit son ascension, propulsé par une aile circulaire qui ondulait à la base du dôme gélatineux et une série de tentacules hélicoïdaux qui tournaient telles des vis sans fin.
— Hallucinant, s’extasia Anjelina.
— C’est une raiduse. Une chicherie produite par l’association de diable des mers, de méduse de Nomura et de tardigrade.
— Vous m’en direz tant.
— Elle peut vivre dans l’eau, dans l’air et même un certain temps dans le vide intersidéral. Elle interrompt complètement son métabolisme et entre en cryptobiose. En étant presque morte, elle devient immortelle et peut relancer la machine métabolique par simple réhydratation. Elle est capable de nager, de voler et, plus extraordinaire encore, vu sa taille et sa morphologie, de marcher à l’aide de trois longues pattes articulées, comme les Martiens de la Guerre des mondes. Elle possède des opercules pulmonaires et peut vivre sous l’eau grâce à une véritable coque de plongée qui emmaillote son corps : un sphéroïde chitineux parsemé de tubes et d’opercules… Lorsque les tubes sont libres, ils permettent à l’air de passer, une fois encastrés dans les opercules, la coque est hermétique et pleine d’air. La raiduse peut rester en plongée pendant des heures, voire des jours. Elle est capable de faire le plein en un dixième de seconde. Les tubes se libèrent, l’air emplit la poche et les tubes replongent dans les opercules. Ce qui lui permet de se déplacer également dans le vide grâce à la résistance cellulaire des gènes du tardigrade…
— Et quand elle n’a plus d’air, elle fait comment ?
— Soit elle entre en cryptobiose, soit elle trouve un champ d’astéroïdes et en extrait l’oxygène. Ah oui, j’avais oublié : elle se nourrit entre autres de cailloux.
— C’est parfait.
Ismaël déploya ses ailes et lui tendit les bras.
— Alors, ne perdons pas de temps.