Chapitre 25

 

 

 

Même si Wayne était dans sa maison depuis peu, Délila s'était habituée à lui, à une présence chez elle. Ce soir, c'est seule avec son enfant qu'elle passe le seuil de sa demeure vide. Elle est maussade en ouvrant la porte de derrière à Sparky qui se précipite à l'extérieur.

Comme pour rendre les choses plus réelles, elle va dans la chambre d'amis et constate qu'elle est complètement vide.

La jeune femme retient ses larmes, réalisant qu'elle ne supporte plus la solitude. Elle prend les clés de la boite aux lettres et va relever le courrier, prenant dans sa main la clé de chez elle qu'elle avait prêtée à Wayne.

Il est temps qu'elle se trouve un compagnon ! constate-t-elle.

Comme avant que le chasseur n'arrive dans sa vie, elle ferme ses volets dès les premières lueurs de la nuit. Puis s'attèle à la préparation du repas qu'elle partage avec son enfant avant de le doucher et de le coucher.

Une fois seule, elle a l'impression d'entendre des bruits. Être à l'affût du moindre mouvement ou son la rend complètement paranoïaque.

Sparky est couché sur le tapis du salon, il n'esquisse aucun mouvement et dort paisiblement.

Délila maudit son chien en cet instant ! Bien trop endormi pour entendre l'extérieur inquiétant. Sa peur devient phobique et la fait trembler.

Quand la porte d'entrée s'ouvre, elle hurle.

Bastian se précipite sur elle pour la calmer.

C'est moi !

Lorsque la jeune femme réalise qui se tient devant elle, elle le laisse la prendre dans ses bras pour la détendre.

Y'avait du bruit, bafouille-t-elle toute tremblante.

Il n'y a rien dehors, rassure-toi.

Le vampire caresse son dos un instant avant de la lâcher.

Je te protégerai, mon cœur, n'aie crainte.

Elle hoche la tête tout en le remerciant.

Quand elle se sent mieux, Délila exprime l'envie de discuter avec lui.

Je t'écoute.

Tu étais fâché parce que tu pensais que je m'étais moquée de toi. Je veux que tu saches que c'est faux.

Le vampire soupire, revenir là-dessus ne lui présage rien de bon. Il aurait préféré qu'ils oublient et passent à autre chose.

Je ne le suis plus.

Je t'ai aimé, Bastian...

Sans le savoir, elle vient de prononcer une phrase qu'elle n'aurait pas dû. Délila pensait lui faire du bien, alors qu'elle réveille un démon.

Dois-je comprendre que ce n'est plus le cas ?

Lui, qui avait envie d'une vie de couple avec elle, le ressent comme une trahison.

La jeune femme, qui n'avait pas prévu cette question, se sent un peu perdue. Si elle décide d'être totalement honnête avec lui, il partira en claquant la porte, c'est une certitude.

Que doit-elle faire ?

Les choses ont changé, tente-t-elle.

Un non aurait suffi.

Ce n'est pas si simple, réplique-t-elle. Tu as beaucoup compté pour moi.

Bien sûr. En tant que bouée de sauvetage.

T'as pas le droit de dire ça !

Je dis ce que je veux !

Le vampire fait quelques pas dans la pièce, sa nervosité dérange le chien qui commence à grogner. D'un regard glacial, il calme Sparky qui va se coucher dans un coin de la pièce, en couinant, la queue entre les jambes.

Tu n'étais pas obligé ! lui reproche Délila.

J'avais tort de penser que tu avais pu changer, dit-il sans faire attention à sa remarque. Tu es restée la même, amoureuse de Sulli, te servant de moi pour sécher tes pleurs.

C'est faux ! Enfin...

Silence ! s'écrie-t-il.

Elle n'aurait pas dû réclamer à avoir cette discussion aujourd'hui. La journée avait pourtant mal commencé, c'était sûr qu'elle ne pourrait pas finir autrement.

Elle a perdu Drew ce matin, elle perdra Bastian ce soir.

Je sais très bien ce que je dis ! Mais c'est la dernière fois que tu te joues de moi.

Je n'ai pas...

Ferme-la ! exige-t-il en la poussant en arrière.

Il la maintient contre la paroi de ses deux mains sur ses épaules.

Prouve-moi que j'ai tort, réclame-t-il, suppliant, dans un sursaut de lucidité.

Je n'ai pas couché avec un inconnu après t'avoir quitté, souffle-t-elle.

Alors... comment as-tu conçu ton fils ?

C'est Illeana, en me rendant la vie.

Les larmes roulent sur les joues de Délila.

Bastian comprend ce qu'elle essaye de lui dire. Quand son corps a repris vie, la semence d'un vampire également. Mais le désespoir qu'il lit dans les yeux de la jeune femme lui prouve que ce n'était pas la sienne, mais bien celle de Sulli.

Encore.

Un vampire bafoué peut tenir des années avant de se venger, cocotte, dit-il en faisant glisser ses mains jusqu'au cou gracile de la jeune femme qu'il caresse.

L'emploi de ce surnom ne lui présage rien de bon.

Quoi ? questionne-t-elle, ne comprenant pas ce qu'il raconte.

Bastian ne répond pas. Il laisse ses doigts courir sur sa carotide, puis sa gorge avant de l'enserrer. Il plonge son regard sombre dans le bleu océan de ses yeux et serre plus fort.

Je suis celui qui désire te voir morte ! crache-t-il avec mépris.

Elle comprend, mais trop tard.

C'était lui la menace. Lui en qui elle avait confiance.

Elle pose ses mains sur les avant-bras de son agresseur et le griffe pour le faire lâcher prise.

Chose inutile puisqu'il ne ressent pas la douleur.

Pourquoi a-t-il fait ça ?

Elle n'a pas besoin de lui poser la question, elle l'a compris. C'est une vengeance parce qu'elle l'a rejeté jadis. Peut-être que si elle avait accepté ses avances ce soir tout aurait été différent, elle ne le saura jamais.

Elle se sent partir, l'air lui manque, sa respiration se fait plus saccadée, ses yeux se ferment. Elle se laisse rapidement glisser dans les profondeurs de la mort.

 

***

 

Il a plus d'une dizaine d'appels en absence et un message sur son répondeur.

Sulli hésite entre le supprimer et l'écouter. Mais comme il provient de Wayne, au même titre que les appels en absence, il choisit de l'entendre.

Sulli, je te dis adieu. J'ai une nouvelle mission et je repars dans l'Ontario. Bastian veillera sur Délila, j'aurais aimé que tu le fasses également. Dieu seul sait de quoi est capable celui qui la traque !

Le vampire efface le message.

Il serre les poings en imaginant sa bien-aimée avec Bastian, son rival depuis tellement d'années. Ils ont beau être amis, il ne lui fera jamais confiance.

Que doit-il faire ?

Se laisser consumer par la jalousie et disparaître ? Ou aller chez Délila et mettre ce voyou dehors avant de tenter de regagner le cœur de sa belle ?

Est-ce qu'au moins cela pourrait être possible ?

Il refuse de réfléchir, il veut juste ne pas la savoir seule avec lui.

Sans perdre un instant, il se précipite chez elle.

N'ayant pas quitté la ville, il y est en quelques secondes. Il voit la lumière filtrer à travers les volets, il imagine qu'elle regarde la télévision, seule ou en compagnie de l'autre vampire.

La jalousie le dévore encore un peu.

Sans s'annoncer au préalable, il entre dans la maison. Ce qu'il voit le terrifie. Bastian a ses mains autour de la gorge de sa victime.

Sulli se rue sur le vampire, le faisant lâcher sa proie qui s'écroule, inerte. Refusant de se battre ou de perdre du temps, il lui arrache le cœur, l'extrayant de sa poitrine sans mal avant de le laisser tomber sur le parquet auprès du corps raide du vampire.

Il se précipite ensuite sur Délila qu'il prend dans ses bras en la suppliant d'ouvrir les yeux. D'un doigt sur sa carotide, il sait que son cœur bat encore.

Ouvre les yeux, ma belle, souffle-t-il.

Il lui met de petites tapes sur les deux joues pour qu'elle reprenne conscience. Il a terriblement peur qu'il soit trop tard et s'en veut d'avoir si longuement hésité à écouter le message de Wayne et à venir. Il se reproche son attitude – s'il n'était pas parti, rien ne serait arrivé – avant de réaliser que c'est Bastian qui l'a poussé à s'en aller. Il en conclut qu'il voulait le champ libre pour s'en prendre à la jeune femme.

Pourquoi ?

Une idée se fraye dans son crâne, bien qu'il la repousse car c'est juste absurde, impossible... Mais il finit par y croire.

C'était lui la menace, lui qui avait placé un contrat sur la tête de Délila.

Il s'en veut de n'avoir rien vu.

Délila, supplie-t-il en caressant son visage.

La jeune femme cherche son air avant de tousser.

Calme-toi, ma belle, je suis là.

Terrorisée, elle lève ses yeux sur le vampire l'étreignant : Sulli. Puis elle scrute la pièce du regard et découvre le corps sans vie de Bastian. Son agresseur. Les larmes perlent de ses yeux, elle n'arrive pas à y croire. Et pourtant. À bout, elle s’effondre dans les bras de Sulli.

Viens, requiert-il en la soulevant.

Il la prend dans ses bras pour la déposer sur le canapé, restant un instant contre elle pour qu'elle reprenne ses esprits.

Je vais me débarrasser de son corps avant qu'il se décompose.

Elle hoche la tête tout en se recroquevillant sur elle-même, les joues baignées de larmes. Elle s'est vue mourir.

Sulli dépose un tendre baiser sur son front avant d'ouvrir le volet et la porte-fenêtre. Il aperçoit Sparky terrorisé dans un coin et s'approche, lui tendant sa main pour qu'il le sente.

Le chien se laisse caresser.

Il saisit ensuite le cadavre qu'il conduit à l'extérieur pour le faire disparaître.

Délila réalise qu'elle aurait dû comprendre que les intentions de Bastian étaient mauvaises quand il a terrifié l'animal d'un regard. Mais elle croyait en lui, lui faisait confiance.

Il n'était animé que par la haine, la rancœur et l'envie de vengeance.

La jeune femme se laisse aller et pleure tout son soul...

Sulli revient quelques minutes plus tard, il ferme la porte-fenêtre et le volet avant de s'asseoir sur le canapé où il prend l'humaine dans ses bras. Il la serre contre lui comme pour la protéger alors que le mal est déjà fait, qu'il aurait pu arriver trop tard.

Je m'en veux, dit-il après plusieurs minutes de silence.

Ce n'est pas de ta faute, assure-t-elle en s'écartant pour le regarder dans les yeux. Tu ne pouvais pas savoir.

Elle caresse sa joue, se heurtant à sa barbe de quelques jours.

Je suis contente que tu sois là. Tu m'as manqué.

Le vampire ne répond rien, étonné par cette déclaration.

La jeune femme caresse à nouveau sa joue avant de poser ses lèvres sur les siennes.

Ahuri, Sulli recule.

Mais qu'est-ce que tu fais ?

Délila repart à l'assaut de ses lèvres sans essuyer de refus cette fois. Il se laisse aller contre elle, la pressant contre son corps de roc, la désirant ardemment... Quand elle caresse sa langue de la sienne, il ne répond plus de rien, et rend les armes...

Mais une personne les interrompt, faisant retomber les désirs de Sulli comme un soufflet raté.

Papa ?!

 

 

 

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