INTRODUCTION

Maternité et petite enfance en Égypte ancienne est un ouvrage qui découle, en partie, de mon travail de doctorat en égyptologie mené sur la vie quotidienne des enfants et la perception de l’enfance par les adultes.

Présenter les fondements mêmes du périple des Égyptiennes pour accomplir ce long voyage, de leur désir de devenir mère à la naissance si périlleuse de l’enfant, m’a paru essentiel pour mieux comprendre et envisager la façon dont le nouveau-né était accueilli, protégé et élevé.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, la grossesse, la naissance et la petite enfance ont, jusqu’à présent, assez peu intéressé les égyptologues, ou de manière ponctuelle – à travers un article – ou anecdotique – en annexe à des thématiques plus générales consacrées à la femme ou à la famille –, mais jamais dans une étude plus large dédiée aux pratiques et aux croyances liées à la grossesse et à la naissance. Il en résulte que les études des relations de parenté perçoivent essentiellement l’enfant sous l’angle de la filiation, et plus particulièrement la vision et la considération de l’homme envers sa progéniture, ainsi que j’ai eu l’occasion de le démontrer dans Être un enfant en Égypte ancienne.

Cet ouvrage a donc vocation à pallier un manque bibliographique sur la maternité, mais également sur la petite enfance qui n’a guère suscité plus d’intérêt dans le milieu égyptologique.

La maternité et la petite enfance en Égypte ancienne seront abordées à travers cinq thématiques distinctes.

Un premier chapitre s’attachera au désir de maternité des femmes de l’Antiquité. Répondant à un désir physiologique et affectif naturel, le souhait de devenir mère doit avant tout satisfaire à des impératifs familiaux et sociaux, car l’infertilité est souvent un motif de répudiation. Quand l’attente se fait trop longue, de nombreuses divinités sont appelées à l’aide. Les revenants peuvent également être invoqués, mais avec précaution. En effet, la croyance populaire veut que les fantômes des défunts soient aussi responsables des fausses-couches et de l’infertilité féminine. Enfin, on peut également se tourner vers le médecin qui assure une naissance prochaine, pour peu que l’on suive à la lettre des prescriptions parfois fort déroutantes.

Lorsque les dieux, les revenants ou les médecins ont répondu aux prières des couples en favorisant leur désir d’enfant, s’ensuit le temps de la grossesse, connu par quelques recommandations obstétriques visant essentiellement à déterminer si l’accouchement se passera bien ou s’il faudra prévoir des complications. Ce chapitre nous donnera l’occasion de faire un point sur le statut du fœtus en Égypte ancienne.

Du temps de la grossesse, nous passerons à celui de la naissance, périlleux et dangereux, tant pour la mère que pour son enfant, à une époque où l’extraction instrumentale et probablement la césarienne n’existent pas. Des protections magiques et des traitements médicaux en tout genre sont déployés au moment de l’accouchement. Ils tentent de favoriser au mieux la naissance en limitant les souffrances de la parturiente. Ce moment extrêmement intime où la vie et la mort se disputent l’existence de deux êtres particulièrement faibles et vulnérables constitue, par essence même, un rite de passage pour la femme qui devient mère et pour l’enfant qui s’affranchit de sa vie intra-utérine en devenant un membre à part entière de la société.

L’avenir et la protection du nourrisson seront abordés dans le quatrième chapitre. La survie du nouveau-né au moment crucial de l’accouchement ne met toutefois pas un terme à l’inquiétude des parents quant à sa viabilité. En effet, les taux de mortalité en période périnatale sont particulièrement importants (on estime qu’un nouveau-né sur trois meurt à ce stade). Des prédictions de naissance sont établies par les dieux, mais également par un calendrier horoscopique qui annonce invariablement, chaque année, les jours fastes et néfastes. Le sort de l’enfant est scellé en fonction de son jour de naissance qui fixe la façon dont il mourra. Dans quelques cas plus ponctuels, le calendrier augure de l’échéance à laquelle le destin s’accomplira. À ces prédictions d’avenir font écho les pronostics de naissance établis par les médecins sur la base de tests de viabilité destinés à prévenir les parents de la survie du nourrisson durant sa période périnatale ou, au contraire, de sa mort prochaine. Point de fatalité toutefois à l’encontre de ces divers présages funestes. Les anciens Égyptiens ont mis au point tout un éventail de protections surnaturelles et de recommandations iatromagiques* destinées à veiller, de façon optimale, sur la santé du nourrisson.

Le soin et l’entretien de l’enfant en bas âge seront appréhendés dans le dernier chapitre du livre. Il s’agira de se pencher sur la considération accordée aux enfants qui naissent pourvus d’un ou plusieurs handicap(s) physique(s) engendrant parfois une déficience mentale. Comment ces enfants sont-ils perçus ? Sont-ils intégrés et élevés à l’instar des autres enfants de la famille ou, au contraire, exclus, rejetés de leur foyer, de leur communauté, voire même mis à mort ? De l’attention accordée à l’enfant égyptien handicapé, nous passerons à une thématique plus prosaïque concernant l’alimentation des nourrissons. Nous aborderons le sujet de l’allaitement et verrons s’il s’agit ou non de l’unique mode de nourriture pour les plus jeunes. Enfin, la dernière partie de ce chapitre abordera la question de l’entretien élémentaire de l’enfant en bas âge à travers les thématiques de l’habillement et de la coiffure.