Les ensembles mobiliers de la Suède sont aristocratiques dans leur idéal et populaires dans leur application. L’art du home suédois était peut-être déjà le plus démocratique de l’Europe. Il répondait aux besoins des intellectuels, des classes moyennes et d’une partie du peuple. Cette clientèle le faisait vivre, alors que chez nous les artistes n’ont guère travaillé jusqu’ici que pour les privilégiés de la fortune. Nous donnons souvent à nos productions artistiques le nom d’industries de luxe. Cette appellation serait fausse en Suède où l’effort commercial tend plutôt à réaliser le confort bourgeois. Pendant les années 1920, traditionnelle et cependant adaptée à la vie présente, la production suédoise s’inspire à la fois du folklore, des styles français importés aux XVIIIe et XIXe siècles, enfin des conditions de la fabrication moderne, dès qu’on cessait de se borner à la pièce unique.
En 1874, suivant l’exemple de l’Angleterre, la Suède fit de grands efforts pour rendre au travail manuel une vitalité diminuée par les progrès du machinisme. À cette époque furent créées la Société des amis du travail et les Associations pour l’art domestique qui recherchèrent les types des vieux ouvrages paysans. Dans le domaine de l’architecture et du mobilier, la tradition s’est trouvée en liaison avec le Louis XVI et l’Empire français. Le grand siècle artistique suédois, le XVIIIe siècle, avait profondément ressenti l’influence de notre culture. Plus tard Bernadotte avait importé la mode des décorations conçues dans le goût de Percier et Fontaine. Ainsi entre 1770 et 1820, les styles français s’étaient installés au cœur même de la vie nationale prenant, au contact d’un peuple de mœurs patriarcales, un caractère très spécial. Aussi lorsqu’on fit appel au régionalisme artistique, on vit renaître un classicisme assimilé par le peuple suédois.
Un architecte décorateur et ébéniste, Carl Malmsten, a su donner à ces tendances une expression unitaire. Il oriente la décoration intérieure vers un rationalisme aimable encore empreint du passé, conservant même dans sa couleur une patine vieillie qui présente un très grand charme. Cette conception du meuble est évidemment éloignée de celle d’un Chareau, d’un Montagnac ou d’un Dufrène et ce n’est pas, comme on pourrait le penser, la seule richesse des matériaux qui les différencie. Malmsten et ses disciples Carl P. Bergsten, Hörvik, Ture Ryberg, à côté de qui il faut citer la Nordiska Kompaniet, la Svenska Möbel-fabrikerna, la Société Blomqvist, sont beaucoup plus près de nos ébénistes régionaux, de ceux qui dans les pavillons des Alpes-Maritimes et de la Provence ou dans la Maison bretonne, ont, à des prix abordables pour la petite bourgeoisie, rajeuni les formules locales. Le pavillon national, lui aussi, présentait à l’intérieur un mélange de classicisme et de folklore. On était frappé du sentiment classique qui y régnait, alors que les meubles, tapis et objets divers portaient l’empreinte d’une origine populaire. On ne saurait trop souligner cet exemple d’une volonté qui tendait à embellir le décor de la vie quotidienne, non par des œuvres de haut luxe, mais par des objets usuels d’une réelle valeur artistique et accessibles au peuple.
Le peuple tchécoslovaque a le sens de l’ornement. Les vieux métiers ont toujours maintenu leurs traditions. Le gouvernement des années 1920, préoccupé d’affirmer les qualités originales de son peuple, a su faire appel au fonds populaire. Les Tchèques, qui sont les Slaves les plus occidentaux, se trouvent au carrefour de deux peuples et constituent entre elles une transition. Au premier étage du pavillon national était exposé un mobilier complet exécuté par les professeurs et les élèves de l’École des arts décoratifs de Prague. Cet ensemble destiné à un château de Prague, résidence des rois de Bohême, était d’une ordonnance grandiose. Les meubles s’harmonisaient avec les vastes dimensions de la pièce et sa décoration somptueuse. Cette pièce contenait les premières tapisseries du type des Gobelins produites en Bohème et un tapis de plus de cent mètres carrés réalisé dans un institut d’enfants mutilés.
Sur l’Esplanade une importante galerie renfermait plusieurs ensembles dont le projet général était dû à l’architecte Lozek et dont des ébénistes tels que Pisch, Strnad et Vanicek, avaient assuré l’impeccable exécution. Ces travaux prouvaient la maîtrise des artisans tchécoslovaques. Si parfois ces intérieurs nous donnaient l’impression d’une excessive froideur, ils présentaient un équilibre allié à l’application d’une technique consciencieuse affirmant l’habileté des travailleurs tchécoslovaques dans tous les ouvrages du bois. Les résultats obtenus sont des plus encourageants, tout à l’honneur d’une nation ayant organisé la vie artistique du pays. Les ameublements répondaient à un style volontairement conçu pour l’existence moderne, intelligemment adapté aux besoins du xxe siècle.