Afin de réaliser une étude la plus complète possible sur le sujet de la maternité et de la petite enfance en Égypte ancienne, j’ai réuni un large corpus de documents, allant de la période prédynastique à l’époque romaine et émanant de divers champs scientifiques tels que l’iconographie, l’archéologie, la médecine, l’épigraphie, la littérature, l’anthropologie, ou encore, l’ethnologie.
Un premier constat, fondamental pour comprendre les limites de cette documentation, montre que la majorité des sources recueillies est dépourvue de toute individualisation. Ainsi, la plupart des nourrissons figurés dans l’iconographie sont l’expression de l’Enfant et non d’un sujet réel ; les statuettes et figurines de femmes et/ou d’enfants sont offertes anonymement dans les temples ; les décrets oraculaires censés faire connaître la réponse personnalisée des dieux vis-à-vis d’un souhait de fécondité livrent en réalité des formules conventionnelles répétitives d’un papyrus à l’autre ; les traitements et autres tests livrés dans les papyrus gynécologiques et iatromagiques* proposent des méthodes et suivis globaux et non particuliers, à l’instar des incantations et des rituels magiques visant à protéger la femme enceinte puis la mère et l’enfant ; enfin, l’horoscope de l’enfant est établi à partir d’un calendrier général indiquant les jours fastes et néfastes de l’année. Les informations sur lesquelles se fonde ce travail reposent sur une documentation dépourvue de toute personnalité, épurée de toute anecdote ou de toute intimité qui aurait pu nous faire entrevoir l’histoire particulière d’une femme ou d’un enfant.
À ces contraintes documentaires s’ajoute le fait que les sources sont extrêmement déséquilibrées selon les époques (voir Présentation des sources textuelles par genre et par datation) : à titre d’exemple, les papyrus iatromagiques qui documentent chacune des étapes principales menant du désir de maternité à la naissance d’un enfant datent du Moyen Empire ou des périodes suivantes, ce qui empêche toute généralisation aux époques antérieures. Il ne faut donc pas voir l’état de nos connaissances sur la maternité et la petite enfance comme un état uniforme à toutes les périodes. En outre, la maternité n’est pas envisagée et vécue de la même manière par toutes les Égyptiennes selon leur âge, horizon social, position dans la société ou encore désir intime. Si elles se retrouvent toutes sur un pied d’égalité face aux douleurs de l’enfantement et confrontées à un même risque de mortalité, le suivi obstétrique, les conditions d’accouchement mais aussi la qualité de vie durant le temps de la grossesse ne sont pas univoques.