Pierre Chareau, Paire de lampes
« LP998 », vers 1930-1932.

Albâtre, hauteur : 25 cm.

Collection privée, Paris.

 

 

Programme de l’exposition

 

Ainsi, de toutes parts, une époque transformée par le progrès scientifique et l’évolution économique, bouleversée politiquement et socialement par la guerre, s’affranchissait à la fois du pastiche anachronique et des illogiques fantaisies. Tandis que l’invention de l’artiste reprenait ses droits, la machine, cessant d’être un instrument de décadence intellectuelle par la diffusion des copies ou la contrefaçon des belles matières, faisait pénétrer partout les créations d’une esthétique originale et rationnelle. Il manquait à ce mouvement mondial un soutien plus efficace de l’opinion, une compréhension plus claire du public. C’est cette consécration triomphale que pouvait lui apporter une Exposition. Mais, au lieu d’un bazar destiné à montrer la puissance de production respective des nations, il fallait qu’elle fût une présentation de choix tournée vers l’avenir.

Quand l’Exposition, prévue pour 1916, puis ajournée du fait de la guerre, fut de nouveau envisagée en 1919 par les pouvoirs publics, des modifications s’imposaient. Le projet de classification de 1911 ne comportait que trois groupes : l’architecture, le mobilier, la parure. Les arts du théâtre, de la rue et des jardins, qui étaient des sections spéciales, devaient logiquement constituer un nouveau groupe. Le nouveau projet comportait aussi, dans son titre, une adjonction significative. L’Exposition devait être consacrée aux arts décoratifs et « industriels ». C’était affirmer une volonté de coopération étroite entre la création esthétique et sa diffusion par les puissants moyens de l’industrie. À côté des fabricants, les fournisseurs de matériaux devaient aussi avoir une large place, grâce à la conception qui inspira les présentations de 1925. Tout entier d’ailleurs, l’art décoratif moderne devait être donné comme une réalité vivante, pleinement appropriée à des besoins actuels, esthétiques et matériels. Un carreau de revêtement céramique, une étoffe de tenture, un papier peint, n’ont leur raison d’être que sur la muraille qu’ils doivent parer. Le mode idéal de présentation était donc la réunion d’un certain nombre de demeures modernes, entièrement décorées à l’extérieur et à l’intérieur, à côté desquelles seraient montrés des magasins, des bureaux de poste, des salles d’école, constituant une sorte de réduction d’une ville ou d’un village moderne.

Ces conceptions devaient, au reste, inspirer les dispositions générales adoptées pour l’utilisation des emplacements concédés et la répartition des œuvres qu’on s’était préoccupé de placer dans leur milieu. On déterminait ainsi quatre modes principaux de présentation : dans les pavillons isolés, dans les boutiques, dans les galeries de l’Esplanade des Invalides, dans les salles du Grand Palais. Les pavillons isolés, réservés à des groupements d’artistes, d’artisans et d’industriels devaient figurer des maisons de village et de campagne, des hôtelleries, des écoles, voire même des églises et des mairies, en un mot, tout le cadre de la vie moderne. Les boutiques marquaient l’importance accordée à l’art urbain et offraient la possibilité de présenter des devantures, des étalages, constituant des ensembles à la fois variés et homogènes. Les galeries, relevant plus particulièrement des groupes de l’architecture et du mobilier, permettaient des compositions d’ensemble reliées à la Cour des Métiers, qu’encadraient le théâtre et la bibliothèque. Elles devaient constituer la partie monumentale de l’Exposition. Enfin, l’aménagement intérieur du Grand Palais se prêtait à des répartitions systématiques par classes.

L’Exposition suscita longtemps à l’avance, par l’émulation qu’elle provoqua chez les artistes et les industriels, une activité nouvelle. Les efforts des créateurs furent notablement encouragés par les groupements d’esprit moderne qui s’étaient multipliés et firent une active et efficace propagande. L’étranger n’attacha pas moins d’importance que nous-mêmes à une confrontation qui devait permettre à la plupart des pays de comparer leurs efforts et d’enrichir leurs conceptions. Ainsi, l’esprit de l’Exposition n’était pas un dogmatisme centralisateur, un modernisme officiel. Bien loin d’imposer une formule, de concrétiser un style, la manifestation de 1925 s’affirmait comme une enquête destinée à révéler les tendances de l’art contemporain, et à en montrer les premières réalisations. Le seul mot d’ordre était : production originale, appropriée aux besoins, universels ou locaux, de notre époque. Mot d’ordre que n’eût désavoué aucun des grands siècles passés, qui ne furent grands que parce qu’ils furent créateurs.