Chapitre 5

 

 

 

En entrant dans sa maison, Délila repense à l’appel que Claude a passé. Il a pris contact avec Wayne Williams, le chasseur le plus réputé et demandé au Canada. L’homme, qu’elle a perçu comme froid et dénué de conscience, arrivera à Montréal dans une semaine. Elle a détesté le son de sa voix, tout autant que ses paroles. Il semble sans cœur.

Claude ne sait rien de son passé, ni de ce qui l’a poussé à chasser les créatures nocturnes. Néanmoins la jeune femme imagine que lui aussi a subi les méfaits de cette race dangereuse.

Un rapide tour de la maisonnette lui assure qu’elle est bien seule avec son fils. Elle le laisse jouer avec Sparky sur la terrasse, la nuit n’étant pas sur le point de tomber. La journaliste a fini plus tôt aujourd’hui, Claude la sommant de se reposer. Il la soupçonne d’être plus faible face aux évènements qu’elle ne veut bien le reconnaître.

Tant qu’il fait jour, elle est assise sur une chaise de son salon de jardin et regarde son enfant avec sérénité.

Néanmoins, à mesure que le soleil descend dans le ciel son anxiété réapparait. À peine les premières lueurs de la nuit pointent leur nez qu’elle s’enferme avec Sullivan et Sparky, les volets clos.

D’abord, tout se passe bien. Le repas. Puis le coucher de Sullivan.

Ensuite, elle recommence à entendre des voix qui l’appellent. Elle n’arrive pas à les localiser mais les grognements intempestifs du chien lui prouvent qu’elle ne devient pas folle. Tout est bien réel.

Les murmures ne perdurent pas et s’évaporent rapidement, permettant à Délila d’aller se coucher et de s’endormir. La jeune femme espère rattraper son sommeil en retard, mais c’est sans compter ses persécuteurs et les cauchemars qui les accompagnent !

Elle court dans une ruelle sombre, puis à nouveau dans une forêt dense… Elle reconnaît l’endroit, c'est le bois qui se trouvait dans l’ancienne propriété de Sulli. Délila revoit en rêve toutes les traques qu’elle y a subies. Certaine que cela ne peut pas venir des deux Sangs Froids, il ne peut s’agir que de vieux souvenirs qui refont surface.

Mais soudain, le cauchemar se transforme, elle n’est plus dans la propriété de Sulli, mais bien chez elle. La porte s’ouvre dans un fracas assourdissant alors qu’elle regarde un film. Elle bondit hors du canapé tout en entendant des pas dans le couloir…

Délila ouvre les yeux, réveillée par l’affreux songe qui semblait si réel. Affolée, elle tend l’oreille pour ne percevoir que le silence, même Sparky semble dormir, c’est donc qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

Elle aimerait se rendormir, mais ne trouve pas le sommeil, et ne fait que tourner et retourner dans son lit.

 

***

 

Le lendemain, au Journal, Délila apprend qu’il n’y a pas eu de meurtre la nuit dernière, c’est un véritable soulagement pour elle. Peut-être est-ce la fin du cauchemar ?

T’as mal dormi ? la questionne Drew en apercevant ses cernes.

J’ai fait des cauchemars.

Quel genre ?

Pas de meurtre, le rassure-t-elle, juste mon passé quand… bref, peu importe.

Alors que le jeune homme s’apprête à la questionner sur la nature de ses rêves, Claude et Anaïs pénètrent dans le bureau.

Monsieur Williams a confirmé sa venue ce lundi, annonce Claude. Il résidera chez toi, le seul moyen de te protéger efficacement.

Délila roule des yeux. Elle n’a aucune envie de voir débarquer cet inconnu chez elle.

J’ai vérifié son identité. Il a bien le droit d’exercer son métier et n’est pas présumé psychopathe.

Est-ce supposé la rassurer ?

Tu devras lui parler des deux vampires à éliminer.

Elle hoche la tête en signe d’acquiescement.

Comment compte-t-il les avoir ? s’intéresse-t-elle.

Il faudra lui poser la question.

Ce dont elle se passerait bien ! Elle a tellement peur qu’il sente quelque chose d’anormal chez son enfant.

Tu penseras à lui préparer une chambre ! s’amuse Claude.

Réflexion qui ne plaît ni à Délila ni à Drew.

Je ne compte pas te laisser partager ta maison avec un inconnu ! intervient ce dernier. Je viendrai également.

Voilà qui est noble de sa part. C'est tentant d’accepter, ainsi elle ne serait pas seule face à celui qui est supposé être son sauveur mais qu’elle voit comme un problème. Néanmoins, elle ne peut pas le permettre. Elle refuse de mettre davantage Drew en danger. S’il vit chez elle, cela pourrait donner des envies de meurtres à ses poursuivants.

C’est trop dangereux ! objecte-t-elle.

Pourquoi ?

Malheureusement, elle ne peut pas lui dire que les vampires le verraient et le tueraient à la première occasion pour l’atteindre, elle. Il comprendrait aussitôt qu’elle a menti et qu’ils tournent autour de sa maison.

Je refuse de te mêler à mes problèmes.

Ne fais pas l’enfant, Délila ! Je veux être avec toi.

L'intéressée fixe son amie, la suppliant du regard de lui venir en aide, mais cette dernière, ignorant tout de ce qu’il se passe pour elle, ne peut rien dire.

On en reparlera, lance-t-elle avant de reporter son attention sur son ordinateur, signifiant ainsi que pour elle la discussion est close.

Claude et Anaïs n’insistent pas et sortent de la pièce alors que Drew ne bouge pas, fixant toujours sa petite amie.

Je ne te comprends pas.

Elle lève la tête pour le regarder.

J’essaye de ne pas donner trop d’importance à cette histoire parce que je refuse qu’elle me bouffe l’existence.

Le jeune homme peut le concevoir. Mais ne pas lui accorder l’attention qu’elle mérite n’est-il pas dangereux ? Voire carrément suicidaire ?

Délila, soupire-t-il en posant ses mains sur ses épaules. Je… je ne veux pas qu’il t’arrive malheur, souffle-t-il en noyant son regard dans ses beaux yeux bleus.

La journaliste baisse les yeux, elle a bien trop peur de craquer si elle soutient son regard. Lui raconter la vérité serait un désastre. Il s’impliquerait dans son existence sans lui laisser voix au chapitre, elle refuse qu’il se mette en danger pour elle. Il a tellement souffert à cause des vampires. Il ignore que les deux Sangs Froids sont responsables de la mort de Peggy – sa fiancée. Ils étaient présents le soir du drame, aidant Sulli à s’amuser avec elle.

La jeune femme voudrait tout oublier, que rien ne se soit jamais produit. Sa vie idéale est bien loin de ce qu’elle endure en ce moment !

Ça ira, d’accord ? Monsieur Williams les aura abattus avant qu’ils ne m’atteignent.

Il hoche la tête, il aimerait en être aussi persuadé qu’elle. Il pose ses doigts sous son menton pour la faire relever la tête et pouvoir contempler son doux visage.

Je t’aime, susurre-t-il avant de poser délicatement ses lèvres sur les siennes.

 

***

 

Une nouvelle soirée d’angoisse pour Délila. Va-t-il se produire quelque chose ou peut-elle espérer être tranquille ?

Comme d’habitude, elle couche son enfant après le dîner, caressant ses cheveux noirs jusqu’à ce qu’il s’endorme, sans pouvoir s’empêcher de penser à Sulli. S’il avait été en ville, jamais personne ne l’aurait ennuyée.

Ses pensées s’égarent jusqu’au château qu’il a habité, rénové puis finalement vendu. Et lui, qu’est-il devenu ?

Le Duc Lancaster faisait beaucoup parler de lui à l’époque, peut-être devrait-elle suggérer à Claude de prendre des nouvelles de la propriété.

Elle se rabroue aussitôt. Pourquoi ferait-elle cela ? Quel intérêt ? N’a-t-elle pas décidé de vivre sans lui ?

Elle sursaute en entendant frapper à sa porte.

Délila regarde son petit ange endormi et se hâte d’aller voir qui l’importune. Elle ne commet pas la bêtise d’ouvrir, sachant déjà qui sont ses visiteurs. Elle regarde dans le judas : personne.

Elle soupire. Ont-ils décidé de jouer à nouveau avec elle ?

Elle entend des voix dans sa tête, une femme qui prononce son prénom, insistant sur chaque syllabe.

Ça suffit ! hurle-t-elle. Laissez-moi tranquille !

Quand la mort t’emportera ! répond la voix de Rosalie dans son crâne.

Puis plus rien.

Délila ne bouge pas, attend que sa respiration se calme et que la peur se dissipe avant de gagner sa chambre où elle se glisse entre ses draps de soie rouge.

Elle ferme les yeux et s’endort rapidement comme mue par la volonté d’une entité puissante. De suite, elle est projetée dans ses souvenirs avec Sulli : la traque, le marquage… Sans même qu’elle s’y attende, elle se voit devant son téléviseur, plongée dans un film comique, puis sa porte qui s’ouvre dans un fracas assourdissant. Elle, bondissant du canapé alors que des pas retentissent dans le couloir. Pétrifiée par l’effroi, elle ne parvient pas à esquisser le moindre mouvement, encore moins quand deux personnes se postent devant elle.

Narcisse et Rosalie.

Elle déglutit difficilement, sentant l’heure de sa mort proche.

Les deux vampires dévoilent leurs canines acérées avant que Rosalie ne fonde sur elle. Délila hurle en se débattant, ce qui la sort de son sommeil. Elle se réveille en criant, s’agitant entre ses draps avant de réaliser qu’elle n’est pas en danger, que ce n’était qu’un mauvais rêve.

Elle est en sueur, le cœur affolé, quand elle se lève pour aller boire un verre d’eau.

Délila a bien du mal à reprendre ses esprits. Elle s’est vue attaquer. Elle est certaine que c’est un rêve prémonitoire, sa triste fin. Assassinée par les vampires qui la convoitent.

 

***

 

Encore une journée bien difficile au bureau où Délila peine à garder les yeux ouverts. Elle n’a que peu dormi la nuit précédente, les cauchemars brisant son sommeil.

Finalement, peut-être que la présence du chasseur sera bénéfique pour elle.

En tout cas, elle commence à le croire, même si elle tait encore la vérité sur ses nuits à ses amis.

Pourra-t-elle la cacher à Wayne Williams ?

Et si toutefois elle est contrainte de la lui révéler, pourra-t-elle lui faire confiance ?

 

 

 

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