Chapitre 3

La route serpentait à travers les collines de la région de Saschiz. Une Porsche Panamera noire qui semblait contaminée par la nervosité de la femme assise sur la banquette arrière rugit et fit un appel de phares. Le conducteur de la Citroën qui arrivait en face s’écarta en râlant, s’insurgeant contre ces grossiers nouveaux riches. Il n’était pas arrivé au terme de ses imprécations que les occupants de la Porsche étaient déjà loin. Et s’ils l’avaient entendu, ils s’en seraient probablement moqué. La femme portait un tailleur orange dont la jupe dissimulait avec peine ses jambes aux muscles saillants. La veste était poétiquement fermée par une écharpe Hermès camouflant les rides de son décolleté. Deux ordinateurs portables ouverts se trouvaient à portée de sa main et le téléphone qu’elle tenait à l’oreille semblait l’avoir interrompue au beau milieu d’une activité importante. La voix de l’interlocuteur qui aboyait des ordres portait jusqu’aux oreilles du chauffeur et du passager avant, un type taillé comme une armoire à glace. Au bout de deux bonnes minutes pendant lesquelles la femme avait en vain tenté d’articuler quelques mots, elle dit :

— Cette fois-ci, il ne nous échappera plus. Je vous le promets !

Puis elle raccrocha et s’adressa aux deux hommes :

— Vous êtes bien certains d’avoir fait tout ce que je vous avais demandé ?

Le chauffeur marmonna qu’il s’était personnellement assuré que tout avait été fait selon les ordres et que ses hommes sur le terrain le tenaient informé du moindre mouvement. Tous leurs messages s’affichaient d’ailleurs sur l’écran de l’ordinateur de bord. La femme les avait lus, elle aussi. Elle pouvait en avoir le cœur net.

— Tu es sûr d’avoir choisi des gens de confiance, cette fois-ci ? Je ne veux pas qu’on se retrouve avec un nouveau Marseille. Ou pire, un nouveau Cologne. Et qu’ils nous filent encore entre les doigts comme si nous étions des débutants.

Le chauffeur en était sûr, et l’armoire à glace confirma d’un signe de tête.

Pour une femme comme Bella, les filatures représentaient une perte de temps. Un ennui sans bornes et un effroyable gaspillage de ressources. C’était une femme d’action. Si bien que la mission qu’on lui avait confiée l’insupportait au plus haut point. Mais les ordres sont les ordres, et elle était habituée à les exécuter sans faire de commentaire.